Les petits paragraphes dominicaux (6)

Comportement. — En 1946, L.W. écrivait dans un carnet le commentaire suivant (Remarques mêlées, p. 118) : « Quand la vie devient difficilement supportable, on espère que la situation va changer. Mais le changement le plus important et le plus efficace, celui de notre propre comportement, c'est à peine s'il nous vient à l'esprit, et nous ne pouvons nous y résoudre qu'avec difficulté. » — La remarque tombe tel un couperet, tant elle semble en adéquation avec ce qui ne va pas chez moi mais aussi au sein d'une partie non négligeable de mon entourage immédiat.
Plaisir méchant. Un de mes plaisirs méchants dans la vie : écouter benoitement une personne qui, bien que se croyant très subtile, n'énonce que des banalités. (Mais c'est un comportement à double tranchant car on est toujours le banal de quelqu'un.)

Première classe. Comment cette aberration sociale a-t-elle pu traverser les âges et se montrer aujourd'hui encore au grand jour, dans tous les trains du pays ? On y croise des riches et des cadres supérieurs qui n'ont nullement envie de se mêler à la « plèbe » qui pullule dans cette deuxième classe si proche et pourtant si lointaine... Il faudrait supprimer cette horreur inégalitaire du monde ferroviaire. Ou plutôt : ne mettre dans les trains que des premières classes, au prix de l'actuel ticket standard ; loger tout le monde à la même enseigne ; obliger les patriciens à participer à la vie collective.
Le simple & le complexe. — Lu dans l'ouvrage de Murray Gell-Mann que Jonas m'a prêté : une belle réflexion sur la complexité... Prenons — simple exemple dix points que nous étalons au hasard sur une surface plane. Nous avons la possibilité de relier ou de ne pas relier deux de ces points à l'aide d'un segment, autrement dit de créer (ou de ne pas créer) des relations entre eux... Dans pareil exercice, où la complexité se situe-t-elle ? Sans réfléchir, nous pourrions penser que la figure la plus simple consiste à ne relier aucun point (0 segment) et la plus complexe à tous les relier (45 segments). Pourtant, ces deux cas sont les plus simples de tous. Car si nous devions les définir, nous pourrions y arriver en un seul mot (ou symbole) : « AUCUN » ou « TOUS ». Ainsi les figures sur lesquelles seulement certaines relations sont tissées sont-elles plus complexes que leurs équivalentes extrêmes. (Il serait intéressant et c'est peut-être d'ailleurs ce que fait Gell-Mann dans la suite de son livre, dont j'ai pour l'instant arrêté la lecture faute de temps — d'appliquer cette réflexion à divers domaines du savoir. Par exemple, sur le plan du langage, c'est la haute spécificité des agencements de lettres, de mots et de phrases qui rend une communication intelligible : nous sélectionnons des relations plutôt que d'autres pour établir un sens à ce que nous énonçons. Etc.)

Marc Levy. — Pourquoi ne puis-je me frayer un chemin en ce monde sans croiser quotidiennement des gens qui lisent des romans de Marc Levy ?

Grand désert. Chez Flippo et Bastien, Amy parle de la mer : « La mer, c'est un grand désert. » À chaque fois qu'elle prend le bateau, elle s'y sent prisonnière et n'attend qu'un seul événement : le retour de sa liberté que représente la sainte (?) délivrance de la terre ferme. — C'est amusant car un marin au long cours tiendrait sans aucun doute le raisonnement inverse : pour lui, la mer est la liberté, et la terre une prison...
Les Chevaliers de la Table Ronde. — Un jeu de société original dont l'objectif est de gagner contre le plateau ! Nous jouons les chevaliers assiégés par les forces du Mal et devons effectuer de nombreuses quêtes afin de juguler les démons (trouver le Graal, récupérer Excalibur, empêcher les Pictes et les Saxons de gagner les rives du royaume, etc.). La victoire peut être rendue plus difficile par l'éventuelle désignation d'un félon à l'intérieur du groupe. (Mais c'est là ma première partie... Dès lors mes camarades de jeu sont conciliants et n'intègrent pas ce vil individu dans la pile des cartes de personnage.)


Mozart & l'emmental. — Moi : « On dit que le silence qui suit une musique de Mozart est encore de Mozart... C'est un peu la même chose pour l'emmental : les trous qui le composent sont encore de l'emmental. » Zapata : « Ce qui est bien avec l'emmental, c'est qu'une personne qui n'a pas beaucoup d'argent peut s'en sortir à très bon compte à la fromagerie, en ne demandant que les trous... »

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