Attrition

Conversation loufoque avec la serveuse du pub du ferry Caledonian MacBrayne au retour de Craignure :

« A cappuccino and a pint of Tennent's lager please.
— Where are you from ?
— Belgium.
— Do you speak french or flemish ?
— French.
— Voulez-vous un peu de chocolate sur votre cappuccino ? me demande-t-elle alors avec un fort accent anglais.
— Ha, vous parlez français ! Non, pas de chocolat, merci.
— Pour la bière, je vais... euh... vous la donner dans une cup en plastique, parce qu'on va bientôt arriver à Oban.
— Pas de problème. Dites donc, vous parlez bien français.
— Oui, c'est parce que je suis Française.
— Vous êtes Française ?
— Oui, ça fait sept ans que je travaille ici, mais je suis... euh... originaire de France.
— C'est amusant, vous avez un accent anglais quand vous parlez français. On ne pourrait d'ailleurs pas dire en vous écoutant parler que vous êtes Française...
— C'est parce que je n'ai pas beaucoup... euh... l'occasion d'utiliser mon français ici, alors je le perds.
— Ha bon ! »

Je trouve ça fascinant et je me suis donc renseigné. En linguistique, le phénomène porte un nom : l'attrition. Il s'agit, chez un individu donné, de la perte partielle ou totale (!) d'une langue pourtant parfaitement maîtrisée en raison d'une absence de pratique et de l'immersion dans une communauté linguistique différente. Concrètement, cela se traduit notamment par une difficulté à trouver ses mots et par une incapacité à former correctement les bonnes structures grammaticales. La langue apprise en second lieu peut grandement altérer la façon dont on parle la première : une personne dont la langue maternelle est le français mais dont l'environnement journalier est l'anglais peut finir par appliquer au français des constructions grammaticales propres à l'anglais et par prononcer les mots français avec un fort accent. Le phénomène n'est pas si curieux si on le considère d'un point de vue pratique : si la langue est avant tout un outil social extrêmement performant permettant une communication fluide dans un contexte donné, elle devient inutile si les contacts avec la communauté linguistique d'origine deviennent rares ou inexistants.

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