Une grosse bouteille en plastique bleu, du genre de celles que l'on place à l'envers dans les fontaines à eau publiques, est posée sur mon lit. Il n'y a plus d'eau dedans, seulement beaucoup d'humidité. J'y ai placé des dizaines d'araignées et d'insectes. Je veux créer une sorte de mini-terrarium. Très vite, une gigantesque araignée s'y déploie et occupe tout le volume, écrasant ou dévorant les autres bestioles. Une énorme patte sort du goulot et commence à tâtonner dans l'espace environnant, comme si elle cherchait des informations sur le monde extérieur, sur ce qui se trouve au-delà de la grosse bouteille. La patte me touche le dos, tremble et se replie très vite. Je sens que l'animal est effrayé par ma présence. La bouteille se transforme alors en une énorme chenille blanche qui, paniquée, frôle mon dos et va se réfugier sous mon lit. — Et je me réveille en criant !
Archives mensuelles : février 2015
Rêve de vagues et de crevasses
Une heure 40 du matin. Je me force à me relever pour noter le plus scrupuleusement possible le rêve que je viens de faire. — Je suis chez ma maman avec Gaëlle. Ma mère m'explique qu'un gigantesque tsunami va frapper l'Europe d'un instant à l'autre et qu'il y a des vagues dans la grande pelouse. « D'après les journalistes, c'est normal : ce serait un des premiers effets du tsunami... Dehors, ils sont plusieurs à jouer dans les vagues, tu devrais aller les rejoindre. Il paraît que l'eau est très chaude. » Mon père, Fridric et son fils Roberto sont en effet dans la pelouse, pas loin de l'érable. Ils sont tout habillés et se font régulièrement engloutir par des vagues plus hautes qu'eux. Il n'y a pas d'eau à leurs pieds, seulement ces hautes vagues qui les frappent à intervalles réguliers. Ma tante filme la scène avec son téléphone. Je cours vers eux. Je m'amuse moi aussi à prendre les vagues en pleine face. L'eau est presque bouillante. Je me dis que tout cela n'a pas de sens, car on est à plus de cent mètres au-dessus du niveau de la mer. Par ailleurs, comment des vagues pourraient-elles venir du sud ? La Méditerranée est bien loin d'ici. Ensuite, je me retrouve seul parmi les vagues. Je me mets dos à elles. Ma maman, debout près de la serre, me crie : « Non, tu ne dois surtout pas aller à l'encontre des vagues ! » Ma tante regarde son téléphone et nous demande ce que veut dire « earthquake » en anglais. Ma mère et moi lui répondons : « Ça veut dire "tremblement de terre". » Ma tante déclare : « Comme c'est curieux. La fissure s'est rouverte à la carrière. On peut à nouveau entrer dans le gouffre de Talenborn. » Ma mère, surprise par l'information, lance un grand : « Oh, ça alors ! » (Je ne comprends pas de quoi elles parlent.) Soudain, la pelouse sous nos pieds se fissure à différents endroits. Des îlots de terre se forment rapidement, avec tout autour de profondes crevasses noires. Je hurle à ma maman : « Cours ! » Nous devons parfois faire des bonds de plus de deux mètres pour ne pas tomber dans un trou, mais nous arrivons à gagner la route. Depuis celle-ci, je vois Gaëlle et mon père qui regardent par la porte vitrée de la maison. Ils n'ont pas l'air paniqué. Je leur crie : « Sortez, sortez ! Ne restez pas à l'intérieur ! La maison risque d'être engloutie d'un instant à l'autre ! » — Et je me réveille.
Réglages & déréglages
Tout a commencé jeudi dernier. Arrivé à Liège, je suis sorti du train en voulant vérifier comme d'habitude l'heure sur mon téléphone portable et je me suis rendu compte que l'écran à cristaux liquides était fendu de part en part. Je suis certain qu'il n'était pas cassé une heure plus tôt (je vérifie l'heure sur mon téléphone à chaque changement de lieu et j'aurais remarqué à coup sûr la cassure en montant dans le train à Bruxelles). Un écran peut-il rendre l'âme sans aucun choc, simplement en restant dans la poche d'un pantalon ? — Deux jours plus tard, samedi donc, chez ma maman, Gaëlle m'appelait d'une voix tracassée, en me montrant sa petite tablette. L'écran à cristaux liquides était également complètement fendu. Elle m'a juré que l'appareil se portait à merveille lorsqu'elle l'avait posé dix minutes plus tôt. Pourquoi mentirait-elle ? Elle sait très bien que je ne me fâcherais pas de toute façon (c'est juste un objet). Elle s'est mise à pleurer comme une Madeleine : qu'allait devenir sa partie de Minecraft ? Et ses captures d'écran de Ratchet et Clank ? Ma mère et moi lui avons promis de lui racheter une tablette de meilleure qualité, avec je ne sais quel argent, mais passons ! — Hier, c'était mon appareil photo compact qui clamsait : je prenais des clichés pour mon travail et entre deux prises, l'objectif s'est bloqué en faisant un bruit de craquement, comme si un grain de sable obstruait le mécanisme. Aujourd'hui, j'ai démonté méticuleusement l'appareil : j'ai pu observer l'intérieur de la bête (ce qui est toujours sympathique et intéressant), mais je n'ai pas réussi à débloquer quoi que ce soit. — Enfin, mon réveille-matin (branché sur secteur) avance trop vite depuis plusieurs jours : il gagne environ une heure et demie en vingt-quatre heures, de telle façon que je ne peux absolument plus compter sur lui pour me réveiller à une heure précise.
En plus, je sais que je vais être malade. J'ai mal aux articulations, à la main droite, au dos, je commence à tousser et, pour couronner le tout, je suis très sensible des yeux, en tout cas plus que d'habitude : la moindre lumière vive (éclairage, écran d'ordinateur trop lumineux) laisse de vilaines rémanences dans mon champ de vision. Je suis aussi beaucoup plus sensible qu'à l'accoutumée à la musique : voilà au moins un point positif ! (Je me suis mis à réécouter des airs de banjo, un vieille routine qui me redonne du tonus quand je suis malade ou à plat.)
Je sais que c'est ridicule, mais je ne peux m'empêcher de relier ces informations disparates à mon état psychologique déplorable... Un peu comme si l'extinction et le déréglage de toutes ces machines constituaient une expression de mon propre laisser-aller. Ça m'a tout de même trotté dans la tête pendant plus d'une journée, d'hier midi (heure approximative à laquelle mon appareil photo s'est bloqué, sans doute à jamais) à aujourd'hui.
Alors, ce soir, comme pour conjurer le mauvais sort (même si je ne crois pas au mauvais sort), en rentrant du boulot, je me suis mis à nettoyer mon appartement compulsivement, de fond en comble... Rangement général, poussières, passage d'aspirateur (pardon, madame la voisine du dessous), nettoyage à l'eau du sol, frottage des éviers et du lavabo, lavage des meubles, triage des vieux papiers, vidage des poubelles, réajustement des symétries...
J'ai terminé il y a peu. Mon appartement ressemble enfin à quelque chose. Je me sens mieux. Je me suis fait couler un bain avec de la mousse. Si je règle mon réveille-matin sur la bonne heure aujourd'hui soir, sera-t-il à nouveau décalé à mon réveil demain matin ?