Bruit de fond

La force de l'habitude. — Malgré ma promesse solennelle de ne plus être esclave du temps qui passe, je suis troublé lorsque je constate que des jours vides s'intercalent dans mon journal. C'est comme si j'avais laissé derrière moi quelque chose d'inachevé ; un gouffre que je devrai coûte que coûte remplir de mots un jour ou l'autre.  Et il faut donc que je me convainque, à grand renfort de pensées rassurantes, que c'est comme ça, que je dois laisser couler. Je devrai me le dire un certain nombre de fois encore avant que la nouvelle habitude (celle de ne pas écrire tous les jours) ne remplace l'ancienne.

Évolution. — Je pensais ne pas avoir changé, mais maintenant que je relis ce que j'ai écrit il y a deux ou trois ans (les débuts de mon premier journal et aussi, pour je ne sais quelle raison, cette fameuse réponse que j'ai envoyée le 22 décembre 2010 à Annabelle — lui disant à quel point je l'aimais, qu'elle était belle, etc. alors qu'elle était déjà définitivement perdue), je perçois mieux le chemin parcouru. J'étais le même, mais en plus hésitant (j'abusais des points de suspension) et en trop prolixe (je détaillais tout ; j'étais incapable de condenser, de généraliser). J'étais aussi beaucoup moins froid : j'avais, je pense, une meilleure idée de ce que signifiait le partage et j'avais une vision plus chaleureuse de ce qu'était l'amour.

Bruit de fond. — Il y a quelque chose qui ne change pas : la Maison du Peuple de Saint-Gilles. Je suis l'étranger qu'on accepte mais qu'on ne voit pas vraiment. Tout au plus me demande-t-on parfois si la chaise devant moi est libre. C'est donc un endroit parfait car tout ce dont j'ai besoin pour me concentrer, c'est justement de cette solitude accompagnée, de cette tranquillité entourée d'un brouhaha incessant.

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