Du fer le matin, du fer le soir

Thatcher du matin. — Quand je pars au travail depuis le village de mes parents, j'adopte une routine différente de la routine bruxelloise : je vais chercher mon café à emporter à la petite boulangerie en face de la gare avant de prendre mon train. Aujourd'hui matin, la boulangère se souvient de moi mais ne se rappelle plus si je désire un café avec ou sans lait : « Je me disais bien que c'était noir, mais je n'étais plus sûre. »
Alors que la vieille machine Nespresso prépare difficilement le chaud breuvage et que la radio passe un rapide résumé de la carrière politique de la « Dame de fer », la boulangère tente de tuer le temps :
« On dirait que certains ne vont pas la regretter, celle-là ! Il paraît même que dans un village en Angleterre, ils sont tous sortis dans les rues pour fêter l'événement !
— C'est normal : elle a assassiné le peuple britannique au profit de la finance.
— Comme ici...
— Avec un peu d'avance, sans doute.
— On tournerait aussi bien sans gouvernement, non, Monsieur ?
— Hmmm...
— On en liquiderait déjà la moitié qu'on ne s'en porterait pas plus mal, n'est-ce pas ? »
Oui ? Non ? Je ne réponds pas. Sourire gêné.
« Voilà votre café, Monsieur. »

Thatcher du soir. — Dans le train entre Huy et Namur, une dame et son petit-fils sont assis en face de moi. Le gamin joue au sudoku ou bien lit tout haut (assez difficilement) des articles de journaux. À plusieurs reprises, il avoue à sa « bobonne » ne pas comprendre la moitié de ce qu'il lit. « Je t'expliquerai à la maison », lui répond-elle la plupart du temps. Mais lorsque l'enfant se met à lire un article sur Margaret Thatcher, elle ne postpose pas sa petite explication, pour mon plus grand bonheur : « "La dame de fer", qu'on l'appelait. Parce qu'elle était inflexible dans ses décisions... Elle était très intelligente et très visionnaire par rapport à ce qui se passe actuellement. Une grande dame. » Elle se plaint ensuite de tous ces jeunes qui « ne font plus rien d'autre que de rester collés à leur écran d'ordinateur, les écouteurs vissés dans les oreilles ! » Silence, avant d'ajouter : « Des zombies, voilà ce qu'ils sont ! ». — Très souvent, l'antipathie ressentie envers une personne durant les toutes premières minutes d'une rencontre a tendance à se confirmer, voire à s'amplifier par la suite. (Et il en va de même, d'ailleurs, en ce qui concerne la sympathie.)

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