Hall d'entrée de l'Ancienne Belgique.
« Bonsoir Monsieur, que faites-vous là ?
— J'attends un ami. C'est lui qui a mon ticket.
— Alors je vais vous demander de sortir.
— Pourquoi ?
— Parce que je vous le demande.
— Ce n'est pas un motif valable, désolé.
— Pouvez-vous sortir, s'il vous plaît ?
— Pour quel motif ?
— Parce que vous n'avez pas votre ticket.
— C'est ridicule. Il va arriver d'un instant à l'autre, mon ticket...
— Vous m'avez demandé pourquoi, je vous ai répondu. »
Je sors et Bob est justement à l'entrée. Il est en train de revendre le ticket de Mary à un gars tenant une pancarte « Need ticket! » puis il me passe le mien. Je rentre à nouveau dans le hall, sous le regard creux de ce gorille décérébré qui semble déjà avoir oublié jusqu'à mon visage. Bref, bref, bref... Bref... Bref. Pfff... Bref.
Clinic. — Curieuse idée que celle de faire jouer Clinic dès sept heures du soir, pendant seulement une demi-heure, sur la scène de l'AB Club. En fait, je ne sais pas si je dois me réjouir ou au contraire me désoler que ce groupe originaire de Liverpool n'ait jamais réellement réussi à percer auprès, non pas du grand public (beurk !), mais en tout cas d'un plus grand public. Oui, bien sûr, les écouter dans l'ambiance intimiste et sympathique de cette petite salle de concert possède toujours un charme certain, mais ils méritent bien mieux que ce rôle de première partie auquel ils sont cantonnés ici. Et observer le public aller et venir comme s'il s'agissait d'un groupe de seconde zone m'irrite passablement. — Non mais ! Avez-vous seulement entendu ces rythmes chirurgicaux, cette voix grommelante et ces nuages électroniques délibérément rétro ? Uniques et maudits sous leur masque de chirurgien, voici donc Clinic !
BRNS. — Timothée Philippe, le batteur virtuose du groupe, est une véritable pieuvre : on a bien du mal à savoir comment il arrive à sortir autant de rythmes différents en si peu de temps et avec si peu de membres... Et en plus il chante ! C'est la deuxième fois que j'ai l'occasion de voir BRNS (prononcer « Brains », tout simplement), groupe belge particulièrement doué en studio comme sur scène. Ils ont droit à l'AB Box, eux, mais ils sont tout aussi compressés par un timing extrêmement serré. (Ci-dessous une vidéo qui n'est pas de la meilleure qualité acoustique mais qui a néanmoins le mérite de montrer ces forcenés en pleine action.)
Dans les vestiaires. Alors que Gondry, sa copine et ses potes sont partis fumer, Bob et moi cherchons à échanger une pièce de deux euros contre deux pièces de un, afin de disposer d'une armoire pour ranger nos vestes. Après deux minutes de demandes infructueuses, je jette un regard furtif vers le mur des toilettes et m'exclame : « Punaise, Bob, on est vraiment cons : y a un distributeur automatique de monnaie juste devant nos yeux ! »
Deerhoof. — Nous sommes de retour dans l'AB Box pour voir les vétérans du groupe Deerhoof. Un bon moment. Le batteur Greg Saunier est un grand malade — oui, oui, je fais une fixation sur les batteurs depuis la découverte, dans ma prime jeunesse, de Can et de Jaki Liebezeit — et la chanteuse et bassiste Satomi Matsuzaki, sautant et gesticulant à la manière d'un robot, met de très bonne humeur.
Entre deux concerts, j'entraperçois cette navetteuse du train Bruxelles-Liège dont je ne connais même pas le prénom mais que je mentionne déjà au quatrième paragraphe de cet article daté du 27 juillet 2011. (Avec le temps qui passe, mon blog devient de plus en plus une encyclopédie vivante — ou plutôt l'encyclopédie de ma vie.) Je la regarde un instant, intrigué. Elle me lance un « salut » laconique (ce qui est déjà, en soi, une nouveauté) auquel je réponds par un autre « salut » tout aussi laconique... Et puis nous continuons notre chemin. — Oui, d'accord, et alors ?
Why? — Il y a ensuite ce groupe avec ce chanteur original, Yoni Wolf, qui oscille constamment entre chants pop et litanie hip hop. Il est talentueux, il a de la présence, rien à redire !
Je m'installe à une table avec Bob. Le concert de Why? bat son plein. Nous buvons une Duvel. La discussion tourne notamment autour de la politique. Bob me pose une série de questions, du genre : « À partir de quand as-tu eu des idées politiques ? » Ça part dans tous les sens (histoire, géographie, relations, etc.). C'est intéressant.
— Oui. Tu veux qu'on y aille ?
— Non, pas spécialement. Je m'en fous.
— Moi aussi.
— Bon ben on peut continuer à discuter alors... »