Enregistrements. — Wynka et moi passons une partie conséquente de notre journée de travail à réaliser deux interviews en relation avec un livre qui doit paraître en fin d'année.
À chaque interview, j'en apprends un peu plus sur les techniques d'enregistrement : comment obtenir le bon rendu d'une voix ? — Les microphones ne sont pas intelligents : à la différence de l'oreille humaine, ils ne font que capter une série de fréquences sans les interpréter. Si une sonnerie de téléphone retentit durant l'entretien, si un coucou sonne l'heure ou si quelqu'un débarque en hurlant dans la pièce, le micro n'en aura cure et enregistrera tout. Pour pallier un tant soit peu le problème, j'utilise depuis peu deux microphones à condensateur à directivité cardioïde : ce type de microphone, en plus de donner un son cristallin d'assez haute qualité, enregistre principalement la personne qui se trouve devant lui, atténue les bruits latéraux et oublie presque complètement les bruits qui viennent de l'arrière. En jouant avec deux microphones (un pour l'interviewé, un autre pour les deux intervieweurs qui se trouvent de l'autre côté de la table), j'obtiens une piste stéréo de qualité que je peux facilement traiter après coup. L'inconvénient : il faut constamment trimballer l'enregistreur et les deux micros, avec leur câble XLR respectif et leur relativement lourd pied de table. (Historien, un métier tout-terrain.)
Le matin, nous interviewons dans un des bureaux, au boulot, un ancien employé et délégué syndical de l'usine Cockerill, socialiste, fils de résistant. L'après-midi, nous nous déplaçons jusqu'au domicile d'un ancien cadre de cette même entreprise, ex-chef de laboratoire, spécialiste des pensions, âgé de 87 ans. Les deux hommes sont tous deux de gauche, mais quelle différence ! Le premier est resté durant toute sa vie délégué syndical dans son entreprise et a milité auprès de la base ; le second est devenu un cadre assez haut placé dans la hiérarchie et voit donc tous les événements, grèves et manifestations de manière extérieure.
Le premier nous parle, en passant, du débat Hollande-Sarkozy d'hier soir : « Vous l'avez regardé, vous aussi ? Non ? Oh, vous auriez vu ça ! Hollande a complètement démoli son adversaire ! ». Plus tard, il mentionne la Résistance et raconte des anecdotes sur son père, qui faisait partie d'un réseau liégeois : travaillant à la Kommandantur comme interprète, il volait des documents à destination des Anglais... Le courant passe bien avec le monsieur. Il me rappelle mon papa... Un syndicaliste, quoi...
Le second est du genre « expert », très élogieux envers la science et la connaissance technique : il a travaillé en collaboration avec le CERN à Genève, est devenu un spécialiste international en matière de pension et vante à plusieurs reprises son côté « neutre », qui lui a valu certains ennuis : il était à la fois ami avec des syndicalistes socialistes et chrétiens, mais aussi avec le chef du personnel et le patronat. À un moment, je lui pose, tout souriant, la question : « Au fond, vous étiez une sorte d'agent double ? » Quoi qu'il en soit, je l'aime bien aussi, celui-là, pour d'autres raisons que le premier : pour sa vision du savoir et de la connaissance — qui ne me rappelle pas spécialement mon père mais plutôt... euh... moi, tout bêtement — et aussi pour sa critique des systèmes de pension privés...
Je me dis que le mieux serait encore d'avoir accès aux enregistrements effectués ce jeudi, afin de travestir le moins possible leurs propos. En conséquence, je reviendrai peut-être plus en détail sur ces deux témoignages quand j'aurai accès à la source brute.
Les surdoués. — Durant le repas de midi séparant les deux interviews, une petite discussion entre Charlotte, Sylvette et moi.
« (...) C'est clairement un enfant surdoué, dit Sylvette, donc il s'emmerde à l'école et ne réussit pas bien...
— Pourquoi ?
— Parce qu'il connaît tout, donc il ne fait rien.
— Ha ! C'est facile de dire ça...
— C'est un truc que je ne comprends pas, lance Charlotte.
— Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
— S'il était surdoué, il devrait au contraire n'avoir aucune difficulté à réussir, donc il devrait passer son année sans aucun problème...
— Non, car cela lui semble trop facile : il ne s'amuse pas, il n'apprend rien, donc il ne fait rien.
— Je ne sais pas... Je trouve ça bizarre.
— Je me demande si tout cela ne sert pas un peu d'excuse, dis-je. "Mon fils est surdoué, c'est pour ça qu'il ne réussit pas." »
(Je ne dis pas que ce n'est pas une raison. Seulement qu'on voit des surdoués partout en ce moment, et que la moindre difficulté scolaire est souvent rattachée à ce cas très précis et assez rare...)
Soirée. — Maison du Peuple, avec mon ordinateur. Sur la banquette, à ma gauche, un homme buvant de la De Koninck au fût regarde droit devant lui. Il reste là pendant quelques heures, ne dit rien, ne lit rien. Il était déjà là hier : avant de s'en aller, il s'était alors enquis de quelques renseignements sur mon PC. Je pense qu'il est très seul, qu'il s'ennuie et qu'il aimerait utiliser le café comme un coin de rencontres. Je lui souhaite bonne chance, sincèrement.
La jolie serveuse souriante et sympathique est là aussi. Elle porte de très grosses lunettes rondes, un peu comme celles de Perrette. Est-ce un effet de style ?
En cours de soirée, Georges passe en coup de vent. Il ne s'assied pas et me parle pendant un petit quart d'heure, appuyé contre la grande baie vitrée du café. Il a été engagé en CDI, revient d'Écosse... Il me demande ce que je fais : « Je tiens mon blog à jour.
— Ha oui, ton blog... Je savais que tu étais actif là-dedans pour le moment. Je l'avais déjà vu, il y a un certain temps.
— Oui, mais là, c'est un peu différent : je m'efforce d'écrire un article par jour sur ma vie, tout ça... »
Va-t-il aller jeter un œil ? Suspense.
La jolie serveuse souriante et sympathique est là aussi. Elle porte de très grosses lunettes rondes, un peu comme celles de Perrette. Est-ce un effet de style ?
En cours de soirée, Georges passe en coup de vent. Il ne s'assied pas et me parle pendant un petit quart d'heure, appuyé contre la grande baie vitrée du café. Il a été engagé en CDI, revient d'Écosse... Il me demande ce que je fais : « Je tiens mon blog à jour.
— Ha oui, ton blog... Je savais que tu étais actif là-dedans pour le moment. Je l'avais déjà vu, il y a un certain temps.
— Oui, mais là, c'est un peu différent : je m'efforce d'écrire un article par jour sur ma vie, tout ça... »
Va-t-il aller jeter un œil ? Suspense.