Accidents nucléaires et critique des médias

Dans le train, je n'arrive pas à avancer sur l'écriture de mon article sur les accidents nucléaires, que j'ai envie de publier sur le Blog du Noctambule. J'aimerais reprendre de manière la plus compréhensible possible la liste des accidents nucléaires civils mais bloque tout le temps sur la meilleure manière d'expliquer des termes spécifiques. 

Le soir, en cherchant des informations pour cet article, je tombe sur différents discours, certains "pro-nucléaires", d'autres "anti", d'autres encore plutôt "neutres". Je passe mon temps à les soumettre au crible de la critique des médias, un peu à l'instar de cet extrait de Lettres de Sibérie de Chris Marker. Je le fais plus pour moi que pour l'article que je veux publier. 
Je note trois cas typiques : celui (A) d’une publicité réalisée par un lobby pro-nucléaire (le Forum nucléaire belge), (B) du discours d’une activiste anti-nucléaire australienne (Helen Caldicott) et (C) d’un scientifique issu d’un organisme de recherche indépendant (Roland Desbordes, président de la CRIIRAD)...
 

(A) Un discours pro-nucléaire  : La radioactivité peut avoir des conséquences énormes sur votre vie [vidéo]

Cette vidéo est extraite d’une campagne de propagande vraiment très bien foutue signée par le Forum nucléaire (site de lobbying dont les membres – AREVA, Electrabel, Westinghouse... – sont tous financièrement impliqués dans la recherche ou l’énergie nucléaire). La campagne est bien faite car elle donne l’impression d’être neutre et de laisser libre court à notre raisonnement. C’est une argumentation classique du type antithèse-thèse (la thèse, ce que l’on veut prouver, se retrouve toujours en dernier lieu) du genre : vous êtes libre d’être contre le nucléaire parce que [contre-argument] mais avez-vous pensé à [argument] ? Dans ce cas-ci, les ficelles sont très grosses... Le raisonnement contenu dans cette vidéo se résume à une phrase du genre : "le nucléaire, ça peut créer une catastrophe comme Tchernobyl mais c’est aussi une technologie qui sauve des vies". La comparaison est osée dans le sens où on ne parle pas du tout de la même chose (la production d’électricité d’un côté ; la production de radionucléides à usage médical de l’autre) et où, par ailleurs, il suffit de quelques réacteurs nucléaires dans le Monde pour satisfaire la demande médicale, contrairement au problème de la demande en électricité. Enfin, la forme de la voix off fait également partie de l'argumentation : elle est sûre d'elle, presque joyeuse, comme si elle s'adressait à des enfants.

(B) Un discours anti-nucléaire : Dr Helen Caldicott Press Conference (11 mars 2011)

Là, j'ai trouvé l’exemple inverse : une campagne de propagande anti-nucléaire. L’argumentation utilisée par Helen Caldicott, médecin et militante anti-nucléaire australienne, est basée sur la peur : elle dit par exemple dans cette vidéo que "[la catastrophe du] Japon est, en termes de magnitude, bien pire que Tchernobyl" ou que "dans chaque piscine de refroidissement [de la centrale de Fukushima], il y a plus de radiations que toutes celles produites par un millier de bombes Hiroshima", ou encore que les gens qui reçoivent une dose massive de radiations meurent comme un patient du SIDA, ou enfin qu’il ne faut pas manger du tout d’aliments européens aujourd’hui car ces derniers seraient encore en grande partie contaminés par le nuage de Tchernobyl. Dans tous les cas, elle utilise des comparaisons monstrueuses (des "absolus mémoriels") pour faire monter la terreur dans l'esprit des auditeurs et ainsi tenter de convaincre : elle cite Tchernobyl, qui reste sans aucun doute encore aujourd’hui dans la mémoire collective l’accident nucléaire civil le plus atroce de l’histoire de l’humanité ; elle compare les radiations des piscines de refroidissement de la centrale de Fukushima avec celles d’Hiroshima (encore un absolu ; en plus la comparaison est farfelue : si c’est mille fois pire qu’Hiroshima, comment les liquidateurs sur le site irradié font-ils pour survivre plus d’une seconde ? Ou encore : qu’attend-on pour évacuer le Japon ?) ; elle utilise les symptômes du SIDA (alors que ça n’a strictement rien à voir) pour frapper les consciences, etc. Par ailleurs, son statut de médecin et son air docte lui donne un argument d'autorité supplémentaire.

(C) Un discours informatif, ni tout blanc, ni tout noir : Roland Desbordes, Les émissions radioactives de Fukushima [vidéo] 
Voilà ce que je considère comme un discours plus "neutre", en tout cas un discours qui n’a rien à voir avec le lobbying des deux premiers. Ici, le but est d’informer, de manière rationnelle, et non de convaincre. Roland Desbordes est président de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité), une association loi de 1901 (on dirait ASBL en Belgique) indépendante qui, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, a notamment pour objectif d'informer la population française du  niveau de radioactivité dans l'Hexagone, en se basant sur des résultats récoltés et analysés de manière indépendante de toute instance étatique. La situation décrite par Desbordes paraît inquiétante (il y a des particules d'iode 131 et de césium 137 qui font le tour du Monde) mais ne verse pas dans le sensationnalisme ou le terreur.

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