Irrigation

Faire une faute grossière dans le titre d'un article. Je ne m'en remettrai jamais. Ou peut-être que si, tout compte fait.

La réunion de l'après-midi au boulot est bruyante et agitée, malgré un sujet (les procédés d'indexation de collections iconographiques) qui n'a de prime abord rien d'affriolant. La nouvelle stagiaire en bibliothéconomie y assiste jusqu'au bout et finit par s'écrier, les yeux grand ouverts, après trois heures de débat passionné : « Mais comment faites-vous pour tenir le coup ? »


Que le sang s'arrête ne fût-ce qu'un instant d'irriguer convenablement le cerveau et c'est le corps tout entier qui commence à divaguer et à se comporter de manière chaotique. Voilà donc à quoi tiennent les plus hautes espérances, les amours, les joies, les peines, les pensées complexes et la contemplation de ces stratus à l'horizon : à une simple irrigation !

Dans le train vers Bruxelles, Flippo s'exclame tout à coup : « Compatissant ! Voilà le mot que je cherchais ! Je ne suis pas compatissant ! » C'est vrai : pourquoi irait-il à cet enterrement alors qu'il ne connaissait pas la personne décédée ? Simplement pour partager la peine de sa collègue ? Non, justement, car il n'est pas compatissant ! (J'ai l'impression d'entendre mon père.)

Lorsque j'effectue la sauvegarde hors ligne de mon journal, les 592 jours décrits jusqu'à présent plus les pages de la « Journée dont vous êtes le héros » plus les articles cachés plus les quelques descriptions a posteriori totalisent seulement quelque 7 mégaoctets d'information. Si ce blog avait été lancé dès ma naissance — calcul purement théorique, on l'aura compris —, il aurait pesé tout au plus une centaine de millions d'octets. Je connais des images TIFF plus volumineuses que mes trente-deux ans... Par contre, je ne connais pas de comparaison plus ridicule que celle-ci !

Est-il possible d'être autodidacte jusque dans la thérapie ?

Dans ma mémoire, certains événements importants sont étroitement liés à une musique écoutée en boucle au moment du « choc », et c'est particulièrement vrai pour les lectures marquantes. Wittgenstein ? « Up Past The Nursery » de Suuns (par un heureux hasard, le bégaiement de sa pensée trouve un puissant écho dans la chanson). Nietzsche ? « Ready, Able » de Grizzly Bear (là encore, curieusement, une belle analogie est possible). Et comme pour la madeleine, réécouter l'air me remet immédiatement en tête, non pas une bribe de lecture, mais l'état d'esprit complet de ce moment passé.
Les pièces du jeu d'échecs médiéval de Lewis ont en commun les yeux exorbités, le regard aux aguets et la posture attentive, un peu comme si elles se préparaient, entre la peur et la détermination, au combat qui prendra bientôt place sur l'échiquier. Seule la reine semble désolée d'être là : main sur la joue, l'air mélancolique ou horrifié selon les versions, elle observe la scène avec consternation. On en oublierait presque que c'est elle qui peut faire le plus de carnage dans les rangs ennemis. — Petite futée, va !

Ce test de quotient intellectuel en ligne proposé par Mary en fin de soirée se termine par : « Vous voulez connaître votre résultat ? Alors envoyez un sms à 2 euros au numéro ci-dessous ! » — Il s'agit sans doute de l'ultime question, celle qui décide non pas de notre intelligence mais bien de notre degré de perméabilité aux arnaques en tous genres.

Laisser un commentaire