« Mon gars, faut que t'arrêtes le café ! »

Aux aurores. — Train Bruxelles-Liège. Je vois Yama qui s'assied à un mètre de moi sans me voir... Évidemment, je comprends très bien : le matin, combien de fois suis-je passé devant telle ou telle personne sans me rendre compte qu'elle occupait le même espace ? — voire qu'un monde existait au-delà de moi ? (« C'est le matin ! Laissez-moi en paix avec mes pensées et le soleil qui se lève ! »)

Papier buvard. — Je suis très influencé par ce que je lis : si j'avais constamment devant les yeux des albums de Winnie l'Ourson, je finirais par parler comme un ours débile et affamé.

BAT. — Le monsieur de l'imprimerie nous apporte l'épreuve contractuelle des neuf premiers cahiers. Il nous dit : « Dès que j'ai votre accord, je peux mettre tout ça sous presse ! » Mon chef lui répond : « Nous aurions encore quelques très petites corrections orthographiques à apporter à l'une ou l'autre page... » Et moi : « Un détail m'ennuie... Regardez, ici : il y a une césure en fin de page... Pour la récupérer, je devrais vous renvoyer les pages 73, 74 et peut-être même 75... » Il me regarde avec son air de chien battu puis déclare, péremptoire : « Mon gars, faut que t'arrêtes le café ! » (C'est un graphiste ; autrement dit un fin observateur.)

Le fantôme du perfectionnisme. — L'après-midi, travaillant avec Charlotte sur les dernières pages de l'ouvrage à paraître bientôt, je constate (à voix haute) que nous n'arrêtons pas de nous critiquer « en circuit fermé », d'une manière très étrange : chacun critique le perfectionnisme de l'autre. Elle me répond du tac au tac (comme si elle y avait déjà beaucoup réfléchi) que le fantôme du perfectionnisme nous hante et passe de collègue en collègue. — Ce drôle de spectre n'abandonne jamais, car au moindre signe de faiblesse de l'un d'entre nous, il s'en va posséder l'esprit voisin qui à son tour clame avec une vigueur nouvelle : « Il faut absolument remplacer cette virgule par un point ! »

Casser les murs. — Mary m'explique qu'il lui arrive très souvent de refuser par principe toute forme de concours extérieur. Exemple : alors qu'à son bureau elle change une ampoule, une collègue lui propose son aide ; « Non, ça ira ! », répond-elle sans même réfléchir. — Mary réagit souvent de cette manière, m'affirme-t-elle, parce qu'elle a créé au fil des ans un mur autour de sa personne. Mais elle se remet en question : « Je devrais accepter ce genre d'aide, même si je n'en ai pas réellement besoin ! Je devrais donner à l'autre une place, une possibilité d'exister... » C'est là que je ne suis plus d'accord avec elle : « On n'est jamais si bien servi que par soi-même » devrait rester la règle, surtout lorsqu'il s'agit de rétablir un peu de lumière.

Encore une réflexion sur l'amour. — Elle me dit : « Le véritable amour, c'est quand on accepte l'autre malgré ses pires défauts. » Je lui réponds : « Non. Le véritable amour, c'est quand on ne les voit même pas ! »

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