« Je ne suis pas sous le choc ! »

Échange déphasé. — De bon matin, à la gare de Bruxelles-Midi, chez mon habituel pourvoyeur de café, une cliente :
« Un café, s'il vous plaît !
— Pour boire sur place ?
— Pardon ?
— Vous voulez le boire ici, votre café, Madame ?
— Oui, oui, c'est pour moi ! »
Elle voit le vendeur préparer ledit breuvage dans une tasse en céramique et crie depuis le comptoir : « Non, non ! Le café, c'est pour emporter ! »

Restructuration. — Caterpillar Gosselies annonce la suppression de 1400 emplois et mon père, ouvrier sur une chaîne de montage de bulldozers au sein de cette entreprise depuis trente-neuf ans et des poussières, n'est pas du tout surpris. Voici l'analyse à chaud (légèrement remise en forme) de cet ancien délégué syndical FGTB qui, pour avoir siégé comme secrétaire au conseil d'entreprise pendant de très nombreuses années, connaît bien les rouages de l'usine : « Je ne suis pas sous le choc ! Je suis persuadé que le but poursuivi par le groupe est de se séparer des gens de mon âge à moindre frais en nous culpabilisant et en nous donnant le moins possible. Je dis cela car je sais que la prépension actuellement en place ne remporte pas beaucoup de succès et que les vieux, chers et peu rentables, ne partent pas. Nous avons d'ailleurs vécu une situation similaire en 1996... Le patron préfère toujours garder de jeunes ouvriers bon marché, prêts à reprendre le boulot sous n'importe quelles conditions et sans trop de formation. C'est aussi un appel au secours vers les politiques : Caterpillar a reçu il y a peu de grosses aides à l'investissement de la Région wallonne, mais ces aides sont liées à l'emploi, avec risque de remboursement en cas de non-respect. Je suis certain qu'ils ne rembourseront rien avec ce drame social. Tu verras ce que je te dis : les syndicats vont signer des prépensions de misère obligatoires et le patron aura obtenu ce qu'il veut, à savoir de jeunes travailleurs mal payés qui suivront les nouveaux systèmes de production... »
La guerre des sandwiches. — C'est ma collègue Wynka, amusée, qui me fait remarquer la présence de cette nouvelle pancarte fléchée sur le trottoir en face de notre bureau : « La seule vraie sandwicherie ! », y est-il inscrit au feutre, « Quatorze ans à votre service ! Préférez l'original à la copie ! » L'explication est à chercher du côté de cette seconde sandwicherie toute proche qui, apparemment, aurait été ouverte par une ancienne employée de la première et s'amuserait à proposer exactement les mêmes produits. — Qui eût cru qu'en ces temps de crise, l'espionnage industriel gagnât même le monde des sandwiches ?

Boule & Bill. — Le soir, à l'appartement, en compagnie de Mary et de Vivi, je parle d'une critique expéditive et négative de Hugues Dayez, récemment relayée par Carmela, à propos du nouveau film Boule & Bill (qui, en effet, semble atrocement nul) : excepté « le "Tintin" de Spielberg et le "Astérix" de Chabat », écrit-il, « la liste des adaptations de classiques de la bande dessinée belge et française ressemble à un champ de navets. » Voilà que Dayez se met à nouveau à divaguer et à placer dans le panier des bonnes adaptations cinématographiques le premier « Tintin » de Spielberg, alors que ce film est (je persiste et signe) le pire des navets : un navet que l'on a fait pousser avec beaucoup de moyens techniques et financiers, mais un gros navet tout de même. « C'est clair que ce film était une belle daube ! », approuve Vivi, se rappelant non sans sourire le summum du ridicule qu'est le combat final de grues. « Et je suis presque certaine, continue-t-elle, que Hugues Dayez ne l'a pas aimé non plus, en fait ; qu'il a été obligé par la RTBF d'en faire une critique positive ; que c'était ça ou la porte ! » (Je ne suis pas convaincu.) — Au paragraphe suivant, le chroniqueur explique que Roba lui aurait confié qu'une des erreurs de sa carrière avait été l'album Globe Trotters (le seul de Boule et Bill à proposer une histoire suivie et non une série de planches indépendantes les unes des autres). Est-ce possible ? Globe Trotters, une erreur ? Cet album qui a bercé ma petite enfance, que j'ai lu des centaines de fois, avec ces cases hilarantes où le pauvre et stressé John-Cadre d'Hinnamich regarde sa montre ? À chaque fois que je discute de Boule et Bill avec une connaissance (oui, oui, il m'arrive de discuter de Boule et Bill avec une connaissance), c'est, jusqu'à maintenant, toujours cet album-là qui est mentionné en premier ; c'est justement cet album-là qui apparaît comme le plus marquant de la série ! (C'est à n'y rien comprendre.)

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