Anti-journal

Ce matin,
au réveil, le miroir me renvoie comme chaque jour un noble et beau portrait : mes
cheveux (qui en disent plus long sur mon état psychologique qu'un test de
Rorschach) sont naturellement bien coiffés, mon visage est luxuriant – sans au-cu-ne
cerne s'il-vous-plaît ! –, mes yeux sont pétillants de joie de vivre. C'est moi
tout craché : reposé, confiant dans
l'avenir, sûr de moi ! La journée s'annonce excellente, comme toujours. Excellente ! Faut dire aussi que je suis d'un
optimisme patenté : ça énerve même certains de mes amis, mais tant pis pour eux
s'ils voient toujours le verre à moitié vide ! Je n'y peux rien, je suis comme ça. Un jour, ils
arriveront à voir le verre à moitié plein, eux aussi !
La matinée
au boulot est extrêmement intéressante (toutes les matinées le sont) : Lodewijk et moi revissons les boulons de vieilles bibliothèques métalliques qui ont
tendance à pencher un peu trop de tous les côtés. Certaines ressemblent même à la Tour de Pise !
J'adore bricoler, tout comme mon papa : ça me détend, ça m'éloigne de ce que je
fais au bureau, à savoir des activités par trop intellectuelles (je
n'aime pas me poser trop de questions). J'ai un chouette travail cela dit, à Liège
certes mais un "vrai" job d'attaché scientifique, comme on n'en trouve pas
beaucoup après des études en histoire ! Mon après-midi est tout aussi agréable que
la matinée... Je retravaille sur l'organigramme dont je parlais déjà hier dans
ce même journal : il faut que je rechange totalement tout son agencement, mais
ce n'est pas grave, je comprends : Rome ne s'est pas faite en un jour, comme on
dit !
Le soir, je
devais aller au cinéma (pour voir Melancholia
de Lars Von Trier) avec Léandra, Emily, Andrew et même Walter, mais les
intempéries – je l'apprendrai plus tard – ont empêché mon train direct
d'arriver à temps à Bruxelles. Le cinéma est annulé, par ma faute. J'ai le choix
entre deux plans de rechange : soit me rendre du côté du Cimetière d'Ixelles
pour rejoindre Emily, Andrew et Walter (ce dernier "n'a pas envie de bouger", c'est compréhensible), soit rester dans "mon
quartier". J'aurais été heureux de rejoindre les autres, surtout parce que
Walter était là et que j'adore quand il parle de son boulot, de sa voiture et
des projets géniaux que nous réservent les disciples de Milton Friedman, mais tout
compte fait, ayant eu une journée intéressante mais cependant assez crevante,
je décide d'aller simplement prendre un verre au Parvis, comme d'habitude
(c'est chouette, les habitudes, les routines…). Emily m'enverra par sms que je
suis un "lâcheur" et que "c'est le début de la vieillesse".
C'est vrai et j'en rigole tout seul dans le train.
Léandra
me rejoint au Parvis. Elle aussi respire la joie de vivre, pour le
moment. Elle a eu quelques problèmes avec son dernier amoureux en date, Jonas,
mais tout ça est derrière elle désormais... Elle n'y pense plus. Elle a clairement fait une
croix sur ce gars. Elle me ressemble fort sur ce point, même si j'ai moins
d'expérience qu'elle : une fois que c'est fini, c'est fini. Léandra ne pense pas au passé : tout son corps, tout
son esprit est dirigé vers l'avenir. Mieux : elle vit l'instant présent. Durant la soirée, nous ne parlerons
d'ailleurs pas une seule seconde de Jonas, ni des autres. Si ça avait été le
cas, ça m'aurait énervé et j'aurais eu envie de la secouer en lui criant :
"Mais arrête de te prendre la tête avec ce type, il n'en vaut pas la
peine, bordel !" (en fait, me connaissant, je n'aurais sans doute pas dit
ça comme ça). Mais ça n'a pas été le cas de toute façon, donc pourquoi se prendre la tête avec des "si" ?
Nous avons
passé une fin de soirée calme et improvisée chez Léandra autour d'un plat de
pâtes. Pas d'ordinateur allumé : ça fait du bien de se déconnecter du réseau.
Nous n'avons donc pas compulsé les statistiques Web de nos blogs respectifs. Ce n'est pas plus mal, je pense : qu'aurions-nous pu y trouver de toute façon ? Que des
gens de la Communauté française (de la Fédération Wallonie-Bruxelles, plutôt)
nous suivent ? Qu'une personne à Antony (France) a lu ce blog avec une certaine assiduité
? Que quelqu'un des alentours de Mons tape le nom de Léandra sur Google de
manière récurrente ? Voire même que je suis lu par un scout ? Je n'en saurai
pas plus aujourd'hui en tout cas.
Je rentre chez moi très tôt, pour ne pas m'endormir à des heures impossibles. Je lis un livre passionnant. J'ai une vie passionnante. J'écris un journal. Décidément, tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes possibles.
Sauf que...


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