Froid piquant

Alors que le froid commence à devenir piquant en ce début de mois de décembre, je marche dans la ville en tee-shirt et m'amuse à observer le contraste avec tous ces passants qui se déplacent, parfois assez lourdement, le corps coincé dans les nombreuses couches de vêtements qui leur servent de protection. Il y a dans mon attitude une pointe de défi, peut-être aussi un soupçon de stoïcisme bas de gamme (quelque chose comme : supporter et accepter cette température sur laquelle je n'ai aucune prise), mais surtout un amour un peu idiot pour tout ce qui me donne la sensation de prendre en pleine figure un reliquat de manifestation naturelle : froid glacial (sans manteau), forte averse (sans parapluie), orage violent (sans toit pour m'abriter), etc. — Il m'en faut peu pour me sentir vivant et être heureux : c'est à la fois une force et un handicap.

Sur le temps de midi, le magasin Match de Forest est plein à craquer d'étudiants qui expérimentent un concept innovant de double file d'attente sinusoïdale devant les deux seules malheureuses caisses disponibles. Une troisième caisse s'ouvre et une vieille dame s'y engouffre. Mais celui qui l'accompagne (son fils ?) est resté avec son caddie dans une des deux autres files, un bon mètre derrière moi. « Emmanuel ! », crie-t-elle en lui faisant de grands signes du bras droit, « Emmanuel, allez viens ! » Le monsieur ne bouge pas. Il reste muet, mais ses multiples haussements d'épaules parlent pour lui : Il y a beaucoup de monde, patience, semblent-ils dire. Mais elle s'impatiente : « Emmanuel, qu'est-ce que tu attends ? Allez ! » Il finit par obtempérer : « Excusez-moi, Messieurs-dames, je vais devoir à nouveau vous embêter pour me rendre à l'autre caisse, sinon Madame va piquer une crise de nerfs ! » Le tout suivi directement d'un cri du cœur : « Elle est chiante ! », ce qui suscite l'approbation amusée de tout l'entourage, moi y compris.

La nouvelle serveuse de la Maison du Peuple semble être une maniaque de la propreté et du rangement. Elle passe son temps à tout ramasser et à tout nettoyer, table après table. J'ai pris la décision ce soir de ne carburer qu'au thé, une activité qui crée beaucoup plus de déchets que de boire une bière. Toutes les demi-heures environ, elle vient donc ramasser compulsivement, avec un air très sérieux, tout ce qui traîne sur ma table. C'est trop propre. Ce n'est pas normal. Je n'aime pas.

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