Archives annuelles : 2011

Le crépuscule du Chicomuceltec

Aujourd'hui, mon chef Lodewijk est revenu du Guatemala. Ma collègue Charlotte va enfin pouvoir arrêter de stresser à sa place. Elle a en effet eu la mauvaise idée il y a trois semaines de taper "Guatemala" sur Google et de tomber sur une page de conseils aux voyageurs publiée sur le site Web de la Diplomatie française. Résumé de ladite page, d'après Charlotte : "N'y allez surtout pas !" : routes impraticables car dégradées durant la saison des pluies, risques
sismiques, volcans qui se réveillent, attaques au
révolver ou à la machette (!), vols caractérisés, séquestrations (seulement quelques heures, "rassurez-vous",
qu'ils disent...), prises d'otages, viols, meurtres, narcotrafiquants dans la jungle, sites
archéologiques en état de siège (!!), virus abominables (comme la dengue), abductions par des Zeta-Réticuliens (?), vortex temporels, tsunamis gigantesques, attaques de zombies (??), etc.
Mon
"boss" – il déteste qu'on l'appelle comme ça – est pourtant revenu en un seul
morceau. En fait, ce site Web de l'Ambassade de France, c'est un peu comme les effets
indésirables sur la notice d'un médicament : "ils" sont obligés de marquer tout
ce qui peut arriver, même si, en prenant certaines précautions (par exemple : éviter certains
villages et ne pas trop montrer ses "objets de valeur"), le risque est relativement faible. 
À une seule exception
(deux gars au regard inquiétant et armés de machettes qui les attendaient, cachés sur le bas-côté d'une route de village, un chauffeur de tuk-tuk leur faisant
clairement signe de rebrousser chemin – ha ouais, quand même !), Lodewijk
n'a rencontré que des gens charmants, me dit-il. Il a pu découvrir de beaux
sites mayas (moins décorés néanmoins que ceux qu'il a vus au Mexique), des
villages reculés avec des habitants en costume traditionnel très coloré, un
folklore préservé... 
Je trouve le sujet intéressant, alors je me renseigne un peu. J'apprends qu'au Guatemala, outre l'espagnol (la langue principale), les
autochtones parlent une série impressionnante d'anciennes langues mayas (le K'iche' est parlé par plus d'un million de personnes, soit plus d'une personne sur quinze), mais certains
dialectes disparaissent totalement hélas, comme le Chicomuceltec. Faudrait amener un magnétophone dans ce
pays (et dans beaucoup d'autres d'ailleurs), avant que d'autres langues ne s'éteignent !
* * *
En soirée,
j'étais censé me reposer (ouais, c'est ça !) mais Emily propose d'aller
prendre un verre en terrasse, vu qu'il fait beau dehors. Rectification : vu qu'il ne fait pas trop moche dehors. C'est très tentant. Direction
donc (à nouveau) le Parvis de Saint-Gilles. Je me retrouve ainsi au Sikou avec Emily et Andrew. On mange une crêpe (Andrew reprendra même une glace, après). Je bois raisonnablement (paraît que je fais une fixation sur l'alcool pour le moment, dixit Léandra : Andrew et Emily ont l'air de confirmer). Walter nous rejoint en fin de soirée. On repart tôt (je ne m'en plains pas : ça change de ces soirées tard le soir en semaine à 4 bornes de chez moi ; en plus, je suis crevé). Léandra passe son tour. J'ai néanmoins eu l'occasion de discuter un peu avec elle
cet après-midi des statistiques bizarres de nos blogs (j'en ferai un sujet ici-même, très bientôt).

Andrew parle de son début de relation fraternelle, il y a des années, avec un escargot, avec qui il a bu un cocktail au gin et à la sauce anglaise (parmi plein d'autres ingrédients détonants).  Pauvre escargot... A-t-il survécu ? Autre question, avant de se quitter (Walter parlant des 106 chevaux de sa voiture) : pourquoi parle-t-on de chevaux pour une voiture ? C'est en relation avec le cheval-vapeur, dit Andrew. Mais le cheval-vapeur a-t-il un rapport avec la force de traction d'un vrai cheval, comme je le suppose ? Je pensais m'être gouré lamentablement... Hé bien non, pas du tout (ouf !) : ça a bien un rapport, comme le montre (notamment) ce site, même si un seul cheval peut, pendant un bref instant ou dans certaines conditions, avoir une force de traction bien supérieure à celle d'un seul cheval-vapeur.

Me voilà moins bête, mais ce n'est pas ça qui nous rendra le Chicomuceltec !

Chooz devant !


(Amis des jeux de mots à deux francs cinquante,
bonjour !)

(Zut, après vérificationS, je me rends compte que je ne suis même pas le premier à le faire, celui-là... C'était prévisible, cela dit...) 
Ce matin, je me réveille assez en forme pour accompagner ma maman à Redu, le "Village du Livre". Elle veut y revendre quelques bouquins qu'elle ne lira plus jamais (notamment une collection complète de Mary Higgins Clark : comme je la comprends !). On passe en voiture par Dinant, buvons un café à Beauraing (un village traversé par une grande route bruyante, ainsi que par la vierge Marie, si l'on croit cinq enfants illuminés), puis serpentons la jolie petite route qui mène vers le pays de la Haute-Lesse. 
Le soleil éclaire un superbe panorama dans toutes les directions. Un peu partout, des éoliennes... Au loin, à l'horizon, dans un creux sinueux de la vallée mosane, j'aperçois l'extrémité des deux grosses tours de refroidissement de l'imposante centrale nucléaire française de Chooz : deux réacteurs en fonctionnement (Chooz A est le premier réacteur nucléaire à eau pressurisée de France) ainsi qu'un projet de recherche sur les "oscillations du neutrino". Cette centrale est aussi connue pour sa situation géographique assez funky pour la population belge : elle est très proche de la frontière, dans une protubérance territoriale qui porte le nom de "Pointe de Givet". Si un accident grave devait survenir dans cette centrale, 90% environ de la population à évacuer sur un rayon de 20 kilomètres serait... belge. Début des années 80, la construction du second réacteur a suscité un gros mouvement de contestation, réprimé par la force.

Enfant déjà, ces centrales nucléaires aux tours
"immenses" m’impressionnaient. Aujourd’hui, c’est toujours un peu le
cas mais pour une raison différente, qui touche aux expérimentations toujours un
peu "borderline" (pour reprendre un terme à la mode) sur la fission de l’atome... Des expériences
d’apprentis-sorciers, symptomatiques de la perpétuelle tentation des
humains d’usurper leur "simple condition" et de dresser la nature, de jouer à la magie avec les atomes, de
les contrôler sans réellement les contrôler... (Marrant : je pense avoir déjà parlé de cela avec Andrew il y a quelques mois.)
Durant toute cette partie du trajet, ma pensée vagabonde sur la question du nucléaire... Je repense aux bêtes erreurs de manipulation de Harry Daghlian Jr et de Louis Slotin sur le
"demon core", toutes deux fatales, à cause d'un accident de criticité.
Le "rêve nucléaire"
peut très rapidement se transformer en cauchemar quand on n’y fait pas
gaffe (enfin, bon, ils travaillaient sur une bombe, ces gars-là...). Je pense aussi à l'aspect
"magique" (façon de parler) des rayons ionisants. De retour chez moi (en soirée) je retrouve une vidéo de démonstration d'un réacteur nucléaire expérimental, qui m'avait impressionnée il y a quelques mois : les techniciens enlèvent toutes les barres de contrôle du réacteur d'un coup, initiant en quelques millisecondes de nombreuses réactions en chaîne. L’eau devient toute bleue, non pas à cause d’un
quelconque éclairage, mais à cause de l’effet Vavilov-Čerenkov
, durant lequel certaines particules se déplacent plus vite que la lumière, non pas sur un plan absolu mais dans un milieu donné.
* * *

Ma mère et moi arrivons à Redu vers midi et mangeons au restaurant "Le Clocher". Je fais un tour des librairies. Ma mère va acheter des savons. Je m'arrête un moment dans la librairie qui porte le nom de "L'Archiviste". Une librairie d'histoire (logique). Ma mère arrivera à revendre ses bouquins pour 40 euros. Je termine la visite du village par Fahrenheit 451 : pas le livre évidemment, mais la librairie. Il y a plein de vieilles collections de SF. C'est dingue le nombre de livres des sixties avec des femmes à poil, surtout pour des romans qui ne parlent absolument pas de sexe, ni même parfois de femmes ! Un peu comme si le jeune fan de science-fiction des années 60 achetait son bouquin en fonction du niveau d'érotisme présent sur la couverture (en fait, à y réfléchir, c'est totalement plausible). J'y achète trois livres : Dans le torrent des siècles (Time and Again, 1951) de Clifford D. Simak ; Babel 17 (1966) de Samuel Delany ; Semailles humaines (1957) de James Blish. 
Les deux derniers sont des romans de "SF intello", dans lesquels l'intrigue constitue un prétexte à la mise en avant de théories scientifiques très sérieuses et assez pointues. Dans Babel 17, l'auteur se penche sur une langue utilisée par des envahisseurs extraterrestres comme arme de guerre contre l'Alliance humaine : cette langue, une fois apprise, modifie la façon de penser et de concevoir le monde, un peu à l'instar de la novlangue d'Orwell. Babel 17 pousse ainsi à un de ses plus hauts degrés l'idée de la relativité linguistique, que l'on retrouve notamment dans l'hypothèse (controversée) de Sapir-Whorf, selon laquelle nos représentations mentales dépendent en grande partie de la langue que nous parlons. Quant à Semailles humaines, il s'agit d'un essai sur la "panthropie". Explication : dans de nombreux romans de SF, les humains colonisent des planètes en les "terraformant", c'est-à-dire en adaptant chaque planète à nos conditions de vie. La panthropie, c'est exactement l'inverse : c'est la science d'adapter l'être humain à des conditions de vie a priori hostiles pour lui. On retrouvera plus tard ce très beau thème dans le cycle d'Hypérion de Dan Simmons (qui a, sans aucun doute possible, lu et aimé le roman de Blish), dans lequel les Extros, êtres humains modifiés, se sont pliés aux exigences de l'espace.

* * * 

Je termine la soirée à Saint-Gilles avec Emily, Léandra et Andrew. Je suis très speedé, pour une raison inconnue (l'alcool et le manque de sommeil ?). Emily et Léandra reviennent de France. Cette dernière est revenue de Paris hier. Elle ne parle pas beaucoup. Elle a couchsurfé chez un docteur en physique (à vérifier), maître de conférence à Paris. Le gars en question a une vie un peu triste, d'après Léandra. Il travaille beaucoup, est apiculteur à Versailles, vit dans un petit appartement de 35 mètres carrés (ce qui n'est déjà pas mal pour Paris, en fait)... Léandra est déçue car la conversation qu'elle a eue avec ce monsieur est restée très superficielle. Léandra n'aime pas quand on ne peut pas parler de tout. Quant à Emily, elle est revenue de chez ses parents aujourd'hui. Sur le chemin du retour, elle s'est arrêtée un moment à Compiègne parce qu'un connard de conducteur (belge en plus) lui a fait trois queues de poisson. Emily a l'air assez en forme de prime abord (le retour du retour aux sources ?). (Tiens, elle a aussi attaché ses courts cheveux : c'est assez rare et ça lui va bien. Si je le lui avais dit, elle m'aurait sans doute soutenu l'inverse.)

Parfois, je me demande ce que les cafetiers de la Maison du Peuple de Saint-Gilles fument dans leur réserve. Ils passent des musiques genre "Tata Yoyo" (heureusement, on est dehors) sur lesquelles ils dansent... Ils font un peu n'importe quoi, servent un peu n'importe comment, oublient les commandes... On ne reste pas longtemps de toute façon. On finit par atterrir au restaurant "La Porteuse d'Eau", où ils ont changé leur carte des suggestions et engagé de nouveaux serveurs. Léandra n'a pas de chance avec ces derniers. Aujourd'hui, elle a lancé que notre serveur n'était pas très causant ; le gars était juste derrière à ce moment. Bah, quoi qu'on fasse, ce resto est maudit pour nous, de toute façon !

Repas familial

Tu ne sais pas trop si tu dois utiliser le tutoiement ce soir, dans ce journal. Le tutoiement, tu le réserves pour les soirées où tu es saoul... Es-tu saoul ? Tu devrais l'être en tout cas. Depuis trois heures de l'après-midi, vous n'avez fait que boire et manger. Ta famille, branche paternelle, est une bande de fieffés soiffards. Tu peux tout comptabiliser : un picon/vin blanc en apéro, huit verres de vin rouge durant le repas, trois Orval en terrasse ; cinq Orval au bowling, et pour terminer une... Bofferding (argh !). Tu n'as pas dépensé un seul centime de cette journée : tu es le plus jeune dans un cercle composé uniquement de cinquantenaires. Ils ne te donneront pas l'occasion de sortir la moindre pièce de ta poche. Au final, tu décides que tu n'es pas du tout saoul. Et en plus, c'est vrai !... Et ça fait peur. Exit la deuxième personne du singulier, donc.

* * *

Cet après-midi donc, je me rends avec ma maman, mon papa et son meilleur ami Lazlo au repas familial biannuel. La réunion a lieu au "Lodge", un restaurant en bord de Meuse, du  côté de Wépion, avec une belle vue sur les falaises (marrant : je suis passé devant en vélo la semaine dernière). Sont également présents au restaurant quatre autres personnes : mon oncle Vilppu et sa femme Rabarama ; ma tante Gigi et son mari Jean-Paul. 
La famille n'est pas au complet : ma grand-mère paternelle, un de mes oncles et une de mes tantes ne sont pas là, car ils sont morts. Mon grand-père est mort depuis 23 ans : il triche, ça ne compte pas. Une de mes tantes, celle qui fait toujours des scandales et qui a déjà passé quelques nuits "au poste", bien vivante elle, n'est pas là non plus, pour d'obscures raisons. Mon oncle/parrain l'a suivi dans sa décision de ne pas venir. Parmi les nombreux cousins que je possède sur la plan paternel, aucun n'est là non plus. Personne n'est là, c'est cool, wahaaaa ! Plus sérieusement, j'ai la chance de me retrouver avec ceux que je préfère dans la famille de mon père. 

Le repas est du genre "gastronomique". Le chef signe ses plats à la crème de vinaigre balsamique (copieur !). Je mange un très bon cannelloni à la mousse de bœuf en entrée et un saltimbocca de volaille en plat principal. Je suis assis à côté de Jean-Paul, mon "oncle par alliance" préféré du côté paternel. Après avoir mangé, on passe deux heures en terrasse. La table est divisée en deux parties égales : buveurs de bières/buveurs de cafés. La fin de la discussion est intéressante : elle tourne autour du cours de math à l'école secondaire. Mon père considère qu'on devrait le supprimer du cursus car il "casse des vies" (ma mère, par exemple, est du genre à avoir mis un terme à ses études secondaires simplement parce qu'elle ne supportait pas les mathématiques). Je suis de l'avis opposé : les maths, c'est comme le français ; c'est très important. Apprendre les maths, plus que d'apprendre une matière, c'est apprendre une logique. Je suis intransigeant mais tout le monde s'en fout (y compris moi sur la fin).

La famille est partante pour aller jouer un bowling en fin de soirée. Nous allons donc au bowling. Je joue très mal, j'ai trop d'alcool en tête (c'est à ce moment que je m'en rends compte). Je joue aussi au billard avec ma mère. Une chouette soirée : tous ces gens ont l'air heureux de casser une certaine monotonie qui s'est installée dans leur vie.

Belote, rebelote et dix de der !

Je reviens chez mes parents assez tôt pour retrouver ma fille Gaëlle avant qu'elle ne retourne chez sa maman. Dans la voiture la ramenant à Namur, assis à côté d'elle, je me rassure en me disant que Gaëlle n'est pas con du tout (une de mes grandes hantises : avoir un enfant idiot). Quand je lui parle d'Anouchka, la fille ainée de Fred Jr (qu'elle verra à l'anniversaire de ce dernier en septembre), elle me dit : "Oui, Anouchka, je sais qui c'est : c'est celle avec qui je ne voulais pas partager la couverture, chez toi"... Mémoire à moyen terme : check
Juste pour la tester, je lui demande "pourquoi l'on vit". Elle me répond : "pour vivre". Que dire d'autre ? Je lui demande aussi "comment on vit" (pour voir si elle comprend d'elle-même la différence primordiale entre le "pourquoi" et le "comment") et elle me dit : "en mangeant et en faisant dodo", puis : "et aussi en buvant de l'eau et en respirant de l'air". Vu que les réponses (simples, concises) m'impressionnent, je tente la question de Leibniz : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?", en espérant avoir enfin la réponse. Gaëlle sort  : "Je ne sais pas". Faut pas déconner, non plus : personne ne peut répondre à ce genre d'interrogation, à part les religieux avec leur fausses réponses. En fait, "Je ne sais pas" est une putain de bonne réponse ! S'il n'y avait rien, de toute façon, nous ne pourrions pas nous poser la question...
Un peu plus tard dans la voiture, Gaëlle demande qui a créé la Terre. Je me dis que j'ai initié un débat interne dans son petit cerveau et je suis content (pauvre con !). Je lui dis : "personne, réellement, en fait", et lui explique en gros la création de la Terre et du système solaire (j'ai presque envie de lui expliquer Darwin et la théorie de l'évolution, au cas où elle tomberait sur un instituteur créationniste, mais je me retiens, du moins pour le moment). Alors, elle passe son temps à trier ce qui est d'origine humaine (les routes, les panneaux de signalisation, les maisons...) et ce qui ne l'est pas (les arbres, le soleil, les rivières...). On termine le voyage en jouant à pierre/papier/ciseaux.

* * *

En soirée, c'est la fête d'anniversaire (85 ans) de ma grand-mère (ma Bobonne). On a commandé des pizzas. On boit du Porto, du vin puis du Champagne apporté par un de mes cousins. On termine la soirée en jouant à la belote. Je joue avec ma mère. Mon cousin joue avec son père, mon oncle Tino. Ils finissent par gagner. Tino est un pro de la belote (du genre à compter tout ce qui tombe et à faire de appels de la mort qui tue). Mon cousin s'en contrefiche. Elles sont marrantes à voir, les fausses engueulades de mon oncle, du genre : "J'ai mis un 7 de pique, l'atout est du carreau, tu dois me mettre du trèfle ! Tu joues à la belote ou à la bataille ?". Lorsque je reprends un Orval en pleine partie, ma mère me lance : "Encore ?". Je lui réponds : "Hé ! Pour une fois que je m'amuse dans la vie !". Bigre, elle venait vraiment du cœur, cette réplique !

Faut dire que ces parties de belote me rappellent de très bons souvenirs. Il y a dix ans, on avait l'habitude d'occuper nos soirées d'été avec ce jeu, jusqu'à tard le soir. Ma mère jouait souvent avec mon oncle Tino, et moi, je jouais presque toujours avec feu mon nono Émile. Je me souviendrai toujours des répliques de mon grand-père : "Oh, je vais aller en cœur, m'fi, on n'sait jamais, hein !". On se prenait la plupart du temps une "couille", mais on s'en foutait royalement et on se marrait bien. 

Aujourd'hui, mon nono est mort et incinéré. C'est la vie ! En ce moment précis, il me manque cruellement. Ma grand-mère est la dernière de mes grands-parents à s'accrocher à la vie.

Questions existentielles sur l'Orval

Aujourd'hui, c'est une journée peinarde chez mes parents et je n'ai pas grand chose à raconter. Je pourrais décliner une nouvelle fois mon après-midi sous forme de "je-joue-avec-Gaëlle-au-petit-train-au-vélo-ou-à-chat-perché" mais ce serait une redite. Ayant un verre d'Orval devant moi (comme souvent), je décide donc, pour passer le temps pendant que ma fille regarde Rio, de me lancer dans une série de questions existentielles sur la célèbre bière gaumaise. 
Dit-on un ou une Orval ? Sur le site Web de l'abbaye, ces petits chenapans de moines trappistes éludent presque toujours la question en parlant de "la bière d'Orval", sauf à un endroit : "(...) l'art d'un bon service que l'amoureux d'Orval apprécie lors de sa dégustation : choix entre un Orval frais ou tempéré, utilisation d'un verre propre et sec (...)". Certains internautes ont même apparemment été jusqu'à envoyer un courriel à l'abbaye et ont reçu pour réponse : "On dit un Orval". Dans la même logique, un Gaumais dira à coup sûr un Orval aussi (la plupart du temps, ces gens-là sont un peu susceptibles et deviennent même rouges lorsqu'on ose parler d'une Orval : c'est très marrant à voir, d'ailleurs).

L'explication de ce curieux masculin résiderait dans la légende d'Orval et correspondrait à un "mot" de la comtesse Mathilde qui en 1070 aurait retrouvé son anneau nuptial grâce-à-une-truite-sortie-d'une-source-etc.-etc. (j'aime bien les tirets aujourd'hui) : "Désormais et pour toujours, je voudrais qu'on appelle [cet endroit le] Val
d'or". Un val d'or = un Orval ; des vaux d'or = des Orvaux. Mouais... Autant pour Orval, je me dis que oui, "pourquoi pas ?" (on dit bien un Lambic et un Faro), autant pour "Orvaux", ça me semble tiré par les cheveux : Orval étant un nom propre, j'aurais tendance à dire : un Orval, des Orval. Bref, la question reste en suspens.

Conclusion : face à un Gaumais, par esprit de contradiction, je dirai une Orval. Et devant les autres, je dirai un Orval, juste pour faire le malin. Bah oui, dire "un Orval" autre part (à Bruxelles, par exemple), c'est un peu faire l'intéressant et montrer qu'on ne fait pas partie du commun-des-mortels-qui-prononce-une-Orval-mais-quelle-honte-mon-bon-Monsieur. C'est un peu comme ces gens qui nous reprennent parce qu'on dit "à Avignon" alors-qu'il-faut-dire-en-Avignon-ouaip-c'est-comme-ça-moi-je-sais-et-c'est-tout. Bref, tout ça n'a pas beaucoup d'importance, en fait.

N'empêche (j'en rajoute une couche), lancer devant un membre de la Confrérie des Sossons d'Orvaulx, fier et heureux du goût unique de la noble bière trappiste de son "pays" : "Une Orval, quand même, c'est un peu comme une jup' mais en un peu plus ambré", ça doit faire son petit effet...

Pourquoi a-t-on eu du mal à trouver de l'Orval ces derniers mois ? Grand mystère ? En tout cas, tous les buveurs d'Orval en Belgique se sont sans doute rendu compte de cette pénurie. Aucun Orval dans les magasins, difficile d'en trouver aussi dans les cafés... Lors de mon séjour à Stavelot, un cafetier a avancé le fait qu'ils avaient "raté un brassin". Est-ce possible ?

Une réponse différente se trouve dans le magazine Café Revue de février 2011 et semble plus proche de la réalité, vu qu'elle prend pour source d'information les brasseurs eux-mêmes. La principale explication avancée par Frère Xavier (administrateur délégué) et Francis de Harenne (directeur commercial) tient dans l'augmentation de la demande de ce type de bière spécifique (une bière trappiste de très haute qualité) et aussi dans la volonté des moines brasseurs de ne pas augmenter la production, leur "chiffre d'affaire" convenant parfaitement au mode de vie de l'abbaye...

Toutes ces questions ne m'empêcheront pas de clamer haut et fort  que cette bière d'Orval, avec son amertume si particulière, sa faible teneur en alcool, sa belle robe et son vieillissement très particulier, est une des meilleures bières que j'ai jamais eu l'occasion de goûter (et Dieu m'est témoin – façon de parler : j'en ai dégustées, des bières).

* * *

Je retourne en train à Bruxelles pour une nuit. Je passe la soirée au Verschueren avec un Andrew totalement crevé de sa semaine. Je bois quatre Orval (Orvaux ? Orvaulx ? Orvals ?) en un peu plus de deux heures... C'est trop. D'après Andrew, les bières belges sont fortes si on les compare avec celles d'autres pays... Y compris l'Orval, avec ses petits 6,2% d'alcool – une valeur intermédiaire, qui dépend du temps passé en bouteille, si l'on fait confiance à ce site. En écrivant cela, je repense à cet article du Soir : "Le Belge boit 78 litres de bière par an". En moyenne, c'est déjà pas mal, considérant ceux qui n'en boivent pas du tout, etc. Et puis, je pense à ma consommation personnelle... Combien, sans mentir ? Cinq bières spéciales par jour, en moyenne, on va dire ? 5x33x365=60.225 centilitres, soit 602 litres de bières par an. Mon dieu – façon de parler, encore une fois –, ayez pitié de moi !

Un rêve d'amateur d'Orval, esquissé par Andrew : avoir mon propre verre, en cristal, avec un "Hamilton" gravé dessus et l'anneau en or incrusté... On se dit que ce serait un beau cadeau de mariage. Ne reste plus qu'à trouver la mariée...

Deux voitures de police passent, empruntant des routes différentes. Discussion : comment interprète-t-on le code de la route dans le cas d'un accident mettant en scène deux voitures de police faisant marcher leur gyrophare ? Elles ont clairement la priorité sur les autres véhicules mais... entre elles ? Une voiture avec gyrophare doit-elle céder la priorité de droite à une autre voiture avec gyrophare ? Toutes ces questions se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie (j'adore la ressortir dès que j'en ai l'occasion, celle-là).

Noctambulisme


Dans le genre foireux : aujourd'hui, je me suis levé à... 2 heures de l'après-midi, à 13h57 pour être précis. Ni ma mère, ni ma fille n'ont ressenti le besoin de me réveiller avant cette heure pour le moins tardive. Je me serais rendormi sans le moindre problème en quelques secondes si je n'avais pas eu la (très) bonne idée de consulter l'heure. Aujourd'hui, comble de malchance, je devais accueillir Léandra en début d'après-midi dans "ma région" pour me rendre avec elle et Gaëlle au Lac de Bambois. Léandra a essayé de me téléphoner à deux reprises, mais pour une fois, mon téléphone était sur silencieux. Résultat : trop tard pour tout ça (Léandra habite à Bruxelles, soit à 1h30 de train environ de chez mes parents) et le projet tombe à l'eau.

La question du sommeil est une question primordiale pour moi comme pour beaucoup de personnes de mon entourage. Personnellement, mon principal "problème" réside dans le noctambulisme : j'adore la nuit et je déteste aller dormir avant minuit. Après minuit, je postpose constamment l'heure de m'endormir, non pas que je ne n'en suis pas capable, mais simplement que je n'en ai pas envie. J'attends donc toujours le moment où je ne peux plus rien faire/regarder/lire à cause d'une trop grande fatigue. Une fois que je dors, par contre, je ne rencontre pas le moindre problème pour être dans cet état très longtemps... J'ai exactement le même sommeil que mon père : endormissement en une minute, voire en quelques secondes, "quelques" ronflements nocturnes (hem) et prolongation du sommeil comme j'en ai envie, jusqu'à pas d'heure, que je me réveille en pleine nuit ou pas. Cette nuit, je ne pense pas m'être réveillé une seule fois (difficile à savoir, cela dit) et j'ai fait un tour d'horloge. Je suppose que j'en avais besoin ? 
* * *

Ma fille a joué une grande partie de la journée avec son petit-cousin Roberto. Il a deux ans en moins qu'elle mais fait la même taille. Roberto s'en contrefiche de perdre ou de ne pas respecter les règles établies. Gaëlle, par contre, est hyper-légaliste, très à cheval sur le règlement et pique des crises quand on ne respecte pas ce dernier ("J'avais 4 points et lui zéro, il n'a pas à changer les points !"). Je me demande à qui elle ressemble... Elle est aussi très mauvaise perdante aux jeux de société, mais elle se soigne. Sans être méchant, je me fais un honneur de jouer avec elle de la même manière que quand je joue avec un adulte. Elle perd pour le moment, mais au moins elle apprend.


Ma mère est fâchée/stressée en permanence. Quand je laisse ma fille s'occuper toute seule, mère n'est pas contente ; quand je joue avec ma fille, elle n'est pas contente non plus. Elle me dit que je ne m'occupe de Gaëlle que quand j'aime l'occupation (du genre : jouer à des jeux de société). C'est vrai. J'aime quand il y a un apprentissage. Je m'emmerde, sinon. J'ai du mal avec le fait de pousser une balançoire (ce qui est un peu con, j'en conviens) ; par contre, j'adore lui apprendre à aller en vélo ou à calculer. Ma bobonne (ma grand-mère) tient souvent avec moi quand il est question de l'éducation de ma fille (je me sens moins seul).

Durant la journée, Bridget, l'épouse de mon cousin, a failli être tuée. Travaillant à couper du bois en contrebas de leur nouvelle maison en construction (celle que mon cousin est en train de bâtir en annexe de la maison familiale), elle a reçu en pleine tête deux pierres qui servaient à soutenir une bâche, cinq mètres plus haut. Elle a une énorme bosse à l'arrière du crâne et un gros trou rempli de sang sur le dessus. La première des deux pierres devait peser plus de deux kilogrammes. Quand j'ai vu ce gros caillou constitué de protubérances vachement pointues, je me suis dit qu'elle a dû somme toute avoir beaucoup de chance. Elle refuse de passer un scanner pour le moment. 

Fin de soirée, il commence à pleuvoir. Tout le monde rentre s'abriter, sauf Tino, mon tonton italien, et moi. On bavarde sous les parasols convertis pour l'occasion en parapluies. C'est curieux : Tino est du genre énervant avec toute ma famille (ses deux fils, sa femme...) : gesticulant, excité, donneur de leçons... Sauf avec moi : à deux, la discussion est toute calme. Je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi. 

Quand je rentre chez moi, ça sent l'herbe mouillée et j'adore ça.

La Norvège sans les Norvégiens

Hier, j’ai testé un nouveau concept : l’écriture
sous l’emprise de l’alcool. J’ai ainsi décidé qu’à chaque fois que je serais vraiment
saoul (au point d’avoir beaucoup de mal à taper correctement sur un clavier ou
simplement de marcher droit), j’écrirais à la deuxième personne du singulier. La
démarche a créé son petit effet quand je me suis relu le lendemain : Hamilton
saoul tutoyant Hamilton qui émerge, c’est sympa et direct. Je repense à
Andrew qui me demandait hier à qui sont destinés mes blogs. Je continue à me dire
que ce journal m'est avant tout destiné (c'est une façon d'ordonner et de mieux comprendre ce que je fais en ce moment) mais la question se pose quand
même : s’il est destiné avant tout à moi-même, pourquoi est-ce que je
l’écris en ligne ?
Même saoul,
je n’ai pas trop mal résumé la soirée d’hier. C’était une chouette soirée,
somme toute, une fois les deux colocataires taciturnes partis je-ne-sais-où. Je
me rends compte néanmoins que j’ai oublié de parler d’un des invités :
Lytle. Lytle est assez discret, ne parle pas beaucoup, mais est d’agréable
compagnie. Il revient d’un voyage en Norvège. Il était à Oslo lors du drame de
l’île d'Utøya. Quand je lui demande s’il a rencontré du monde là-bas, il répond :
"Oh non, je ne suis jamais resté plus de deux jours au même endroit".
Il y est allé en voiture, en amenant sa nourriture et ses boissons. Il garde
néanmoins un souvenir magnifique de son séjour (les fjords, les glaciers, les
lacs...). 

Lytle vit de manière assez simple : il n’a pas besoin de
beaucoup pour être heureux, apparemment. Je me dis que chaque personne envisage ses vacances
différemment. Je me dis aussi que si mon ami Zapata était parti deux semaines en
Norvège, il aurait squatté avec les anarchistes locaux, visité les repères underground du pays et rempli un carnet
d’adresse de gens sympathiques et un peu hors système. Célibataire, il serait
sans doute aussi sorti avec trois ou quatre Norvégiennes, au moins. Mais Lytle
n’est pas Zapata. Je me dis enfin que si j’étais parti en Norvège seul pendant quinze
jours, j’aurais forcément lié connaissance coûte que coûte avec des habitants
ou des touristes. J’aurais goûté les bières locales dans un pub tous les soirs
ou presque, sorti mon anglais le plus basique sans trop de honte et fait des
randonnées avec des amis improvisés... Ou pas. Qui sait ? Je ne suis jamais allé en Norvège.

* * *
En fin de
matinée, émergeant difficilement d’une gentille gueule de bois (se cantonner à
la bière, ne jamais boire de vin, nondidjû
 !), je rejoins Léandra à la
Maison du Peuple. Il y a un beau soleil à l’extérieur mais
force est de constater qu’il ne fait pas très chaud à la terrasse. Léandra préfère rentrer dans le café. Elle mange un bout de quiche et
je l’accompagne avec des boissons : deux cafés et, pour exorciser les bières d’hier... deux
bières (ça fonctionne !). On arrive à parler de plein de choses en assez peu de temps et, après avoir discuté du domaine de Chevetogne, on tombe d'accord sur la relative absence d'intérêt des administrations provinciales en Belgique... Je suis curieusement de très bonne humeur depuis ce matin, sans raison, comme dirait l'autre.

En début d'après-midi, je me dirige vers la gare du Midi en compagnie de Léandra, pour retourner chez mes parents. Je me souviens qu'il faut encore que j'achète un cadeau pour l'anniversaire (passé) de ma "Bobonne" et décide donc de me rendre d'abord au centre-ville pour acheter des savons. Mauvaise idée. Très mauvaise idée : non pas pour les savons, mais pour le train que je prendrai plus tard dans la journée. Accusant dès le départ du retard (c'est assez habituel), ledit train s'arrêtera définitivement à Marchienne-au-Pont, à quelques kilomètres de Charleroi. Après une attente d'une demi-heure, le contrôleur nous donne la raison : alerte à la bombe en gare de Charleroi. Tout le monde reste calme et descend donc à la gare de Marchienne, sauf... un Français (reconnu à son accent, ha !) qui crie au scandale et qui engueule le personnel de bord.

Ambiance surréaliste à Marchienne-au-Pont. Le gars au guichet ne fait pas beaucoup d'efforts et lance constamment à toute personne se présentant devant lui, avec un accent inimitable : "Haaaa, j'n'peux rien faire pour vous, v'savez" ou "J'n'ai pas plus d'information, d'solé"... Je finis par prendre le bus jusqu'à Charleroi mais je ne suis pas plus avancé. La gare est entièrement fermée et le trafic totalement interrompu. Y a des policiers, des maîtres-chiens, et des pompiers partout. Je téléphone à ma maman, qui viendra me chercher en voiture près de Ville2, la grande galerie commerciale à l'autre bout de la ville. 
Pendant ma petite demi-heure de marche pour m'y rendre, j'ai l'occasion de voir à quoi ressemble aujourd'hui Charleroi vers 7 heures du soir : à pas grand chose. Il n'y a presque plus aucune vie, même sur les grandes artères. La plupart des cafés (comme "Les Mille Colonnes" près du passage de la Bourse) sont fermés, les commerces sont vides... Quelques rares travailleurs marchent rapidement dans les rues désertées... La seule activité humaine est constituée de bandes de jeunes qui restent assis à ne rien faire, près de la Foire. Charleroi est la grande ville la plus proche de chez mes parents. Je la connais très bien, cette cité, mais ça me rend triste de la voir comme ça. 

Conclusion du "voyage d'Hamilton" : je devais normalement être de retour chez mes parents vers 18h, et c'est à 21h30 que je reviens. J'ai donc juste l'occasion de voir ma fille une petite heure et de lui raconter quelques histoires...

Rêves d'enlèvement et d'adolescentes

Je me réveille vers midi (c'est les vacances !) avec des rêves plein la tête :

(Premier rêve) J'apprends au téléphone par Léandra que Nanash n'est pas content que je l'ai battu aux échecs la dernière fois et que, pour se venger et me faire peur, il a décidé de kidnapper Gaëlle avec son ami Tony. Ils n'ont pas l'intention de lui faire du mal mais je ne suis pas rassuré. L'enlèvement doit avoir lieu chez moi à 21h30 précises dans la chambre de ma fille, chez mes parents. Mes parents habitent un grand château, avec un parc et une grille, et la chambre de ma fille est beaucoup plus grande qu'elle ne l'est dans la réalité. À l'heure du supposé enlèvement, je suis censé être dans un grand restaurant bruxellois. Nanash le sait. J'élabore un plan : faire semblant de ne pas être au courant de ce que j'ai appris au téléphone. 

Dans le rêve, je suis professeur dans une sorte de grand pensionnat, à Bruxelles. À la sortie de mon cours, en fin d'après-midi, je décide de téléphoner à mon père pour qu'il fasse très attention à Gaëlle ce soir, car elle risque d'être kidnappée, mais je ne lui explique pas tous les détails. Il ne me prend pas au sérieux et me répond de son air mi-surpris/mi-fâché un truc du genre : "M'enfin, d'accord, mais c'est n'importe quoi". Un peu avant 21h30, je suis à l'entrée du restaurant et Nanash m'appelle pour prendre de mes nouvelles. Je sais parfaitement qu'il m'appelle en réalité pour savoir si je suis bien de sortie ce soir et non avec ma fille. Je fais semblant de ne rien savoir, comme prévu. Peu après, je décide de retourner chez mes parents, très rapidement, par je ne sais quel tour de passe-passe spatiotemporel. Lorsque j'arrive, Nanash et Tony sont là, mes parents aussi. Mais ma fille, elle, a disparu. Personne ne sait où elle se trouve. Je commence à stresser.


J'ai dû me réveiller à ce moment-là, mais me rendormir directement après. Le rêve s'est alors transformé en tout autre chose :

(Second rêve) De retour au pensionnat/collège dans lequel je donne cours, je dois empêcher des filles en fin d'adolescence de franchir la grille d'entrée de la cour, qui ne ferme pas. La consigne : elles doivent absolument rester dans l'enceinte du bâtiment et surtout ne pas aller courir les rues ou rejoindre leur petit copain. Le problème, c'est que je dois partir, pour je ne sais quelle raison, et que je ne peux pas garder la grille indéfiniment. Je place donc une sorte de petite barrière en bois à la place de la grille. C'est ridicule car la barrière doit faire à tout casser 40 cm de haut. Les adolescentes restent pourtant à leur place à l'intérieur de la cour. Sauf une qui enjambe la barrière, me suit et fait un bout de chemin avec moi en me prenant par la taille. L'adolescente et moi finissons par arriver à un immeuble avec une échelle. Nous décidons de monter à l'échelle pour voir ce qui se passe dans un des appartements. Par la fenêtre, nous voyons trois des adolescentes qui devaient rester dans la cour du collège en plein acte sexuel avec leur petit copain.

Il devenait glauque, ce rêve. Je crois que je me suis réveillé définitivement à ce moment-là. La signification de tout ça ? Aucune idée.

* * *


Hamilton, mon brave petit Hamilton, que cherchais-tu vraiment en débarquant dans cette soirée ? Tu as l'air en forme, bravo, woaw ! Tu fais des efforts, tu tentes l'humour, tu feins la décontraction alors que tu es une boule de nerfs... Tu sais aussi qu'elle va arriver, à un moment. Charles-Henri est là pour vous accueillir, Léandra et toi. Du moment que tu as ta bière (une Chimay blanche ou un Orval), tu es heureux, non ? C'est de cette manière que le monde fonctionne pour toi, depuis des années.

Hamilton III, un des colocataires de la Maison du Bonheur-bis, débarque à un moment, mais il ne mérite même pas que tu le mentionnes dans ce blog. Ce gars sans couleur n'est pas vraiment là, ni pour lui, ni pour toi (Ground control to Major Tom...). Durant toute la soirée, tu auras aussi l'impression qu'Elisabeth, Hamilton III et Emilia, la troisième colocatrice de Charles-Henri, ont un peu trop bouffé de salsepareille cet après-midi. Elisabeth passe une heure (au moins) à faire la sono et finira par passer un tube de Metronomy que tu adores. Emilia lèche son (ex-futur-ex) copain pendant une demi-heure. Passons. Elle n'est pas vraiment là non plus, celle-là.

Annabelle n'est pas en forme : entre la soupe – délicieuse – et le dessert, elle monte se reposer. Elle parle un peu avec Walter et Emily du boulot. Tu ne sais pas trop quoi dire (tu veux que je te ressorte le courriel pathétique que tu lui as envoyé en décembre dernier ?).

Sinon, elle ne s'est pas trop mal déroulée, cette soirée. Tout le monde travaille le lendemain, sauf Léandra et toi. Tu es content de parler à Charles-Henri. Tu as écouté d'une oreille les délires de Walter sur le privé et tu as été en grande partie d'accord avec les "définitions" d'Andrew.

L'after à la Bécasse appartient à un autre monde.

Gaëlle dessine l'univers

Cette nuit, dans mon lit de fortune, chez mes parents, j'ai une pensée émue et presque gênée pour les trois amis que j'ai abandonnés hier soir avec leur vélo et leur pauvre petite tente dans un champ de blé. Il pleuvra une grande partie de la nuit. Pas du genre "petite bruine ridicule" mais plutôt "grosse pluie orageuse qui dure". Lorsque j'envoie un message à Tom cet après-midi pour lui demander si la nuit n'a pas été trop pluvieuse, il me répond : "Que nenni ! Juste vachement très très humide... Mais on sèche au grand vent". C'est lui tout craché, ça : un sportif tout-terrain, qui a déjà fait (en mécréant) le pèlerinage de Lourdes et les montagnes du Ladakh. Il faudra bien plus qu'un "petit crachin" pour qu'il arrête son "fietstrip"... Les deux autres sont plus ou moins de la même trempe (sans mauvais jeu de mots).

Aujourd'hui, pas grand chose à raconter. Je passe la journée en compagnie de ma fille Gaëlle. Je joue avec elle au jeu de dames : elle s'améliore vite au niveau de la stratégie, du style : "Je t'oblige à me manger un pion à reculons pour que tu ne fasses pas de dame" (elle a apparemment appris ça toute seule). Je lui montre "Google Earth" et "Google Sky". Elle dessine le soleil, Saturne (avec les anneaux et tout et tout...), et répertorie sur une feuille chaque galaxie et chaque étoile de haute magnitude (Bételgeuse, Rigel, Véga...) qu'elle rencontre. Elle joue une grande partie de la journée toute seule à créer des maisons pour ses schtroumpfs.

Sinon, il fait moche, moche, moche dehors. Je m'oblige néanmoins à sortir, en tee-shirt pour me faire croire qu'on est en été (ça ne marche pas). Gaëlle passe son temps dans la pelouse, tenant en main un plateau de jeu de société schtroumpf (encore eux !) que ma maman vient de lui offrir, jouant à chercher le village schtroumpf (elle a vraiment l'air d'y croire, elle est mignonne). Toute la famille prend le café dehors. La pluie tombe par intermittence, le vent souffle en rafale. Et dire que c'est bientôt la nuit des étoiles, merde ! Ma petite-cousine Chelsea et son copain (qui s'appelle Lyric comme l'autre) sont là. Ils ont passé trois jours complets ensemble. Ils sont assez mielleux et s'envoient des "Je t'aime" et des petits cœurs sur Facebook. Des adolescents... Ils s'entendent bien : souvent, ils n'ont pas besoin de se parler pour savoir ce que pense l'autre.

La nuit, retour à mon PC, à mon Orval pour recommencer à écrire (que faire d'autre de toute façon ?).

L'image du bonheur

"La première image dont il m'a parlé, c'est celle de trois enfants sur une route, en Islande, en 1965. Il me disait que c'était pour lui l'image du bonheur et aussi qu'il avait essayé plusieurs fois de l'associer à d'autres images mais ça n'avait jamais marché. Il m'écrivait : il faudra que je la mette un jour toute seule, au début d'un film, avec une longue amorce noire. Si on n'a pas vu le bonheur dans l'image, on en verra le noir."

Aujourd'hui soir, durant la fin d'un trajet à vélo, seul, sur une piste cyclable à travers bois et à travers champs, je n'ai cessé de penser à cette première scène de Sans Soleil, de Chris Marker (1983). Une scène qui m'a marqué au plus profond de mon être et qui me marque encore à chaque fois que je la regarde... Trente-deux secondes de perfection. Le rythme, les silences, la voix, la succession des images, le noir : tout y est parfait, et à jamais.

La scène pose une question essentielle : qu'est-ce que le bonheur ? Ou, plus exactement : quelle image se fait-on du bonheur ? Chaque individu possède sa propre réponse, sa propre image.

Si je me suis remémoré cette scène à ce moment particulier de mon périple à vélo, c'est pour une raison très précise : j'ai retrouvé pendant une heure (à peine) mon image du bonheur... Seul, totalement seul, le soleil couchant devant moi, le premier quartier de lune à ma gauche, des champs à perte de vue... Quelques bosquets... Un chemin donnant sur un bois, à un kilomètre environ... Quelques nuages non menaçants... Une ferme au loin... Des grillons tout autour... Et cette odeur d'humus tellement propre à ces crépuscules du mois d'août... Voilà un tableau de la liberté ! Je me suis arrêté plusieurs fois et le temps, lui aussi, s'est arrêté, à plusieurs reprises. Durant ces quelques brefs interludes, je me suis senti libre, totalement libre, et j'ai retrouvé mon "image du bonheur". Je ne suis pas difficile, en fait. Sauf que je pourrais refaire le même chemin demain et ne rien ressentir du tout.

Je commence par la fin, mais tant pis : c'est le plus important. Le reste de la journée se trouve ci-dessous, dans un ordre qui ne bouleverse pas la chronologie.

* * * 

Aujourd'hui, toute ma journée est placée sous le signe du vélo. En effet, je dois rejoindre Tom, son ami Alexandros ainsi que Jessy à Namur pour un "fietstrip", pour reprendre le mot de Tom. Mes trois comparses sont plus motivés que moi : ils veulent faire Bruxelles-Maredsous ce premier jour ; Maredsous-Chimay le deuxième jour ; Chimay-Dinant le troisième, et puis revenir à Bruxelles. Dès le départ, je ne suis partant que pour un jour. Raison principale : ma fille est chez mes parents et, pour cette unique semaine de vacances avec elle, je veux être présent, m'en occuper et pas spécialement courir les routes de manière inconsidérée.

Première étape de la journée : rejoindre tout le monde à Namur. Je pars de chez mes parents (qui habitent Falisolle) par un temps maussade, avec mon Minerva vieux de plus de quinze ans mais néanmoins très bon, et je parcours sans trop de problèmes les quelque 25 kilomètres qui me séparent de Namur. Le rendez-vous est fixé chez Pat et Alizé, qui habitent cette bête ville, ou plus exactement qui habitent "La Plante", comme aimera le rappeler Pat. "La Plante", c'est un lieu-dit namurois, un petit village pas loin du centre historique de Namur qui a été intégré à la ville lors de la fusion des communes... Pat a prévu une "collation" pour le midi. Par collation, il entend : des bières et des chips en apéro, un spaghetti à la bolognaise avec du vin en plat principal, un dessert, des Calvados et des cafés... Y a pas à dire : Pat sait recevoir. Pour l'occasion, arrivent aussi en voiture FBsr, Alineke, avec leur fils Marc Aurèle, et Ophely (enceinte jusqu'au dents, mais ça ne se voit pas trop). Marc Aurèle est le portrait craché de FBsr (lunettes, bouille générale) sauf qu'il a les cheveux blonds, presque blancs. En le voyant, je pense à mon amie Léandra, plus particulièrement à son "type d'hommes", et une blague qui ne ferait rire personne à la table me traverse l'esprit.

Après un midi copieux, Tom, Alexandros, Jessy et moi finissons par prendre la route vers Maredsous : nous longeons la Meuse jusqu'à Anhée, puis le RAVeL de la Molignée jusqu'à la fameuse abbaye. Le groupe est sympa, je les apprécie tous. Tom, pas besoin de le décrire... Alexandros, je ne le connais pas bien et ça fait des années que je ne l'ai plus vu (il voyage tout le temps, c'est même une curiosité qu'il soit en Belgique). Il a une discussion intéressante. Par exemple, sur la capillarité de l'eau : "On représente toujours un goutte d'eau avec le haut pointu mais cette forme, elle ne la possède que lorsqu'elle est démarre du robinet. Sinon, elle est toujours plus ou moins sphérique." On en vient à se demander combien de temps il faut à une goutte de pluie pour parcourir la distance qui la sépare du sol... Dernière randonneuse : Jessy est une musicologue qui a fait des études de lutherie en Italie. Elle est assez "nature" (à Marc Aurèle durant le repas chez Pat : "Les requins ne sont pas méchants, ils ne font que manger pour survivre") et toujours souriante. Bref, un bel après-midi.

Nous buvons des verres à Maredsous (à la brasserie, ils vendent des planches de dégustation "trois bières" : si j'en crois mon expérience récente, c'est à la mode pour le moment). Nous faisons encore une petite partie du trajet ensemble, puis les trois randonneurs décident de faire du camping sauvage dans un champ. Je les quitte à Maredret et je continue ma route vers chez moi. 

La suite, je l'ai déjà racontée.