Fin alternative

« Nous assistons à l'effondrement du vieux monde qui croule par pans entiers, jour après jour. Ce qui est le plus surprenant, c'est que la plupart des gens ne s'en aperçoivent pas et croient marcher encore sur un sol ferme. »
(Rosa Luxemburg, Lettres de prison, 1916-1918.)

Gare de Bruxelles-Midi, le matin. — Rectification : contrairement à ce que j'affirmais dans cet article, Epiphany, navetteuse Bruxelles-Liège, se promène toujours en ce moment avec un sac à dos Quechua rouge (et gris). C'est sans doute ce même sac que Yama a récupéré sur la banquette pour le lui redonner, alors que la petite Epiphany l'avait négligemment oublié, un jour de fatigue sans doute. Les pièces du puzzle du train de 7h24 se mettent petit à petit en place !
En parlant de pièces du puzzle : une des autres navetteuses régulières, la brune assez mystérieuse, froide et renfermée qui lit toujours des trucs intéressants et dont une photo d'enfance a semble-t-il orné les murs de la Maison du Peuple (mais c'est une autre histoire), cette navetteuse donc se balade aujourd'hui avec un sac à l'effigie de Rosa Luxemburg reprenant une citation en allemand de celle-ci (un court texte sur la révolution). Je suis certain que cette navetteuse-là est d'une grande intelligence et très cultivée, mais je ne connais même pas son prénom !
Citation. — Tant qu'à mentionner la militante révolutionnaire allemande, une autre citation, qui résume à merveille la différence entre la démocratie de pacotille dans laquelle nous vivons et un véritable changement radical de système politique : « Quiconque se prononce en faveur de la voie des réformes légales, au lieu et à l'encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus tranquille, plus sûre et plus lente, conduisant au même but, mais un but différent, à savoir, au lieu de l'instauration d'une société nouvelle, des modifications purement superficielles de l'ancienne société (...), non pas la suppression du salariat, mais le dosage en plus ou en moins de l'exploitation. » (Réforme sociale ou révolution ?, 1899.) ♥
(D'autres citations sur le site de La Toupie.)
Fin alternative. — Écoutés aujourd'hui durant le trajet de retour : deux morceaux du groupe de post-rock Our Last Hope Lost Hope. Le premier, « Godsstation », est une mélodie longue et tranquille. Le second, « Alternative Ending », constitue au contraire une très courte envolée. Le second est la continuation directe du premier une fin alternative, comme son titre l'indique.

Le héros de ce diptyque musical sans parole pourrait être un homme à la vie monotone, ennuyeuse, horizontale, qui se rend compte tout à coup, mais peut-être trop tard, qu'une alternative flamboyante est/était possible : une montée verticale fulgurante, brève mais beaucoup plus intense que tout ce qu'il a vécu jusqu'alors. L'homme marche lentement dans la rue puis, sans raison, force le pas et finit par courir très, très vite... jusqu'à s'envoler ; ou bien : il croise une inconnue dans une foire et, plutôt que de continuer son chemin en baissant les yeux, l'emmène faire un tour de montagnes russes.  — Quelque chose de ce genre...

Alternative Ending by Our Last Hope Lost Hope on Grooveshark

Mary II. — J'ai appris indirectement que la sympathique serveuse de la Maison du Peuple s'appelle Mary. Ça lui va bien, je trouve. (Pour éviter les confusions avec Mary première du nom, je la nommerai ici Mary II.) Aujourd'hui, lorsque j'arrive au bar, elle me fait un grand sourire et me sort : « On est à court de tickets Wi-Fi ! Tu as tes réserves ? » Oui, oui, j'ai mes réserves...
« Les nouveaux socialistes. »  — J'écris dans un coin, tout au fond du café. En fin de soirée, un homme vient s'asseoir au bout de la longue table en face de la mienne. Il remarque qu'un verre à peine entamé y est posé et me demande si la place est libre. « Je pense que oui, lui réponds-je. Le propriétaire du verre est apparemment parti sans le boire... » Je me replonge dans l'écriture de ma soirée de dimanche. Peu de temps après, l'homme se remet à parler. Il dépose son ordinateur portable sur ma table et me montre un article de presse américain sur « Mr. Pudding » : « Lisez ça, me dit-il, c'est comme ça qu'ils surnomment Hollande aux États-Unis... Mais leur analyse est intéressante. La presse là-bas est clairvoyante : elle ne le prend pas pour un guignol... »

Je discute avec lui pendant une dizaine de minutes, de la Grèce, du changement politique en France, etc. Il a une vision optimiste des événements. Je l'écoute sans l'interrompre. C'est assez comique, si je puis dire, car je suis justement en train d'écrire un article pour le moins pessimiste sur ce genre de « choses ».

Il parle de François Hollande comme un des représentants des « nouveaux socialistes », en opposition à DSK et à tous ceux qui, à gauche, se sont compromis avec le monde financier... Je ne suis pas convaincu que la différence soit si grande, mais je n'y connais pas grand chose. Sur la montée de l'extrême droite, il me dit : « Il ne faut pas s'en faire. L'être humain, naturellement, n'est pas raciste. » — Je lui réponds que ce n'est pas tant une question de racisme que de désignation d'un bouc émissaire en temps de crise... (Qu'est-ce que le naturel vient faire dans ce débat ?)

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