« Cher Monsieur »

Hier, cette journaliste a contacté l'institut où je travaille et c'est moi qui ai eu la chance (?) de décrocher. Elle voulait en savoir plus sur un autocollant syndical que nous aurions d'après elle édité, sur lequel est écrit : « Les jaunes vivent du combat des autres » (les jaunes, c'est ceux qui ne font pas grève). Elle m'a assuré avoir trouvé l'information sur notre site Web. J'ai fini par comprendre : cet autocollant, présent quelque part dans nos collections, se retrouve dans un de nos inventaires en ligne. J'ai dû lui expliquer la différence entre un centre d'archives, un producteur d'archives et un éditeur. « Nous sommes un centre d'archives, pas un éditeur politique. Nous conservons l'histoire de la gauche, mais ne faisons pas à proprement parler de propagande. Donc, nous n'avons pas publié cet autocollant. Il s'agit simplement d'un document faisant partie de nos collections. » — Aujourd'hui, je tombe sur le torchon qu'elle a écrit et je m'en veux de lui avoir répondu aussi aimablement. Y a-t-il encore un cerveau dans les rédactions ? N'y a-t-il pas dans les écoles de journalisme des cours sommaires de critique des documents ? (Il faudra que je revienne sur ce sujet plus tard.)

Peut-être passe-t-elle souvent pour banale ou sans relief : elle est potelée, n'a pas un corps harmonieux (du moins selon le canon de l'époque) et quand elle s'exprime, c'est avec une petite voix qui donne l'impression qu'elle est gênée de prendre la parole, voire d'exister. — Pourquoi est-ce que je la trouve si attirante ? C'est parce que je vois autre chose dans son sourire et dans ses yeux ; quelque chose de malicieux qui dit : « Il y a un monde de différence entre ce que je montre et ce que je suis. »

La seule fois que j'ai dû écrire aux Archives générales du Royaume, c'était pour demander la permission de consulter autrement que sur microfilms une série de cartes datant du XVIIe siècle, celles dressées par Guillaume Gondel notamment. Je lui explique : « J'avais écrit une lettre à l'Archiviste général du Royaume qui commençait par "Cher Monsieur". J'avais reçu en retour une lettre avec la mention : "Toute correspondance envoyée à Monsieur l'Archiviste général du Royaume doit être adressée à Monsieur l'Archiviste général du Royaume". Donc, si vous écrivez à Monsieur l'Archiviste général du Royaume, n'oubliez surtout pas d'écrire avant tout "Cher Monsieur l'Archiviste général du Royaume", sinon Monsieur l'Archiviste général du Royaume ne sera pas content. » Elle rit. Oui, je suis très comique. En attendant, je n'ai jamais pu les consulter en vrai, ces putains de cartes.

« Ha ! On a de la N'Ice Chouffe aujourd'hui ! J'ai pensé à toi tout à l'heure. Je me suis dit : "S'il vient aujourd'hui, il aura de la N'Ice Chouffe !" » (Les serveurs pensent à moi quand je ne suis pas là : je fais partie des meubles.)

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