Tour du Monde sur un podium

Fancy-fair. — Cet après-midi, à la fête de fin d'année de l'école fondamentale de ma fille, à Namur, en compagnie de Maïté et de mon père, de nombreuses questions m'assaillent, tel le guerrier semi-nomade du même nom*... Par tous les saints du calendrier, qui donc sur cette Terre a eu pour la première fois l'idée saugrenue de placer des petits enfants sur une scène et de les faire danser au rythme de chorégraphies ridiculement asynchrones ? Pourquoi, à chaque fois, les mélodies choisies (« Chaud Cacao », « Pandi-Panda »...) sont-elles des daubes intersidérales ? Pourquoi certains parents se sentent-ils obligés de filmer leur petit bout de chou d'une main tremblante en leur faisant des signes de l'autre main toutes les seize secondes ? Et enfin, pourquoi les affichettes, les tickets boisson, les billets de tombola et les dépliants sont-ils de si mauvais goût ? Est-ce un concours ?

Je demande à Maïté, debout à côté de moi contre un des flancs du chapiteau, quel est l'intérêt de toutes ces simagrées. Elle me répond que certains enfants apprécient le fait d'être au centre de l'attention (d'autres, par contre, sont mal à l'aise, voire au bord des larmes). D'accord, et à part ça ? Du côté des parents, l'intérêt est souvent purement égoïste : il s'agit de regarder son ou ses gamins danser, puis de se lever de sa chaise pour aller acheter des pains saucisses et des bières. La preuve : au début de la première partie le chapiteau est rempli jusqu'à ras bord, alors que sur la fin il est aux trois quarts vide : les familles regardent leurs mioches puis se cassent en courant.

Comme thème (très original) de cette jolie fête : les pays du Monde. À l'arrière du podium, deux grands drapeaux : l'un belge, l'autre américain — est-ce une preuve d'allégeance ? Gaëlle, en première année primaire, est présente à deux moments du spectacle : la première fois pour représenter l'Alaska (l'histoire d'un pingouin qui voudrait aller voir les cocotiers, si j'ai bien compris) et la seconde fois l'Italie. Au cours de ces deux représentations, Gaëlle regarde les autres enfants afin de les singer sans le moindre complexe. Elle est en décalage complet par rapport à la chorégraphie : elle lève la main gauche quand il faut lever la droite, elle fait un tour sur elle-même au mauvais moment, etc. Mais vu que tout le monde est plus ou moins en décalage, cela ne se voit pas vraiment.

J'en viens à imaginer un tout autre genre de spectacle, durant lequel les petits enfants danseraient sur des musiques bruitistes expérimentales (comme Merzbow), sur de très longues plages post-rock, ou encore sur du trash metal... Sur fond de guitares hurlantes, les bambins sacrifieraient trois chèvres au milieu du podium et les déposeraient, sanglantes et encore chaudes, sur un pentacle dessiné à la craie à même le sol, afin de satisfaire les désirs de mort de Béhémoth... Maïté suit ma logique et me demande : « Comment s'appelle-t-il encore, ton groupe allemand, là, Einstürzende... ? » « Haaaa ! Einstürzende Neubauten... Très bon choix ! » On donnerait aux gosses des perceuses et des scies sauteuses à l'aide desquelles ils devraient improviser une musique industrielle... Une danse enfantine sur « Armenia », ça aurait une de ces gueules ! (Il faudrait cependant prévoir une cellule psychologique, pas loin de la scène, afin de gérer les nombreux cas de chocs post-traumatiques). Sind die Vulkane noch tätig?


Cannibalism of machine by Merzbow on Grooveshark
Pandi-panda by Chantal Goya on Grooveshark

Armenia by Einstürzende Neubauten on Grooveshark

Petites aventures ferroviaires sans conséquence.  — Ticket en main, devant un des guichets de la gare de Namur, j'expose mon problème à la préposée : « J'ai passé plusieurs fois le code-barre devant la cellule de détection mais rien n'y fait : la porte de la consigne ne veut pas s'ouvrir...
— Vous avez vu apparaître un message d'erreur ?
— Oui, "Ticket invalide !"...
— (Elle se tourne vers un collègue) Oh non, ce n'est pas vrai ! Ça recommence ! Il va encore falloir les appeler ! »

Elle me fait signer une décharge et me demande de l'attendre devant les guichets. Quelques minutes plus tard, je l'accompagne en direction des consignes. Elle dispose d'une procédure spéciale et d'un très long code pour accéder au panneau d'administration du système et forcer l'ouverture de la porte blindée... C'est aussi simple que ça... Elle me dit : « En journée, ça va encore, mais imaginez en soirée ! À partir de 21 heures, je suis seule au guichet et en plus, les gens sont beaucoup moins nets qu'à cette heure-ci... »

Un peu plus tard, au stand AMT Coffee de la gare, les vendeurs se sont recyclés dans l'humour de très haut vol. L'un demande à son collègue le café noir (avec UN glaçon) que je viens de commander et l'autre lui répond : « Pas de souchi ! » Le premier le relance : « On n'a pas de sushi ? Comme c'est dommage ! » (Ha-ha-ha, c'est éminemment drôle !) Étant donné que je suis d'humeur primesautière moi aussi, je leur fais part de ma déception de ne pas pouvoir commander de sushis. (Punaise, Hamil', t'as un humour de grand malade, mon vieux... Tout le monde jusqu'à la cathédrale Saint-Aubain est écroulé !) 

La discussion ne s'arrête pas là car j'apprends, je ne sais trop comment, que le premier vendeur participe à des reconstitutions médiévales. Je déteste les reconstitutions médiévales, mais je ne peux m'empêcher de lui lâcher (sans doute pour faire le malin) : « C'est amusant ! Je suis justement historien du Moyen Âge... » Il s'en fout complètement mais me signale, tout fier, qu'il suit une formation accélérée de six semaines pour être « moyenâgiste ». Je lui souhaite bonne chance dans son apprentissage et il me répond en guise d'au revoir : « J'espère que ça ira. Ça me coûte 650 euros ! » (Bigre ! Ce n'est pas donné, de nos jours, d'être un « moyenâgiste » !)

Le rêve de Léandra.  — À la Maison du Peuple, en soirée, Léandra (que je n'ai plus vue depuis un petit temps) me parle assez longuement de sa relation avec Jonas et aussi de quelques femmes de son entourage qui pourraient « me correspondre »... Encore cette histoire de dulcinée ! Un côté positif néanmoins : contrairement à ma grand-mère, Léandra ne veut pas me caser avec un mec (c'est déjà ça). Elle me parle aussi de l'intérêt que j'aurais à consulter un psychologue et de sa propre expérience en la matière. 

Mais on s'en fout un peu de notre vie, hein ?
Non ?

Plus intéressant : Léandra m'explique l'histoire qu'elle a rêvée la nuit dernière... Elle faisait partie d'une sorte d'équipe sous-marine (?) menée d'une main de fer (du moins au début) par le vieux Lewis (c'est-à-dire le président de mon ancien club de badminton — une précision pour ceux qui débarquent car les autres connaissent le bonhomme, évidemment). La situation lui fait penser au film d'aventures Les Goonies et est clairement inspirée de ses activités et lectures du moment (Le Scarabée d'or d'Edgar Allan Poe, entre autres). Au début du rêve, Lewis est en forme et mène vaillamment l'équipée mais, au fur et à mesure de l'escapade, perd peu à peu son souffle ainsi que son leadership. Léandra se souvient, presque gênée, de la conclusion : « À la fin, il était tellement épuisé que nous l'avons laissé tomber et avons continué l'aventure sans lui, en le laissant derrière nous... Je crois qu'il est mort seul. »  — C'est MOI qui aurais dû faire ce rêve ! 

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* De pire en pire, les jeux de mots, ici.

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