Mon train est une autarcie

1. Quand a-t-on, pour la première fois, conçu l'idée et considéré utile de distribuer de manière incessante ces putain de tracts électoraux dans les boîtes aux lettres des particuliers ?

Ce « boîtage » est vu comme un acte militant par de nombreux membres et sympathisants d'un parti politique. Ceux-ci en sont fiers et l'affirment même de temps en temps sur les réseaux sociaux : « Cinq heures de boîtage dans les rues de Bruxelles cet après-midi... Dur, dur, mais c'est pour la bonne cause ! » (On se demande bien laquelle.)

Me parler d'implication personnelle dans un quelconque projet communal n'aura aucun effet charmeur sur moi. Le meilleur moyen d'avoir mon soutien est de ne pas m'emmerder ; le meilleur moyen de me convaincre est surtout de ne pas essayer. — En d'autres mots : vous tous qui m'envoyez votre bouille à quelques semaines d'une élection, abandonnez tout espoir (que je m'intéresse à votre sort).

Ces dernières semaines, j'ai même reçu des lettres personnalisées ! (« Cher Monsieur Evenvel, bla-bla-bla, avez-vous remarqué bla-bla-bla sécurité bla-bla-bla emploi bla-bla-bla ? Oui, je continuerai à vendre à perte ! Les meilleures conditions pour tous ! ») L'une de ces lettres émanait du... FDF ! — M'envoyer un tract du FDF... Je trouve la plaisanterie d'un goût douteux.

Il a réactivé son blog politique. C'est bien écrit, c'est ancré à gauche et ça traite de sujets de fond. Ça change des blogs de campagne niais qui pullulent sur la Toile. Évidemment — et il s'en rend d'ailleurs bien compte —, le mettre à jour seulement quelques semaines avant les élections communales paraît un tantinet suspect... 

2. — Depuis quelques années, ce navetteur descendant à la gare de Bruxelles-Central marche en silence vers l'avant du train avec sa petite mallette pendant que, à l'inverse, je me dirige vers l'arrière... Chaque jour, nous nous croisons plus ou moins au niveau de la porte automatique de l'antépénultième voiture. Qui passera la porte en premier ? Tout dépend de différentes variables, telles que notre position peu avant le croisement ou la vitesse à laquelle nous nous déplaçons.

L'intérieur d'un train de pointe constitue un système clos dont toutes les composantes réagissent et interagissent selon une mécanique bien huilée. Ce type s'assied à tel endroit, se lève à tel moment ? Cela laisse à penser que c'est là un acte dû au hasard, alors qu'il n'en est rien : tout n'est que nécessité mue par la force de l'habitude. (Une grande partie de ce que je viens d'écrire dans ces deux derniers paragraphes, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, est d'une absurdité confondante.)

Installez un groupe de scouts ou de pensionnés au milieu de cette fragile autarcie et il n'en restera plus que des ruines fumantes ! 

Cette navetteuse flamande, dans l'avant-dernière voiture... À chaque fois que nos regards se croisent, c'est un peu comme si nous nous échangions quelques mots sans jamais ouvrir la bouche... (Hamilton's Diary est-il en passe de devenir un Kiss & Ride 2 ?)

Octobre : ce mois durant lequel, au petit matin, de lourdes nappes de brume se posent sur la lande entre Leuven et Liège, dessinant un paysage digne du Chien des Baskerville.

3. — « Reviens dans le Monde ! 
— Tu prononces "reviens" comme si je m'y étais déjà aventuré ! »

« Comme je suis tout de même beaucoup plus intelligent que la moyenne, une grande partie des informations qui arrivent jusqu'à moi sont forcément moins bien traitées que si je les avais traitées moi-même.
— Eh bien mon vieux, tu ne te prends vraiment pas pour de la merde ! »

4. — Le soir, à la Maison du Peuple, je demande à Léandra : « Ces deux pseudonymes correspondent-ils à deux états d'esprit opposés ? Actuellement, elle n'en utilise plus qu'un seul, souvent en rapport étroit avec la mort. Sur l'autre, elle postait prioritairement des photos de son bébé ou de sa famille... D'un côté Thanatos, de l'autre Eros ? » —  Mais Léandra n'a pas de réponse à cette question car elle ne se l'était jamais posée, pour tout dire.

Écrire sur la mort, non pas de manière aérienne ou évasive mais au contraire de la façon la plus terre-à-terre du monde : une idée lumineuse ! (L'adjectif est néanmoins particulièrement mal choisi.)

Léandra m'explique que sa maman lui a parlé d'insémination artificielle. « C'est curieux qu'elle discute de cela avec moi, tu ne trouves pas ? »

La même me raconte l'histoire d'un couple de lesbiennes voulant un enfant et qui, pour ce faire, a eu recours à l'insémination intra-utérine : à l'aide d'un cathéter, le gynécologue introduit directement le sperme frais du donneur dans l'utérus de la patiente. Léandra commente : « On peut les injecter n'importe où, ces machins-là, ils trouveront toujours leur chemin ! » (Hum... N'exagérons pas.)

L'idée farfelue d'injecter du sperme par intraveineuse dans l'avant-bras nous fait rire. Nous nous imaginons les petits spermatozoïdes remontant la veine en direction de ces lointaines contrées situées dans le bas ventre, et les deux parents les encourageant : « Allez, allez, les petits gars, encore plus loin, ne vous découragez pas ! »

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