Indigestion postale

Septembre 2012, ce mois béni des dieux durant lequel ma boîte aux lettres engloutit les tracts politiques à la même vitesse que Gargantua la nourriture... « Parce que demain commence aujourd'hui... » (sans doute un lecteur caché de Kierkegaard), « De toutes nos forces, pour Forest ! », « Nous, c'est toujours VOUS », « La force pas tranquille » (celle-là — fallait oser — est de Marie Arena, la même qui m'a envoyé un sous-bock à son effigie il y a quelques mois)...

Peu importe le parti ou presque : sur le papier calandré, sont inscrits les mêmes mots-clés vides de sens dont des conseillers en communication ont dressé la liste... Un peu comme ces paris que l'on se faisait entre potes, à l'athénée, pour voir si le professeur lisait attentivement la feuille de contrôle qu'on lui rendait : « Chiche que t'es pas cap de mettre cinq fois le mot "lapin" dans ton texte ! » (J'étais trop sérieux à l'époque pour avoir jamais tenté le coup, et aujourd'hui je le regrette amèrement, mais je le vis bien, merci.)

Ici, le lapin a été troqué contre d'autres termes fourre-tout. Ils se répètent à l'envi, à gauche comme à droite de l'échiquier politique, et ils sont en gras, s'il vous plaît, histoire que l'électeur potentiel ne les loupe surtout pas : « sécurité », « mobilité », « emploi », « propreté »...

J'avais déjà écrit quelque part dans ce journal que si un discours était partagé par tous, il ne valait pas tripette et que par conséquent l'exprimer ne servait à rien. Écrire que l'on veut plus de sécurité, une meilleure mobilité, des emplois pour tous et une ville plus propre équivaut à ne rien dire du tout. — Qui est contre de tels principes bateau ?

Je serais sans doute un peu moins défaitiste si je pouvais lire sur ces documents encombrant ma boîte aux lettres (du moins ceux émanant des partis de gauche, car c'est à l'un d'eux que je donnerai ma voix), que la sécurité n'est pas le problème central actuellement en Belgique et qu'il faut garder son sang-froid quant aux annonces catastrophiques de certains médias sur ce « Bruxelles coupe-gorge » fantasmé (voir à ce sujet l'étude de Christophe Mincke, Insécurité et sentiment d’insécurité à Bruxelles, 2010)... Ou si je pouvais y lire, tant qu'on y est, qu'en matière de mobilité, la viabilité d'une métropole moderne est à moyen terme d'y limiter fortement voire d'y interdire purement et simplement toute circulation automobile individuelle et d'y développer le réseau de transport public en conséquence. Ou encore qu'en matière d'emploi, dans notre monde, il n'y a actuellement strictement aucun moyen de résorber le chômage à grande échelle, à moins de mettre en place une tout autre forme de gestion du travail ou bien d'attendre une situation de « miracle économique » équivalente aux Trente Glorieuses (mais l'attente sera alors sans doute longue et douloureuse).

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