Bribes de discussions

(Ces échanges n'ont jamais eu lieu stricto sensu, dans la mesure où j'ai déplacé, supprimé et recollé des éléments de discussion pour recréer une conversation suivie. Le fond des échanges, par contre, est plus ou moins respecté...)

(Avec Léandra, vers 15h40, à la Maison du Peuple de Saint-Gilles.)
– (...) Par après, je me suis dit que la prochaine fois que j'écrirais une nouvelle, je créerais une structure avant de commencer.
– M'enfin, mais oui !
– Parce que là, je ne sais pas trop comment retomber sur mes pattes...
– Ben oui...
– Ouais, je sais, c'est très con. Mais sinon, ce n'est pas trop nul quand même ?
– Non, ça va, mais tu restes trop dans le monde des idées, tu devrais ajouter beaucoup plus d'éléments narratifs.
– J'ai du mal avec la narration... Par contre, les idées, j'aime bien...
– Oui, mais on ne fait pas une nouvelle rien qu'avec des idées.
– Je sais, mais c'était censé être le début, j'aurais développé la narration par après...
– Moi, je l'aurais bien vu plus ancré dans le réel, ce début de nouvelle. Par exemple, tu aurais dû réellement faire croire que tu écrivais cela maintenant parce que tu n'avais pas ta fille ce week-end ; et aussi faire comprendre que tu n'aurais jamais osé écrire quoi que ce soit pendant qu'elle était là.
– Ha ouais, c'est pas con, mais c'est trop tard. De toute façon, je pense sérieusement que je vais laisser tomber.
– Tu peux aussi arrêter pour le moment et reprendre plus tard.
– Tu crois que ça se fait, ça ? Que je pourrais reprendre le week-end prochain par exemple ?
– Bah oui.
– Ouais, bof... C'était une expérience. Je vais laisser tomber, ce n'est pas grave. Ce n'est pas comme si des gens me lisaient, hein...
– Hmmmm...

(Toujours avec Léandra, vers 17h30, dans les "coursives" du Potemkine, devant un concert de jazz du Fred Becker Trio.)
– Pfff, je n'ai vraiment pas le moral.
– C'est à cause de Jonas ?
– Oui et non. De toute façon, pour sortir avec lui comme la dernière fois, autant ne pas sortir avec lui.
– De fait.
– Je suis très déçue de constater qu'il a oublié qu'on devait se voir jeudi pour visionner trois épisodes de Star Wars. Là, il est avec ses copains, donc tout va bien pour lui. Il comptait d'ailleurs faire un truc avec eux ce jeudi.
– [Je ne sais pas si je l'ai dit ou si je l'ai pensé très fort] Ouais, donc, grosso modo, quand il angoisse, il est très content de t'avoir mais quand tout va bien, il t'oublie...
– En fait, ce qui me ferait vraiment du bien, à moi, c'est de pouvoir passer la Noël chez mes parents avec mon compagnon, quel qu'il soit.
– Tu mets la charrue avant les bœufs, là.
– Bah...
– La chose arrivera sans doute un jour, faut pas désespérer. Sans doute pas cette année, mais bon...
– Quoi ? Pas cette année ? Ooooh, pffff !
– De toute façon, ce n'est quand même pas si important que ça, non ? L'important, c'est d'être bien en couple, tu ne penses pas ? Après, tout coule de source...

– Hmmmm...

(Avec Mary, vers 22h, au Bar Parallèle, après avoir été voir le film Drive à l'UGC Toison d'Or.) 
– Et alors, quand est-ce qu'on va te rhabiller, Hamilton ?
– Quoi ? Tu reviens encore avec ça ?
– C'est très important d'avoir un style, tu ne t'en rends pas assez compte !
– Pfff...
– Il faut que je te dise un truc... Ça ne va sans doute pas te faire plaisir, mais tant pis, c'est pour ton bien : il faut vraiment que tu changes. Tes amis ne te le disent pas assez. Faut dire que Léandra est un peu comme toi, elle aussi : elle est très braquée et ça n'arrange rien.
– Pffff...
– Non, mais sans déc', t'es vraiment trop braqué, tu te mets des œillères, tu ne veux rien changer dans ta vie, tu ne te remets jamais en question. 
– Je sais... J'ai toujours été comme ça...
– Ce n'est pas une réponse, ça !
Si, c'est une réponse ! Les gens m'acceptent comme je suis, ou alors je les emmerde, sérieusement...
– Mais tu ne seras jamais heureux comme ça... Mon père est comme toi. Et mon frère a été comme toi. Mais depuis qu'il a changé, qu'il porte des nouvelles fringues, il a une vision plus positive de lui-même, il a une petite copine et il est bien mieux dans sa peau !
– Pffff... L'éternel débat... Être dans le coup : "le monde évolue alors il faut évoluer avec le monde". Ben nan, désolé ! Si le monde qui m'entoure devient totalement con, je vais pas devenir con pour être dans le mouvement...
– Ben ça fonctionne comme ça de nos jours, Hamilton ! Les femmes ont le choix désormais. Elles attendent moins longtemps. Si elles ont envie de se barrer parce que leur mec est trop chiant, elles se barrent, un point c'est tout.
Gné ? Quel rapport ?

– Ben t'as peu de chance de trouver quelqu'un, là.
Je sais. Et ?
– Ben faut que tu changes.
Ben nan.
– Raaaah, t'es chiant. Essaie au moins de changer de look. Si ça ne te va pas, au moins t'auras essayé et je te laisserai tranquille !
Nan.
– Et le boulot, pourquoi tu travailles aussi loin ?
– Bah ! J'aime bien mon boulot. C'est assez rare. Et puis, je ne cherche pas vraiment ailleurs.
– Ben tu devrais. 
– On verra.
– Pffff... Et pourquoi tu ne reprends pas le badminton ?
– Pas envie.
– Donc, en gros, ta vie, désormais, c'est : boulot-boire-dodo...
– Ouais, ça ne change pas tellement d'avant. Avant, c'était : boulot-badminton-boire-dodo...   
– Et en plus, tu ne crées rien.
– Ben j'écris, c'est toujours mieux que rien...
– Mouais...
– Hmmmm...

* * *

En fin d'après-midi, Léandra et moi sommes dans les hauteurs (les "coursives") du Potemkine pour assister à un concert de jazz qui se joue en contrebas. Il s'agit du Fred Becker Trio, sauf qu'ils sont quatre : le saxophoniste et clarinettiste Fred Becker, accompagné d'un batteur, d'un contrebassiste et d'un guitariste. Le public de départ n'est pas habitué au jazz : les applaudissements sont donc peu nourris entre les solos. Observation amusante, depuis notre "tour d'ivoire" : ce premier public sera petit à petit remplacé par un public en moyenne plus vieux et plus connaisseur, de telle manière que durant le second set, les applaudissements se feront plus chaleureux... Niveau musical, le groupe pratique un jazz pas trop difficile à suivre. Certains morceaux côtoient le rock progressif. Le batteur se marre bien, le guitariste part dans de belles envolées bruitistes et le saxophoniste a le sens du spectacle (comme le remarquera Léandra).

Peu après 19 heures, je rejoins Mary à l'UGC Toison d'Or pour un ciné. Le film choisi, après moult tergiversations : Drive de Nicolas Winding Refn. L'histoire : un homme taciturne, as de la conduite, est cascadeur pour Hollywood la journée et conducteur ("driver") pour la mafia la nuit. Tout se passe bien jusqu'au jour où, par amour pour sa voisine, il tente d'aider le mari de cette dernière dans un casse qui tourne mal. Le scénario classique...

Quand je rejoins Mary à l'UGC ce dimanche soir, elle se trouve à l'intérieur d'une file d'au moins trente mètres, qui rappelle Disneyland® mais en moins magique. Tout Bruxelles a décidé d'aller au cinéma apparemment. Arrivés dans la salle, nous sommes obligés de nous installer au second rang et de plier le cou à 45 degrés pour voir l'entièreté de l'écran.

La première heure du film se déroule dans une ambiance ouatée qui n'évite pas certains poncifs : longues scènes lancinantes où les deux "amoureux" se regardent dans le blanc des yeux sans rien dire – faut dire que le gars est un pince-sans-rire –, ralenti énervant durant un montage montrant un retour au bucolique en plein Los Angeles... Ces quelques scènes mises à part, j'aime la première heure de film dans son ensemble : les scènes de courses-poursuites sont intelligentes, la musique est prenante, le personnage principal est calme et mystérieux...

Après, ça se gâte car nous passons de la course-poursuite à la violence gratuite. Le "héros", qui ne porte pas d'arme, est obligé de recourir aux pires atrocités pour se protéger et défendre celle qu'il aime. Entre autres joyeusetés : écrabouillage compulsif de tête dans un ascenseur ou utilisation d'un marteau pour faire (très) mal... Du côté du "méchant mafieux sans pitié", nous aurons droit à une répugnante ouverture de l'artère ulnaire, ainsi qu'à d'autres scènes dans lesquelles le sang fait d'immondes gargouilllis. Toutes les cinq minutes, Mary se cache du mieux qu'elle peut. Une partie de la salle (moi y compris) rigole tellement c'est gore. Force est de constater que ce film est beaucoup moins subtil que le Parrain (rien d'étonnant). En conclusion : c'est mieux que le ridicule "Tintin" de Spielberg (pas difficile, cela dit) mais ça ne vaut certainement pas le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2011. Enfin, moi, pour ce que j'y connais en cinéma, hein...

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