Ce samedi après-midi, à Namur, une situation inhabituelle : je viens de quitter la « fancy-fair » de l'école de ma fille Gaëlle et je vais manger une glace en sa compagnie... mais aussi avec Maïté, sa maman, et Simon, son demi-frère (c'est la présence de ces deux-là pendant plus d'une heure qui est inhabituelle).
Sur le chemin du retour vers la gare, une situation vaut la peine d'être décrite (contrairement à ladite fancy-fair qui, comme toute fête d'école qui se respecte, est d'un ennui profond) : Simon veut prendre le jouet que Gaëlle tient en main (une sorte de chenille en plastique malléable). Gaëlle refuse. Simon rouspète. Alors Gaëlle lui crie un peu dessus : « Non, Simon, je ne veux pas que tu la prennes car tu ne voudras jamais me la rendre ! » Cinq minutes passent, nous sommes presque arrivés devant la gare et Simon a oublié jusqu'à l'existence de la chenille... Mais Gaëlle se met à pleurer, apparemment sans raison : non pas quelques larmes, mais une véritable crise de pleurs. « Pourquoi pleures-tu tout à coup ? » Réponse : « C'est parce que je n'aime pas la façon dont j'ai répondu à Simon ! J'y ai beaucoup réfléchi et me suis dit que je lui avais sans doute fait beaucoup de peine en lui criant dessus ! »
Simon la regarde alors d'un air interloqué (un regard qui veut dire : « Pourquoi pleure-t-elle ? ») et j'utilise ce comportement pour réconforter ma fille : « Regarde, il a déjà oublié ! Il n'est pas si peiné ! Ce n'est pas grave... », mais rien n'y fait. Rien n'y fait et Gaëlle pleure pendant quelques longues minutes : « Je n'aime pas la façon dont je lui ai répondu ! je n'aime pas la façon dont je lui ai crié dessus ! »
C'est que j'en serais presque fier. Fier en raison de la très bonne capacité d'empathie dont témoigne manifestement cette situation, mais aussi pour l'ensemble de la réflexion qui a conduit à cette remise en question : c'est, pour autant que je puisse en juger, quelque chose de très inhabituel pour un enfant que de réfléchir si loin et de pouvoir appliquer un jugement sur une action passée, en prenant pour base une éthique personnelle, que l'on pourrait résumer par un syllogisme : « Ce qui est injuste est mal. J'ai agi injustement. J'ai donc mal agi. »