Le chemin de la gare

Orientation. — Après une réunion matinale dans la cité du Doudou, je redescends à pied de la vieille ville jusqu'à la gare. Étant donné que je suis totalement incapable de m'orienter — rapport sans doute à mon aversion pour les mouvements de jeunesse —, j'emprunte la mauvaise ruelle et je me retrouve je ne sais où, dans ce qui ressemble à un quartier étudiant. Après quelques autres malencontreuses déviations, me voilà en périphérie de la ville, dans une banlieue résidentielle. Au loin, le beffroi. Évidemment, je ne suis pas du tout sur le chemin de la gare. Évidemment, hors de question de demander la route à quiconque... Je marche d'un pas assuré tout en me demandant : « Mais où est-ce que je suis ? »
Hier, au travail, une discussion tournait justement autour du fait que je refusais catégoriquement de demander ma route aux gens, dussé-je être poursuivi par des loups en plein milieu d'une forêt lugubre et inhospitalière (mais dans ce cas, me rétorquera-t-on à raison, je ne croiserais de toute façon sans doute personne). Lors de la même discussion, Wynka expliqua que son compagnon réagissait exactement de cette manière : « Il préfère se planter complètement que de demander son chemin. C'est une question de fierté personnelle et de contrôle : hors de question de s'avouer perdu ! », puis elle rajoute : « Je dis ça, je dis rien, mais vous êtes tous les deux des capricornes ! » (Il est même né le 10 janvier, comme moi... Si ça, ce n'est pas une preuve indubitable de l'incroyable pouvoir des forces astrales qui nous entourent, je veux bien manger mon pantalon ! — Euh...)
Tout compte fait, je n'étais pas si loin de la gare. J'ai fini par retomber sur une des rues qui y menaient... et sans rien demander à personne, s'il vous plaît !
Solitude & sentiment de solitude. — « Un enfant aveugle de naissance ne sait pas qu'il est aveugle tant qu'on ne le lui dit pas. Et même alors, il ne se fait qu'une idée très théorique de ce qu'est la cécité ; seul celui qui a perdu la vue en possède la notion. Ben Hanscom n'éprouvait aucun sentiment de solitude pour avoir toujours été seul. La chose n'étant ni nouvelle ni limitée, il ne pouvait pas se rendre compte que la solitude était toute sa vie, qu'elle était simplement là, comme les deux articulations de son pouce et la petite irrégularité marrante de l'une de ses dents de devant, sur laquelle il passait la langue chaque fois qu'il se sentait nerveux. » (Extrait de Ça de Stephen King.) — De tous les personnages du roman, Ben Hanscom est de loin mon préféré.

Pour se sentir seul, il faut avoir éprouvé au moins une fois le fait d'être accompagné : c'est, en résumé, ce qu'affirme ce paragraphe. Je ne sais pas si le principe s'applique à tous les cas de solitude (Léandra ne serait peut-être pas d'accord), mais je le trouve très pertinent en ce qui me concerne. Autrement dit : enfant (adolescent surtout), j'étais très seul, même si je ne m'en doutais pas. Aujourd'hui, je le suis tout autant mais, ayant connu pendant quelques années la vie à deux, l'idée de solitude est désormais plus ancrée dans mon esprit, bien que tout à fait supportable.

(En y réfléchissant à nouveau, je me dis qu'il y a quelque chose de faux dans ce que je viens d'écrire ci-dessus : même en couple, j'étais seul. J'ai toujours été seul.)


Rêve de pigeons morts. — Je travaille chez moi l'après-midi. J'en profite pour me reposer en début de soirée. Mary est au badminton ; l'appartement est tranquille. Je dors trois bonnes heures et me réveille alors que la nuit tombe. Je m'empresse alors de retenir un rêve étrange dont je viens de sortir et dont voici la teneur : je suis chez mes parents avec Gaëlle. Cette dernière a décidé d'élever des pigeons à l'intérieur de petites cages situées dans une des vieilles remises de la propriété familiale (là où, deux décennies plus tôt, mon grand-père maternel élevait des canaris). 

C'est le matin et j'accompagne ma fille dans la remise pour l'aider à nourrir les pigeons. Mais dès que nous ouvrons la porte, nous sommes tenaillés par une chaleur suffocante. De la vapeur brûlante s'échappe par l'ouverture nouvellement créée. Soudain, je comprends... Pour chauffer la remise durant la nuit, Gaëlle a eu la mauvaise idée d'installer un bac rempli de pierres comme on en trouve dans les saunas. Je me dirige avec difficulté vers deux cages. Dans la première, un pigeon est mort ; dans la seconde, l'oiseau n'arrête pas de tourner, affolé. Gaëlle dépose une grande assiette d'eau devant la cage et l'animal se met à laper rapidement le liquide à la manière d'un chat. Je lui explique que ce n'était pas une bonne idée de mettre ce système de chauffage dans la remise... et je me réveille !

Laisser un commentaire