L.C., 35 ans, éditrice

J'écris dans un coin de la Maison du Peuple, à environ cinq mètres du bar. Des gouttes d'eau venant du plafond me tombent sur les cheveux à intervalles réguliers.

Dès que la serveuse se met à parler de Narnia, je tends l'oreille : « J'ai regardé Le Monde de Narnia avant-hier à la télévision... Eh bien, c'est pas top... C'est chiant... Pour l'intrigue, ils ont pompé des éléments un peu partout, chez Tolkien entre autres... » Une partie de ce qu'elle raconte ensuite est inaudible, jusqu'au moment où elle gueule : « Mais un peu d'originalité, quoi, bordel ! » — C'est bien résumé. J'aurais pu l'expliquer de cette manière : ça m'aurait pris moins de temps.

« Il faudrait essayer de comprendre pourquoi autant de gens se braquent.
— Je sais pourquoi : c'est parce que je suis différente. Je suis plus intelligente que la moyenne, alors je ressens certaines choses de manière beaucoup plus forte et plus nette que les autres. »

« Tu te censures beaucoup, dans ton journal. Par exemple, tu aurais pu dire que ***** est ****** parfois, ou que **** raconte souvent ** ******* ********, ou bien encore que tu n'aimais pas la façon dont ****** a ******* au ****** de *******. Et tu n'as jamais écrit non plus que ***** pouvait ***** les ****** et donc te ********* ****. » — Moi, me censurer ? Jamais !

« Si je reprenais un blog, je ne pourrais pas m'empêcher de dire ce que je pense, de parler des gens qui me déçoivent ou m'énervent... C'est peut-être pour ça que je n'écris plus. » — Ça me rappelle les débuts de mon Hamilton's Diary, où j'écrivais platement tout ce qui me passait par la tête, jusqu'aux histoires les plus indiscrètes (comme les frasques de Walter qui ne pensait qu'à ******* son ****** ***), sans retenir la moindre information d'ordre privé. Oui, aujourd'hui, je me censure quand je parle des autres. Pour recueillir toutes mes pensées, il faudrait que mon journal ne soit pas public du tout.

« De toute façon, ce blog redevenu journalier est un objet transitoire. Après un an ou deux, je ferai sans doute autre chose !
— Si tu tiens un an, t'es déjà courageux ! »

« Il y a des sujets que tu traites mieux que d'autres dans ton journal. Quand tu écris sur moi, tu passes complètement sous silence certains événements importants. Par contre, ça t'arrive de mentionner quelque chose de beaucoup plus anecdotique. Il y a aussi des sujets que tu considères pouvoir aborder et d'autres non. Par exemple, mes histoires de sites de rencontres, tu considères que tu peux en parler. Mais tu n'en parles pas bien. C'est sans doute parce que tu ne comprends pas.
— Et donc, pourquoi es-tu sur un site de rencontres ?
— Pour rencontrer de nouvelles personnes. Pour être une femme. »

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