Archives mensuelles : août 2011

C'est une maison bleue... (week-end à Hanzinne #2)

Ensuite, l'ambiance. C'est une maison bleue... Bon, d'accord, elle n'est sans doute pas aussi "bleue" que celle de San Francisco, mais c'est l'endroit qui s'en rapproche le plus pour le moment dans ma petite vie "rangée". Le gîte que mes amis Zapata et Amy ont loué peut accueillir plus de vingt personnes à la fois. Sur une étagère, une petite urne avec une phrase du genre : "Donation libre : ce gîte nous a coûté x euros pour une semaine. La bouffe environ x' euros. Merci de participer selon vos moyens". Autre détail : dans un parking à côté de la pelouse extérieure, des amis de Zapata ont installé leur "camion". Ils l'ont aménagé comme un mobile home, avec des fenêtres, de l'eau, de l'électricité (fournie en partie grâce à un panneau solaire sur le toit), une bibliothèque, une douche, des lits... Le camion est habité par un couple, ici accompagné d'un ami proche. Leur but : se lancer sur la Route de la soie avec leur maison sur roue et atteindre l'Inde en passant par l'Afrique du Nord, l'Afghanistan et le Pakistan. 

Cerise sur le gâteau (façon de parler) : le chanvre est omniprésent, forcément. Et aussi l'alcool. Et aussi les soirées "jeux" jusqu'à pas d'heure (Amy est une fan inconditionnelle de jeux de société) : Cranium, Mr Jack, Time's Up,  belote, Agricola, Kezako... Ce dernier est assez intrigant ; le but : faire deviner un mot en utilisant des perles et des baguettes. Amy est un rouleau-compresseur à ce jeu. Par exemple, elle arrive à trouver le mot "vase" en une seule baguette. Et "cheminée" en deux baguettes. Comment fait-elle ? Mystère, mystère...

Une belle bâtisse (week-end à Hanzinne #1)

D’abord, le lieu. Un gite. Une belle bâtisse. Tout le pan sud-sud-ouest d’une vieille ferme faite de pierres et de briques, dont les propriétaires (de sympathiques soixantenaires) habitent la partie centrale. Le village, Hanzinne, se situe à la frontière de la Province de Namur, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, à un jet de pierre du Hainaut. C’est à deux pas de Charleroi, mais seule une carte de la  région permettra de s’en rendre compte. Pas d’usines, pas d’immeubles... Juste une centaine d’habitations, des champs, des vaches, le bruit des moissonneuses-batteuses au loin, des marcheurs-musiciens déguisés en soldats napoléoniens et... la Voie Lactée – très timide – les soirs de beau temps. Particularité locale, détail pittoresque ou encore reliquat des "heures de gloire" de la chrétienté européenne : la grosse cloche de l’église du village sonne toutes les demi-heures, y compris la nuit. Toutes les trois heures, ladite cloche s’octroie même le luxe de marquer bruyamment sa présence une quinzaine de fois, réveillant la moitié de la maisonnée. J'exagère sans doute un peu. En tout cas, elle m'a réveillé presque à chaque coup, à six et neuf heures du matin. Zapata aurait aimé trouver les fusibles de cette putain de cloche... Mais Zapata refuse d'entrer dans une église : dilemme !

Le gîte est entouré d'une belle propriété coupée par une route : d'un côté une pelouse donnant sur un champ, avec un beau terrain de pétanque ; de l'autre une cour intérieure, avec une "grange" où trônent un "kicker" et une table de ping-pong ; enfin un petit carré d'herbes entouré de haies, sur lequel sont déployés une piscine et un trampoline.

Week-end à Hanzinne

À l’heure de la mise en ligne de ce texte – ha, les joies de
la publication différée ! –, je devrais normalement être arrivé au gîte qu’ont
loué Amy et Zapata à Hanzinne, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, à une dizaine de
kilomètres de la maison de mes parents. Dans un mois, le couple part en voyage
pour un certain temps – pour ne pas dire un temps certain – et a décidé de
faire ses "adieux" en invitant plein de monde pendant une semaine
dans cet énorme gîte.
Je me demande comment va se passer mon week-end, rallongé d’un
jour pour l’occasion, avec tous ces gens de passage. J’imagine déjà le
topo : tables de jeux de société, bières, vins, rhums, musique ska-punk ou
psychédélique (selon le DJ) en fond sonore, joints qui tournent en permanence
ou presque, personnes qui passent en coup de vent, personnes qui restent durant tout le séjour, etc.
J’imagine aussi une ambiance totalement différente de mes vacances à Stavelot.
Je ne suis pas très joyeux pour l’instant (ha bon ?) mais je suppose – j’espère
– que ce genre de week-end festif me redonnera le moral. Je risque de croiser de
vieilles connaissances et même de rencontrer de nouvelles têtes (et ça, c'est très positif, comme dirait Léandra).
Arrivé au gîte, je constate qu'il y a le Wi-Fi. Je n’ai aucune envie de m’y connecter une seule seconde et décide donc de laisser tomber ce journal et mes autres "joyeuses" activités Web pour profiter le plus possible du week-end. J'ai également décidé de noter  mentalement le plus fidèlement possible toutes mes impressions et de publier l'ensemble sous un papier unique lundi soir (ou plutôt dans la nuit).

Anti-journal

Ce matin,
au réveil, le miroir me renvoie comme chaque jour un noble et beau portrait : mes
cheveux (qui en disent plus long sur mon état psychologique qu'un test de
Rorschach) sont naturellement bien coiffés, mon visage est luxuriant – sans au-cu-ne
cerne s'il-vous-plaît ! –, mes yeux sont pétillants de joie de vivre. C'est moi
tout craché : reposé, confiant dans
l'avenir, sûr de moi ! La journée s'annonce excellente, comme toujours. Excellente ! Faut dire aussi que je suis d'un
optimisme patenté : ça énerve même certains de mes amis, mais tant pis pour eux
s'ils voient toujours le verre à moitié vide ! Je n'y peux rien, je suis comme ça. Un jour, ils
arriveront à voir le verre à moitié plein, eux aussi !
La matinée
au boulot est extrêmement intéressante (toutes les matinées le sont) : Lodewijk et moi revissons les boulons de vieilles bibliothèques métalliques qui ont
tendance à pencher un peu trop de tous les côtés. Certaines ressemblent même à la Tour de Pise !
J'adore bricoler, tout comme mon papa : ça me détend, ça m'éloigne de ce que je
fais au bureau, à savoir des activités par trop intellectuelles (je
n'aime pas me poser trop de questions). J'ai un chouette travail cela dit, à Liège
certes mais un "vrai" job d'attaché scientifique, comme on n'en trouve pas
beaucoup après des études en histoire ! Mon après-midi est tout aussi agréable que
la matinée... Je retravaille sur l'organigramme dont je parlais déjà hier dans
ce même journal : il faut que je rechange totalement tout son agencement, mais
ce n'est pas grave, je comprends : Rome ne s'est pas faite en un jour, comme on
dit !
Le soir, je
devais aller au cinéma (pour voir Melancholia
de Lars Von Trier) avec Léandra, Emily, Andrew et même Walter, mais les
intempéries – je l'apprendrai plus tard – ont empêché mon train direct
d'arriver à temps à Bruxelles. Le cinéma est annulé, par ma faute. J'ai le choix
entre deux plans de rechange : soit me rendre du côté du Cimetière d'Ixelles
pour rejoindre Emily, Andrew et Walter (ce dernier "n'a pas envie de bouger", c'est compréhensible), soit rester dans "mon
quartier". J'aurais été heureux de rejoindre les autres, surtout parce que
Walter était là et que j'adore quand il parle de son boulot, de sa voiture et
des projets géniaux que nous réservent les disciples de Milton Friedman, mais tout
compte fait, ayant eu une journée intéressante mais cependant assez crevante,
je décide d'aller simplement prendre un verre au Parvis, comme d'habitude
(c'est chouette, les habitudes, les routines…). Emily m'enverra par sms que je
suis un "lâcheur" et que "c'est le début de la vieillesse".
C'est vrai et j'en rigole tout seul dans le train.
Léandra
me rejoint au Parvis. Elle aussi respire la joie de vivre, pour le
moment. Elle a eu quelques problèmes avec son dernier amoureux en date, Jonas,
mais tout ça est derrière elle désormais... Elle n'y pense plus. Elle a clairement fait une
croix sur ce gars. Elle me ressemble fort sur ce point, même si j'ai moins
d'expérience qu'elle : une fois que c'est fini, c'est fini. Léandra ne pense pas au passé : tout son corps, tout
son esprit est dirigé vers l'avenir. Mieux : elle vit l'instant présent. Durant la soirée, nous ne parlerons
d'ailleurs pas une seule seconde de Jonas, ni des autres. Si ça avait été le
cas, ça m'aurait énervé et j'aurais eu envie de la secouer en lui criant :
"Mais arrête de te prendre la tête avec ce type, il n'en vaut pas la
peine, bordel !" (en fait, me connaissant, je n'aurais sans doute pas dit
ça comme ça). Mais ça n'a pas été le cas de toute façon, donc pourquoi se prendre la tête avec des "si" ?
Nous avons
passé une fin de soirée calme et improvisée chez Léandra autour d'un plat de
pâtes. Pas d'ordinateur allumé : ça fait du bien de se déconnecter du réseau.
Nous n'avons donc pas compulsé les statistiques Web de nos blogs respectifs. Ce n'est pas plus mal, je pense : qu'aurions-nous pu y trouver de toute façon ? Que des
gens de la Communauté française (de la Fédération Wallonie-Bruxelles, plutôt)
nous suivent ? Qu'une personne à Antony (France) a lu ce blog avec une certaine assiduité
? Que quelqu'un des alentours de Mons tape le nom de Léandra sur Google de
manière récurrente ? Voire même que je suis lu par un scout ? Je n'en saurai
pas plus aujourd'hui en tout cas.
Je rentre chez moi très tôt, pour ne pas m'endormir à des heures impossibles. Je lis un livre passionnant. J'ai une vie passionnante. J'écris un journal. Décidément, tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes possibles.
Sauf que...


Statistique Web mon amour

Paraîtrait, d’après Léandra, que les blogueurs sont des
fanatiques de statistiques, de leurs
statistiques à vrai dire : qui sont ces anonymes qui lisent leur blog ? Combien
sont-ils ? D’où viennent-ils ? Quels mots-clés utilisent-ils ?
Combien d’articles lisent-ils ? Combien de temps restent-ils ? Sont-ils/elles
célibataires ? Sont-ils des humains, des mutants ou des extraterrestres ? Pourquoi les éléphants d’Asie ont-ils de plus petites
oreilles que les éléphants d’Afrique ? Etc.

J’ai du mal à me considérer comme un blogueur, donc tout ça
ne m’intéressait pas trop. J’ai quand même fini par relier un profil "Google
Analytics" à chacun de mes blogs. Puis, J’ai commencé à prêter une certaine attention aux statistiques de
fréquentation… Faut dire pour ma défense que ces statistiques sont parfois assez
bizarres, marrantes, surprenantes, voire les trois à la fois.

Sur le Blog du Noctambule (actuellement en abandon, faute de
temps et de motivation), certains mots-clés de recherche valent le détour. Un
exemple de combinaison qui revient de temps à autre :
"Alcoolisme et homéopathie". Dans ce cas précis, je serais bien
curieux de connaître les questions que se pose ce
très bref visiteur... Veut-il
savoir s’il peut combiner l’absorption massive d’alcool avec un traitement homéopathique ?
(Dans ce cas, la réponse est clairement oui, car ça équivaut tout
bêtement à se demander si l’on peut combiner de l’alcool avec de l’eau sucrée.)
Ou veut-il plutôt savoir si l’on peut guérir l’alcoolisme avec un traitement
homéopathique ? (Auquel cas la réponse est clairement non car les remèdes
de charlatans ne fonctionnent pas, hein
c'est la vie, c’est comme ça ! –, sauf peut-être sur un plan
purement psychologique.)

Parmi les phrases-clés amusantes, j’ai retenu les suivantes (après moult corrections orthographiques) : "Comment relever le
goût du concombre ?" (Réponse : tu ne peux pas, gamin, car un concombre n’a pas de goût) ; "Compter les lettres des mots
comme un arithmomane autiste" ; "Est-ce que les cheveux blanchissent ou poussent
blanc ?" (Réponse : d’après ce site, les cheveux poussent blancs
ou colorés, et ne deviennent pas blancs "en cours de route")
 ; "Nombre de marches
pour monter jusqu'au Mont Hua" (Réponse évasive : ha, mais tout dépend du
chemin que l’on emprunte !)
 ; et enfin le très beau : "Quel est le clip
musical où il y a une fermière qui dort avec un petit robot qui lui marche
dessus ?" (Réponse : hein ?)

Quant au journal d'Hamilton, ce blog-ci donc, il est encore un peu jeune pour avoir été l'objet de recherches poilantes sur base de mots-clés loufoques, mais ça ne devrait pas trop tarder. Exception : pour le mot-clé "Pénurie d'Orval", j'apparais en troisième position sur Google, avec un article sans intérêt qui s'appelle "Putain de pénurie d'Orval". J'ai enlevé le "putain" dans le titre depuis lors, pour ne pas passer aux yeux du Web pour un gros beauf énervé.

Léandra, elle, est une "vraie" blogueuse et va beaucoup plus loin dans l'analyse de ses statistiques de fréquentation. À chaque fois qu'elle tient un blog, depuis très longtemps, elle regarde le fournisseur d'accès, l'endroit, l'heure, les pages vues, les mots-clés, etc., et recoupe toutes ces informations pour savoir exactement qui va voir son blog et ce qu'il ou elle regarde. Elle fait même des trucs beaucoup plus tordus encore, quand elle surfe sur le Web. Du genre : taper une phrase-clé "à message caché" dans Google et cliquer sur le site Web ou le blog de quelqu'un qu'elle connaît pour lui envoyer un message secret. Il faut que le blogueur en question aille voir ses statistiques pour que le message passe... Mais ils vont tous voir leurs statistiques. 


Hier, dans la même logique, Léandra et moi, on s'est demandé qui allait voir ce journal depuis le site (physique) de l'Université de Liège (oui, nous pouvons voir ça aussi !). Vu qu'une des recherches de pages portait sur le pseudo "Jonas", j'ai d'abord cru qu'il s'agissait de Jonas lui-même (l'ex de Léandra), par des moyens détournés (il est chercheur, pas dans cette université, mais on ne sait jamais !). Aujourd'hui, j'ai remarqué que la personne en question était aussi allée voir pour "Yama", "Pietro" et "Amy" (trois personnes clairement connectées socialement). Et là, je me suis dit : cette personne de l'Université de Liège, ça doit être ma camarade navetteuse Yama herself, tout compte fait... (Ajout plus tardif : Yama était d'ailleurs dans le train du soir, soit dit en passant, mais je ne lui ai pas posé la question.)

* * *


J'ai bien fait de poster ces histoires de statistiques aujourd'hui car je n'ai pas grand chose à raconter. Je suis revenu d'une journée de boulot passée à réaliser un organigramme assez complexe sur la SRIW (Société régionale d'investissement de Wallonie) et ses filiales, pour aider mon collègue qui travaille à plein temps sur ce sujet (ça a l'air casse-tête, au vu dudit organigramme). On est allé manger en terrasse ce midi entre collègues, profitant du beau temps. Charlotte a (comme elle en a l'habitude) passé son temps à s'auto-détruire et à critiquer tout ce qu'elle écrivait (alors qu'elle a une très belle plume) ; les autres ont encore parlé d'horoscope : comment arrivent-ils à croire à cette daube ? Ça me dépasse totalement.

Et voilà ! Je ne suis tellement pas en forme ce soir que je pense que je vais aller me mettre dans mon lit et tenter de m'endormir en lisant un livre. Misère...

Le crépuscule du Chicomuceltec

Aujourd'hui, mon chef Lodewijk est revenu du Guatemala. Ma collègue Charlotte va enfin pouvoir arrêter de stresser à sa place. Elle a en effet eu la mauvaise idée il y a trois semaines de taper "Guatemala" sur Google et de tomber sur une page de conseils aux voyageurs publiée sur le site Web de la Diplomatie française. Résumé de ladite page, d'après Charlotte : "N'y allez surtout pas !" : routes impraticables car dégradées durant la saison des pluies, risques
sismiques, volcans qui se réveillent, attaques au
révolver ou à la machette (!), vols caractérisés, séquestrations (seulement quelques heures, "rassurez-vous",
qu'ils disent...), prises d'otages, viols, meurtres, narcotrafiquants dans la jungle, sites
archéologiques en état de siège (!!), virus abominables (comme la dengue), abductions par des Zeta-Réticuliens (?), vortex temporels, tsunamis gigantesques, attaques de zombies (??), etc.
Mon
"boss" – il déteste qu'on l'appelle comme ça – est pourtant revenu en un seul
morceau. En fait, ce site Web de l'Ambassade de France, c'est un peu comme les effets
indésirables sur la notice d'un médicament : "ils" sont obligés de marquer tout
ce qui peut arriver, même si, en prenant certaines précautions (par exemple : éviter certains
villages et ne pas trop montrer ses "objets de valeur"), le risque est relativement faible. 
À une seule exception
(deux gars au regard inquiétant et armés de machettes qui les attendaient, cachés sur le bas-côté d'une route de village, un chauffeur de tuk-tuk leur faisant
clairement signe de rebrousser chemin – ha ouais, quand même !), Lodewijk
n'a rencontré que des gens charmants, me dit-il. Il a pu découvrir de beaux
sites mayas (moins décorés néanmoins que ceux qu'il a vus au Mexique), des
villages reculés avec des habitants en costume traditionnel très coloré, un
folklore préservé... 
Je trouve le sujet intéressant, alors je me renseigne un peu. J'apprends qu'au Guatemala, outre l'espagnol (la langue principale), les
autochtones parlent une série impressionnante d'anciennes langues mayas (le K'iche' est parlé par plus d'un million de personnes, soit plus d'une personne sur quinze), mais certains
dialectes disparaissent totalement hélas, comme le Chicomuceltec. Faudrait amener un magnétophone dans ce
pays (et dans beaucoup d'autres d'ailleurs), avant que d'autres langues ne s'éteignent !
* * *
En soirée,
j'étais censé me reposer (ouais, c'est ça !) mais Emily propose d'aller
prendre un verre en terrasse, vu qu'il fait beau dehors. Rectification : vu qu'il ne fait pas trop moche dehors. C'est très tentant. Direction
donc (à nouveau) le Parvis de Saint-Gilles. Je me retrouve ainsi au Sikou avec Emily et Andrew. On mange une crêpe (Andrew reprendra même une glace, après). Je bois raisonnablement (paraît que je fais une fixation sur l'alcool pour le moment, dixit Léandra : Andrew et Emily ont l'air de confirmer). Walter nous rejoint en fin de soirée. On repart tôt (je ne m'en plains pas : ça change de ces soirées tard le soir en semaine à 4 bornes de chez moi ; en plus, je suis crevé). Léandra passe son tour. J'ai néanmoins eu l'occasion de discuter un peu avec elle
cet après-midi des statistiques bizarres de nos blogs (j'en ferai un sujet ici-même, très bientôt).

Andrew parle de son début de relation fraternelle, il y a des années, avec un escargot, avec qui il a bu un cocktail au gin et à la sauce anglaise (parmi plein d'autres ingrédients détonants).  Pauvre escargot... A-t-il survécu ? Autre question, avant de se quitter (Walter parlant des 106 chevaux de sa voiture) : pourquoi parle-t-on de chevaux pour une voiture ? C'est en relation avec le cheval-vapeur, dit Andrew. Mais le cheval-vapeur a-t-il un rapport avec la force de traction d'un vrai cheval, comme je le suppose ? Je pensais m'être gouré lamentablement... Hé bien non, pas du tout (ouf !) : ça a bien un rapport, comme le montre (notamment) ce site, même si un seul cheval peut, pendant un bref instant ou dans certaines conditions, avoir une force de traction bien supérieure à celle d'un seul cheval-vapeur.

Me voilà moins bête, mais ce n'est pas ça qui nous rendra le Chicomuceltec !

Chooz devant !


(Amis des jeux de mots à deux francs cinquante,
bonjour !)

(Zut, après vérificationS, je me rends compte que je ne suis même pas le premier à le faire, celui-là... C'était prévisible, cela dit...) 
Ce matin, je me réveille assez en forme pour accompagner ma maman à Redu, le "Village du Livre". Elle veut y revendre quelques bouquins qu'elle ne lira plus jamais (notamment une collection complète de Mary Higgins Clark : comme je la comprends !). On passe en voiture par Dinant, buvons un café à Beauraing (un village traversé par une grande route bruyante, ainsi que par la vierge Marie, si l'on croit cinq enfants illuminés), puis serpentons la jolie petite route qui mène vers le pays de la Haute-Lesse. 
Le soleil éclaire un superbe panorama dans toutes les directions. Un peu partout, des éoliennes... Au loin, à l'horizon, dans un creux sinueux de la vallée mosane, j'aperçois l'extrémité des deux grosses tours de refroidissement de l'imposante centrale nucléaire française de Chooz : deux réacteurs en fonctionnement (Chooz A est le premier réacteur nucléaire à eau pressurisée de France) ainsi qu'un projet de recherche sur les "oscillations du neutrino". Cette centrale est aussi connue pour sa situation géographique assez funky pour la population belge : elle est très proche de la frontière, dans une protubérance territoriale qui porte le nom de "Pointe de Givet". Si un accident grave devait survenir dans cette centrale, 90% environ de la population à évacuer sur un rayon de 20 kilomètres serait... belge. Début des années 80, la construction du second réacteur a suscité un gros mouvement de contestation, réprimé par la force.

Enfant déjà, ces centrales nucléaires aux tours
"immenses" m’impressionnaient. Aujourd’hui, c’est toujours un peu le
cas mais pour une raison différente, qui touche aux expérimentations toujours un
peu "borderline" (pour reprendre un terme à la mode) sur la fission de l’atome... Des expériences
d’apprentis-sorciers, symptomatiques de la perpétuelle tentation des
humains d’usurper leur "simple condition" et de dresser la nature, de jouer à la magie avec les atomes, de
les contrôler sans réellement les contrôler... (Marrant : je pense avoir déjà parlé de cela avec Andrew il y a quelques mois.)
Durant toute cette partie du trajet, ma pensée vagabonde sur la question du nucléaire... Je repense aux bêtes erreurs de manipulation de Harry Daghlian Jr et de Louis Slotin sur le
"demon core", toutes deux fatales, à cause d'un accident de criticité.
Le "rêve nucléaire"
peut très rapidement se transformer en cauchemar quand on n’y fait pas
gaffe (enfin, bon, ils travaillaient sur une bombe, ces gars-là...). Je pense aussi à l'aspect
"magique" (façon de parler) des rayons ionisants. De retour chez moi (en soirée) je retrouve une vidéo de démonstration d'un réacteur nucléaire expérimental, qui m'avait impressionnée il y a quelques mois : les techniciens enlèvent toutes les barres de contrôle du réacteur d'un coup, initiant en quelques millisecondes de nombreuses réactions en chaîne. L’eau devient toute bleue, non pas à cause d’un
quelconque éclairage, mais à cause de l’effet Vavilov-Čerenkov
, durant lequel certaines particules se déplacent plus vite que la lumière, non pas sur un plan absolu mais dans un milieu donné.
* * *

Ma mère et moi arrivons à Redu vers midi et mangeons au restaurant "Le Clocher". Je fais un tour des librairies. Ma mère va acheter des savons. Je m'arrête un moment dans la librairie qui porte le nom de "L'Archiviste". Une librairie d'histoire (logique). Ma mère arrivera à revendre ses bouquins pour 40 euros. Je termine la visite du village par Fahrenheit 451 : pas le livre évidemment, mais la librairie. Il y a plein de vieilles collections de SF. C'est dingue le nombre de livres des sixties avec des femmes à poil, surtout pour des romans qui ne parlent absolument pas de sexe, ni même parfois de femmes ! Un peu comme si le jeune fan de science-fiction des années 60 achetait son bouquin en fonction du niveau d'érotisme présent sur la couverture (en fait, à y réfléchir, c'est totalement plausible). J'y achète trois livres : Dans le torrent des siècles (Time and Again, 1951) de Clifford D. Simak ; Babel 17 (1966) de Samuel Delany ; Semailles humaines (1957) de James Blish. 
Les deux derniers sont des romans de "SF intello", dans lesquels l'intrigue constitue un prétexte à la mise en avant de théories scientifiques très sérieuses et assez pointues. Dans Babel 17, l'auteur se penche sur une langue utilisée par des envahisseurs extraterrestres comme arme de guerre contre l'Alliance humaine : cette langue, une fois apprise, modifie la façon de penser et de concevoir le monde, un peu à l'instar de la novlangue d'Orwell. Babel 17 pousse ainsi à un de ses plus hauts degrés l'idée de la relativité linguistique, que l'on retrouve notamment dans l'hypothèse (controversée) de Sapir-Whorf, selon laquelle nos représentations mentales dépendent en grande partie de la langue que nous parlons. Quant à Semailles humaines, il s'agit d'un essai sur la "panthropie". Explication : dans de nombreux romans de SF, les humains colonisent des planètes en les "terraformant", c'est-à-dire en adaptant chaque planète à nos conditions de vie. La panthropie, c'est exactement l'inverse : c'est la science d'adapter l'être humain à des conditions de vie a priori hostiles pour lui. On retrouvera plus tard ce très beau thème dans le cycle d'Hypérion de Dan Simmons (qui a, sans aucun doute possible, lu et aimé le roman de Blish), dans lequel les Extros, êtres humains modifiés, se sont pliés aux exigences de l'espace.

* * * 

Je termine la soirée à Saint-Gilles avec Emily, Léandra et Andrew. Je suis très speedé, pour une raison inconnue (l'alcool et le manque de sommeil ?). Emily et Léandra reviennent de France. Cette dernière est revenue de Paris hier. Elle ne parle pas beaucoup. Elle a couchsurfé chez un docteur en physique (à vérifier), maître de conférence à Paris. Le gars en question a une vie un peu triste, d'après Léandra. Il travaille beaucoup, est apiculteur à Versailles, vit dans un petit appartement de 35 mètres carrés (ce qui n'est déjà pas mal pour Paris, en fait)... Léandra est déçue car la conversation qu'elle a eue avec ce monsieur est restée très superficielle. Léandra n'aime pas quand on ne peut pas parler de tout. Quant à Emily, elle est revenue de chez ses parents aujourd'hui. Sur le chemin du retour, elle s'est arrêtée un moment à Compiègne parce qu'un connard de conducteur (belge en plus) lui a fait trois queues de poisson. Emily a l'air assez en forme de prime abord (le retour du retour aux sources ?). (Tiens, elle a aussi attaché ses courts cheveux : c'est assez rare et ça lui va bien. Si je le lui avais dit, elle m'aurait sans doute soutenu l'inverse.)

Parfois, je me demande ce que les cafetiers de la Maison du Peuple de Saint-Gilles fument dans leur réserve. Ils passent des musiques genre "Tata Yoyo" (heureusement, on est dehors) sur lesquelles ils dansent... Ils font un peu n'importe quoi, servent un peu n'importe comment, oublient les commandes... On ne reste pas longtemps de toute façon. On finit par atterrir au restaurant "La Porteuse d'Eau", où ils ont changé leur carte des suggestions et engagé de nouveaux serveurs. Léandra n'a pas de chance avec ces derniers. Aujourd'hui, elle a lancé que notre serveur n'était pas très causant ; le gars était juste derrière à ce moment. Bah, quoi qu'on fasse, ce resto est maudit pour nous, de toute façon !

Repas familial

Tu ne sais pas trop si tu dois utiliser le tutoiement ce soir, dans ce journal. Le tutoiement, tu le réserves pour les soirées où tu es saoul... Es-tu saoul ? Tu devrais l'être en tout cas. Depuis trois heures de l'après-midi, vous n'avez fait que boire et manger. Ta famille, branche paternelle, est une bande de fieffés soiffards. Tu peux tout comptabiliser : un picon/vin blanc en apéro, huit verres de vin rouge durant le repas, trois Orval en terrasse ; cinq Orval au bowling, et pour terminer une... Bofferding (argh !). Tu n'as pas dépensé un seul centime de cette journée : tu es le plus jeune dans un cercle composé uniquement de cinquantenaires. Ils ne te donneront pas l'occasion de sortir la moindre pièce de ta poche. Au final, tu décides que tu n'es pas du tout saoul. Et en plus, c'est vrai !... Et ça fait peur. Exit la deuxième personne du singulier, donc.

* * *

Cet après-midi donc, je me rends avec ma maman, mon papa et son meilleur ami Lazlo au repas familial biannuel. La réunion a lieu au "Lodge", un restaurant en bord de Meuse, du  côté de Wépion, avec une belle vue sur les falaises (marrant : je suis passé devant en vélo la semaine dernière). Sont également présents au restaurant quatre autres personnes : mon oncle Vilppu et sa femme Rabarama ; ma tante Gigi et son mari Jean-Paul. 
La famille n'est pas au complet : ma grand-mère paternelle, un de mes oncles et une de mes tantes ne sont pas là, car ils sont morts. Mon grand-père est mort depuis 23 ans : il triche, ça ne compte pas. Une de mes tantes, celle qui fait toujours des scandales et qui a déjà passé quelques nuits "au poste", bien vivante elle, n'est pas là non plus, pour d'obscures raisons. Mon oncle/parrain l'a suivi dans sa décision de ne pas venir. Parmi les nombreux cousins que je possède sur la plan paternel, aucun n'est là non plus. Personne n'est là, c'est cool, wahaaaa ! Plus sérieusement, j'ai la chance de me retrouver avec ceux que je préfère dans la famille de mon père. 

Le repas est du genre "gastronomique". Le chef signe ses plats à la crème de vinaigre balsamique (copieur !). Je mange un très bon cannelloni à la mousse de bœuf en entrée et un saltimbocca de volaille en plat principal. Je suis assis à côté de Jean-Paul, mon "oncle par alliance" préféré du côté paternel. Après avoir mangé, on passe deux heures en terrasse. La table est divisée en deux parties égales : buveurs de bières/buveurs de cafés. La fin de la discussion est intéressante : elle tourne autour du cours de math à l'école secondaire. Mon père considère qu'on devrait le supprimer du cursus car il "casse des vies" (ma mère, par exemple, est du genre à avoir mis un terme à ses études secondaires simplement parce qu'elle ne supportait pas les mathématiques). Je suis de l'avis opposé : les maths, c'est comme le français ; c'est très important. Apprendre les maths, plus que d'apprendre une matière, c'est apprendre une logique. Je suis intransigeant mais tout le monde s'en fout (y compris moi sur la fin).

La famille est partante pour aller jouer un bowling en fin de soirée. Nous allons donc au bowling. Je joue très mal, j'ai trop d'alcool en tête (c'est à ce moment que je m'en rends compte). Je joue aussi au billard avec ma mère. Une chouette soirée : tous ces gens ont l'air heureux de casser une certaine monotonie qui s'est installée dans leur vie.

Belote, rebelote et dix de der !

Je reviens chez mes parents assez tôt pour retrouver ma fille Gaëlle avant qu'elle ne retourne chez sa maman. Dans la voiture la ramenant à Namur, assis à côté d'elle, je me rassure en me disant que Gaëlle n'est pas con du tout (une de mes grandes hantises : avoir un enfant idiot). Quand je lui parle d'Anouchka, la fille ainée de Fred Jr (qu'elle verra à l'anniversaire de ce dernier en septembre), elle me dit : "Oui, Anouchka, je sais qui c'est : c'est celle avec qui je ne voulais pas partager la couverture, chez toi"... Mémoire à moyen terme : check
Juste pour la tester, je lui demande "pourquoi l'on vit". Elle me répond : "pour vivre". Que dire d'autre ? Je lui demande aussi "comment on vit" (pour voir si elle comprend d'elle-même la différence primordiale entre le "pourquoi" et le "comment") et elle me dit : "en mangeant et en faisant dodo", puis : "et aussi en buvant de l'eau et en respirant de l'air". Vu que les réponses (simples, concises) m'impressionnent, je tente la question de Leibniz : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?", en espérant avoir enfin la réponse. Gaëlle sort  : "Je ne sais pas". Faut pas déconner, non plus : personne ne peut répondre à ce genre d'interrogation, à part les religieux avec leur fausses réponses. En fait, "Je ne sais pas" est une putain de bonne réponse ! S'il n'y avait rien, de toute façon, nous ne pourrions pas nous poser la question...
Un peu plus tard dans la voiture, Gaëlle demande qui a créé la Terre. Je me dis que j'ai initié un débat interne dans son petit cerveau et je suis content (pauvre con !). Je lui dis : "personne, réellement, en fait", et lui explique en gros la création de la Terre et du système solaire (j'ai presque envie de lui expliquer Darwin et la théorie de l'évolution, au cas où elle tomberait sur un instituteur créationniste, mais je me retiens, du moins pour le moment). Alors, elle passe son temps à trier ce qui est d'origine humaine (les routes, les panneaux de signalisation, les maisons...) et ce qui ne l'est pas (les arbres, le soleil, les rivières...). On termine le voyage en jouant à pierre/papier/ciseaux.

* * *

En soirée, c'est la fête d'anniversaire (85 ans) de ma grand-mère (ma Bobonne). On a commandé des pizzas. On boit du Porto, du vin puis du Champagne apporté par un de mes cousins. On termine la soirée en jouant à la belote. Je joue avec ma mère. Mon cousin joue avec son père, mon oncle Tino. Ils finissent par gagner. Tino est un pro de la belote (du genre à compter tout ce qui tombe et à faire de appels de la mort qui tue). Mon cousin s'en contrefiche. Elles sont marrantes à voir, les fausses engueulades de mon oncle, du genre : "J'ai mis un 7 de pique, l'atout est du carreau, tu dois me mettre du trèfle ! Tu joues à la belote ou à la bataille ?". Lorsque je reprends un Orval en pleine partie, ma mère me lance : "Encore ?". Je lui réponds : "Hé ! Pour une fois que je m'amuse dans la vie !". Bigre, elle venait vraiment du cœur, cette réplique !

Faut dire que ces parties de belote me rappellent de très bons souvenirs. Il y a dix ans, on avait l'habitude d'occuper nos soirées d'été avec ce jeu, jusqu'à tard le soir. Ma mère jouait souvent avec mon oncle Tino, et moi, je jouais presque toujours avec feu mon nono Émile. Je me souviendrai toujours des répliques de mon grand-père : "Oh, je vais aller en cœur, m'fi, on n'sait jamais, hein !". On se prenait la plupart du temps une "couille", mais on s'en foutait royalement et on se marrait bien. 

Aujourd'hui, mon nono est mort et incinéré. C'est la vie ! En ce moment précis, il me manque cruellement. Ma grand-mère est la dernière de mes grands-parents à s'accrocher à la vie.

Questions existentielles sur l'Orval

Aujourd'hui, c'est une journée peinarde chez mes parents et je n'ai pas grand chose à raconter. Je pourrais décliner une nouvelle fois mon après-midi sous forme de "je-joue-avec-Gaëlle-au-petit-train-au-vélo-ou-à-chat-perché" mais ce serait une redite. Ayant un verre d'Orval devant moi (comme souvent), je décide donc, pour passer le temps pendant que ma fille regarde Rio, de me lancer dans une série de questions existentielles sur la célèbre bière gaumaise. 
Dit-on un ou une Orval ? Sur le site Web de l'abbaye, ces petits chenapans de moines trappistes éludent presque toujours la question en parlant de "la bière d'Orval", sauf à un endroit : "(...) l'art d'un bon service que l'amoureux d'Orval apprécie lors de sa dégustation : choix entre un Orval frais ou tempéré, utilisation d'un verre propre et sec (...)". Certains internautes ont même apparemment été jusqu'à envoyer un courriel à l'abbaye et ont reçu pour réponse : "On dit un Orval". Dans la même logique, un Gaumais dira à coup sûr un Orval aussi (la plupart du temps, ces gens-là sont un peu susceptibles et deviennent même rouges lorsqu'on ose parler d'une Orval : c'est très marrant à voir, d'ailleurs).

L'explication de ce curieux masculin résiderait dans la légende d'Orval et correspondrait à un "mot" de la comtesse Mathilde qui en 1070 aurait retrouvé son anneau nuptial grâce-à-une-truite-sortie-d'une-source-etc.-etc. (j'aime bien les tirets aujourd'hui) : "Désormais et pour toujours, je voudrais qu'on appelle [cet endroit le] Val
d'or". Un val d'or = un Orval ; des vaux d'or = des Orvaux. Mouais... Autant pour Orval, je me dis que oui, "pourquoi pas ?" (on dit bien un Lambic et un Faro), autant pour "Orvaux", ça me semble tiré par les cheveux : Orval étant un nom propre, j'aurais tendance à dire : un Orval, des Orval. Bref, la question reste en suspens.

Conclusion : face à un Gaumais, par esprit de contradiction, je dirai une Orval. Et devant les autres, je dirai un Orval, juste pour faire le malin. Bah oui, dire "un Orval" autre part (à Bruxelles, par exemple), c'est un peu faire l'intéressant et montrer qu'on ne fait pas partie du commun-des-mortels-qui-prononce-une-Orval-mais-quelle-honte-mon-bon-Monsieur. C'est un peu comme ces gens qui nous reprennent parce qu'on dit "à Avignon" alors-qu'il-faut-dire-en-Avignon-ouaip-c'est-comme-ça-moi-je-sais-et-c'est-tout. Bref, tout ça n'a pas beaucoup d'importance, en fait.

N'empêche (j'en rajoute une couche), lancer devant un membre de la Confrérie des Sossons d'Orvaulx, fier et heureux du goût unique de la noble bière trappiste de son "pays" : "Une Orval, quand même, c'est un peu comme une jup' mais en un peu plus ambré", ça doit faire son petit effet...

Pourquoi a-t-on eu du mal à trouver de l'Orval ces derniers mois ? Grand mystère ? En tout cas, tous les buveurs d'Orval en Belgique se sont sans doute rendu compte de cette pénurie. Aucun Orval dans les magasins, difficile d'en trouver aussi dans les cafés... Lors de mon séjour à Stavelot, un cafetier a avancé le fait qu'ils avaient "raté un brassin". Est-ce possible ?

Une réponse différente se trouve dans le magazine Café Revue de février 2011 et semble plus proche de la réalité, vu qu'elle prend pour source d'information les brasseurs eux-mêmes. La principale explication avancée par Frère Xavier (administrateur délégué) et Francis de Harenne (directeur commercial) tient dans l'augmentation de la demande de ce type de bière spécifique (une bière trappiste de très haute qualité) et aussi dans la volonté des moines brasseurs de ne pas augmenter la production, leur "chiffre d'affaire" convenant parfaitement au mode de vie de l'abbaye...

Toutes ces questions ne m'empêcheront pas de clamer haut et fort  que cette bière d'Orval, avec son amertume si particulière, sa faible teneur en alcool, sa belle robe et son vieillissement très particulier, est une des meilleures bières que j'ai jamais eu l'occasion de goûter (et Dieu m'est témoin – façon de parler : j'en ai dégustées, des bières).

* * *

Je retourne en train à Bruxelles pour une nuit. Je passe la soirée au Verschueren avec un Andrew totalement crevé de sa semaine. Je bois quatre Orval (Orvaux ? Orvaulx ? Orvals ?) en un peu plus de deux heures... C'est trop. D'après Andrew, les bières belges sont fortes si on les compare avec celles d'autres pays... Y compris l'Orval, avec ses petits 6,2% d'alcool – une valeur intermédiaire, qui dépend du temps passé en bouteille, si l'on fait confiance à ce site. En écrivant cela, je repense à cet article du Soir : "Le Belge boit 78 litres de bière par an". En moyenne, c'est déjà pas mal, considérant ceux qui n'en boivent pas du tout, etc. Et puis, je pense à ma consommation personnelle... Combien, sans mentir ? Cinq bières spéciales par jour, en moyenne, on va dire ? 5x33x365=60.225 centilitres, soit 602 litres de bières par an. Mon dieu – façon de parler, encore une fois –, ayez pitié de moi !

Un rêve d'amateur d'Orval, esquissé par Andrew : avoir mon propre verre, en cristal, avec un "Hamilton" gravé dessus et l'anneau en or incrusté... On se dit que ce serait un beau cadeau de mariage. Ne reste plus qu'à trouver la mariée...

Deux voitures de police passent, empruntant des routes différentes. Discussion : comment interprète-t-on le code de la route dans le cas d'un accident mettant en scène deux voitures de police faisant marcher leur gyrophare ? Elles ont clairement la priorité sur les autres véhicules mais... entre elles ? Une voiture avec gyrophare doit-elle céder la priorité de droite à une autre voiture avec gyrophare ? Toutes ces questions se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie (j'adore la ressortir dès que j'en ai l'occasion, celle-là).