Traumatisme félin

« On peut s'imaginer un animal en colère, craintif, triste, joyeux, effrayé. Mais un animal qui espère ? Et pourquoi pas ?
Le chien croit que son maître est à la porte. Mais peut-il aussi croire que son maître viendra après-demain ? — Que ne peut-il donc pas faire ? — Comment est-ce que je le fais, moi ? — Que devrais-je répondre à cette question ?
Seul peut espérer celui qui sait parler ? Seul le peut qui maîtrise l'emploi du langage. Ce qui veut dire que les manifestations de l'espoir sont des modifications de cette forme de vie complexe. (Si un concept fait référence à un caractère de l'écriture humaine, il n'est pas applicable à des êtres qui n'écrivent pas.) »

(Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques, II-i.)
Début d'après-midi, sous un ciel gris, presque menaçant, en terrasse de la Maison du Peuple de Saint-GillesJe tente, avec énormément de difficulté, de rédiger un paragraphe sur Zweig. Un homme et une femme, la trentaine, s'installent en périphérie de ma table. « N'est-ce pas trop compliqué de travailler ici ? », me demande l'homme. « Non, pas du tout », lui réponds-je, « j'ai au contraire beaucoup de mal à me concentrer lorsque le monde autour de moi est silencieux. Je préfère un brouhaha permanent à un silence pesant ! » Il me dit : « Nous allons essayer de parler de choses intéressantes, tout de même ! ». Lui, au moins, se rend compte que les murs ont des oreilles. Lors de la conversation, ils aborderont les sujets suivants : les pèlerins permanents de Saint-Jacques-de-Compostelle ; la véracité des équations de Sheldon Cooper sur les tableaux en arrière-plan dans The Big Bang Theory et la localisation corporelle des différents chakras. (Cherchez l'intrus.) — Début de soirée, toujours en terrasse de ladite Maison. Andrew revient de chez Léandra où, comme chaque jour depuis que celle-ci est partie en vacances, il a nourri Quid et lui a apporté un peu de chaleur humaine. L'adorable petit chaton a récemment été traumatisé par des travaux dans l'immeuble qui ont fait trembler les murs de l'appartement. Il semble par ailleurs tester l'autorité en ce moment, par exemple en montant sur la table alors qu'il sait qu'il ne peut pas monter sur la table. D'où cette question : comment un animal dépourvu de langage a-t-il conscience de ce qu'il peut et ne peut pas faire ? Comment sait-il quelque chose ? Peut-il se souvenir ? Peut-il projeter ? Peut-il se représenter autre chose que ce que son cerveau lui dicte ici et maintenant ? Vite, vite, il faut se replonger dans l'œuvre de Wittgenstein !

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