Archives mensuelles : septembre 2011

Pique-nique Spelunky

Après une courte matinée de boulot dans la banlieue industrielle de Liège, je fais un crochet en train jusqu'à Namur afin de récupérer ma fille à son école, pour repartir ensuite directement vers Bruxelles. Dans la rue, dans le train, partout, Gaëlle n'arrête pas de parler : elle a "toujours quelque chose à dire", comme le Professeur Rollin ! Elle invente trois histoires à la minute. Elle est mignonne, elle a de l'imagination, mais elle est très fatigante, surtout pour un vendredi soir.
Dans le vieux train pourri vers la capitale, Vinge me téléphone à quatre reprises. Présageant une longue discussion éreintante dans le boucan causé à moitié par le déplacement du train, à moitié par les étudiants remplissant le wagon, je ne décroche pas (en plus, les coups de fil rapprochés et à répétition "à la Lewis" ont toujours eu tendance à me mettre de mauvaise humeur). Vinge me laisse deux messages vocaux. Retranscrit, le premier message donne exactement ça : "Ouais ouais, Hamilton... Ben figure-toi qu'j'viens d'me faire nommer à Liège, quoi ! Putain, quoi... La plus mauvaise passe de ma vie, quoi... Je déteste cette région de merde. Enfin voilà... Mais je suis content, je viens de trouver un boulot, quoi. Je vais prendre le train avec toi ! [Rire sadique] Donc voilà... OK ? Bon allez...". Il va... prendre le train avec moi ? Mon dieu, il faut absolument que je change de boulot (ou alors de créneau horaire). Un peu plus tard, toujours dans le train, je reçois un coup de fil d'Emily. Cette fois-ci, je décroche et, à cause du boucan susmentionné, je ne pige rien à ce qu'elle raconte, si ce n'est qu'il est question d'un pique-nique au Bois de la Cambre.

Recontactée un peu plus tard dans un endroit plus calme (la gare), Emily propose en effet d'aller pique-niquer au Bois de la Cambre, avec sans doute Andrew, peut-être Walter, mais pas Léandra car cette dernière est à son fameux rendez-vous avec Daily. Il fait 25 degrés dehors, il fait délicieux : c'est une très bonne idée. Emily s'occupe du pain français, de la charcuterie, du fromage et de la salade. Je m'occupe des boissons (vin blanc, bière, eau et café) et de quelques accompagnements (comme des petits saucissons). Prévoyant que Gaëlle risquerait de s'ennuyer, j'installe au préalable sur le mini-PC que m'a prêté Léandra un "bête" jeu de plate-formes indépendant (et gratuit) du nom de Spelunky : c'est pixelisé et ça ressemble à un vieux machin des années 90, voire des années 80, dans le genre de "Lode Runner", mais en plus sophistiqué... (Il faudra que je reparle de ce jeu, quand je n'aurai pas grand chose d'autre à écrire.)

Nous arrivons au Bois de la Cambre assez tard, vers 19h40. Il fait tellement bon, en cette toute fin du mois de septembre, qu'on en oublie presque que le soleil ne se couche plus à 22h : lorsque nous nous installons dans la grande prairie entre le Théâtre de Poche et les Jeux d'Hiver, le crépuscule tombe déjà sur la ville. Nous mangeons dans la pénombre et nous continuons à discuter dans le noir, avec pour seules lampes celles des GSM et des smartphones. Pas très loin de nous, nous avons droit aux faibles lumières et surtout à la musique insupportable (faite de "Boum ! Boum ! Boum !") des Jeux d'Hiver. Andrew nous rejoint vers 20h30, Walter plus tard encore. Quant à ma fille, elle est très sage, plongée durant toute la soirée (comme je l'avais prédit) sur Spelunky. Dans le ciel, seulement quelques étoiles parmi les plus brillantes sont visibles (saleté de pollution lumineuse !).

Emily et Walter ont pour objectif de se rendre à la Nuit Blanche, à l'ULB ; Andrew est fatigué. Quant à moi, je dois retourner chez moi pour mettre ma fille au lit. Quand je dis à Gaëlle : "On raconte quoi comme histoire ce soir avant de s'endormir ?", elle me répond : "Oh, pas d'histoire. Par contre, est-ce que je peux encore jouer un tout petit peu à Spelunky, s'il te plaît, papa ?". Pourquoi pas ? Je me dis que les jeux vidéos aident, tout autant que les contes, au développement intellectuel d'un enfant...
cfwb

Logotypes

Depuis peu, la Communauté française de Belgique a changé d'appellation : il faut désormais parler de "Fédération Wallonie-Bruxelles". Paraît que c'est plus clair comme ça... De fait, oui, c'est plus clair, ou en tout cas un peu moins ambigu : "Communauté française de Belgique", ça donnait l'impression qu'on avait affaire à une petite communauté d'expatriés français vivant sur le territoire belge (au point même, d'après La Libre Belgique, que François Mitterrand, apparemment mal renseigné, s'était gravement gouré, demandant à Valmy Féaux, alors président de la Communauté, combien de membres comptait son association de Français – Quand ? Où ? On ne sait pas... L'éditorialiste reste nébuleux, se contentant de l'action et se foutant royalement du temps et du lieu ; cette information lacunaire est sujette à caution, du coup !).

Fédération au lieu de Communauté... Peu importe après tout : c'est simplement un nom qui change... Un nom, c'est juste un nom : ça ne modifie pas grand chose à la personnalité, au fonctionnement d'une personne ou d'une institution... Si – simple exemple ! – je m'appelais Lionel au lieu d'Hamilton, ça ne modifierait aucunement ma façon d'écrire... 

Juste un nom donc sauf que, plus pragmatiquement, à mon boulot subventionné de façon non négligeable par ladite Communauté Fédération, nous allons devoir prendre acte de ce changement pour la création de nos papiers en-tête, nos dépliants, nos brochures, nos affiches, notre site Web, nos lettres d'information, etc. En gros, ce sont plusieurs dizaines d'endroits qu'il faudra changer, là où ce putain de terme périmé de "Communauté française de Belgique" apparaît. Quand je dis "nous", je suis un petit comique (haha !) car dans les faits, c'est moi qui vais devoir m'occuper de la majorité de ces modifications. Holy shit ! Et encore je reste poli...

Ce n’est pas tout : dans la lancée des modifications infographiques, en plus de changer la dénomination de cette entité politique dans tous les médias utilisés par mon institution pour communiquer avec l’extérieur, je vais devoir également remplacer son logotype. Car oui, depuis le 27 septembre 2011, la Communauté française Fédération Wallonie-Bruxelles a également dévoilé un nouveau logo pour marquer le coup : trois lignes courbes séparées, schématisant plusieurs concepts à diverses échelles de grandeur : les première et deuxième lignes (rouge et jaune) représentent le "W" de Wallonie, les deuxième et troisième (jaune et bleue) le "B" de Bruxelles ; le tout forme un coq extrêmement stylisé (un peu comme le logo "TGV", qui, retourné, prend la forme d’un escargot : hé oui, c'est épatant !)... Et il paraîtrait même – mais faut avoir l’œil ! – que la ligne jaune du milieu, associée au bleu, symboliserait l’Iris bruxellois. 

Sur le Web comme dans la presse, ce logo suscite beaucoup de railleries. J'ai lu sur la Toile des commentaires réussissant l'exploit d'être à la fois épiques et stupides (je ne peux pas m'empêcher d'aller les lire, pour me faire peur)... Simples exemples : le classique "Et combien ça a coûté aux contribuables ?" ou le très con "Où est le coq ? C'est scandaleux !". Il y en a même qui vont jusqu'à rapprocher ce logo à l'alphabet arabe : c'est dans l'air du temps chez les fachos paranoïaques (ceux du genre : "Le nouvel ennemi, c'est l'Islam" ou "Tous des islamo-gauchistes, au P$" – Mais qui sont ces gens ?). En parallèle, un sondage Web organisé par SudPresse donne les résultats suivants : 53% trouvent ce logo "affreux", 20% le trouvent "magnifique" et 28% répondent par "C'est quoi cette fédération ?". On ne leur a proposé que ces trois choix-là, à ces 101% (sic) de sondés ? (Du grand n'importe quoi.)

L'avis de Tonton Hamilton : ce n’est sans doute pas le plus beau logo de tous les temps, mais faut pas exagérer dans l'autre sens... Ce n’est pas non plus le plus moche. Au-delà de la question du logo en lui-même, toutes ces discussions mettent surtout en avant un fait beaucoup plus fondamental : la propension des humains à râler sur tout ce qui présente un caractère nouveau ou inconnu.

Je ne voulais pas faire aussi long (d'un autre côté, j'écris ce que je veux) mais les logotypes me passionnent. Donc tant qu'à parler de logos, j'en profite pour en poster deux autres que je trouve à la fois simples et extraordinaires, presque magiques même...

Pourquoi ces deux logos sont-ils géniaux ? Pour le premier, celui de FedEx : tout simplement parce qu'il cache une flèche (symbolisant l'expédition, le déplacement...) entre le second "E" et le "x" ; et peut-être même une deuxième, plus difficile à voir car incomplète, entre le "F" et le premier "e" ! Pour le second logo, c'est encore plus terrifiant : c'est l'ancien logo – mais pourquoi diantre ont-ils changé ? – de Northwest Airlines. Il est d'une simplicité diabolique : en quelques traits, on y retrouve le "N" de "North" et le "W" de "West", mais aussi une flèche de boussole, pointant vers le Nord-Ouest ! Certains y ont également vu le long-courrier venant de Stockholm mais je crois qu'ils bluffent.

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Si je parle de la Communauté française Fédération Wallonie-Bruxelles aujourd’hui, c’est pour une raison particulière : en ce début d’après-midi, j'ai assisté dans un auditoire situé dans les locaux de la Communauté Fédération à la présentation d’un prototype de portail Web exposant de manière transversale un pan du patrimoine numérisé en Belgique francophone.

Arrivé sur place, je reconnais quelques personnes dont : Anouk, qui me lance comme phrase de bienvenue : "Tiens, voilà Monsieur Orval !" (ma réputation me précède) ; Doëlle, qui est alors en train de discuter avec Inger (qu'est-ce qu'elle fait là, Inger ? C'est marrant : c'est en fait la copine d'un certain Jyl – pas le même que celui que connaît Léandra, qui s'appelle de toute façon Daniel dans ce blog : ça devient compliqué, tout ça –, des potes de Tom et Ophely) ; Adélaïde-Anne, une consœur archiviste qui travaille dans un centre d'archives à Bois-du-Luc (sur le lieu de mon premier boulot). C'est elle qu'on a croisée par hasard au carnaval de La Louvière : elle était déguisée en sorcière et voulait nous refiler une pauvre tortue trijambiste (aujourd'hui, pas de déguisement ni même de tortue).

La présentation se passe bien : la première partie (un portail esthétiquement bien foutu) est très jolie à regarder ; la seconde (la présentation de l'architecture informatique complexe qui se trouve en "arrière-plan" de ce portail) est plus aride mais intéressante.

Après moult questions, nous sortons tous enfin dans le petit hall qui jouxte l'auditoire : il y a du café (hahaaa !) et des mini-pâtisseries. Parmi celles-ci : un gâteau au chocolat et à la crème fraîche totalement immangeable sans que ça ne dégouline partout de manière dégoûtante. Je reste une petite heure à parler, principalement avec Adélaïde-Anne. 

À la sortie, Doëlle et Anouk fument leur cigarette en compagnie d'autres personnes. Doëlle me demande si elle peut de nouveau avoir accès au journal de Léandra. Je lui dis que peu importe, car Léandra n'écrira plus ! (Renseignements pris : si Doëlle veut avoir accès à ce blog un peu mort, elle doit créer un compte Blogger ; à ce moment, Léandra pourra ouvrir le mode lecture pour ce compte-là – enfin, si Léandra le veut bien, mais il n'y a pas de raisons qu'elle ne le veuille pas). Je discute encore un peu avec Doëlle ainsi qu'avec une de ses copines/collègues (?) qui, travaillant à Bruxelles, fait en train presque le trajet inverse du mien. La seule différence : elle doit parfois rester debout, car dans le sens Liège-Bruxelles le matin, les trains sont remplis et c'est l'horreur (j'ai déjà fait quelques fois ce genre d'expérience). Vers 17h, je reprends le métro vers mon bureau officiel (comprendre : vers la Maison du Peuple de Saint-Gilles).

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Je passe une grosse heure à ladite Maison du Peuple, pour écrire un peu avant le squash. De passage, par hasard : Georges, un des ex de Léandra. Dans la vie, Georges réalise des sites Web et des bandes dessinées (en résumé). Il est à Saint-Gilles pour emporter la machine à laver d'une copine. Un plan foireux car jamais la copine en question ne le rappellera. Georges reste donc une petite heure en ma compagnie. Il commande un thé. Quant à moi, je "sirote" un Orval (j'ai une réputation à tenir).

À un moment, on parle de Maïté, bizarrement. Ça va bientôt faire quatre ans (Ach, quatre ans... Quatre ans !) qu'elle m'a quitté. Georges me dit : "C'est quand même bizarre que tu n'aies jamais retrouvé personne depuis lors". Oui, c'est bizarre, bizarre... On parle de séries aussi. Apparemment, je lui ai donné l'envie de revoir Homicide et, en parallèle, de visionner la série The Wire (il ne l'a jamais vue ! Pauvre de lui !). Pour le moment, il regarde Mad Men (il faut absolument que je la visionne un jour, celle-là). Georges me parle également de Lexx, une série de science-fiction un peu kitsch et en dessous de la ceinture. Jamais vu mais ça a l'air sympa... Le vaisseau spatial Lexx ressemble à une libellule, mais des esprits mal tournés y voient aussi apparemment l'appareil génital masculin au complet et en érection. Le débat reste ouvert !

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J'ai beaucoup de choses à raconter aujourd'hui. C'est laborieux...

Je vais jouer au squash avec Fred Jr ce soir. Il me faut longtemps pour rejoindre le Centre ADEPS d'Auderghem, à la frontière de la ville, perdu à la lisière de la forêt de Soignes. Je suis en retard et Fred est obligé de venir me chercher en voiture. On se change en vitesse directement dans la salle de squash. Je perds encore et toujours contre Fred (3 sets contre 4), mais, selon ses propres dires, il a eu plus de mal cette fois-ci. Durant la partie, j'essaie presque instinctivement et comme à chaque fois de placer des coups de badminton. Au squash, ça fonctionne... euh... beaucoup moins bien. (De retour chez moi, je regarderai une vidéo de squash professionnel : comme pour les autres sports de raquette, les joueurs professionnels donnent l'impression de se balader sans problème sur le terrain et font des revers avec une facilité déconcertante.)

Après le squash, Fred doit se rendre en vitesse à Etterbeek pour acheter une NES (Nintendo Entertainment System : la vieille console de jeu signée Nintendo) chez un type habitant le coin. Le principe un peu tordu, si j'ai bien compris : Fred possède déjà une NES en bon état mais n'a plus la boîte d'origine. Donc : il va prendre la boîte de la NES nouvellement achetée pour son ancienne NES et revendre directement la console toute seule. Typiquement un tic de collectionneur... Mais le gars qui doit la lui vendre est énervant : il annule par sms parce qu'il n'a pas envie de voir débarquer Fred trop tard, puis il téléphone des dizaines de fois, puis il décide enfin de lui apporter la console environ une heure après, alors qu'on boit un verre au Corto près du Cimetière d'Ixelles, en compagnie de Léandra et de Walter, et aussi d'Andrew qui nous rejoindra en compagnie de sa colocataire russe du moment.

Fred a encore une petite heure de route avant de revenir dans son village. Puisqu'il nous reconduit en voiture, Léandra et moi, nous partons un peu avant 23h. Et puis c'est tout... (C'est déjà assez long comme ça !)

"Bonjour ! Infodoc, c'est ça ?"

(Je suis en retard dans mes publications : mes rares lecteurs-z-et-lectrices s'impatientent.)

Ce matin, en sortant de mon train (à l'heure pour une fois) à la gare de Liège-Guillemins, je dispose d'une vingtaine de minutes avant de prendre ma correspondance. Caoua ? Pas caoua ? J'hésite, mais je finirai par craquer pour le doux breuvage noir... Un choix judicieux, comme je m'en rendrai compte cinq minutes plus tard... J'opte donc pour mon endroit de prédilection (j'ai mes habitudes) : la sandwicherie italienne de la gare où le patron (qui n'est pas là pour le moment), après des années de fréquentation (et trois gares différentes, dont une temporaire), me reconnaît, me tutoie et me sert la main – c'est le privilège de tout navetteur régulier : connaître en surface au moins un libraire et ceux qui servent le café dans un lieu donné. (À noter que le dernier libraire que je connaissais vraiment bien, à Bruxelles-Central, est mort d'une crise cardiaque foudroyante il y a plus de quatre ans déjà : un choc le matin où j'ai appris la nouvelle ! Depuis lors, je ne parle plus comme avant aux libraires dans les gares, ni aux libraires tout court. C'est la vie !)

Juste devant moi dans la file, une jeune femme aux cheveux courts commande un muffin et un café. Je commande mon café également. Elle me regarde, je la regarde, on se reconnaît. Je sors : "Euh... Bonjour ! Infodoc, c'est ça ?". C'était il y a des années, à l'Université. On suivait ensemble les mêmes cours de troisième cycle en Sciences et technologies de l'information et de la communication (prononcer STIC – ouais, c'est un peu ridicule). Une fille très sympathique (ça changeait de certains grincheux/prétentieux de la section, du genre à refuser le prêt d'un bic) et très intelligente. Sur le moment, je ne me rappelle plus de son prénom exact (j'ai juste une vague idée). Heureusement, elle ne se rappelle plus du mien non plus. Elle s'appelle Aurore, habite désormais la Cité Ardente et travaille au Sart-Tilman. Dans le hall de la gare, notre café en main, on discute de nos vies, de notre travail, et on finit par s'échanger nos numéros de téléphone, histoire de pouvoir se recontacter au cas où...

Cette rencontre totalement impromptue de si bon matin m'a redonné un moral d'acier. J'adore l'imprévu, l'imprévisible, les coïncidences... Le moral, ça ne tient à pas grand chose, tout compte fait.

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Le soir, pas de sortie prévue (faut que je fasse gaffe à mes dépenses et que je me calme sérieusement de ce côté-là). J'ai invité Léandra – juste Léandra – à venir manger chez moi. Au programme : des toasts au foie gras préparés par Léandra, avec la bouteille de vin blanc moelleux qui l'accompagne ! En plat principal : des bêtes penne à la pancetta et aux petits poids. Comme fond musical, mon baladeur MP3 en mode aléatoire branché sur la chaîne Hi-Fi. Hé, Hamilton, t'as pas un seul truc joyeux sur ce putain de baladeur ?
Léandra est à la fois très fatiguée et très motivée par deux idées qui lui courent dans la tête : en premier lieu, un projet secret d'écriture dédiée dont il ne faut pas parler dans ce journal ("Botus et mouche cousue, telle est notre devise") ; en second lieu, son histoire de soirées "causerie" (voir hier pour les détails). Léandra repartira très tôt chez elle ("pour dormir directement" : sans même rallumer son ordinateur ?) non sans avoir auparavant gribouillé dans un bloc-notes une série d'invités hétéroclites, de dates, ainsi qu'un ou deux thèmes possibles pour lesdites soirées. On parle notamment du thème un peu gag de la "force de la volonté" dont me parlait Andrew précédemment... En pensant à Walter et à sa phrase cynique fétiche ("Le pouvoir de l'amour peut-il rivaliser avec l'amour du pouvoir ?"), je lance la question : "La force de la volonté peut-elle rivaliser avec la volonté de la force ?". Ça ne veut strictement rien dire mais ça le fait quand même, je trouve...
Léandra se casse donc très tôt (un peu avant 22h). De mon côté, je n'ai pas du tout sommeil (j'ai plein d'idées – positives en tête). J'écoute de la musique (dont Mandrake Project, en boucle, une musique dans laquelle l'influence pinkfloydienne est omniprésente hé ! Ils ont même repris One Of These Days, le légendaire morceau aux deux basses et aux paroles menaçantes : "One of these days, I'm going to cut you into little pieces!"), je surfe sur le Web mais... je n'écris pas. Je me force à dormir vers 4 heures du matin.

Un soir au Potemkine

Ce midi, je suis allé manger avec Léandra dans une sandwicherie suisse située sur le Boulevard Anspach, juste devant la Bourse de Bruxelles, portant le nom de "Au Suisse" (vive l'originalité !). Ils font de bons sandwiches – au roast beef pour Léandra ; au hareng à l'alsacienne pour moi – mais, même avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais jamais être rassasié après avoir englouti un si petit bout de baguette ! Autrement dit : Léandra a beau me soutenir mordicus que son nouveau boulot est bien mieux que l'ancien, je continuerai coûte que coûte à considérer ce dernier comme plus professionnel sur un point au moins : la sandwicherie italienne (La Focaccia) qui se trouvait juste à côté.
De la discussion de ce midi, j'ai retenu un élément primordial : Léandra a abandonné son journal, dont elle a fermé le contenu au public à l'exception d'elle-même (forcément) et... de moi (hahaha !). Ça, je le savais déjà... Depuis lors, elle se sent beaucoup plus légère, presque soulagée ! Ce journal, c'était un poids à porter, avec toujours le risque que quelqu'un le lise et le prenne mal. Se faire des ennemis quand on parle de relations interpersonnelles sur le Web est quelque chose d'assez facile. Elle en sait quelque chose, Léandra : elle a déjà écrit bien pire – ou bien mieux, tout dépend du point de vue ! – que ce dont elle parle dans son dernier blog en date. (De mon côté, je commence aussi à en savoir quelque chose, bordel !) Je suis néanmoins un chouïa déçu : je pense en effet que mon amie aurait pu, avant de tout clôturer, s'essayer à l'analyse météorologique ! Une dépression par-ci, un anticyclone par-là... Ah, être Jules Metz à la place de Jules Metz, quel pied !

Léandra repart à son boulot, je repars à ma Maison (du Peuple). Les heures passent, je sirote quelques thés et une bière, j'échange quelques mots anodins avec mes voisins de table, je "croise" même une ancienne copine d'université, puis Léandra est de retour ! Il est environ 19h, il n'y a pas de place en terrasse, alors on part s'installer au Potemkine, le nouveau café branchouille devant la Porte de Hal. 
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Ce qu'il faut savoir en premier lieu sur ce café, c'est qu'on y sert au fût une bière totalement et définitivement répugnante : la Volga. Après recherche, il semblerait qu'il y ait dans le Monde au moins deux bières du nom de Volga : Волга, une bière russe rachetée par Heineken en 2004, et Volga, une bière créée par John Stargasm, chanteur et leader du groupe Ghinzu. D'après Le Soir, c'est la deuxième qu'ils servent dans ce café. Peu importe. En tout cas, ce n'est pas bon : la bière a le goût de la Jupiler "fût de fête" qu'ils servent notamment dans les soirées estudiantines de l'Université libre de Bruxelles. 

Deuxième chose à savoir : le Potemkine a été lancé par Frédéric Nicolay, celui qui a créé le Belga (à Flagey) et le Bar du Matin (à Albert, près de chez moi). Deux endroits où je mets rarement les pieds car j'y déteste l'ambiance et les "bionades" totalement dégueulasses (sans doute encore plus que la Volga car dans cette dernière, au moins, il y a de l'alcool). Une bionade... C'est pourtant ce que prendra Léandra lors de notre premier verre là-bas. Elle fait ce qu'elle veut : c'est son foie qu'elle bousille à petit feu.
Le Potemkine a aussi ses bons côtés : à l'extérieur, juste au pied de la Porte de Hal, une terrasse avec un camion-bar (ils ont l'autorisation pour ça ?) et des serveurs servant de la... Volga à... deux euros dans des... verres en plastique ! Sur un des flancs de la terrasse, un DJ passe des vinyles rétro : de la chanson française qui semble tout droit sortir des années 60. Les titres ne nous disent rien. Léandra adore ce genre de musique... Un de ses grands rêves dans la vie : sortir un disque où elle chanterait à tue-tête, heureuse, des chansons "à la française", un peu comme Françoise Hardy ou France Gall. Léandra télécharge Shazam sur son smartphone pour reconnaître des titres mais ça ne marche pas (pffff, ça vaut bien la peine de se la péter avec une "cacaille" à 300 euros). De mon côté, sur mon vieux GSM tout pourrave (mais avec lampe de poche, siouplaît !), j'essaie d'immortaliser les paroles un peu mystiques d'une des chansons qui me parle, espérant la retrouver plus tard sur le Web. Chose incroyable : je ne la retrouve pas ! Des bribes de paroles : ça parle d'un démon qui descend sur Terre et qui "s'est fait des habits de lumières", mais qui "déçu, reprit sa course". Plus loin : "Obstiné, le diable se transforma en homme". C'est peut-être du Gérard Manset ? Faudrait que je creuse cette piste... Faudrait peut-être aussi que je demande à Pat ou à Flippo car ces deux-là sont clairement plus au courant que moi question chanson française des sixties et seventies.

Après la terrasse, nous testons l'intérieur du Potemkine... Enfin, je teste (Léandra est déjà venue auparavant). Au plafond, de faux ossements de cétacé. Au mur, un écran fait de grosses ampoules qui, en jouant sur la lumière et le contraste, rejouent la fameuse scène des escaliers d'Odessa dans Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein (c'est Léandra qui s'en est rendu compte ; si on ne fixe pas l'écran pendant un certain temps, on ne voit que des taches informes). Au fond : un beau bar aux alcools russes, avec une serveuse blonde qui se fond parfaitement dans ce décor slave. Enfin, la salle du café fait un peu cantine, mais en plus sophistiqué, en plus "lounge". Comme le Belga, mais en un peu mieux, quoi.

Ça ne se voit pas spécialement à l'écrit, mais je suis totalement déprimé lors de cette putain de soirée dans ce putain de café hype. Je suis déprimé depuis deux jours... Sans doute une conséquence de mon état grippal... Sans doute, ouais, ouais. J'ai l'impression d'être transparent, de n'avoir aucune présence, de ne pas savoir aligner deux mots sans devoir me reprendre, de ne rien dire d'intéressant (pour ne pas changer). Je n'arrive même pas à être comique... (Allez, Hamilton, prends un Vicks, ça ira mieux !) À un moment, j'explique à Léandra que ma vie est un peu comme du sable que j'essayerais de retenir avec mes mains : j'ai beau tout faire pour empêcher les grains de s'échapper, ils filent entre mes doigts, jusqu'au dernier... Ha, misère !

Plus tard, Léandra parle de son projet lointain de blog pornographique ou plutôt érotique. Elle ne sait pas très bien comment elle pourrait parler de "la chose". En effet, à l'exception d'un passage assez soft dans un ancien blog, elle n'a jamais expérimenté ce type d'écriture. Je me suis pour ma part posé la question également, mais dans un sens légèrement différent : et si je devais sortir avec quelqu'un dans les mois à venir, comment gérerais-je l'écriture de ce blog ? Pour Léandra, son journal était une phase temporaire, transitoire : elle avait depuis le début prévu de le laisser tomber un jour ou l'autre – et ce jour est arrivé ! Pour moi, c'est différent : je compte bien continuer ce projet aussi longtemps que j'en suis capable, donc la question pourrait se poser : comment décrire une relation amoureuse dans un journal ? Ne pas en parler du tout ? En parler un peu ? Être dans l'exhibitionnisme total ? En fait, évidemment, ça dépend totalement de la personne rencontrée. Léandra rigole et me dit que je devrais m'en faire un leitmotiv ; utiliser cette argumentation sur un site de rencontre : "J'écris un blog sur ma vie de manière journalière. Si vous voulez apparaître dedans d'une manière ou d'une autre, envoyez-moi un message !". Le pire dans l'histoire, c'est que l'idée est somme toute assez sympathique.
Dernière réflexion de Léandra avant de se quitter (mais pourquoi pense-t-elle à ça maintenant ?) : nous devrions mettre en place des ateliers "causerie". Le concept : quelqu'un invite en soirée une série d'amis (choisis de manière arbitraire) pour discuter d'un sujet donné. Pas de bouffe, juste quelques bouteilles de vin. Aucune volonté de se saouler, le but étant juste de parler posément d'un thème particulier. Chacun recevrait le thème de la soirée une semaine à l'avance. Moi : "Ouais bon, on rajoute quelques bougies et ça fait franc-maçonnerie." – Léandra : "Non, justement, ce qui serait drôle, c'est d'en interdire l'accès aux francs-maçons !". Ah ouais, carrément ! 

Qu'est-ce qu'un fjord ?

"[La Norvège] : pays froid mais gens chaleureux, traversé à la surprise générale par le Gulf Stream... Le Gulf Stream ! [...] Le Gulf Stream, d'où au printemps : lumière, fleurs, arbres fruitiers qui se mirent dans l'eau magique du fjord. Qu'est-ce qu'un fjord en fait ? [...]"

En ce mois de septembre 2011, depuis deux semaines, un très puissant anticyclone recouvre l'ensemble de l'Europe occidentale, s'étendant de la côte atlantique à l'Europe centrale... Cet anticyclone, d'une stabilité record, déterminera le temps en Belgique au moins jusqu'au début du mois d'octobre ! Mais comment un bête anticyclone peut-t-il influencer à ce point le temps qu'il fait chez nous ? Cela revient à se poser une question plus primordiale encore : qu'est-ce qu'un anticyclone ?
 
Un anticyclone est généralement associé à un phénomène de subsidence. Mais qu'est-ce que la subsidence ? La subsidence (à ne pas confondre avec la demande de subsides), en météorologie, est l'affaissement général d'une masse d'air dans une région plus ou moins vaste du Globe. Autrement dit : c'est un déplacement d'air en direction du sol, de haut en bas. Ce déplacement d'air entraîne tout logiquement la création d'une masse d'air plus dense, augmentant ainsi la pression atmosphérique de la région où elle s'applique. Dans le cas d'anticyclones importants (comme celui que nous connaissons actuellement en Europe), l'entièreté de la troposphère (la couche la plus basse de l'atmosphère terrestre, celle qui est en contact avec le sol) est influencée par ce phénomène.
La compression d'air résultant de cette subsidence est dite "adiabatique", dans le sens où il n'y a pas d'échange de chaleur possible entre les différentes couches du système anticyclonique. La compression adiabatique forme ce qu'on appelle une couche d'inversion (ou dans ce cas précis une "inversion de subsidence"), à savoir une sorte de bouclier invisible (ou "chapeau") d'air relativement chaud au-delà duquel l'humidité ne peut s'échapper. Les nuages sont alors limités à la couche la plus inférieure du système, entraînant une accumulation de vapeur d'eau près du sol. La présence de cet air piégé se traduit différemment selon la saison et/ou les conditions du moment. Ainsi, lorsque le sol est froid (en hiver ou bien lors d'un refroidissement nocturne), du brouillard ou des stratus (une sorte de brouillard mais qui ne touche pas le sol) peuvent se former ; lorsque le sol est chaud (en été, principalement), le ciel est soit complètement dégagé, soit rempli de petits nuages non menaçants : les fameux cumulus de beau temps.
Voilà pourquoi il fait beau à Bruxelles cette semaine. La semaine prochaine, nous continuerons cette fascinante découverte du monde de la météorologie en nous focalisant sur... la dépression.

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Ce lundi, je ne fais rien ou presque. Je suis en congé mais je suis malade : état grippal, nez bouché, gorge enrouée... Je me lève à 13h54 et je me rendors vers 19h15. Entre ces deux heures relativement proches, je mange une pizza Wagner (ça ressemble à une pizza Dr. Oetker mais en plus épais et donc en plus moelleux), discute avec Andrew via Facebook, puis écris la journée monotone de ce dimanche en essayant vaguement de trouver quelque chose d'intéressant à raconter (c'est un peu raté). Tout cela est très laborieux : j'ai l'impression d'avoir à nouveau la mononucléose (ce n'est pourtant pas une maladie à récidives), autrement dit qu'une force invisible me pousse à fermer les paupières. Je prends un long bain en écoutant de la musique, après quoi je vais effectivement m'endormir dans mon lit, en me réveillant toutes les trois heures environ, jusqu'au lendemain.

Kamasutra habillé

Ce matin, je me rends à la gare de Bruxelles-Midi pour prendre mon train vers chez mes parents, via Charleroi. Je suis attendu chez ces derniers pour le dîner mais y être à midi relève de la chimère pure et simple, à cause des trains supprimés. Raison invoquée à l'interphone du train puis au haut-parleur de la gare : une alerte à la bombe à Charleroi ayant entraîné l'évacuation totale de la gare... C'est au moins la deuxième fois que ce genre d'incident a lieu, en moins de deux mois. Qui donc s'amuse à faire de fausses alertes ? Lu sur le Web : "Sans doute un navetteur mécontent" (mouais). Sur le quai, certains se fâchent : "C'est le deuxième train supprimé aujourd'hui !", "C'est la dernière fois que je voyage avec la SNCB !". Ce qui est énervant dans cette histoire n'est pas tant la suppression du train que les informations laconiques délivrées par les membres du personnel. Ceux-ci répondent à peine aux questions des passagers ou s'énervent à leur tour : "Le train est supprimé, c'est tout ! Tirez votre plan !". Je quitte l'énervement du quai et me rends dans les couloirs de la gare. Je devrai attendre le train de 12h30. Sans ordinateur, sans livre, sans revue, sans rien (fichtre !), cette attente se traduit par quelques actes simples : me rendre à l'Espace Café de la gare, commander café sur café et regarder passer les voyageurs. (J'ai une vie passionnante.)

J'arrive chez mes parents vers 14h. Ne sachant pas à quelle heure j'allais débarquer, ils ont déjà mangé, forcément. Je déguste donc seul le repas de midi (du bœuf à la plancha ainsi qu'une julienne de légumes et pommes de terre – c'est délicieux !). Vu qu'il fait 23° Celsius en cette douce journée de septembre (c'était le moment météo de la journée), tout le monde est dehors. Ma fille est sortie également, mais reste devant l'ordinateur de mon père à construire une maison sur Minecraft (mon dieu !). Maïté vient la rechercher vers 17h, non sans s'être installée dix minutes en buvant un verre d'eau. (J'ai une vie passionnante, bis.)

Pour mon trajet de retour, à la gare de Tamines, c'est rebelote : une demi-heure de retard vers Charleroi. Je décide donc de prendre le train vers Namur (en retard également, mais moins), pour ensuite y reprendre la correspondance vers Bruxelles. Ladite correspondance roule à pleine vitesse jusqu'à Ottignies, puis entame la sempiternelle déviation par Wavre-Leuven, rallongeant fortement le trajet. (Je suis maudit.)
Dans le train, assis à côté de moi, un couple qui mange des sushis. La demoiselle, une asiatique, semble me regarder en rigolant (pourquoi ? Aucune idée). Après avoir mangé ses sushis, le couple tente pendant le reste du trajet un schéma compliqué d'enlacement : une sorte de Kamasutra, mais habillé (c'est plus compliqué, apparemment). Sur le quai de chaque gare, plein de couples qui s'enlacent et s'embrassent. (Au secours ! Je suis dans un tableau de Paul Delvaux !)

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Je suis fatigué de tous ces trajets. J'arrive à Bruxelles fourbu et énervé. Walter me contacte car il veut absolument me rendre mes casseroles, prêtées à l'occasion du souper d'il y a deux semaines. Je contacte Léandra pour savoir où elle se trouve : elle est chez elle avec Andrew. Walter me rejoint au Parvis, suivi de Léandra et Andrew. Il fait délicieusement bon : j'estime la témpérature à 17,4° Celcius, à la grosse louche. Nous buvons 0, 1 ou 2 verres (selon les personnes) puis rentrons chez nous.

Hamilton's Weather

Ce soir, chez Mary, Léandra et moi discutons un bref moment de l'inconnu (José) qui a commenté rudement le blog de mon amie. La discussion s'étend – malencontreusement, ai-je envie de dire – à la table entière... Quel blog ? Vous tenez un blog ? De quoi ça parle ? Vous parlez de nous ? Avantage ou malédiction de ce XXIe siècle technologique : Walter prend son smartphone, tape le nom de "Léandra Courbet" sur Google et finit par tomber assez rapidement non pas sur le journal de Léandra mais sur le mien. Il commente : "Jeunesse sarkozyste... Punaise vous n'y allez pas avec le dos de cuiller !". Vous ? En fait, il est seulement tombé sur mon blog personnel. À l'exception d'un article, Léandra n'est responsable de rien ici-bas.

C'est à ce moment précis de la discussion que je commence à me ronger les ongles... J'essaie de me souvenir de tout ce que j'ai écrit dans ce putain de journal, sur Mary, Walter et les autres... Car au début, n'étant lu que par deux personnes (Léandra et Andrew), je décrivais toute ma journée de manière systématique et sans beaucoup de retenue, écrivant tout ce qui me passait par la tête (humeur, jugement, déception, énervement...). J'aurais dû faire gaffe car, comme dirait le brave Marcus Brody : "La plume est plus forte que l'épée".

Trop tard : le "mal" est fait, mais je suppose que, pour ma tranquilité d'esprit et aussi pour celle de mes amis, mon journal va devenir de plus en plus introspectif ou "théorique", ou plutôt un peu des deux. De toute façon, comme me l'ont déjà fait remarquer plusieurs amis, c'est déjà le cas : à chaque fois que j'écris quelque chose, je ne peux m'empêcher de faire dans le didactique, comme dirait l'autre. Ou comme dirait Yama : quand on me lit, on m'entend presque parler... Je ne sais pas si je dois prendre ce commentaire comme un compliment. Je suppose que oui.

J'ai en stock une troisième solution un peu con : et si je ne parlais plus que de météo ? La météo, c'est consensuel, ça ne choque personne ! C'est un beau sujet de blog, bien original : je suis certain que ça n'a jamais été fait ! Je supprimerais ainsi tous les articles actuels (à l'exception de quelques extraits qui apportent un point de vue purement météorologique) et renommerais ce journal Hamilton's Weather : "Il va faire beau ce week-end. Il fera 24 degrés ce mercredi. C'est chouetteuh."

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Gaëlle s'est levée aux aurores ce samedi : elle a rêvé qu'elle était poursuivie par un homme sans tête qui voulait "lui faire du mal". Voilà ce qui arrive quand on joue à Minecraft (prononcer "Maillenecrafte") toute la journée.

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Le soir, souper chez Mary. Celle-ci habite avec trois autres personnes dans une maison pas loin de Ma Campagne. Elle a cuisiné quatre délicieuses quiches. Emily, Léandra, Andrew et Walter sont présents à la soirée. Un des colocataires de Mary est là également, ainsi que Bob, un ami de Mary que j'avais déjà croisé au concert de Timber Timbre.

Le souper a lieu dans le petit jardin jouxtant la cuisine de la maison. Nous n'avons pas beaucoup le temps de profiter de cette délicieuse météo de début d'automne car Mary aimerait que nous nous rendions en début de nuit au Tavernier, un café du Cimetière d'Ixelles, pour y voir un groupe cubain dans lequel chante une de ses employées.

Le Tavernier ne m'a jamais plu. C'était déjà le cas au temps de l'université et ça n'a pas vraiment changé. La chanteuse est très en retard sur le programme, le café est pas mal rempli, nous restons debout un moment à siroter des bières dans un gobelet. Andrew s'endort presque, Walter et Léandra s'ennuient. Quant à moi, j'essaie de m'intégrer, de parler aux amis ou collègues que me présente Mary (notamment une Polonaise qui ne connaît pas grand monde et un Australien installé à Bruxelles qui ne parle qu'anglais). Ils sont bien sympas mais je n'ai pas la tête à ça et je ne suis pas naturel. J'ai de plus en plus de mal avec ces soirées bruyantes : ça me bloque, réellement. Léandra s'en va puis, peu après le début du concert, Andrew, Walter et moi, un peu énervés de ne pas pouvoir discuter normalement, décidons de partir boire un verre autre part. J'explique la situation à Mary et nous nous en allons.

Autre part, c'est le Corto. Il fait toujours aussi bon dehors : nous restons donc en terrasse. Le patron est à la table d'à côté, en compagnie d'une des serveuses. Il nous reconnaît (évidemment) : "Hé, vous avez raté les 20 ans du Corto le 3 septembre !", nous lance-t-il. "Deux cents personnes ! Du monde jusque sur la route et les bières à un euro 25 !"... C'est pas grave : on s'en remettra. 

Nous serons rejoints – assez vite en fait par les autres. Peu avant leur arrivée, je fais une remarque débile et foncièrement fausse comme quoi c'est nous qui choisissons l'endroit de la soirée (nous sommes des "aimants", dira Andrew). N'importe quoi ! Ça me fait penser à plusieurs scènes de bandes dessinées du fabuleux Christophe Blain... Gus, tome 1 ("Nathalie"), p. 27 : "On ne s'enterre jamais quelque part. On a déjà trop collé à ce zinc. C'est foutu. Usé. On reste en mouvement. C'est pas l'endroit qui nous fait. C'est nous qui faisons l'endroit. Nous sommes les rois de la nuit. La fête, c'est nous. On se tire." Ou Isaac le Pirate, je ne sais plus quel tome, de mémoire : "Messieurs, ce soir, nous sommes l'amour !". Mais pourquoi je pense à ça ?

Le retour se fait en taxi avec une Mary "un peu" pompette.

Et pendant ce temps (et sans aucun lien ni transition), lors de l'émission On n'est pas couché de ce 24 septembre sur France 2, Ségolène Royal est d'une rare condescendance vis-à-vis d'un jeune écrivain beaucoup plus subtil, direct et intelligent qu'elle. Misère !

Embrasser des hérissons nuit gravement à la santé

En cette fin de matinée, je dois retourner au CHU Saint-Pierre afin de m’inscrire à ma "petite intervention chirurgicale" à la vésicule biliaire, et également pour prendre un rendez-vous avec un anesthésiste... À chaque fois que je me rends dans cette clinique, j’en ressors en riant aux éclats. Qui a dit que l’hôpital, c’était pas marrant ?

La raison cette fois-ci : une situation comique à l’accueil du secrétariat de chirurgie. La dame qui s’occupe de mon admission a une extinction de voix (jusque là, rien de drôle...). Elle me parle uniquement en expirant de l’air, un peu comme si elle voulait absolument que personne n’entende ce qu’elle est en train de m’expliquer ou comme si elle me confiait un secret de la plus haute importance ("Le jour de l’opération, rendez-vous au rez-de-chaussée du bâtiment A", "Il va falloir que vous soyez à jeun depuis minuit"). J’ai envie de lui emboîter le pas et de me mettre à chuchoter à mon tour (ça me rappelle la Bibliothèque royale), mais je me retiens.

Quand elle répond au téléphone, par contre, le chuchotement ne fonctionne plus, évidemment. Pour se faire comprendre, et elle est obligée de parler à ses interlocuteurs avec une voix exagérément aiguë et stridente, comme une petite fille énervante. Au téléphone, entre deux toux : "Non, non, je n’ai pas respiré de l’hélium... Tu es la quatrième personne qui me le demande aujourd’hui !" ; "Non, mais c’est pas marrant, hein... Même mon fils se fout de ma pomme quand je le réprimande !".

À un moment, un médecin passe en coup de vent dans le bureau :
– Toujours votre extinction de voix, vous ?
– (Voix super-aiguë) Oui, ça va faire une semaine !
– À votre place, j’arrêterais d’embrasser des hérissons, c’est pas bon pour la santé !
– (Voix super-aiguë plaintive) Justement : je n’ai embrassé personne cette semaine-ci !
– Ah ben ça doit être ça le problème, alors. Vous voulez une pastille Vicks en attendant ?

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Toujours à propos de cette vésicule : hier, Flippo m’a fait peur dans le train de retour vers Bruxelles en me disant qu’après une ablation de cet organe, on est incapable de boire la moindre goutte d’alcool. Je lui ai répondu : "Mais non, ça, c’est quand on enlève le pancréas, ce qui est beaucoup plus grave". Puis, j'ai rajouté : "En plus, je ne bois que de l’Orval ou presque. L’Orval, ça se digère très bien, avec ou sans bile".

Mais je flippe quand même. (Décidément, à chaque fois qu’on doit m’enlever quelque chose par chirurgie, je stresse pour les conséquences sur mon mode de vie...) Donc je vais voir sur le Web (ici et notamment...) ce matin et je tombe sur un peu de tout (comme les fromages belges) : des gens qui ont pu directement bouffer des hamburgers et boire de la bière après leur opération (je ne suis pas certain que ce soit à faire, cela dit) et d’autres qui, des années durant, sont allés vomir leurs boyaux dans les toilettes après un seul petit verre de vin (mais pourquoi continuaient-ils à boire ?).

L’explication d’un médecin sur un forum (en résumé) : la bile relâchée par vésicule aide notamment à digérer les graisses et l’alcool. Ainsi, ce sont les gens qui avaient un mauvais régime alimentaire avant l’opération qui ont le plus de mal après, car ils sont obligés de reprendre un régime plus sain, sans trop de graisse ni d’alcool justement ! Ils considèrent ce régime comme une restriction de leur liberté parce qu’ils ont été habitués à l’excès. Les autres ne se rendent compte de rien. Me voilà prévenu ! Heureusement, j’ai toujours eu un mode de vie très sain. Hem... Bon...

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À l'Espace Café de la Gare du Midi, avant de prendre mon train vers Namur, j'ose enfin la question à la vendeuse : "Vous avez vraiment du Kopi Luwak à 25 euros la tasse ? Y a vraiment des gens qui en prennent ?". Réponse : "Oui. D'ailleurs, dernièrement, j'ai servi trois hommes qui en ont pris un chacun !" La conclusion d'un des gars, d'après la dame : "Ça a le goût d'un bon café mais rien d'exceptionnel". Ben oui : c'est un café, quoi. Sauf... Sauf que les grains sont récoltés dans les excréments d'une civette et que c'est beaucoup plus cher ! J'adore la conclusion paradoxale de ce genre de dégustation : pour bouffer de la merde, faut mettre le prix.
Arrivé à Namur, je retrouve ma fille à la sortie de son école. De retour chez mes parents, j'observe Gaëlle créer des "mangeoires pour les gentils bourdons" (comme moi quand j'avais son âge !), en coupant des pétales et des pistils de fleurs et en les alignant dans la pelouse... Elle me dit : "Seulement quatre bourdons pourront venir s'asseoir à ma table en même temps car il n'y a que quatre pistils"... Aucun bourdon n'est venu, c'est un peu triste. Plus tard, dans la soirée, elle voudra que j'installe Minecraft sur mon PC et y jouera pendant une ou deux heures, loupant presque son repas... Elle y avait déjà joué auparavant avec un de ses copains, je crois. Plus étonnant : elle est très à l'aise avec les commandes et sait se déplacer sans problème en utilisant conjointement et efficacement le clavier et la souris... Les enfants qui naissent aujourd'hui sont encore plus à l'aise que ma génération avec les ordinateurs. J'en suis presque jaloux !

Et pendant ce temps (et sans aucun lien ni transition), un satellite américain devenu fou risque de tomber sur notre tête. Misère !

Premier souvenir

Ce soir, je me rends chez Tom et Ophely. Ils habitent une maison nouvellement achetée pas loin de la Basilique de Koekelberg... L'objet premier de ma visite : voir enfin leur petite fille Sophia, qui vient de naître en août dernier. Ophely a accouché à domicile, en présence d'une seule sage-femme (la deuxième est arrivée trop tard !), sans complication d'aucune sorte. À mon arrivée, le bébé dort sur sa maman mais se réveillera assez vite. Elle reste tranquille dans son landau, puis braille un peu, demande à manger, braille à nouveau, fait caca, regarde son jouet-spirale avec étonnement, pleure, braille, écoute de la musique et se calme, demande à manger, braille, crie, s'endort dans son porte-bébé, etc. En trois mots : un bébé normal. 
Le chat est un peu dérangé par la présence de ce nouvel occupant et les parents s'en méfient. L'animal occupe constamment les lieux de vie de Sophia et cherche la caresse de ses maîtres. Le chat est-il capable de ressentir une forme primaire de jalousie ? Cette question me rappelle l'histoire de Zoé, la chatte qui habitait avec mes grands-parents maternels quand j'étais gamin. Zoé cohabitait avec un canari. Mon grand-père avait en effet construit dans le jardin une volière avec une centaine de canaris, dont un seul avait le privilège d'occuper une cage personnelle dans la maison. Zoé se couchait sur la cage, jouait tranquillement avec l'oiseau, sans jamais lui faire de mal. Un jour, Zoé a mis bas une portée. Comme d'habitude, mon grand-père a tué tous les chatons d'un coup, utilisant une technique assez barbare mais efficace : il les mettait tous dans un sac en tissu et tapait le sac d'un coup sec contre le mur de briques d'une des remises. La nuit suivant la mise à mort, Zoé a ouvert la porte de la cage du canari et a bouffé l'oiseau. Vengeance ? Colère ? Mise en place d'une justice féline ("tu as tué mes enfants, je tue le tien") ? Coïncidence ? Le mystère reste entier.

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Chez Tom et Ophely ce soir, la musique provient d'une petite chaîne portable située dans la cuisine. Au début de la soirée, occupé à cuisiner un délicieux poulet au curry et noix de cajou, Tom met un CD d'Alela Diane. Je ne savais pas que le couple aimait bien cette chanteuse. Apparemment, si : ils ont même été la voir en concert. Son premier album est assez minimaliste (deux-trois accords de guitare, des mélodies très simples) mais, dira Tom, on sent déjà chez elle une certaine aisance musicale, un sens de la mélodie et de l'harmonie... Ophely rajoutera que cette dame dévoile réellement son talent lorsqu'elle est toute seule avec sa guitare, sans aucun orchestre... 

Plus tard, ce sera au tour du dernier album de Radiohead, The King of Limbs de passer "sur la platine". C'est assez incroyable, mais depuis Hail to the Thief (qui m'avait bien énervé à l'époque avec son "Copy control" m'empêchant de l'écouter convenablement sur mon discman – le monde à l'envers : j'avais été obligé de graver sur un CD vierge cet album que j'avais acheté, afin supprimer un son parasite au début de chaque piste), je ne suis plus du tout au courant de leur production. Du coup, je demande à Tom si ce qu'on entend est le dernier album solo de Thom Yorke. Pauvre de moi : ben nan, c'est Radiohead, tout simplement. 

Ces musiciens-là n'aiment pas les longues mélodies, ils sont toujours dans l'urgence, à l'opposé des longues plages – parfois magnifiques mais parfois chiantes aussi, faut bien le dire – du post-rock. Le résultat : un album fabuleux. Exemple avec "Feral", en live (la vidéo est montée avec un effet de miroir horizontal, pour une raison que j'ignore) :


Musique toujours... En début de soirée, Tom me présente son superbe luth, qu'il a acheté à un artisan tchèque installé dans un village de la banlieue praguoise, sur les conseils de son professeur. Tom et Ophely ont fait le voyage jusqu'à Prague pour aller le chercher et en ont profité pour visiter la région. Tom ne m'a pas donné le nom du facteur mais je crois avoir retrouvé le bonhomme (merci Google) : un certain Jiří Čepelák. Le gars est un vrai passionné qui fabrique ses instruments à l'ancienne (si on parlait de nourriture, on parlerait de "bio"), en respectant les contraintes des artisans de l'époque baroque ou classique, utilisant des produits naturels comme des huiles de poissons. Tom m'explique : la table est en épicéa (le meilleur bois pour conduire le son), la touche en ébène (un bois dur qui supporte les nombreuses manipulations), les frettes sont en boyau... Seules les cordes sont en nylon (elles peuvent être remplacées par des cordes en boyau mais c'est très cher !). L'instrument est superbe, jusqu'au moindre détail : les chevilles sont taillées à la main et l'ouïe est finement ciselée, comme on peut le voir sur cette page. Tom m'explique enfin que l'instrument est en quelque sorte vivant et que pour qu'il atteigne sa perfection mélodique, il doit être joué souvent, pendant de nombreuses années. C'est définitivement passionnant.

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Durant la soirée, on parle de souvenirs d'enfance. Quel est notre premier souvenir ? Ophely ne s'en souvient pas. Tom en a par contre une vision très nette : en Suisse, vers deux ans et demi, il est émerveillé à la vue d'un lichen sur une roche. Pour ma part, mon premier souvenir est le suivant : à deux ans et demi aussi, sur les épaules de mon tonton Tino qui avait les pieds dans la mer Tyrrhénienne, sur une plage italienne (je sais que c'était là par reconstitution, car c'est la seule possibilité), la vue d'un torchon sale qui bougeait dans l'eau et qui me terrorisait... L'inverse donc de l'émerveillement de Tom pour le lichen... Nos premiers souvenirs respectifs ont néanmoins deux points communs : dans les deux cas, il s'agit d'un souvenir dont la dominante est clairement visuelle et qui par ailleurs est en rapport avec un événement totalement anodin. Freud parlerait de souvenirs-écrans, cachant un souvenir plus important mais refoulé. D'accord, mais lequel ?

En fin de soirée, Tom sort le pousse-café et le dessert. Le digestif : un alcool à base de pommes, ressemblant à du Calvados, distillé par un pote qui possède un alambic. On se resservira à deux reprises. La dessert : deux glaces délicieuses provenant d'un glacier de Wépion du nom de "La Fleur de Lait". 
Je pars juste après le dessert. Je happe un tram. Je happe un métro. Je happe un second tram. Je happe mon lit. Et, rapidement, je happe mon sommeil.

Et pendant ce temps (et sans aucun lien ni transition), des chercheurs du CERN ébranlent nos certitudes en mesurant un neutrino se déplaçant légèrement plus vite que la lumière. Misère !

Résilience et écriture

Cet après-midi, totalement par hasard, en cherchant les coordonnées d'un confrère historien que je devais absolument contacter pour une histoire d'article en commun à rendre pour l'année passée, je tombe sur un texte consacré à Boris Cyrulnik, le psychologue-éthologue aux multiples facettes, « l'homme de la résilience », comme me disait Andrew lors d'une précédente discussion virtuelle. Rien à voir avec le sujet de ma recherche, mais je m'attarde quelques minutes quand même...

La résilience, kézako ? En physique, c'est la capacité d'un matériau à résister aux chocs en emmagasinant l'énergie du choc pour la libérer lorsque la charge est supprimée. Un peu comme un ressort... En psychologie, c'est, par analogie, grosso modo la même chose appliquée à l'être humain : c'est la capacité personnelle de réagir comme un ressort face à un événement traumatisant. Autrement dit : c'est la possibilité, face à un traumatisme, de l'emmagasiner pour le transformer, le métamorphoser en quelque chose de vivable ; et aussi de rebondir, de vivre sa vie normalement... Une vraie reconstruction qui n'est possible que de l'intérieur... C'est, pour prendre un exemple extrême, la capacité qu'ont certains rescapés des camps de concentration de vivre avec le souvenir de ce qu'ils ont vécu, notamment en transformant leurs images mentales afin de créer une mémoire et une réalité différentes...

Le texte en question – un petit compte rendu d'une conférence donnée par Cyrulnik à l'ULB – m'intéresse surtout pour la partie consacrée à l'écriture comme outil de reconstruction : « Quand on écrit », explique l'auteur (Isabelle Pollet), « on le fait vers un lecteur invisible, vers un ami idéal. Cela n'a rien à voir avec la parole, car la personne à laquelle on s'adresse ne réagit pas de manière inadéquate, que cela soit de façon verbale (questions absurdes, incrédulité) ou non verbale (haussement de sourcils, signes de surprise). On cherche dans sa mémoire des images et des mots, et en écrivant, on pense avec sa main. [...] » Je me dis que c'est exactement ce que fait Andrew lorsqu'il nous explique qu'il couche sur papier, pour lui seul, ses pensées de la journée, sur les gens, etc. C'est quelque chose qui, exprimé oralement devant d'autres interlocuteurs, n'aurait de fait pas du tout la même fonction, le même pouvoir réorganisateur.

Je trouve également un point commun entre cette « résilience par l'écriture » et mon blog, même si je n'ai pas, à proprement parler, vécu de grave traumatisme psychique (ce dernier peut néanmoins revêtir des formes insoupçonnées). Une différence par rapport à Andrew : je publie tout ce que j'écris ; je ne le garde pas pour moi. Je ne peux donc pas écrire tout ce qui me passe par la tête, de peur de choquer mes connaissances, de les énerver (c'est déjà arrivé), d'enfreindre leur vie privée ou, tout simplement, de passer pour un fou. Néanmoins, ce que j'écris ici a clairement un rôle important à jouer : je réorganise ma « pensée du jour » sous la forme d'un texte structuré ; je réaffirme mes convictions (morales, politiques, philosophiques...) sans avoir de contradicteur ; j'analyse mes comportements face aux autres ; je parle de mes rêves ; je réactive des souvenirs et, parfois, je les réinvente... Autant d'activités, d'interrogations qui, dans les grandes lignes, m'ont fait plus de bien que de mal, pour l'instant.

C'est là que l'autofiction, c'est-à-dire pour résumer le mélange d'éléments autobiographiques et de fiction, prend tout son sens. Léandra s'est déjà prêtée au jeu, en inventant une rencontre qui n'a jamais eu lieu. Personnellement, tout ce que je raconte ici est, pour l'instant, excepté l'humour, la pure vérité (ou du moins, la vérité telle que je la perçois – nuance de taille !). Bientôt, je me prêterai au jeu de l'autofiction également. Je pourrai réaliser, par écrit, des choses que je n'ai jamais réalisées « en vrai » (« IRL ») et aussi jouer sur le style d'écriture en créant une histoire suivie, un scénario...

En conclusion : écrire pour transformer le traumatisme. Un acte qui pourrait aider, j'en suis sûr, certains de mes amis !

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Dans le train, Flippo m'explique qu'une mère, mécontente que la justice place sa fille en IPPJ (Institutions publiques de protection de la jeunesse), l'a agressé dans l'exercice de ses fonctions de greffier, dans le bureau du juge. La dame s'est levée et, en colère, a renversé son bureau (carrément !). Il me dit aussi qu'il essaie d'organiser une rencontre entre Léandra et son colocataire mais que ce n'est pas gagné.

Le soir, je retrouve Emily à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. Charles Picqué est près du bar, avec des amis. J'apprendrai par Ryan (sur Facebook) qu'aujourd'hui, dans une des salles du café, se déroule la présentation des primaires socialistes françaises. Et quoi ? Charles Picqué n'y participe pas ? Dehors, en face de la Maison du Peuple : un écran géant. À la tombée de la nuit, passe le film Home d'Ursula Meier (je ne connais pas, ça n'a pas l'air très joyeux).

Emily et moi rêvons de Disneyland® Paris (on y va avec Gaëlle à la fin du mois d'octobre ; Andrew a réservé les places aujourd'hui : plus de marche arrière possible !). Elle me raconte à quel point c'est beau. Elle me dit que même moi, je succomberai aux charmes de la féerie Disney, mais qu'il faut prendre un MP3 avec soi, histoire de ne pas devenir fou en écoutant l'horrible musique d'attente. On regarde le site Web (pourri) du parc et je me dis que c'est vrai que quand même, ça n'a pas l'air mal. On verra bien. De toute façon, si ça tombe, à ce moment-là, je serai mort à la suite d'une complication post-opératoire et j'éviterai par la même occasion, in extremis, la petite musique ridicule...

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Ce soir, j'apprends que le groupe R.E.M. est mort. C'est clairement une page de ma jeunesse qui se tourne. Le groupe est né en 1979, l'année avant ma naissance. Je me suis pris d'une passion tardive pour leur musique alors que j'étais à l'université... Aujourd'hui encore, la gargouille bleue de Chronic Town, leur premier EP en « 33 tours » (datant de 1982), que j'avais acheté assez cher au Juke-Box Shop (« chez Jean-Pierre »), trône au-dessus d'une étagère de mon salon.

Durant des années, mes amis ont essayé de faire passer coûte que coûte « Losing My Religion », ma chanson fétiche, dans les soirées et autres « thés dansants », juste pour me faire plaisir... Cette chanson très connue, je l'ai écoutée des milliers de fois. C'est sans doute le seul hit qui a trouvé une telle grâce à mes yeux. Dans le clip, j'adorais les jeux d'ombres et de lumières à la Vermeer, le clair-obscur à la Rembrandt, la façon tellement originale de danser de Michael Stipe ainsi que son air sérieux ; la symbolique alambiquée aussi : la bouteille de lait qui tombe au début du morceau, l'ange qui perd ses ailes, le doute de saint Thomas, Léonard de Vinci, les plans de la machine, le supplice de saint Sébastien... Autant de paraboles sur l'homosexualité, en fait. Pour ma part, j'interprétais les paroles de manière différente, forcément. Quand tout me semblait nul dans ma vie, cette mélodie, parmi quelques autres, me remettait d'aplomb.

Et pendant ce temps (et sans aucun lien ni transition), des gens déguisés en militaires postent plein de photos sur Facebook. Misère !