Centre-ville

Cette semaine de concerts au Brussel Summer Festival commence vraiment à peser sur mon humeur. Je sature. Je dois dépenser beaucoup trop d'énergie pour rester jovial. Alors, en fin de soirée, je suis parfois plus énervé que d'habitude, absent, mal à l'aise, distant, etc., tout simplement parce que tout ce dont j'ai envie, somme toute, c'est d'être chez moi, assis derrière mon bureau, allongé dans mon lit ou confortablement installé dans un bon bain d'eau bouillante. Chez moi, seul.

Minuit. Je ne suis toujours pas chez moi, mais dans le centre-ville de Bruxelles. Je sais que je déteste le Café Central, mais j'y retourne en feignant l'enthousiasme. Pourtant, la dernière fois que je m'y étais aventuré, il y a des années de cela, j'avais déguerpi à l'une de ces vitesses ! En cause : la musique assourdissante, le bruit ambiant, les gens qui parlent, qui rient, qui dansent... et surtout : ces murs en bois pointus qui assaillent la vue et donnent une désagréable impression de compression. Cette nuit, je rentre à nouveau dans cet enfer avec deux amis : Georges, qui s'enfonce dès les premières secondes dans les profondeurs de la salle (à la recherche, je suppose, d'un hypothétique énième copain noctambule), et Léandra, qui tombe directement sur un collègue (elle tombe constamment sur des collègues) et commence à lui parler. — Je reste « seul », une minute tout au plus, non loin de l'entrée et me mets à observer les parages. Mauvaise idée. Sensation d'extériorité. La panique me guette, la même panique que les autres fois : il faut à tout prix que je sorte de cet étau, que je respire l'air de la nuit. Mais à l'extérieur, il y a aussi plein de gens qui s'amusent ! Ils forment un cercle autour d'un groupe de jongleurs de feu. Un homme a posé son verre de bière sur le toit d'une voiture. C'est la fête dans la rue. Alors que je m'apprête à sortir du bar (ou plutôt à fuir), Léandra revient vers moi. Je lui explique que je suis presque au bord de la panique. On retrouve Georges et on va boire un verre autre part.

Autre part, c'est la terrasse du « Zebra », un bar situé non loin de là. Au comptoir, les deux serveurs ne savent plus vraiment où ils en sont. Hyperactifs, ils se trompent dans les boissons à servir, remplissent les verres aux deux tiers, nient complètement la serveuse (ils ont apparemment une dent contre elle, vraisemblablement parce qu'elle continue à prendre les commandes en terrasse alors qu'elle devrait arrêter en raison du couvre-feu). De mon côté, je me sens beaucoup mieux. Georges parle de karaoké : pourquoi certains chanteurs s'escriment-ils à modifier les paroles d'une chanson quand celle-ci est normalement destinée à une personne du sexe opposé ? Georges trouve que garder les paroles d'origine fait partie du charme de la reprise. Il a raison. Une idée : chanter « Bonnie and Clyde » de Serge Gainsbourg avec Léandra, mais en inversant les rôles.

Le retour se fait à pied. La moitié du chemin avec Léandra, la moitié seul. C'est long, mais j'aurai fini par les avoir, mon bain chaud et ma vraie solitude.

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