« Il n'y a pas de pardon dans cette histoire ! »

Je continue mes interviews de syndicalistes. Cet après-midi, deux bonhommes bien sympathiques (un typographe et un correcteur, tous deux anciens délégués syndicaux) qui contrastent avec les autres interviewés. C'est que ceux-là n'ont jamais fait partie d'un gros syndicat mais bien d'une petite structure autonome qui se revendique plutôt du mouvement anarcho-syndicaliste. « Chez nous, tout le monde était bénévole. Un gars a évoqué l'idée d'être rétribué en tant que permanent syndical. Il a été viré sur le champ ! »

« On pratiquait la vraie démocratie, mais ça ne marchait pas. »
« On préférait une structure horizontale à une structure verticale. »


Le typographe explique : « Un jour, en tant que délégué syndical, j'ai complètement merdé... Lors d'une négociation, j'étais d'accord avec le patron plutôt qu'avec la base. Je me suis rendu compte un peu plus tard de mon erreur et j'ai immédiatement donné ma démission... Évidemment. » (Woaw !)

Ces deux gars ont été les témoins directs de la métamorphose du fabuleux monde de la presse écrite. Le premier a observé, impuissant, la transformation profonde du métier de typographe initiée par la révolution informatique (suppression de la composition manuelle à partir de caractères en plomb et de linotypes) et a vu l'offset remplacer les anciennes rotatives. Le second fait un constat amer sur l'état actuel du journalisme : avant, les correcteurs avaient le souci du détail ; ils corrigeaient le fond, la forme, repéraient les erreurs de style et de ponctuation. Aujourd'hui, c'est devenu un vrai foutoir : même les grands journaux laissent passer des fautes typographiques et orthographiques monstrueuses. Tout le monde ou presque s'en balance. Et en plus, la presse de gauche a quasiment disparu du paysage médiatique... Misère du temps présent !

Mais peut-être sont-ils simplement vieux et nostalgiques ? — NON, ils ont raison : tout fout le camp !


Dans le tram, au retour, une dame semble complètement à l'ouest. Elle commence par regarder une passagère en poussant un soupir exaspéré. Ensuite, elle observe la paroi droit devant elle et se met à déclamer, moqueuse : « Ha, on veut retourner dans sa province ? Il n'y a pas de pardon. Il n'y a pas de pardon dans cette histoire ! Et la Wallonie dans tout ça ? Là, je ne sais pas... » Elle quitte le tram au niveau de la Porte de Hal : je n'en saurai donc pas plus pour l'instant.

Un peintre en bâtiment doit passer en début de soirée afin de prendre des mesures pour la réparation d'un petit dégât des eaux dans la chambre de Gaëlle. Il sonne chez moi à 18h45 : « Oui, bonjour Madame, c'est le peintre ! » Bien sympathique, il prend les dimensions de la pièce pendant quelques minutes, boit un verre d'eau, puis avant de partir me dit : « Je dois aussi passer à côté, dans l'autre appartement, mais le monsieur ne sera là que vers 19 heures... » À côté, il n'y a pas de monsieur, simplement ma voisine. Il a donc confondu nos deux appartements contigus et inversé les rôles ! J'aurais pourtant cru que le fait de voir un homme là où il pensait rencontrer une femme lui aurait suffi à comprendre sa méprise... Mais non !

Je passe la soirée avec Mary au Parvis de Saint-Gilles. Elle est de retour du Portugal.

« Franchement, Hamil, tu devrais aller voir un psy, toi aussi ! Tu pourrais lui parler de choses que tu ne dis pas, même à tes meilleurs amis ! Tu crois que tu dis tout, mais c'est faux. Et si tu paies quelqu'un pour lui parler de tes problèmes, cela crée une distance entre lui et toi... Au départ, je n'y croyais pas, mais c'est vrai !
— Si j'allais voir un psy, je lui dirais quoi ? Que quelque chose ne va pas dans mon comportement, mais que je ne sais pas mettre le doigt dessus ?
— Oui, tu pourrais commencer par ça ! »

« Si je devais aller voir un psy, dis-je à Mary un peu plus tard, ce serait directement le psychanalyste barbu fumant la pipe. Quitte à être dans le mythe personnel, autant aller jusqu'au bout du voyage ! »

« De toute façon, je n'irai jamais chez un psy car ce n'est pas moi qui décide de ce que je fais !
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Bien sûr que si !
— Non. C'est une illusion. Je n'ai pas le choix. Je peux dire que j'irai chez un psy mais je n'irai jamais chez un psy, en réalité.
— Hein ? »

« Ou alors... Est-ce que tu as déjà regardé la série Les Soprano ?
— Jerry m'en a déjà parlé...
— Dans cette série, il y a une psy qui est parfaite. Par-fai-te. Le docteur Melfi.
— Ha oui... Et il en tombe amoureux, c'est ça ?
— Oui. Mais comment est-il possible de ne pas tomber amoureux d'une femme pareille ? »

« J'ai appris qu'il était homosexuel et ça m'a fait un choc sur le coup. Mais depuis, je me dis que c'est tout de même assez logique...
— Pourquoi ?
— La plupart des mecs, quand on leur demande si un autre gars est beau, ils font : "Bah ! Je m'en fous, je suis un homme !", mais lui, si un mec est mignon, il va reconnaître sa beauté sans aucun problème. »
(C'est une preuve, ça ?)

On boit beaucoup de bières... De la Rochefort 8 principalement.

« Ton truc, là, sur l'amour, ça n'arrive jamais ! C'est faux ! Faut que tu arrêtes avec ça !
— Je ne peux pas. Je ne peux pas.
— Mais si !
(J'ai presque les larmes aux yeux.)
Nooooon... Je suis incapable d'être autrement que soit totalement amoureux, soit pas du tout...
— Mais tu vas rester toute ta vie célibataire !
Ouiiiii ! »

Quand je deviens hypersensible, ça veut dire que j'ai trop bu.
Quand je demande une cigarette, ça veut dire que j'ai beaucoup trop bu.
Fichtre ! Le lendemain sera difficile : je serai l'ombre d'une ombre.
L'ombre de ta main, l'ombre de ton chien...

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