9. Des Chinois dans la nuit

9.1. À la pause café, au boulot, Charlotte explique : « Quand j'habitais avec mon ancien copain à Montréal, une nuit, nous avons été réveillés par de fortes lumières... Nous avons regardé par la fenêtre et avons vu dans le jardin — nous habitions au rez-de-chaussée — une bande de Chinois qui s'étaient équipés d'une lampe frontale et avaient attaché des boîtes de conserve à leurs jambes. Nous nous sommes rendu compte par la suite qu'ils recherchaient... des vers de terre ! »
9.2. C'est tout de même formidable de terminer sa vie sur ces mots : « Mehr Licht ! » (mais l'a-t-il vraiment dit ?). Ce qui est intéressant, c'est qu'au moins deux interprétations sont possibles : Goethe voulait-il simplement qu'on ouvre la fenêtre pour laisser passer plus de lumière ou était-ce un dernier cri lancé au Monde : « Plus de vérité ! » ?
9.3. Mon mois préféré ? Août à coup sûr. C'est le mois des astronomes — il fait aussi bon qu'en juillet (du moins en théorie), mais le soleil se couche plus tôt — et aussi celui des romantiques — car à quel autre moment peut-on entendre avec autant d'intensité les grillons stridulant dans les champs moissonnés, à la tombée de la nuit ?

9.4. Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant. (Tacite) — « Où ils font un désert, ils disent qu'ils ont donné la paix. » (Est-il nécessaire de commenter ?)
9.5. Je n'ai pas grand-chose à dire pour le moment et ne sais si ce que j'écris possède un quelconque intérêt. Mais cela n'a pas d'importance, n'est-ce pas ?
9.6. Exigi monumentum aere perennius, écrit Horace dans le trentième et dernier poème du troisième livre de ses Odes... « J'ai achevé un monument plus durable que l'airain »... Constat qu'il continue par : « plus haut que les royales pyramides, que ni la pluie qui ronge, ni l'Aquilon ne pourront détruire, ni l'innombrable suite des années, ni la fuite des temps. (...) » — Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne se prenait pas pour de la merde.

9.6.1. Un des moyens d'éviter en partie la « Déesse funèbre » — comme il l'appelle dans la suite du poème — est-il d'entrer dans la postérité ? Quelque deux mille trente-cinq ans après la publication des trois premiers livres des Odes, Horace est toujours connu (et reconnu). Pour le moment donc, il gagne haut la main son pari... Ça lui fait une belle jambe, tiens !
9.6.2. Tant que nous sommes présents dans la mémoire des hommes, continuons-nous à exister ? — Non. Seule reste la marque extérieure (l'image faussée que les autres ont de nous), alors que l'intérieur est détruit. Certaines marques prennent plus de temps que d'autres pour disparaître, mais elles finissent tout de même par s'estomper complètement.
9.6.3. Dans la BD Amour et Intérim de Lewis Trondheim, un des personnages secondaires est obnubilé par l'idée de disparaître. Moins doué qu'Horace, le bonhomme décide d'empiler des caddies de supermarché afin d'avoir quelques lignes sur lui dans les journaux et par conséquent de laisser une trace (on laisse les traces que l'on peut)... Mais un gars brise son rêve d'infinie postérité en lui racontant, catégorique, qu'un Big Crunch succédera au Big Bang et qu'à ce moment, tout — absolument tout — sera effacé !

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