Yéti

Ce qui me frappe à chaque fois que j'écoute un album de Can : le mélange presque surréaliste entre décontraction et précision chirurgicale. — Can ? Le groupe de maniaques le plus cool du monde.

La voix de Malcolm Mooney dans « Father Cannot Yell » (Monster Movie, 1969) est une graine de punk semée sur un terrain encore relativement vierge. Quant au morceau phare « Soap Shop Rock » d'Amon Düül (Yeti, 1970), il contient en germe toute une pousse de « post-rock » qui ne sortira de terre que plus de vingt ans plus tard : il suffit pour s'en convaincre d'écouter la dernière partie du morceau en question, ce mouvement d'environ six minutes intitulé « Flesh-Coloured Anti-Aircraft Alarm » dont le violon tourbillonnant constitue en quelque sorte le lointain ancêtre du violon de Sophie Trudeau dans les longs fragments instrumentaux de Godspeed You! Black Emperor.

Ce qui me plaît chez des auteurs comme Wittgenstein, Kraus ou Musil : la minutie apportée au détail. Il n'y a chez eux aucun relâchement ; l'emplacement de chaque virgule est pensé avec un soin extrême. Et si je déplace une seule de leur virgule, je commets la pire des trahisons !

« Parfaire, jusqu'à l'excès, même ce qui est invisible — surtout ce qui est invisible ! » : voilà qui pourrait être le mot d'ordre d'un perfectionniste.

Presque plus personne ne semble se soucier de l'authenticité d'un texte. « L'auteur importe peu, seul compte le message », entend-on.  Ainsi retrouve-t-on, entre autres absurdités, Lao Tseu en spécialiste du burnout et Albert Einstein en chantre de l'astrologie. — À chaque fois qu'une corruption du langage est perpétrée (consciemment ou inconsciemment), une vérité flambe.

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