De l'art d'être un bon dresseur de Pokémons

La sauvegarde n'est pas automatique. — Chez mes parents. Gaëlle me montre l'écran de sa Nintendo 3DS : « Je ne comprends vraiment pas ! Le chemin est bloqué alors que tout à l'heure, tu avais chassé les rochers en parlant avec le scientifique ! » Ha-ha ! C'est le coup classique du jeu qui redémarre à partir d'une précédente sauvegarde ! Je scrute l'inventaire : des objets manquent, y compris ce troisième badge obtenu tout récemment dans l'arène cotonneuse de Volucité, cette métropole d'Unys où d'horribles clowns font la loi et offrent des bicyclettes aux enfants (non, non, je ne connais pas ce jeu : j'aide ma fille de temps en temps, c'est tout). 

Je dis à Gaëlle : « Nous sommes revenus à la situation de ce matin... Tu as relancé une ancienne sauvegarde. Il va falloir tout recommencer. » Son visage change d'expression. Pendant de très longues secondes, elle hésite entre la retenue et la crise de larmes. Son discours ne contient pas de virgule (le souffle d'un enfant est monstrueux et ne connaît pas de pause) : « J'étais en train de perdre un combat et je ne pouvais pas fuir parce que c'était contre un autre dresseur Pokémon alors j'ai éteint la DS pour arrêter le combat et je l'ai redémarrée en croyant que j'allais revenir juste avant la combat mais non non on a tout perdu ! Bou-hou-hou ! » — Mais Papa est un sauveur : il prend cette bête console et recommence tout depuis la précédente sauvegarde. Il est très fort car il a déjà passé des milliers d'heures à réaliser la même chose avec d'autres jeux tout aussi ridicules, lorsqu'il était gosse mais pas seulement.

Crier sur un enfant. — Elle trébuche dans le fil de sa propre console et je crie aussitôt : « Oh ! Gaëlle ! », simplement parce que je suis énervé depuis ce matin, allant jusqu'à oublier que dans ma famille, on ne crie pas sur les enfants. On les raisonne, on discute avec eux, on les éduque, mais on ne crie pas. Devant un enfant comme devant un adulte, le cri est déjà un constat d'échec.

« Mais elle a l'air si sage ! » — Au comptoir de la Maison du Peuple, quelqu'un me tape sur l'épaule : c'est Poulain Perspicace ! (Curieuse et lointaine idée que celle de donner le totem du chef de la Patrouille des Castors à cet ancien camarade d'histoire !) Il est assis à une table proche du bar avec sa compagne Talya et leur toute petite fille Lilas. Il m'explique rapidement que leur bébé a pris la mauvaise habitude de dormir le jour et de vivre la nuit. C'est un cas classique : je lui dis qu'il ne faut pas s'en inquiéter, qu'à partir de six mois, tout va mieux. Il me répond : « Tais-toi, malheureux ! Elle a seulement trois semaines ! » Oui, au démarrage, ça paraît long et pénible, mais par la suite on ne s'en souvient plus, ou si peu ! — Enfin, ça dépend des gens. 

Gaume. — Je m'installe à leur table en compagnie d'Andrew, qui vient de débarquer pour voir la dernière née. Poulain est d'origine gaumaise et nous donne une série de conseils en vue de notre futur séjour à Chiny : quelle boucherie fréquenter, quel boudin acheter, à quelle table s'asseoir et quels chemins parcourir... « Il y a moyen de se rendre à l'abbaye d'Orval à travers les bois. C'est à une dizaine de kilomètres de Chiny ! » ; « Pensez à faire la balade du Hat. Vous aurez un superbe panorama sur la Semois depuis le rocher ! » — Oui, d'accord, mais y a-t-il seulement le Wi-Fi dans le gîte ?

Chez Léandra, avec Andrew. — Je ne devais pas y aller mais j'y suis. Je ne devais pas manger mais je mange. Je ne devais pas rester mais je reste. Nous ne devions pas réfléchir mais nous réfléchissons : nous avons déjà beaucoup trop de devinettes visuelles pour la session actuelle... Mon carnet déborde littéralement de ces devinettes en devenir ! Qu'importe : nous les utiliserons plus tard, n'est-ce pas ?

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