Je te dis : "La politique me dégoûte... — Je rectifie : la politique partisane me dégoûte." Est-ce si difficile de comprendre pourquoi ? Apparences. Bains de foule. Grands discours. Sondages. Etc. Et il y autre chose : je pense que le parti, dans sa forme actuelle en Europe et ailleurs, empêche l'arrivée d'idées vraiment nouvelles. Le parti est une corporation parmi tant d'autres. Le parti est un lobby. Mais vous me direz sans doute que le lobbying est une chose saine, que le fait de se regrouper pour défendre les intérêts particuliers d'une caste au sein d'une société est une activité démocratique normale ?
(On est radical ou on ne l'est pas.)
Pourquoi ne remet-on jamais en cause la notion même d'argent ? "Folie pure !" L'argent est tellement ancré en nous que nous sommes in-ca-pa-bles d'imaginer un système qui en serait dépourvu. L'usage de l'argent, nous l'apprenons implicitement dès la petite enfance, de la même manière que nous apprenons un langage. Tout comme il serait impossible — à moins d'être atteint d'une grave maladie cérébrale — d'oublier à quoi correspond la forme d'un mot que nous avons précédemment appris*, il est impossible d'imaginer un monde sans argent. Pourquoi ? Une réponse, d'ordre technique encore : parce que dans tout système économique un tant soit peu complexe, le troc devient ingérable. Il faut donc donner de la valeur aux objets, aux services, en proportion de la difficulté de les avoir, de leur rareté ou d'autres critères préétablis...
(Cette réponse d'ordre technique n'est nullement une preuve de la nécessité de l'argent... Cependant, nous vivons dans un monde où l'argent fait partie de l'existence depuis tellement longtemps que nous en sommes venus, depuis de très nombreuses générations, à la conclusion qu'il était forcément nécessaire.)
Le concept même d'argent contient en lui l'idée que l'on n'a rien sans rien ; que si l'on produit quelque chose de concret (une ressource, un produit...) ou d'abstrait (une idée, une musique, un texte...), ce "quelque chose" a de la valeur et doit être échangé par "quelque chose" d'une valeur plus ou moins identique, sur base de critères communs (l'offre et la demande ; la qualité ; la renommée de l'artisan ; l'âge de l'objet** ; etc.). Pourrait-on fonctionner autrement, à savoir abolir totalement l'argent et la propriété ? Apprendre dès l'enfance un autre système, qui établirait qu'il est, non pas interdit, mais impossible de concevoir un bien privé ou bien un produit qui puisse être monnayé ? ("La propriété, c'est le vol", disait l'autre.)
Toute cette société m'emmerde, profondément. J'en ai marre de vivre à côté de personnes qui ne pensent qu'en termes de profit, d'assurance privée, de pognon, d'épargne et de chacun pour soi... Je me sens en inadéquation totale avec mon environnement. Je ne suis pas chez moi ici. Ce monde n'est pas mon monde. À une époque, je m'en serais sans doute réjoui. Aujourd'hui, j'en pleurerais presque.
Rentrer chez moi grâce au premier bus qui passe et finir la bouteille de vin rouge qui se trouve dans mon frigo : voilà l'objectif à très court terme.
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* Faire le test est très amusant. Ainsi, je suis fondamentalement incapable de voir le présent texte en oubliant qu'il est constitué de lettres, de mots, de phrases ; autrement dit de le voir comme s'il était fabriqué uniquement à partir de formes quelconques sans aucune signification, tels des gribouillis...
** Ces quatre critères s'appliquent par exemple parfaitement à un Stradivarius. Ce qui explique pourquoi un Stradivarius est très cher.