Archives mensuelles : avril 2012

Questionnaire de Proust & consorts

En cette veille d'anniversaire (voir demain pour les détails), j'ai décidé de répondre au fameux questionnaire de Proust et à quelques unes de ses extensions. — Le questionnaire de Proust : un jeu de questions-réponses d'origine anglaise (Confession book), populaire au XIXe siècle, que l'ami Marcel a découvert lors de son adolescence et adapté en français durant sa jeunesse.
Proust a laissé de côté certaines parties du questionnaire original. J'ai donc ajouté à la liste trois questions qui me semblent intéressantes et que j'ai estampillées "(CB)" (pour "Confession book") afin de les dissocier du reste. Dans le même état d'esprit, j'ai intégré en fin de parcours les dix questions que Bernard Pivot posait rituellement à ses invités lors de son émission télévisuelle Bouillon de culture, environ un siècle après Proust. Ces dernières sont marquées "(BP)" (pour "Bernard Pivot" — bah oui !).
Ce questionnaire constitue sans doute le genre d'exercice qu'adorent les "narcissiques exhibitionnistes" (ces gens qui ne sont satisfaits de leur reflet que si d'autres le regardent). Je suppose que je dois me considérer comme faisant partie de cette catégorie. — Sinon, comment aurais-je pu passer mon temps, pendant un an, à écrire ma vie sur un blog plutôt que de la vivre ? — Il est d'ailleurs intéressant de constater que Proust s'intéressa à ce genre de questions en partie durant son adolescence, période rêvée de l'égocentrisme et de l'émancipation : "Regardez-moi ! Je suis là ! J'existe !"

Pour atténuer le côté narcissique et exhibitionniste du questionnaire, deux solutions : en premier lieu y répondre avec la plus grande honnêteté, même si la réponse que je donne peut paraître stupide ou plate (l'exercice demande donc la suppression de tout orgueil, effet de style, jeu de mots, second degré ou humour) ; en second lieu avoir recours aux amis, car le questionnaire se divise, à mon sens, en deux types de propositions très différentes : celles auxquelles je ne peux répondre que par introspection (par exemple : je ne peux pas demander à quelqu'un d'autre quelle est ma couleur préférée) et celles qui ont trait à mon image extérieure (par exemple : je peux demander à quelqu'un me connaissant bien quel est mon principal défaut). Pour trois questions, j'ai donc demandé l'avis de mon amie Léandra Courbet (notée LC). Elle y a beaucoup réfléchi et ses réponses sont d'une très grande justesse.

Le principal trait de mon caractère (Your favorite virtue)
(LC) L'enthousiasme

(CB) Ma caractéristique principale (Your chief characteristic)

(LC) L'authenticité

La qualité que je préfère chez un homme
L'écoute

La qualité que je préfère chez une femme
L'écoute

Ce que j’apprécie le plus chez mes amis
La constance des sentiments

Mon principal défaut
(LC) Une certaine complaisance dans l'inaction

Mon occupation préférée
Le jeu

Mon rêve de bonheur
Seul devant un ciel étoilé, une nuit d'été
OU
Dans un champ de blé durant une violente pluie d'orage, sans parapluie

Quel serait mon plus grand malheur ?
Vivre dans une cage

Ce que je voudrais être
Moi-même mais en plus confiant

Le pays où je désirerais vivre
L'Irlande !

La couleur que je préfère
Le noir

La fleur que j’aime
Le perce-neige

L’oiseau que je préfère
Le corbeau

Mes auteurs favoris en prose
Frank Herbert, Dan Simmons

Mes poètes préférés
Goethe

Mes héros dans la fiction
Lester Freamon (The Wire), Gurney Halleck (Dune)

Mes héroïnes favorites dans la fiction
Marge Gunderson (Fargo), Énée (Endymion)

Mes musiciens préférés (Mes compositeurs préférés)
Can, Slint, Godspeed You! Black Emperor

Mes peintres favoris
Mes héros dans la vie réelle
Bertrand Russell, penseur et impliqué dans le monde (je ne suis ni l'un, ni l'autre)

Mes héroïnes dans l’histoire
Rosa Luxemburg

(CB) Ma nourriture préférée (Your favourite food...
Le poisson "à l'escavèche"

(CB) Ma boisson préférée (... and drink)
L'Orval !

Mes noms favoris
Gaëlle, Guillaume, Cassandre

Ce que je déteste par-dessus tout
La satisfaction rapide et la vantardise des médiocres

Le personnage historique que je méprise le plus
Adolphe Thiers

Le fait militaire que j’admire le plus
Je n'admire aucun fait militaire

La réforme que j’estime le plus
La révolution copernicienne

Le don de la nature que je voudrais avoir
(Comme Proust) La volonté !

Comment j’aimerais mourir 
Entouré de celles et ceux qui comptent

L'état présent de mon esprit
Clair malgré la brume

Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence (For what fault have you most toleration?)
Celles qui, dans la langue française, sont produites par des non-francophones

(Je ne suis pas satisfait de cette réponse... J'adore par contre celle de Proust adolescent à la question anglaise : "Pour la vie privée des génies". La réponse de Proust plus vieux — "Celles que je comprends"  — me paraît beaucoup plus fade.)

Ma devise 
Magna est vis consuetudinis (Grande est la puissance de l'habitude)

(BP) Votre mot préféré ?
"Phylloxéra"

(BP) Le mot que vous détestez ?
"Dysfonctionnement"

(BP) Votre drogue favorite ?
L'alcool

(BP) Le son, le bruit que vous aimez ?
Le grondement du tonnerre

(BP) Le son, le bruit que vous détestez ?
Le bruit d'une foule en délire (match de foot, etc.)

(BP) Votre juron, gros mot ou blasphème favori ?
"Putain !"

(BP) Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Wittgenstein !

(BP) Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Manager (tant le terme que l'idée me dégoûtent)

(BP) La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
Une araignée

(BP) Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?
"Bienvenue !"

Bye-bye Ludwig!

Quarante. — Tel est à ce jour, à l'intérieur de ce blog, le nombre d'articles dans lesquels est mentionné le nom de Ludwig Wittgenstein (ou, à défaut, ses initiales L.W.)... Et je ne compte même pas dans ce total le nombre de fois où il apparaît sans que je ne le cite, au détour d'une histoire qui lui est consacrée (comme « Pin-Pon ! ») ou bien encore d'une remarque que je n'aurais certainement pas faite si je n'avais pas été autant marqué par ce qu'il a écrit.

Je me targue assez souvent, sans doute à tort, de ne pas me laisser facilement influencer, de rester moi-même malgré les influences extérieures, malgré les circonstances. Dans ce cas-ci pourtant, il semblerait que j'aie littéralement été happé par quelque chose d'intellectuellement beaucoup plus fort que moi. (J'entends presque Flippo, moqueur, me dire : « Ça, ce n'est pas très difficile ! ») Ma seule consolation est que je ne suis pas le seul. Cet homme a eu une influence incroyable sur plein d'esprits. Un exemple surréaliste : lors de la soutenance de son Ph.D à Cambridge (la thèse défendue était le fameux Tractatus, publié sept ans plus tôt), c'est l'étudiant Wittgenstein qui mit un terme à la réunion, en donnant une tape amicale à ses examinateurs, G. E. Moore et Bertrand Russell, et en les rassurant de cette manière : « Ne vous en faites pas, je sais que vous ne le comprendrez jamais. » (Ray Monk, Ludwig Wittgensein. Le devoir de génie, Flammarion, 2009, p. 268-269.)

Il faut que je mette un terme à tout cela, du moins dans mon blog. Ça tombe bien : non seulement, je viens de terminer ma lente lecture de la superbe biographie du philosophe autrichien, signée Ray Monk (voir ci-dessus pour la référence), mais en plus, après-demain, je fête l'anniversaire de la création de ce journal. Après le 22 avril 2012, j'ai décidé de ne plus écrire ici une seule ligne sur Wittgenstein. (J'imagine Léandra, et sans doute d'autres, pousser un soupir de soulagement.)

Pour terminer la saga dans la bonne humeur, je me propose de consacrer un dernier article à ce penseur, en reprenant trois éléments biographiques, parfois anecdotiques, parfois comiques aussi, tirés de ma lecture du livre de Ray Monk.

La réparation miraculeuse de la machine à vapeur de la filature de Trattenbach. — Après avoir participé à la Première Guerre mondiale (durant laquelle il voulait être le plus proche possible du Front et de la mort !) et renoncé, à la fin de la guerre, à la totalité de l'héritage de son père (une immense fortune de capitaine d'industrie), Wittgenstein décida d'abandonner complètement tout travail philosophique pour devenir instituteur à Trattenbach, un pauvre petit village d'Autriche. Il donna une éducation rigoureuse aux gamins du coin, faite d'un « apprentissage sur le terrain » (observation des étoiles, des plantes, etc.) mais aussi de punitions corporelles (tirages de cheveux et d'oreilles à ceux et celles qui n'apprenaient pas assez bien).

Cette histoire est connue. Par contre, celle de la réparation du moteur à vapeur de la filature du village l'est beaucoup moins et vaut le détour. (Ray Monk, p. 199-200.) La biographie de Wittgenstein est truffée d'histoires de ce genre, qui pourraient presque faire partie d'une vie de saint : l'homme arrive, comprend le problème et le corrige, à l'instar de Jésus guérissant le lépreux — sauf que dans ce cas-ci, l'histoire est plus récente et le témoignage (celui d'une travailleuse de la filature) plus fiable... et qu'il ne s'agit pas d'un lépreux mais d'une machine à vapeur.

Donc la machine à vapeur de la filature tomba en panne. Aucun ingénieur n'arriva à la réparer. Par un jeu de bouche à oreille, Wittgenstein fut mis au courant du problème et demanda à voir la fameuse machine. Arrivé devant celle-ci, il fit un tour du moteur, sans dire un mot, puis demanda au directeur de faire venir quatre hommes. Wittgenstein donna à chaque homme un marteau, un numéro et un endroit précis de la machine où il devait taper. Puis il leur demanda de marteler la machine chacun leur tour, dans un ordre bien précis, à l'appel de leur numéro... Et la machine se remit en route !

Wittgenstein et l'anthropologie. — Lors de son retour à la philosophie, au début des années 1930, Wittgenstein s'est intéressé à l'anthropologie. (Ray Monk, p. 308-309.) Ainsi, en 1931, en compagnie d'un ami, le psychiatre Maurice Drury, il lut le premier volume du Rameau d'or de James Frazer, une étude systématique et comparative en douze volumes (3e édition, 1906-1915) des rituels religieux et mythologiques. Un des arguments de l'ouvrage de Frazer est, en résumé, qu'il existe une certaine progression linéaire de l'humanité, de la pensée magique à la pensée scientifique ; autrement dit l'idée que les rituels constitueraient une forme primitive, mal comprise, de la science moderne. Wittgenstein fut — rien d'étonnant — très critique vis-à-vis de la somme de Frazer. Ses pensées sur le sujet ont été compilées dans un recueil intitulé Remarques sur Le Rameau d’Or de Frazer (le texte intégral en version française se trouve notamment ICI). Ray Monk cite un passage fameux de la critique de Wittgenstein (passage qui est traduit différemment dans le lien donné ci-dessus) :

« Quelle étroitesse ! Qu'il est difficile pour lui de comprendre un mode de vie différent du monde de vie anglais de son époque ! Frazer ne peut imaginer un prêtre qui ne soit pas un curé anglais contemporain avec toute sa bêtise et ses faiblesses...
Frazer est bien plus sauvage que la plupart de ses sauvages, car eux sont plus capables de comprendre les affaires spirituelles qu'un Anglais du XXe siècle. Ses explications des pratiques religieuses sont incroyablement plus grossières que le sens de ces pratiques elles-mêmes. »

Ce que Wittgenstein reprochait à Frazer, on l'aura compris, c'est de tenter de donner une explication rationnelle et réductrice aux phénomènes religieux qu'il a collectés ; de les analyser à l'aune de la pensée scientifique britannique de son époque, alors qu'il aurait dû les montrer dans leur plus grande nudité, sans prendre parti en bien ou en mal. —  Ou encore : Frazer aurait dû abandonner tout schéma téléologique pour se contenter d'un tableau synoptique, et bien se garder d'introduire une quelconque opinion sur la valeur du rite étudié.

Wittgenstein et l'amour. — Au cours de sa vie, Wittgenstein est tombé amoureux de quelques personnes. Au moins de trois hommes : David Pinsent, Francis Skinner et Ben Richards (quatre si l'on compte l'éphémère Keith Kurt) ; et d'une femme : Marguerite Respinger. Pour chacune de ces histoires, Wittgenstein resta apparemment sous l'influence des théories d'Otto Weininger, selon lesquelles tout rapprochement physique tue l'amour sur le champ, alors qu'au contraire l'éloignement rend l'amour plus fort (la forme inversée de l'expression « Loin des yeux, loin du cœur », en quelque sorte).

Wittgenstein comptait épouser Marguerite mais désirait à tout prix rester dans une relation de type platonique. Et dans de nombreux cas, il avait une relation fusionnelle et exclusive — ou du moins voulue comme telle — avec la personne élue : il partait en vacances avec Pinsent, envisageait de s'installer en URSS avec Skinner, etc. Cependant, il gardait ses distances (il se réfugiait en Norvège ou en Irlande). Par ailleurs, la question de sa sexualité n'est quasiment jamais abordée par son biographe (si ce n'est pour présumer — et c'est bien possible — qu'il n'en avait strictement aucune).

Le type d'hommes qu'aimait Wittgenstein était apparemment le suivant : doux, timide, naïf (presque candide), humble mais supérieurement intelligent. Ces hommes avaient, aussi curieux que cela puisse paraître, un rôle similaire à celui d'une muse : ils donnaient au philosophe la tranquillité et la force nécessaires pour écrire.

Durant ma lecture, j'ai surtout été frappé par l'histoire de Francis Skinner, un étudiant en mathématiques à Cambridge, présumé brillant, mais qui laissa très vite de côté toute forme de volonté pour vivre son amour avec (et pour) Wittgenstein. Ce dernier arriva par exemple à le convaincre qu'il n'avait pas sa place à Cambridge et qu'il devait renoncer à ses études pour faire un métier utile. Et c'est ce que fit Skinner, au grand dam de sa famille : il finit par prendre un travail de mécanicien. L'ouvrage de Ray Monk est parsemé de lettres de Skinner à Wittgenstein (le revers de la correspondance s'est hélas perdu). Ces lettres font peur, dans un sens, tellement elles sont remplies de dévotion béate (presque idiote) et de répétitions. Ci-dessous — et ce sera le mot de la fin ! — deux exemples représentatifs de lettres de Skinner à Wittgenstein, datant d'octobre 1937 (Ray Monk, p. 374-375) :

« Je pense souvent comme je me sentais bien quand j'étais avec vous et combien c'était merveilleux d'être avec vous et de regarder le paysage avec vous. Vous avez été merveilleusement bon avec moi. Cela m'a fait beaucoup de bien d'être avec vous... C'était merveilleux d'être avec vous. »

« Je pense beaucoup à vous. Je pense aussi combien c'était agréable de nettoyer votre chambre avec vous. [Wittgenstein détestait la saleté et nettoyait le plancher constamment, à l'aide de feuilles de thé mouillées absorbant la poussière, qu'il balayait ensuite.] Lorsque je suis rentré, j'ai décidé de me passer de mon tapis, qui avait été nettoyé, parce que je sais que je ne peux le garder vraiment propre. À présent, je dois balayer ma chambre. J'aime le faire parce que cela me rappelle quand j'étais avec vous. Je suis heureux d'avoir bien appris à le faire à ce moment. »

Les grands hommes

Will Oldham. — Toujours aussi insolite et curieux, ce Bonnie "Prince" Billy... Non pas tant à cause de son style musical (du folk rock assez typé), mais plutôt de la façon dont il se met en scène ou des messages un rien surréalistes qu'il fait passer dans certains de ses clips vidéo. 
La dernière vidéo en date, "Quail and Dumplings" (Wolfroy Goes to Town, 2011), n'échappe pas à cette sensation d'étrangeté. En scène, un homme (le barbu Kennan Gudjonsson) échoué on ne sait comment sur la plage d'une île paradisiaque et recueilli par des indigènes... ou plutôt par une sorte de cliché hollywoodien totalement ridicule du bon sauvage. Ils lui permettent de se reposer dans une grande hutte, lui font reprendre ses forces, lui donnent à manger et à boire, le maquillent, lui apprennent à tirer à la sarbacane, etc.
Le soir, on retrouve l'étranger et la tribu autour d'un feu de bois. À ce moment, apparaît Nina Nastasia, qui fait semblant de chanter le chœur féminin du morceau (en réalité, c'est la voix d'Angel Olsen qu'on entend). Et dans le feu, une apparition fantomatique, malsaine et furtive : celle d'Oldham lui-même, le regard fou, tapant des mains ou dansant de manière bizarre... 
C'est surtout la fin du morceau, inattendue, qui vaut le détour : les indigènes finissent par construire une pirogue pour donner à l'étranger la possibilité de reprendre la mer. Ils lui font des adieux amicaux, presque fraternels, et le regardent s'en aller. Ensuite, quelques secondes plus tard, l'un d'eux le tue d'un coup de sarbacane, lui plantant une fléchette dans le cou. Mais ce n'est pas tout : à la toute fin du morceau, une seconde surprise glace le sang. (La première fois que j'ai vu ce drôle de truc, j'ai sursauté ! — Je pense franchement que c'était le but recherché par ce taré d'Oldham.)
Soirée chez Léandra. — Ce soir, je mange chez Léandra. Comme d'habitude, elle s'excuse d'avoir été "paresseuse" et de n'avoir prévu comme plat principal que des raviolis au pesto. (Quand elle fait un plat simple, elle s'excuse parce qu'il est simple ; quand elle fait un plat plus élaboré, elle s'excuse d'avance car "elle ne sait pas si ça va être bon".) En guise d'entrée, nous mangeons des petits saucissons et des toasts à la ricotta et au gorgonzola.

Après le repas, nous parlons de FBsr, tiens. Ce dernier à eu l'idée de changer de boulot et, à en croire Fred Jr, il travaillerait désormais là où travaillait Léandra auparavant, dans un service de la Communauté française de Belgique Fédération Wallonie-Bruxelles. La discussion tourne autour d'un monde que je ne vois plus comme j'aimerais le voir : FBsr, Tom... et Judith aussi. Léandra m'apprend qu'à l'époque (terme très vague s'il en est), FBsr et Tom étaient repris par elle et Judith dans la catégorie "Les grands hommes". — Puis elle se reprend : "D'ailleurs, toi aussi, tu étais dedans, Hamilton..." Même après son explication, j'ai du mal à comprendre ce que le terme recouvre exactement (à part que ce n'est pas un critère de démarcation physique, évidemment, sauf pour Tom).

Léandra me dit : "Toi, tu t'intéresses par toi-même à plein de trucs, comme la philosophie en ce moment, simplement pour le plaisir [un intello, quoi]. Moi, ça ne m'intéresse pas plus que ça." Elle m'explique qu'elle se sent plus proche, en termes de façon d'être, de Fred Jr : "Nous avons fait toute notre scolarité ensemble, nous avons vécu avec le même arrière-plan social, nos mères sont toutes les deux infirmières...", etc. Ce qu'elle adore chez Fred : le fait qu'il s'intéresse aux autres, qu'il s'inquiète pour eux, avec beaucoup de sincérité. C'est quelque chose que Léandra aime bien (et qu'elle ne retrouve sans doute pas énormément chez moi).

La soirée se termine assez tôt. Elle et moi sommes fatigués de notre semaine. Léandra va passer la soirée chez Jonas (le "pauvre chou" qui a mal) et nous partons donc ensemble récupérer le tram à la gare du Midi, vers 22 heures. Là, nos chemins se séparent : elle s'en va vers le Centre-ville tandis que je repars vers mes hauteurs forestoises.

Jokari

Jokari humain. — Dormi trois heures cette nuit. Dans le train du matin qui m'amène au boulot, d'étranges réflexions sur moi-même, en rapport avec la musique que j'écoute pendant le trajet. Ces réflexions constituent une remise en question de ce que j'écrivais il y a à peine une semaine dans ce post (à savoir l'idée selon laquelle je ne peux réellement évoluer qu'en parcourant — en m'accaparant presque — des idées qui me sont étrangères, des pensées qui ne m'appartiennent pas).

Dans le train, je réécoute pour la je ne sais quantième fois Will Odlham, alias Bonnie « Prince » Billy, et je me dis que, quel que soit le chemin que j'emprunte, j'en reviens toujours à ce que j'aime, à ma tradition. Bien sûr, je peux m'aventurer sur les routes sinueuses de l'electronica ou du rock expérimental, mais ce qui me fait réellement vibrer, ce sont les racines américaines : le blues, la musique folk ou country — eh oui !

C'est la même chose en ce qui concerne mes lectures : pour le moment, Wittgenstein, Schopenhauer, Kierkegaard font partie de mon quotidien mais je suis presque certain que je retournerai un jour ou l'autre à mes histoires de « vaisseaux spatiaux et de robots » (façon péjorative de désigner la science-fiction, déjà entendue ici et là), parce que ce sont ces histoires qui me font vibrer.

Je suis une balle de jokari : j'ai beau m'éloigner de mon centre de temps en temps, je finis toujours par y revenir, inexorablement.

Prisonnier du temps. — Non, ce n'est pas le titre d'un roman de science-fiction (même si ce roman existe — un roman de Michael Crichton, pas lu) : il s'agit de la suite de la réflexion matinale. J'ai laissé toutes ces pensées se développer en roue libre et une demi-heure plus tard, avant d'arriver en gare de Liège, j'en viens à me dire que je suis prisonnier du temps, et que la majeure partie de l'humanité l'est.

Il est extrêmement difficile de générer une pensée vraiment originale, libérée des contraintes du monde.

Une des caractéristiques du génie véritable doit être celle-ci : dire quelque chose que personne ne comprend, qui ne sera compris que beaucoup plus tard ou jamais, parce que ce qui est exprimé est fondamentalement différent ou en avance par rapport à tout ce qui est tacitement accepté en un temps donné. Si quelqu'un avait énoncé les lois de la relativité générale du temps de Parménide, personne ne les aurait comprises. — Mais c'est un très mauvais exemple.

Brièveté de l'existence. — Entendu en fin d'après-midi durant le comité scientifique annuel, à mon travail, à l'intérieur d'une réflexion concernant la génération 1968 qui vieillit : « Malheureusement, la logique liée à la très grande brièveté de l'existence humaine entraîne que (etc.) » Celle-là, je la trouve très belle, je la note1.

Retour vers Bruxelles. — De retour dudit comité, sur l'autoroute, dans la voiture d'Anouk. Tout ce que j'ai dit/écrit il y a quelques semaines tombe définitivement à l'eau... — Et sans doute est-ce tant mieux ?

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1 Jeu de mots très privé.

Humour allemand

Schopenhauer, philosophe et humoriste. — 9h30. J'attends ma collègue Wynka, dont le train est en retard, en sirotant un café Americano brûlant à la terrasse du Starbucks de la gare de Bruxelles-Central. Devant mes yeux, la préface à la première édition du Monde comme volonté et représentation d'Arthur Schopenhauer.

Dès les premières pages, le livre me plaît car l'auteur y est à la fois démesurément exigeant et subtilement ironique. Il explique que l'œuvre que nous avons devant nous (et qui fait quand même plus de 2000 pages — le travail d'une vie) ne transmet qu'une seule et unique idée et que cette idée n'est compréhensible que de manière "organique" : elle ne possède ni fondation, ni sommet ; chaque partie contient l'ensemble et l'ensemble contient chaque partie. Dès lors, écrit-il, il convient de lire ce livre au moins deux fois : alors seulement nous aurons une chance d'assimiler son propos. 

Mais ce n'est pas tout ! — Pour le comprendre, il eût fallu que je lusse également un texte plus ancien de Schopenhauer, intitulé De la quadruple racine du principe de raison suffisante : une dissertation philosophique, que l'auteur, dans sa "répugnance" à se répéter, n'a pas cru bon d'insérer dans son Monde comme etc. Mais lire cela ne suffit toujours pas ! Car il faut aussi, bien sûr, connaître les écrits principaux de Kant (le plus grand philosophe depuis etc. etc.) sur le bout des doigts. Enfin, nous apprend Schopenhauer, la lecture de Platon et des Upanishads (des textes philosophiques liés à la spiritualité hindoue) n'est pas obligatoire mais constitue cependant un atout non négligeable.

Et c'est là que ça devient comique... Car Schopenhauer, à l'inverse d'autres philosophes pince-sans-rire (suivez mon regard), aime s'amuser ("Il n'est guère de journal trop sérieux pour accorder une place à la plaisanterie dans cette vie qui, de bout en bout, prête à équivoque") et explique que son livre n'a pas obligatoirement pour vocation d'être lu, qu'il peut servir à plein d'autres choses pour qui ne le comprendrait pas. Extrait (j'étais, je l'avoue, littéralement plié en deux en lisant ce passage) :

« (...) Le lecteur qui est arrivé jusqu'à cet avant-propos dissuasif a cependant dû acheter ce livre pour de l'argent comptant et risque de s'enquérir de ce qui l'en dédommagera. Ma seule échappatoire sera alors de lui rappeler qu'il peut tout de même user d'un livre, sans le lire, de bien des manières. Ce livre peut, comme bien d'autres, remplir un vide dans sa bibliothèque où, bien relié, il fera assurément bon effet. Ou bien, s'il a une amie cultivée, il peut le déposer sur sa coiffeuse ou sur sa table à thé. Ou encore, pour finir, il peut, ce qui vaut mieux que tout et que je lui recommande tout particulièrement, en faire une recension. »
Interview. — Pour la publication de l'année 2012, à mon travail, nous devons réaliser une série d'interviews de personnalités en relation avec le monde syndical. Ma collègue Wynka et moi nous sommes donc rendus ce matin dans les locaux de la FGTB pour interviewer, à l'aide d'un matériel d'enregistrement semi-professionnel (un Marantz PMD-661 et un microphone à condensateur d'entrée de gamme) un ancien président de centrale syndicale qui, soit dit en passant, s'est reconverti dans la location de villas dans le Sud de la France.

Entendue, durant l'interview : une opinion intéressante sur le retour en force du paternalisme d'entreprise. Cette façon d'encadrer la main-d'œuvre ouvrière était assez fréquente dans l'Europe du XIXe et du début du XXe siècle : le directeur de la société (un charbonnage, par exemple) jouait en quelque sorte le rôle d'un père de substitution, à la fois autoritaire et bienveillant, et ce notamment afin d'avoir un contrôle accru sur son personnel, en les maintenant dans un milieu clos, autarcique et en veillant à leurs différents besoins — logement, nourriture, mais aussi éducation des enfants, hôpitaux et soins de santé... L'interviewé nous dit qu'il a vu la reproduction de ce schéma paternaliste à Bangalore, en Inde. Conclusion du monsieur : l'exploitation et le cloisonnement des ouvriers se répètent, mais à un niveau international désormais.

Maison du Peuple. — En milieu de soirée, deux hommes s'installent à la table jouxtant la mienne. Ils parlent de travail et de cartes de crédit, notamment. Le plus vieux (un chauve, début de soixantaine) s'excite :

« Y a une nouvelle stagiaire, française, à mon travail. De temps en temps, elle me téléphone pour me poser une question en rapport avec ce qu'elle doit faire pour nous... Mais dès que j'ouvre la bouche, elle me coupe et recommence à parler, sans attendre ma réponse. Hier, je lui ai crié dessus : "TU ARRÊTES MAINTENANT ! TU TE TAIS ET TU ME LAISSES PARLER !". Elle est allée pleurnicher chez le supérieur, qui m'a donné raison : "Il faut que tu écoutes ce que Jean-Claude t'explique quand tu lui poses une question", qu'il lui a dit... »

Sont joyeux, les stages, dans cette boîte...

Bonheur laconique

Je suis extrêmement énergique ce matin. Je me lève à six heures et je pète la forme, très curieusement. Est-ce la perspective de me rendre à nouveau au travail et de faire autre chose de mes journées que de jouer bêtement aux Colons de Catane ? Ou tout simplement un de ces rares moments où, sans raison, j'ai confiance en moi, souris et regarde avec un regard vif et pétillant tout ce qui m'entoure ? (L'arrivée d'un train en gare, les oiseaux, les gens qui marchent dans la rue...) Ou peut-être, tout compte fait, est-ce simplement une question d'hormones ?

Aucune idée, mais il faut que j'en profite.
Comme si le bonheur allait de paire avec le laconisme (et la tristesse avec la prolixité), je n'ai pas grand-chose à raconter aujourd'hui. J'ai beaucoup de travail, lié à la préparation d'un comité scientifique. Par exemple : je m'amuse (c'est vraiment le mot) pendant quelques heures à réaliser un plan d'un de nos dépôts d'archives, en essayant d'être le plus précis possible au niveau du tracé, jusque dans les moindres détails. Mon chef Lodewijk, voyant ledit plan presque terminé, fait semblant de vouloir m'étrangler, et s'étouffe : "T'es vraiment malade... T'as même dessiné le lavabo ! Je t'avais pourtant dit de faire un truc simple... C'est vraiment bien, mais t'es vraiment malade quand même..." Je suis content de sa réaction car c'est exactement l'effet auquel je voulais arriver en réalisant ce plan de cette manière : exposer au grand jour mon côté maniaque.

La stagiaire germanophone est là toute la journée. De nouveau, je me dis qu'elle ressemble vachement à Christelle (yeux bleus, cheveux bouclés et regard de biais, entre autres). C'est également une boule de nerfs ambulante : stressée pour le travail de fin d'année qu'elle doit bientôt rendre et faisant de grands gestes énergiques pour accompagner ses paroles, qu'elle clame rapidement, avec son accent allemand mélodieux.

Décidément, pour le moment, je parle beaucoup des Allemand(e)s.

Pourquoi y a-t-il tant de monde et tant de bruit à la Maison du Peuple ce soir ? Je pose la question au serveur et il n'en sait rien : d'habitude, le lundi, c'est calme. Il propose néanmoins un début d'explication : "Peut-être est-ce à cause du temps ? Dès qu'il fait un peu meilleur dehors, les gens sortent de chez eux..." D'accord, mais ne peuvent-ils pas dès lors rester à l'extérieur du café, surtout s'ils parlent bruyamment anglais et, en restant debout dans les travées, bloquent complètement la circulation dans le café ? 
Et voilà : je recommence à me plaindre !

Parcourir un paysage de pensées étrangères

Filigranes. — Aujourd'hui, j'ai rendez-vous chez Walter pour un troisième après-midi consacré aux Colons de Catane (le vrai jeu de plateau, évidemment, et non son homologue en ligne). Avant de m'y rendre, je passe en vitesse chez Filigranes, la librairie dont Léandra et Andrew n'arrêtent pas de me dire le plus grand bien, située le long de la petite ceinture de la ville, à quelques centaines de mètres du métro Arts-Loi...

Sa devanture rouge et blanche est facilement reconnaissable. À l'intérieur, une profondeur que jamais je n'aurais soupçonnée si je m'étais contenté de rester dehors sous la pluie. Après avoir remis mon sac en bandoulière à un gentil garde très poli (ça existe), je pars à la recherche du coin « Philosophie ». — Un jour, il faudra que j'y retourne pour jeter un œil aux rayons « Science-fiction », « Fantastique » et « Bandes dessinées ». Aujourd'hui, je n'ai pas le temps... Ce sera la philo et puis c'est tout ! Je traverse donc sans m'y arrêter ce qu'ils appellent le « cafffé » : un endroit, plus ou moins central, où les familles peuvent s'asseoir pour déjeuner, et les solitaires se poser pour lire un livre...

Silence & hauteurs. — Partie « Philosophie » de la librairie : déserte, en retrait, loin de l'agitation et des enfants qui courent. Dans un coin, une vendeuse regarde son ordinateur et ne dit mot. Les étagères de livres sont hautes et demandent quelquefois l'utilisation d'un escabeau.

Je regarde d'abord à « S » comme "Schopenhauer"... Ils ont Le monde comme volonté et représentation, dans deux éditions différentes : d'abord celle en un seul volume, couverture rouge, reprenant la traduction d'Auguste Burdeau, qui commence à dater (1885) ; ensuite celle, en deux volumes de poche, avec sa toute nouvelle traduction (Gallimard, 2009). La taille des caractères de la première traduction est minuscule, à tel point qu'il me faudrait presque une loupe pour arriver à déchiffrer le texte. Je choisis donc le premier des deux tomes de la nouvelle édition (1134 pages bien tassées, en comptant l'appareil critique).

Je regarde ensuite à « K » comme « Kierkegaard » (partie supérieure d'une étagère) et sélectionne un recueil de trois textes : Miettes philosophiques, Le concept de l'angoisse et Traité du désespoir. — Lu en vitesse, dans le sommaire des Miettes, ce sous-titre énigmatique : « INTERMÈDE. Le passé est-il plus nécessaire que l'avenir ? ou Pour être devenu réel le possible en est-il devenu plus nécessaire qu'il ne l'était ? » (Kierkegaard se cognait-il lui aussi la tête contre les murs de sa cage en se posant des questions qu'il n'aurait pas dû se poser ?)

Enfin, je regarde à « W » comme « Wittgenstein », évidemment. Grands dieux, ils ont une rangée entière d'écrits de lui et sur lui : les textes majeurs (le Tractatus, les Recherches, De la certitude...) mais aussi, par exemple, ses « carnets secrets » (écrits en 1914-1916, durant sa participation à la Première Guerre mondiale) ainsi qu'une récente édition de sa correspondance avec l'architecte Paul Engelmann (1916-1937). Il faudra que je me procure tout cela petit à petit. En attendant, j'opte pour Ludwig Wittgenstein, une introduction de Chiara Pastorini, toujours dans mon optique de tout faire à l'envers : lire les modernes avant les anciens, me plonger dans les textes originaux avant de lire des introductions au sujet, etc.

Ces trois philosophes ont en commun de proposer un système de pensée fondamentalement différent du mien. En sortant de la librairie, je me suis posé la question suivante : pourquoi suis-je attiré actuellement par Wittgenstein et non plus par Russell (pourtant beaucoup plus proche de mes convictions) ? Pourquoi Arthur Schopenhauer et non, à ses antipodes, les néo-positivistes du Cercle de Vienne ? Pourquoi Kierkegaard, l'existentialiste chrétien ? La réponse est assez simple : en lisant des penseurs avec lesquels je suis en phase, je n'apprends strictement rien de nouveau ; je ne fais que conforter mon cadre de certitudes, de convictions... Par contre, en parcourant — et en essayant de comprendre — les paysages lointains et étrangers de la philosophie, je m'ouvre à d'autres formes de pensée : à défaut de sortir de mon cocon matériel (mon petit cercle d'amis, « ma » Maison du Peuple), au moins je sors de mon cocon intellectuel, et saute dans l'inconnu.

Et puis, il y a le fantôme de Goethe et la fureur rigoureusement analytique de la pensée allemande...

Catane chez Walter. — Lorsque j'arrive chez lui, un peu avant 14 heures, Walter m'apprend que Mary a fait faux bond. Elle devait venir jouer avec nous cet après-midi mais n'arrive pas à se lever à cause, si j'ai bien compris, d'un space cake qu'elle aurait ingurgité en trop grande quantité hier soir. Nous ne sommes donc que quatre pour ce troisième après-midi « Colons de Catane » : Emily, Walter, Frédéric et moi. — Frédéric : l'ami historien de Walter, que nous avions déjà aperçu lors de la pendaison de crémaillère (le samedi 17 septembre 2011) et la soirée d'anniversaire de ce dernier (le vendredi 14 octobre suivant). Walter a rempli son frigo de bières, de sushis, d'une tarte... Croyant que nous serions cinq, il a vu trop grand... En outre, il aurait bien aimé jouer avec l'extension pour cinq ou six joueurs. Moi aussi, mais ce sera pour une autre fois (le mois prochain ?).

Frédéric n'a jamais joué aux Colons de Catane de sa vie, mais apprend vite. Nous lui expliquons comment se débrouiller avec l'extension « Villes et chevaliers » (qui n'est certainement pas la plus simple, surtout de prime abord) et il comprend rapidement le concept. Il s'en sort même sans problème lors de la première partie et gagne presque la deuxième. C'est parce qu'il possède « l'esprit jeu » : il a l'habitude des jeux de société, donc il appréhende plus facilement les règles d'un nouveau monde (la remarque vaut sans doute aussi, par exemple, pour Amy et Zapata).

Je gagne les deux premières parties. Frédéric s'en va vers six heures et nous en rejouons une dernière, très serrée, qui sera au final gagnée par Walter... Comme d'habitude, Walter propose d'aller boire un verre au Corto. Comme d'habitude, j'accepte. Comme d'habitude, Emily nous reconduit en voiture. Être au Corto, avec Walter, un dimanche soir : ce n'est pas le bon moment pour arrêter de boire des Chimay... Tant pis : le « régime » attendra demain.

En string dans une boîte à chat

Sortir ? Ne pas sortir ? — Je ne fais rien de ma journée, si ce n'est jouer, encore et toujours, aux Colons de Catane en ligne, ce qui a un effet néfaste sur mon humeur. Je sais que je suis en train de gâcher mon week-end "libre" (c'est-à-dire sans ma fille), mais je suis comme cloué sur place. J'enchaîne les parties, sans discontinuer. Et j'en gagne de plus en plus. — La drogue du jeu. 

L'après-midi, je passe deux coups de téléphone... Le premier à Léandra, que je n'ai plus vue depuis longtemps. Elle m'apprend que Jonas, en plus d'être dans les limbes de l'indécision, a un petit problème de santé : "On a cru que c'était grave... mais non." Le second à Emily car il est question, peut-être, de rejoindre Andrew et Walter en ville... Elle ne répond pas (j'apprendrai plus tard qu'elle dormait encore à l'heure de mon coup de fil). 

Digression temporelle... En début de soirée, Andrew et Walter assistent à une "performance" artistique techniquement orchestrée par Igor : une drôle d'histoire de "flamande en string" (la description est de Walter) faisant le tour d'un terrain vague, en courant, dans l'enceinte de Tour & Taxis. Après avoir couru, l'actrice se terre dans une petite maison, clin d'œil à la boîte à chat de Schrödinger. Est-elle vivante ? Est-elle morte ? Comment perçoit-on sa propre existence ?... Au final, la performance est un chouïa ratée : à cause d'un bête problème de micro, les spectateurs (une septantaine de personne, principalement des amis des artistes et des bobos à smartphone, parfois les deux à la fois) n'ont entendu que des bribes du monologue philosophique de la "performeuse"...

Emily me rappelle en fin d'après-midi et m'apprend qu'elle n'est pas disponible, du moins pas avant la seconde partie de soirée... Elle a en effet prévu de sortir avec "les autres" (Charles-Henri et compagnie). J'hésite. Est-ce que je rejoins Andrew et Walter ou est-ce que je reste chez moi ? Si je reste, peut-être pourrai-je voir Léandra ? Je suis indécis et je déteste ça. Je décide finalement de rester chez moi, confortablement affalé dans mon petit divan rouge, devant les Colons de Catane évidemment. J'apprends que Léandra restera "au chevet de Jonas" aujourd'hui. Puis Emily me téléphone à nouveau : tout compte fait, sa sortie est annulée et elle me propose d'aller manger en attendant Andrew et Walter. J'accepte. Le rendez-vous est fixé au Ellis Gourmet Burger, un snack de la place Sainte-Catherine.

Amblyopie sentimentale. — Chez Ellis Gourmet Burger. Pas de table disponible : le serveur nous installe au bar. Pour une fois, Emily n'est pas habillée "à l'aise" et porte un très joli dessus noir (un vêtement qu'elle a acheté à l'occasion d'un récent mariage dans sa famille), associé assez curieusement à un jeans et un manteau rouge... Au centre de la discussion : le strabisme. Emily m'explique que dans certains cas de strabisme non corrigé durant la petite enfance, il arrive qu'une personne perde totalement l'usage d'un œil, non parce que celui-ci est endommagé d'une quelconque manière mais parce que le cerveau ne peut analyser l'image qu'il reçoit. Le terme consacré est "amblyopie". Je trouve très curieuse et assez intéressante cette idée de cerveau incapable d'interpréter une donnée sensorielle provenant d'un organe sain : cela montre, pour ainsi dire, qu'une donnée visuelle n'est disponible qu'après interprétation, comparaison, classement... — Encore une Gestalt ?

Le hamburger au bacon est très bon mais le service très énervant. Chaque minute, un serveur vient nous demander si nous avons choisi. Les places sont chères et il faut choisir vite, mon gars... On se croirait dans un bar branché parisien. Je déteste.

« Et Charles-Henri, ça va ?
— Oui, ça va bien. Il fait toujours plein de trucs... Parfois, je me demande où il va chercher toute cette énergie.
Ça fait longtemps que je ne l'ai plus vu. 
— D'un côté, tu as tout fait pour...
Mmmmmh ?
— Tu ne répondais plus à aucune de ses invitations. Il a fini par se lasser. »
(Ça me demandait un trop grand effort de faire semblant d'être naturel... Très difficile de les voir, ces deux-là... Et surtout, très difficile de la voir. Il existe une zone morte dans mon cerveau lui correspondant : une amblyopie sentimentale, en quelque sorte... Nul sentiment en cet endroit où pourtant, à une époque pas si lointaine, il y avait beaucoup d'amour.)

Nous rejoignons Walter, Andrew, Eugenia (sa collègue russe), accompagnée d'une de ses amies, au café De Markten, une cantine au design aseptisé située à une centaine de mètres de notre snack à burgers. Nous buvons un verre, discutons de la performance de la "dame en string" (voir plus haut) et quittons assez rapidement l'endroit pour un des vieux cafés à impasse du Pentagone bruxellois...  Faute de place au Bon Vieux Temps, nous passerons la fin de la soirée à l'Imaige Nostre-Dame. Entretemps, les deux Russes sont parties.

I just wanna feel real love. — À l'Imaige, une playlist pour le moins bigarrée, puisqu'elle comprend à la fois "Close to Me" de The Cure et "Feel" de Robbie Williams. 

Close To Me by The Cure on Grooveshark

Feel by Robbie Williams on Grooveshark

Que j'aime "Close to Me" n'a rien d'étonnant. Même si ce succès commercial n'égale pas — et je ne fais ici que répéter, je pense, un avis largement partagé par de nombreux fans du groupe — les pépites de leur "trilogie noire" (Seventeen Seconds, 1980 ; Faith, 1981 ; Pornography, 1982), ça reste du très bon Cure. Par contre, pourquoi "Feel" de Robbie Williams me touche-t-il autant ? Pourquoi est-ce cette chanson que je garde en tête pour le restant de la soirée ? Parce que je l'écoutais jeune, sur MTV ? Impossible, car la chanson date de 2002... — Non : il faut croire que j'aime cette chanson parce qu'elle me parle, c'est tout. C'est un truc qui ne s'explique pas, un peu comme ma passion pour Julien Clerc ou les premières versions de Starmania... (À un moment, Robbie dit : "My head speaks a language I don't understand". Fait-il une référence à la critique du langage privé par Wittgenstein ? — Mais non !)

Après Batman et Retour vers le futur, Walter est désormais légèrement obnubilé par Apollo 13, ce film qui relate les mésaventures de trois astronautes obligés de rentrer sur Terre dans des conditions incroyablement difficiles et dangereuses, à la suite de l'explosion d'un réservoir d'hydrogène... Walter est fasciné par l'exploit réel des trois astronautes, mais également par une donnée technique du film (et il y a effectivement de quoi l'être) : "Pour simuler l'apesanteur propre à l'espace, ils ont dû faire environ 1500 vols paraboliques en avion lors du tournage !"

Andrew parle de la diffusion, la semaine dernière sur France Culture, de quatre émissions des Nouveaux chemins de la connaissance consacrées au "Rêve américain à l'écran". Dans la première, la présentatrice Adèle Van Reeth reçoit Yves Pedrono, un spécialiste et un puriste du Western, également intéressé par les liens entre ce genre et la Bible. Tout cela donne envie d'écouter le podcast de l'émission... La semaine prochaine sans doute...

Un peu après minuit, Andrew repart en voiture avec Emily et Walter se charge de me ramener chez moi. Pour une raison inconnue, le trajet de retour est ponctué d'embouteillages... — De retour chez moi, je fais fort : je joue aux Colons de Catane en ligne jusqu'à 7 heures du matin. Dans trois-quatre heures, faut que je me lève !

Gestalt

Gestalt, Urphänomen et autres germanismes. — Lue aujourd'hui, en ce vendredi de congé : une explication de la notion de Gestalt. En allemand, ce mot signifie "forme", mais depuis son utilisation par Goethe, il possède également une tout autre signification, beaucoup plus précise... Une Gestalt est un ensemble distinct et organisé regroupant un certain type d'objets ou de phénomènes (par exemple un phénomène naturel, au sens large). Goethe a utilisé ce concept alors qu'il s'intéressait à la botanique — très polyvalent dans ses passions, il est l'auteur en 1790 d'un essai sur les plantes, intitulé Versuch die Metamorphose der Pflanzen zu erklären. Pour Goethe, l'étude systématique du monde végétal peut se faire en considérant cette forme de vie comme une Gestalt, c'est-à-dire un ensemble particulier, interconnecté et en mutation constante, partageant une certaine forme commune.
L'idée de Goethe est qu'il existe, au sein d'un système naturel donné, une forme primordiale (un Urphänomen) dont découleraient toutes les autres. En botanique, il cherche l'Urpflanze, plante originelle et idéale dont tous les dérivés, toutes les métamorphoses (fleurs, arbres, etc.) constituent une possibilité, une Gestalt regroupant l'ensemble des plantes existantes ou pouvant exister. Cependant, les termes de "forme primordiale" ou de "plante originelle" ne doivent pas s'entendre ici dans un sens purement mécaniste, causal, mais plutôt dans celui d'un modèle à partir duquel peuvent être construits tous les autres éléments d'un même groupe, d'une même Gestalt

Ce qu'esquisse Goethe à travers son jeu des possibles, c'est le dessin d'une autre science, plus romantique et moins technophile... Une science de poète.

Cette idée me parle. Elle décrit un mode de raisonnement auquel je suis de plus en plus attaché (car pour le moment, je me détache en douceur de ma vision scientiste du Monde pour me diriger vers... quelque chose d'autre — mais pas le mysticisme !). Le mode de raisonnement dont il est question ici fonctionne sur base d'analogies, s'intéresse à l'idée d'évolution constante (de métamorphose) des phénomènes et refuse toute explication causale... Il sous-entend le principe suivant : que nous sommes capables, en tant qu'êtres humains, de reconnaître certains phénomènes à l'aide de comparaisons plus ou moins complexes, sans pour cela devoir y accoler une définition à tout prix... Par exemple, si j'observe un arbre, même inconnu, je ne suis pas obligé pour voir cet arbre de confronter la définition que j'ai d'un arbre à ma vision du moment... Non. Est exprimée ici l'idée que cette reconnaissance n'est possible que parce que nous avons en tête une idée de la forme (Gestalt) que doit avoir un arbre, sans pour cela avoir le besoin, la nécessité voire même tout simplement la possibilité intellectuelle de la définir stricto sensu. Un saule pleureur ne ressemble pas à un sapin ; pourtant nous leur attribuons à tous deux, sans le moindre doute, un air de famille. (Ludwig, sors de ce corps !)
Ce développement rejoint ce que disais un jour sur la science-fiction : est considérée comme une œuvre de science-fiction toute œuvre considérée par un fan de science-fiction comme étant de la science-fiction... L'idée n'est pas de moi mais de l'auteur et critique américain Damon Knight : "it means what we point to when we say it", écrivait-il en 1952. Soixante ans après cette définition qui se mord la queue, rien n'a changé... Et la science-fiction, comme ensemble, peut être vue à la manière d'une Gestalt : une forme de vie organisée en constante métamorphose, dont il serait vain de donner une définition précise. Il est en effet presque impossible, sans que cela soit atrocement fastidieux, de donner une définition de la science-fiction qui englobe toutes les œuvres de science-fiction reconnues comme telles à ce jour. Il serait par exemple totalement faux de prétendre qu'un ouvrage de science-fiction se déroule toujours dans le futur ou bien qu'il comporte toujours un certain nombre d'éléments scientifiques... 

Et pourtant, à l'instar de l'arbre du paragraphe précédent, il est tellement simple de déceler la science-fiction là où elle se trouve !


Un vendredi en solitaire. — Ayant été coucher très tard hier soir, je me lève également très tard. Je ne sors que brièvement en fin d'après-midi pour faire quelques courses (je n'ai plus rien à manger ni à boire). Durant toute la journée, je lis ou je joue. — Je joue, surtout : je suis devenu accro aux Colons de Catane en ligne. Quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, il y a toujours des gens connectés, avec qui je peux jouer : quand les Allemands s'endorment, les Américains, eux, se réveillent... (Vers 5 heures du matin, dans la nuit de vendredi à samedi, j'ai joué avec un gars bien sympathique vivant dans la banlieue de New York.)

Je ne gagne qu'une partie sur dix environ. La plupart des joueurs sont forts et font rarement d'erreurs de placement. Bien sûr, le hasard intervient, mais il s'agit d'un hasard très contrôlé. J'apprends par ailleurs qu'il existe une série de règles implicites en plus des règles du jeu : certaines actions sont terriblement réprouvées par la communauté de joueurs. Parmi celles-ci : quitter une partie en cours (évidemment) mais aussi malmener un autre joueur que celui qui gagne. J'ai ainsi appris à mes dépends que j'avais intérêt à toujours utiliser mon voleur sur le joueur ayant le plus de points. À chaque fois que j'ai visé une personne plus faible, j'ai eu droit à des "Warum?" indignés et même au départ d'une joueuse, apparemment réellement en colère à cause de mon comportement déplorable !
Un des seuls contacts humains de ma journée est Lewis. Il me laisse un message sur mon téléphone afin d'annuler le repas que nous avions prévu demain midi avec Mary. Je lui passe un coup de fil pour prendre de ses nouvelles... Il est effondré, vraiment.

« Hamilton... Je suis malade, j'ai le nez qui coule et j'ai de très gros soucis psychologiques, dont je préfère ne pas te parler au téléphone... 
— Ha...
— Et toi, comment vas-tu ?
— Bah... Eh bien, comme d'habitude...
Pour le repas, la prochaine fois, s'il te plaît, propose un soir, même en semaine. Je ne suis pas du tout un homme du midi. 
Oui, je sais...
— Je ne mange rien à midi. Le soir, je fais bombance. Je sais que c'est un mauvais régime, mais c'est comme cela que je fonctionne depuis des années. 
— On fera ça un soir, alors. Je vais avertir Mary.
— Oui, c'est mieux. Je vais te laisser. Ce n'est pas joyeux, tu sais... Je ne vais pas bien. Pas bien du tout.
D'accord. Au revoir, Lewis.
— Au revoir, Hamilton... Au revoir... »

Mon "au revoir, Lewis" est chevrotant. Je me rends compte que je suis au bord des larmes lorsque je raccroche... Lewis dit ne pas aller bien. Je le crois. Et je sens que c'est grave. Puissé-je me tromper !

Dicotribulation #1

Aujourd'hui, c'est le dictionnaire qui décide de ce que je vais écrire. — L'idée : je me rends sur cette page du Wiktionnaire* qui permet d'afficher un mot au hasard. Je note ensuite, sans tricher, les dix premiers noms communs qui apparaissent grâce à ce système... Et enfin j'écris un texte suivi, une histoire ou tout autre chose d'un tant soit peu cohérent me venant à l'esprit à la lecture de ces mots.
Les mots tirés au sort cette fois-ci sont...
- Retressauter (tressauter à nouveau)
- Psychrométrie (détermination des caractéristiques d’un mélange gaz-vapeur)
- Époussette (brosse dont on se sert pour nettoyer les habits)
- Alésure (métal détaché par l'alésoir)
- Poudre de kamala (poudre servant de colorant rouge et de ténifuge)
- Sesquicentenaire (qui existe depuis 150 ans)
- Responsablement
- Appareil
- Industriel
- Malencontreux
Le résultat obtenu (ci-dessous) ressemble à un rêve, ou plutôt à un cauchemar : une série d'éléments décousus auxquels le cerveau tente de rattacher une signification à tout prix... 

Après une heure d'attente dans une des salles du CHU, le chirurgien italien qui m'a enlevé la vésicule biliaire l'année dernière me reçoit à nouveau dans son petit bureau. Aujourd'hui, il ne sourit pas : il est beaucoup plus sérieux qu'à l'accoutumée... Il parcourt rapidement du regard un rapport fait d'une série de courbes et de statistiques incompréhensibles, du moins pour le commun des mortels...

« Les tests psychrométriques confirment l'analyse sanguine ainsi que les résultats de la scanographie, m'annonce le chirurgien... C'est... hé... un ténia...
(Je tressaute.)
Un ténia ?
— Oui. Un ver solitaire, tu vois ?
Ha. Bon... Je suppose que c'est assez bénin...
(Le médecin me regarde l'air peiné.)
— Qu'y a-t-il ? Je veux la vérité !
— Quoi que je puisse te dire, Hamiltono, je compte sur toi pour prendre la nouvelle responsablement, hein... Si jamais tu as besoin de l'aide d'un psychologue ou de...
— Allez droit au but, je vous en prie...
— Eh bien, c'est assez... hé... malencontreux... Tu as un ténia sesquicentenaire dans ton ventre.
Sesquiquoi ? 
Sesquicentenaire. Dans le jargon médical, cela signifie que le ténia a au moins 150 ans...
— Que... Quoi ? »
Il allume un appareil lumineux situé derrière son bureau et y attache une série d'images en noir et blanc, en coupe, de mon intestin. À la vue de certaines, je tressaute...
« On peut clairement voir la tête sur plusieurs clichés, et les dents, là, me dit-il.
— Mais c'est horrible ! Ces canines... On dirait une déchiqueteuse industrielle !
Oui, c'est très impressionnant. De toute ma carrière, je n'ai jamais vu une chose pareille. Certains gros spécimens mesurent plusieurs dizaines de mètres de long, mais celui-ci doit bien faire dans les 400 mètres... 
(Une image me vient en tête et je pouffe de rire, alors que ce n'est vraiment pas le moment...)
— C'est Shai-Hulud !
— Que dis-tu, Hamiltono ?
— Oh non, rien...
— Tu ne devrais pas prendre la chose à la légère. Il va falloir couper et chipoter dans ton ventre... D'habitude, un peu de poudre de kamala et hop ! Disparu le ver, mais dans ton cas, je crains que je doive intervenir d'urgence. »
Il m'annonce qu'il va tout faire pour m'opérer au plus vite, au plus tard après-demain, et il me parle du risque d'une telle opération. Il me montre un ustensile qui ressemble curieusement à une brosse à récurer.
« On va t'ouvrir tout le ventre, d'ici à là... Je ne peux pas ouvrir que le nombril comme la dernière fois, car le ver, il est très gros, hein !   
— Et c'est quoi, cette brosse ?
Ceci est une époussette, m'explique-t-il. Je vais d'abord brosser la paroi intestinale pour fragiliser le ver, puis je tenterai de l'exterminer avec de gros alésoirs comme ceux-ci...
(Il me montre des tiges qui ressemblent à des mèches de foreuse.)
— Mon dieu !  
— Ne t'inquiète pas ! Après, on rebouche, hein !
Mais...  Docteur... Il y a quelque chose que je ne comprends pas. 
— Oui ?
— Comment est-ce que je peux avoir un ver solitaire de 150 ans dans mon corps alors que je n'en ai que 32 ?
— Je veux bien te l'expliquer, mais ça va encore plus te dégoûter... »

STOP ! C'est du grand n'importe quoi cette histoire.
J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.
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 Le Wiktionnaire : dictionnaire libre en ligne extrêmement riche.