Archives annuelles : 2013

Canaris

« Nicolas Polutnik... Je le connais bien, ce gars, je le tutoyais : il assistait parfois au conseil d'entreprise lorsque j'étais secrétaire...
— Et il est comment, humainement parlant ?
— Bah ! C'est un patron, tiens ! »
(Discussion avec G. Evenvel, 2013.)

« (...) mais même dans sa petite cage, le canari a le choix entre la perche du haut et la perche du bas. Sait-il seulement qu'une cage beaucoup plus grande existe par-delà les barreaux ?  »
(Hector-Antonin Serin, Ontologie du canari, 1926.)

Des semaines, des mois, des années même que je n'avais plus visionné un de ces débats télévisés du dimanche. Aujourd'hui, l'actualité régionale a raison de mon abstinence volontaire. Crise à Caterpillar, annonce d'une vague massive de licenciements : mon père regarde attentivement l'émission, non pas parce qu'il compte y apprendre quoi que ce soit mais simplement parce que des « gars de l'usine », dont le beau-fils de Greg (le collègue syndicaliste qui est venu jouer au bowling avec nous le 16 février dernier), y participent. Anecdote amusante : par la suite, le beau-fils en question, pas du tout rodé à la prise de parole en public, demandera à mon paternel de lui téléphoner afin d'avoir son avis sur ce qu'il vient de déclarer devant les caméras.

Ce débat n'est pas un débat : c'est un mauvais spectacle, un jeu de rôle qui donne l'impression qu'une véritable confrontation de points de vue se déroule en direct, alors qu'il n'en est rien. En scène : les acteurs politiques du jour et une présentatrice qui joue de temps en temps gentiment le rôle du procureur. On y parle des réformes qu'il faudrait (ou pas) faire passer, pour que la société soit un tout petit peu moins injuste, et des plans échafaudés pour « redynamiser l'économie ».
« Nous avons des stratégies pour redéployer la Wallonie » : cette déclaration d'un membre du parti socialiste aurait tout aussi bien pu être celle d'un libéral, d'un écolo ou d'un « centriste ». Tous les intervenants politiques de ce débat utilisent dans les grandes lignes le même langage issu de la même idéologie, celle qui parle constamment de compétitivité d'une région ou d'un pays, de compétences des individus et de marché de l'emploi, un langage hérité du monde de l'entreprise et qui a en ce moment le vent en poupe, au point de se retrouver dans la bouche de gens qui ne devraient normalement pas parler de cette manière.

Tout cela ne nous dit pas ce qu'un canari vient faire dans l'histoire, ni pourquoi je ne suis pas du tout satisfait du présent texte, ni pourquoi encore ce dernier se termine par une énième pirouette... — Un jour prochain, peut-être dira-t-on que la fatigue aura eu raison de moi ou bien que je n'ai rien pu proposer d'autre dans ce long journal qu'un éloge de la princesse Zelda ou qu'un article sur les canaris ?

Éloge de la princesse Zelda

Ce week-end, Gaëlle découvre Super Mario 3D Land sur Nintendo 3DS : Bowser a de nouveau capturé la princesse Peach et Mario doit de nouveau courir à son secours en traversant de nombreuses plates-formes auxquelles les concepteurs ont ajouté, cette fois-ci, une troisième dimension (la profondeur). Personne ne semble savoir pourquoi le méchant Bowser enlève constamment la princesse, ni pourquoi le super-plombier veut à tout prix sauver cette dernière... Tout au plus des explications d'ordre sexuel sont-elles parfois avancées sur la Toile : Bowser serait un pervers frustré et Mario un chevalier servant, mais aucun des deux n'arriverait à son objectif qui serait, du moins si l'on en croit la rumeur, de se retrouver au lit avec la princesse (entre « sauver » et « sauter », il n'y a qu'une lettre de différence). — Somme toute, la morale de cette ridicule histoire de kidnapping à répétition et de course-poursuite haletante à travers le Royaume Champignon serait contenue dans une seule et unique maxime : trouver une copine demande un peu plus de subtilité que la pratique du rapt ou que la relégation au rôle de sigisbée.

Ce qui m'a frappé en rejouant (ou en regardant Gaëlle jouer) à un jeu de la série Super Mario, et ce après avoir passé un certain temps sur Zelda, c'est la différence de personnalité et de caractère entre la princesse Zelda (ou plutôt les princesses Zelda, cette série mettant en scène plusieurs générations de personnages portant le même nom) et la princesse Peach. La différence se remarque d'ailleurs dès le titre respectif des deux séries : Super Mario d'un côté (où c'est le sauveur qui est mis en avant), Zelda de l'autre (où c'est la princesse qui est mise en valeur, bien que le héros de l'aventure soit Link).
Alors que Zelda se montre à chaque fois d'une dignité, d'un calme, d'une intelligence et d'une force — d'une noblesse ! — exemplaires face au terrible mal qui s'installe jusqu'au tréfonds du royaume d'Hyrule, Peach est quant à elle cantonnée à son rôle de princesse nunuche, troublée et émotive, qui ne contrôle quasiment rien ; alors que Zelda occupe une fonction de premier plan dans la victoire contre le mal, Peach, la plupart du temps, est passive et attend simplement d'être délivrée, non sans être de temps à autre totalement infâme envers ses geôliers...

Une amusante exception du côté des Super Mario existe cependant, du nom de Super Princess Peach, jeu dans lequel les rôles sont inversés : Bowser a, assez curieusement, enlevé Mario et Luigi (mais pourquoi donc ?) tandis que Peach doit leur venir en aide. Comme Zelda, Peach sait-elle manier l'épée ou l'arc à flèche ? Sait-elle dompter des esprits ou encore jouer de l'ocarina magique ? Non, rien de tout cela : pour se défendre, Peach utilise son parasol ainsi que ses émotions (comme rire pour s'envoler, ou encore pleurer pour aller plus vite ou éteindre des flammes). Ses armes ne sont ni l'arc, ni le fleuret, mais l'attirail d'une dame du grand monde ; ni le sang-froid, ni la sagesse, mais la spirale incontrôlée des sentiments.

De là à affirmer que les deux séries véhiculent une image complètement différente de la femme et de son rôle dans la société (soit spectatrice, soit actrice de sa propre vie), il n'y a qu'un pas, que je franchirai peut-être une autre fois. Aujourd'hui, je me rends compte avoir été totalement impartial, presque aveuglé par mon amour pour l'univers de Zelda et ma détestation de celui de Super Mario, qui ont pourtant tous les deux été créés par la même personne, Shigeru Miyamoto. — Je me rends compte également que, lorsque je n'ai rien à dire, je suis capable de rédiger des paragraphes entiers pour... ne rien dire. Rien ne change !

Alentour

« Tchiquer un coup ». Pause à la Brasserie « Le Flandre » à Namur, avec ma fille, comme chaque vendredi après-midi (la routine s'installe déjà). Nous restons deux petites heures. Gaëlle ne décolle que rarement de sa Nintendo 3DS, de ses chips et de sa grenadine. J'en profite pour écrire et aussi pour noter en douce sur mon ordinateur les conversations alentour. À la table contiguë, trois hommes de l'âge de mon père n'arrêtent pas de parler de femmes et de sexe :
« Franchement, se vanter que tout le monde lui est passé dessus, pour une femme, ça ne le fait pas ! Ça ne donne vraiment pas envie ! Je suis désolé, mais c'est comme ça !
— J'avais une épouse qui faisait tout ce que je voulais sexuellement. Tout ! Par devant, par derrière, n'importe où... Tout ! Pourtant, à côté de ça, j'en ai baisé des laiderons ! Ha, j'en ai baisé, hein !
— Bah ! C'était un jeu pour toi, non ? »
Gaëlle relève la tête de sa console et me demande : « Papa ? Tu sais que la nuit, dans Zelda, quand on entend "Tututuuu !", ça veut dire qu'un oiseau va venir ? Et l'oiseau, il nous veut du mal... Mais seulement la nuit ! Le jour, il ne nous fait rien... C'est curieux, non ? »
À la table d'à côté, la discussion continue : « Un jeune couple aujourd'hui, c'est souvent n'importe quoi : elle va de son côté et lui va d'un côté différent ! Ils ne construisent plus rien ! Je suis désolé, mais un couple, ça se forme à deux ! Tu visites ensemble, tu fais des trucs ensemble, tu bâtis quelque chose ensemble... Mais non ! Maintenant, ils se voient seulement pour "tchiquer" un coup, et puis c'est tout ! Après, ils rentrent chacun chez eux pour mener seuls leur petite vie tranquille, satisfaits ! »

De l'Orval, par Osiris ! — À peine ce client a-t-il ouvert la porte de la brasserie qu'il demande au serveur s'il y a de l'Orval. « Hélas non, nous n'en avons plus ! Nous sommes à nouveau en rupture de stock ! », répond le serveur, qui tourne la tête vers notre table : « Ce monsieur m'a d'ailleurs posé la même question tout à l'heure... » Le client, un rien embêté, commande alors une Rochefort, s'installe à un mètre de moi et entame la conversation : « Les moines ne veulent pas en brasser plus ! Mais alors qu'ils arrêtent la distribution vers l'Amérique ! » ; « Au Colruyt, dernièrement, j'ai vu un homme qui en emportait trois casiers d'un coup ! Ça devrait être interdit ! » ; « Je suspecte certains cafés de m'affirmer qu'ils n'en ont plus mais d'en garder tout de même quelques bouteilles en réserve pour les bons clients... Si ça tombe, c'est également ce qu'ils font ici ! », déclare-t-il en lançant un regard suspicieux vers le comptoir.
Brel lu par Robin. — La nuit, chez mes parents. Gaëlle est au lit, mon père est absent, ma maman dort dans le divan du salon. Quant à moi, je travaille (un gros mot !) dans la salle à manger toute proche. Sur l'écran de télévision passe un spectacle de Muriel Robin que personne n'écoute, évidemment. Mais voilà que l'humoriste commence à réciter « Ne me quitte pas » et que je me mets à regarder malgré moi, intrigué, ce sketch intitulé « La lettre » : Robin y joue le rôle d'une femme qui reçoit une missive désespérée de son amoureux, transcription presque fidèle de la chanson de Jacques Brel. Ce sketch ne me fait absolument pas rire. En fait, Robin ne m'a jamais fait rire, sans que je ne puisse en expliquer la raison. Ici, c'est un tout petit peu plus évident : la façon dont elle déclame platement ce texte, sans aucune émotion (c'est ce qui est censé créer le ressort comique, je m'en rends bien compte !), contraste tellement avec le terrifiant jeu d'acteur de Brel sur scène que ça me consterne : c'est un peu comme si elle aspirait d'un seul coup tout le souffle de la chanson. — Chanson qui, soit dit en passant, ne doit pas du tout être comprise comme une ode à l'amour mais bien comme quelque chose de beaucoup plus cynique : l'histoire d'un homme qui serait prêt à s'aplatir complètement, jusqu'à devenir l'ombre d'une ombre (!), pour conserver sa moitié.

« Je ne suis pas sous le choc ! »

Échange déphasé. — De bon matin, à la gare de Bruxelles-Midi, chez mon habituel pourvoyeur de café, une cliente :
« Un café, s'il vous plaît !
— Pour boire sur place ?
— Pardon ?
— Vous voulez le boire ici, votre café, Madame ?
— Oui, oui, c'est pour moi ! »
Elle voit le vendeur préparer ledit breuvage dans une tasse en céramique et crie depuis le comptoir : « Non, non ! Le café, c'est pour emporter ! »

Restructuration. — Caterpillar Gosselies annonce la suppression de 1400 emplois et mon père, ouvrier sur une chaîne de montage de bulldozers au sein de cette entreprise depuis trente-neuf ans et des poussières, n'est pas du tout surpris. Voici l'analyse à chaud (légèrement remise en forme) de cet ancien délégué syndical FGTB qui, pour avoir siégé comme secrétaire au conseil d'entreprise pendant de très nombreuses années, connaît bien les rouages de l'usine : « Je ne suis pas sous le choc ! Je suis persuadé que le but poursuivi par le groupe est de se séparer des gens de mon âge à moindre frais en nous culpabilisant et en nous donnant le moins possible. Je dis cela car je sais que la prépension actuellement en place ne remporte pas beaucoup de succès et que les vieux, chers et peu rentables, ne partent pas. Nous avons d'ailleurs vécu une situation similaire en 1996... Le patron préfère toujours garder de jeunes ouvriers bon marché, prêts à reprendre le boulot sous n'importe quelles conditions et sans trop de formation. C'est aussi un appel au secours vers les politiques : Caterpillar a reçu il y a peu de grosses aides à l'investissement de la Région wallonne, mais ces aides sont liées à l'emploi, avec risque de remboursement en cas de non-respect. Je suis certain qu'ils ne rembourseront rien avec ce drame social. Tu verras ce que je te dis : les syndicats vont signer des prépensions de misère obligatoires et le patron aura obtenu ce qu'il veut, à savoir de jeunes travailleurs mal payés qui suivront les nouveaux systèmes de production... »
La guerre des sandwiches. — C'est ma collègue Wynka, amusée, qui me fait remarquer la présence de cette nouvelle pancarte fléchée sur le trottoir en face de notre bureau : « La seule vraie sandwicherie ! », y est-il inscrit au feutre, « Quatorze ans à votre service ! Préférez l'original à la copie ! » L'explication est à chercher du côté de cette seconde sandwicherie toute proche qui, apparemment, aurait été ouverte par une ancienne employée de la première et s'amuserait à proposer exactement les mêmes produits. — Qui eût cru qu'en ces temps de crise, l'espionnage industriel gagnât même le monde des sandwiches ?

Boule & Bill. — Le soir, à l'appartement, en compagnie de Mary et de Vivi, je parle d'une critique expéditive et négative de Hugues Dayez, récemment relayée par Carmela, à propos du nouveau film Boule & Bill (qui, en effet, semble atrocement nul) : excepté « le "Tintin" de Spielberg et le "Astérix" de Chabat », écrit-il, « la liste des adaptations de classiques de la bande dessinée belge et française ressemble à un champ de navets. » Voilà que Dayez se met à nouveau à divaguer et à placer dans le panier des bonnes adaptations cinématographiques le premier « Tintin » de Spielberg, alors que ce film est (je persiste et signe) le pire des navets : un navet que l'on a fait pousser avec beaucoup de moyens techniques et financiers, mais un gros navet tout de même. « C'est clair que ce film était une belle daube ! », approuve Vivi, se rappelant non sans sourire le summum du ridicule qu'est le combat final de grues. « Et je suis presque certaine, continue-t-elle, que Hugues Dayez ne l'a pas aimé non plus, en fait ; qu'il a été obligé par la RTBF d'en faire une critique positive ; que c'était ça ou la porte ! » (Je ne suis pas convaincu.) — Au paragraphe suivant, le chroniqueur explique que Roba lui aurait confié qu'une des erreurs de sa carrière avait été l'album Globe Trotters (le seul de Boule et Bill à proposer une histoire suivie et non une série de planches indépendantes les unes des autres). Est-ce possible ? Globe Trotters, une erreur ? Cet album qui a bercé ma petite enfance, que j'ai lu des centaines de fois, avec ces cases hilarantes où le pauvre et stressé John-Cadre d'Hinnamich regarde sa montre ? À chaque fois que je discute de Boule et Bill avec une connaissance (oui, oui, il m'arrive de discuter de Boule et Bill avec une connaissance), c'est, jusqu'à maintenant, toujours cet album-là qui est mentionné en premier ; c'est justement cet album-là qui apparaît comme le plus marquant de la série ! (C'est à n'y rien comprendre.)

« I'm afraid, Dave »

3-1-5. — J'aperçois Elven dans son bureau, qui est la première à m'accueillir : « Tiens, tiens, mais qui est-ce donc ? Ha mais qui voilà ! Mais c'est Hamilton ! » Elle me conduit jusqu'au bureau que Doëlle partage avec l'une de ses collègues. Je dis bonjour à Anouk en passant, aussi. Quant aux deux hommes qui participent à la réunion, je ne leur ai pas encore donné de prénom d'emprunt. Exercice délicat car je sais désormais que ce journal est « le plus vieux roman de la vie » de certaines. Hum... Le premier, je l'appellerais bien Solomon, comme David Elliot Hanneth Solomon, alias « Soda » dans la bande dessinée du même nom... (T'en penses quoi ?) Le second, un prénom composé évidemment, mais lequel ? Luc-Olivier ? (Une demi-heure rien que pour trouver deux surnoms et je n'en suis même pas satisfait !)

Doëlle, Solomon et Luc-Olivier me font découvrir tout le processus de numérisation et de valorisation patrimoniales qui a été mis en place au sein de leur institution. Au troisième étage, Luc-Olivier commence par me montrer la « fin du processus » : ce qui deviendra à terme un portail de valorisation du patrimoine accessible à tous. Au premier étage, Solomon me révèle comment il gère l'archivage des données numérisées depuis son ordinateur. Au cinquième étage enfin, nous visitons le sanctum sanctorum : la salle des serveurs. L'archivage numérique se fait en deux temps : la journée, les nouvelles données sont stockées dans un tampon (une rangée de disques durs) et la nuit, elles sont transférées sur des bandes LTO qui peuvent être connectées et éjectées automatiquement grâce à un bras mécanique... Tout a bien changé depuis 2001 : à cette époque lointaine, l'enlèvement des mémoires de stockage se faisait encore manuellement et il fallait s'équiper d'une combinaison spatiale pour se charger de l'opération.

« I'm afraid. I'm afraid, Dave.
Dave, my mind is going. I can feel it. »

Rien. — Rien, il ne se passe strictement rien durant le reste de la journée. Je travaille chez moi l'après-midi et le soir, je me disperse : je lis mais pas vraiment, je surfe sur le Web mais pas vraiment, je regarde des films mais pas vraiment, je joue mais pas vraiment. Le temps passe et il ne se passe rien. Je finis tout de même par m'endormir, vers deux heures du matin, pour me réveiller à trois, me rendormir à quatre, me réveiller à cinq, etc.

Kraus et Dollfuß. — (Quand je parlais de ceux qui ne se pliaient pas à la moindre bourrasque idéologique, je ne pensais pourtant pas faire de l'ironie...) Mais qu'est-ce qu'il lui a pris, à Karl Kraus, de cautionner, dans les années 1930, le régime dictatorial d'Engelbert Dollfuß, entraînant par cette prise de position pour le moins choquante la déception de nombreux intellectuels et écrivains, comme par exemple Georges Canetti qui lui a envoyé une très belle lettre d'indignation ? Certes, Kraus n'a jamais vraiment été convaincu (ou alors que très partiellement) par la démocratie parlementaire et a eu tout au long de sa vie une série d'opinions que l'on pourrait qualifier de « réactionnaires », mais était-ce une raison pour soutenir l'austrofascisme et ses dérives totalitaires, alors qu'il s'était opposé au même moment et de manière acharnée au national-socialisme ? Dans sa préface à Troisième nuit de Walpurgis, Jacques Bouveresse donne l'explication suivante, qui n'excuse en rien le comportement du satiriste : c'est justement parce que Kraus considérait le national-socialisme comme le mal absolu (« Tout sauf Hitler ») et parce qu'il voulait par-dessus tout empêcher que l'Autriche ne devienne une simple annexe du Reich qu'il a défendu la dictature de Dollfuß : pour lui, seul un régime fort de ce type était capable d'empêcher l'Anschluß et de préserver l'Autriche — sorte de dernier grand bastion de la culture germanique — de l'indicible barbarie nazie. L'histoire lui donnera tort : tout au plus l'austrofascisme (et la relativement bonne entente qu'il a entretenue avec Mussolini) aura-t-il sans doute retardé l'Anschluß de quelques années.

Walpurgis

Balises. — Tant qu'à me réfugier dans la philosophie et la littérature, autant lire directement les bons ouvrages et ne pas perdre mon temps entouré d'idées superficielles, convenues, qui ne m'apprendront rien. En d'autres termes : il me faut trouver des auteurs qui pourront me servir de balises fiables ; qui, malgré peut-être mille autres défauts, n'auront en tout cas pas celui de courber l'échine à la moindre bourrasque idéologique, ne se plieront en aucune manière à la pensée fugace de leur temps et resteront au contraire debout comme un phare dans la nuit (encore une métaphore maritime à deux francs cinquante, sacrebleu !). Nietzsche et Wittgenstein : ces philosophes — ces radicaux ! — sont, chacun d'une manière qui leur est très personnelle, des balises... et des rémouleurs aussi : en leur compagnie, la pensée et le style s'aiguisent, l'esprit critique se développe et... la modestie est en rade ! — Oui, mais, totalement absente du terrain, au moins n'a-t-elle pas le travers d'être fausse !

Karl Kraus. — Dernière balise en date : le satiriste autrichien Karl Kraus (1874-1936). Je m'intéresse à sa vie, à ses écrits (du moins ceux traduits en français, ne maîtrisant pas du tout l'allemand) et je lis en ce moment deux essais du philosophe Jacques Bouveresse qui lui sont consacrés : Schmock ou le triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus (2001), ainsi que sa longue préface à Troisième nuit de Walpurgis intitulée « Et Satan conduit le bal... » Kraus, Hitler et le nazisme (2004). Le premier texte de Bouveresse s'intéresse — on l'aura compris — à la très virulente critique du journalisme menée par Kraus, principalement à travers Die Fackel Le Flambeau », revue publiée à Vienne de 1899 à 1936 et dont il fut quasiment le seul auteur [!] à partir de 1911) ; le second à Troisième nuit de Walpurgis (1933), une froide et méticuleuse analyse de la corruption du langage que la propagande nazie a insidieusement occasionnée dans les esprits de son temps.

Dans Troisième nuit de Walpurgis, Karl Kraus fait presque office de Cassandre : il avait dès le départ à proprement parler tout compris, à tel point qu'à la lecture de ce texte précurseur, l'argument du « À l'époque, personne ne savait véritablement de quelles atrocités était capable le national-socialisme » ne tient plus la route. Y est mentionnée et détaillée la barbarie nazie dès son installation au pouvoir en 1933 : les affres de la déportation dans les premiers camps de concentration (Dachau est ouvert en mars 1933) ; l'antisémitisme patent ; le musellement musclé des opposants ; les discours faisant passer les persécuteurs pour des persécutés et vice versa ; la déformation généralisée de la réalité (pour une vérité, mille mensonges) ; la sous-évaluation des crimes du régime et l'accentuation des crimes (supposés) de ses ennemis ; l'abandon de l'esprit critique de la part de certains intellectuels — comme Heidegger, qui en prend pour son grade ! — au profit d'une idéologie creuse de la civilisation ; le rôle de la presse dans la dégradation généralisée de la langue et, par voie de conséquence, de la pensée ; l'incapacité de la République de Weimar et de la démocratie parlementaire d'empêcher l'ascension de Hitler ; etc. Cependant, dans un premier temps, personne ne semble s'être rendu compte de l'existence de cette œuvre de près de trois cents pages : il faudra en effet attendre 1952, soit quelque seize ans après la mort de son auteur, pour voir le texte intégral publié en allemand et... 2005 pour la (apparemment très complexe et de longue haleine) traduction française signée Pierre Deshusses ! Et comme pour encore en compliquer l'accès et la promotion, de nombreux critiques se sont, pendant des décennies entières, arrêtés à la toute première ligne : « Mir fällt zu Hitler nichts ein » (« Je n'ai aucune idée sur Hitler »), la prenant assez stupidement au premier degré et considérant dès lors que Kraus n'avait rien à dire sur le sujet !

Comme le montre Jacques Bouveresse à plusieurs reprises dans les deux essais mentionnés ci-dessus, Karl Kraus est d'une contemporanéité à toute épreuve et d'une grande aide pour décrypter le présent, que ce soit en ce qui concerne son analyse de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir ou bien du rôle de la presse et des médias dans la déliquescence d'une certaine pensée froide, posée, réfléchie et en quête de vérité au profit d'une « vérité du jour », d'une illusion modulable au gré des vents et des besoins de l'opinion. Il est difficile, à la lecture de Kraus (et de l'éclairage qu'en fait Bouveresse), de ne pas déceler de sérieuses similitudes entre cette analyse de la situation catastrophique de l'Allemagne dans les années 1930 et la percée de l'extrême droite aujourd'hui en Europe (voir ce qui se passe actuellement en Grèce) ou encore la façon particulièrement désinvolte qu'ont de nombreux journalistes de publier des opinions peu ou pas du tout vérifiées, de surfer sur la vague du populisme ou de mélanger des concepts qui n'entretiennent aucun rapport entre eux — bref d'écrire n'importe quoi et, qui plus est, bien évidemment, de l'écrire mal !

Erreurs

Erreur 503. — Toujours pas de chauffage au boulot ce lundi matin. De plus, une partie du vieux système électrique est hors service et les bureaux ne sont donc pas correctement alimentés en courant. Après la traditionnelle réunion d'équipe matinale, le chef nous propose par conséquent de quitter les locaux et de travailler chez nous... Nous sommes sur le départ lorsque les électriciens débarquent in extremis pour régler le problème et nous annoncer par ailleurs que la chaudière vient de redémarrer. Changement de programme : demi-tour et au revoir le télétravail !

Erreur 508. — Repas diététique en soirée chez Léandra. À nouveau, Jonas est au centre de la discussion. Cette histoire d'amour qui « finit constamment sans jamais véritablement finir », je n'ai plus besoin de la décrire avec de nouveaux mots. Il me suffit simplement d'extraire les bons morceaux de phrase, parsemés par-ci, par-là au milieu d'une multitude de pages de mon journal (journal qui, soit dit en passant, par un hasard du calendrier, a été fondé seulement quatre jours après le foudroyant début de leur relation le 18 avril 2011). En résumé, cela donne : « [Léandra] ne va pas très bien, à cause de Jonas (elle sent que ça ne va pas) [6/5/2011]. Elle est anxieuse en attendant Jonas [15/5] [et] se pose beaucoup de questions par rapport à [lui] [24/5]. Sa "vie de couple" ne ressemble pas vraiment à une vie de couple [13/6]. Elle ne va pas bien (c'est le moins qu'on puisse dire et j'ai un peu l'impression de me répéter pour le moment, tristement) [16/6]. Elle est littéralement malade de n'avoir aucune nouvelle de Jonas [19/7]. Elle parle beaucoup de Jonas (la vie est-elle un éternel recommencement ?) [14/10]. Elle n'a apparemment que Jonas en tête. Son humeur (bonne ou mauvaise) tourne tellement autour de ce type que ça devient flippant [27/11]. Elle m'explique qu'elle en a un peu marre, qu'elle tourne en rond avec Jonas [27/3/2012]. Il ne fait aucun effort et se contente de la voir une ou deux fois par semaine. Elle pense qu'il rate quelque chose [3/4]. Ce n'est pas facile tous les jours — c'est le moins qu'on puisse dire ! — avec Jonas (avec qui elle sort/ne sort pas — biffer la mention inutile) [19/8]. Elle en a vraiment marre de Jonas et a vraiment décidé de ne plus entrer dans son jeu [21/8]. Elle s'est plus ou moins rendu compte que c'était vraiment fini avec Jonas. Mais elle reprend du poil de la bête, dirait-on [30/9]. » — Quand, aujourd'hui soir, elle me jure que ce garçon est ce qui lui est arrivé de mieux dans la vie au cours de ces deux dernières années et que c'est pour cette raison qu'elle s'y accroche, à savoir parce qu'elle n'imagine pas comment elle pourrait trouver mieux, je pense qu'elle est sincère, évidemment, mais je sourcille tant la déclaration me paraît étrange et paradoxale : comment est-il sérieusement possible de ne pas arriver ne fût-ce qu'à entrevoir l'éventualité d'une plus belle relation que cette relation-là (déséquilibrée, malsaine, destructrice) ?

Erreur 417. — Quand on ne parle pas d'elle et de lui, on parle aussi un peu de moi. J'expose ma « profession de foi » du moment, qui est presque à l'opposé de la sienne : je ne suis pas à la recherche de cette vie de couple que tant de personnes semblent envier, voire dans le pire des cas jalouser ; je ne veux pas planifier les prochaines vacances au soleil, le prêt de la nouvelle voiture et la prochaine sortie chez IKEA ; je ne veux pas être installé avec une femme dans le sofa d'un joli appartement devant le journal télévisé de 19 heures, pendant que Wolfy le gentil labrador se gratte le cou à côté du feu de bois qui crépite ! Mieux vaut être un solitaire entouré de livres, de musique et d'idées que de vivre cette vie de dormeur ! À vrai dire, malgré les misères du temps, et s'il n'y avait pas l'épineux problème de ma frustration sexuelle, mon épanouissement personnel serait presque à son comble.

Exégèse

Ganondorf est mort. — Gaëlle et moi l'avons surpris tout en haut de sa tour, jouant sur de grandes orgues, tel le Fantôme de l'Opéra. Armés de la puissante lame forgée par Biggoron et de quarante flèches de lumière, nous l'avons terrassé sans aucune difficulté. — Mais voilà que la forteresse commence à s'effondrer et que nous sommes obligés de fuir à toutes jambes en empruntant un escalier en colimaçon démesurément long ! Au pied de l'édifice, la princesse Zelda est inquiète : que signifie ce bruit au milieu des décombres fumantes ? Diantre ! C'est Ganondorf qui revient d'entre les morts, recouvert de son ultime enveloppe diabolique et bestiale : celle du ténébreux Ganon ! Place au combat final, durant lequel il faudra toucher à de très nombreuses reprises la queue de la bête avant de lui porter un coup fatal sur la tête à l'aide de l'épée de légende, seule capable d'envoyer le noir seigneur dans les limbes du Royaume d'Hyrule ! (La toute fin du jeu révèle platement l'aboutissement de la quête initiatique de Link : il s'agissait tout simplement d'une histoire de queue.)

Casques Ferrari. — À la Maison du Peuple, avec Léandra et Andrew. Ce dernier me raconte s'être retrouvé par hasard chez Flippo. « Il m'a montré les nouveaux casques qu'il s'est achetés en complément de sa platine vinyle : des Ferrari à 200 euros.
— Des casques audio Ferrari ? Comme la marque de voiture ?
— Oui, oui, des Ferrari, comme la marque de voiture.
— Remarque, Yamaha fait bien des pianos !
— S'agit-il vraiment de la même marque, les instruments et les motos Yahama ?
— Oui, je pense bien !
— Après tout, Peugeot fabrique bien des poivriers... »

Cow-boy. — « Qu'attend-il réellement, ce cow-boy solitaire que tu as placé en image de couverture sur Facebook ?
— Je n'en suis pas certain, mais je pense qu'il attend une femme ! Il faudrait que je vérifie dans la bande dessinée...
— Mais toi, pourquoi est-ce que tu as mis cette image-là ?
— Eh bien ! La scène était particulièrement jolie, voilà tout ! »
(Aucun sens caché, aucun message secret.)

2419. — En 2019, après ma mort donc, peut-être des fanatiques chercheront-ils dans ce que j'ai écrit une profondeur qui n'existe que dans leur imagination débridée ? Et quatre cents ans plus tard, peut-être existera-t-il différentes exégèses traitant du présent journal ? Peut-être même certains acolytes seront-ils prêts à mourir pour que leur interprétation triomphe ?
« C'est l'évidence même : son apologie des tirets cadratins [H.D., 555:3,1-6] n'est ni plus ni moins qu'une apologie de la brèche : il est venu nous apporter la nouvelle épée ! Pourquoi nous parlerait-il aussi longuement de Zelda si ce n'était pour nous rappeler ce simple fait ?
— Absolument pas ! Léandra, qui l'aurait apparemment connu en personne, a précisé on ne peut plus clairement, dans sa biographie Hamilton, un ami parti trop tôt, que son amour de la ponctuation était à prendre au sens propre. Il trouvait les tirets cadratins très jolis, c'est tout ce qu'il faut savoir !
— Ri-di-cu-le ! D'ailleurs, il est évident que Léandra est un personnage inventé de toutes pièces et que la biographie dont tu parles est de la plume d'Hamilton lui-même ! »
(Poil au tréponème !)

Le forestier circonspect

Roland Emmerich, sors de ce rêve ! — De l'autre côté de la grande fenêtre, les ténèbres menaçantes sont entrecoupées par de brefs et curieux éclairs qui irisent le ciel et se reflètent sur la cime des arbres en face de la maison familiale. Ma mère frissonne avant de fermer les rideaux. Ma fille, assise bien droite dans le divan, est tétanisée : « Que se passe-t-il, Papa ? » « Je ne sais pas, Gaëlle. Personne ne le sait ! » Mon père allume la télévision : « ... ceux qui nous rejoignent à l'instant, je répète la nouvelle du jour : une structure inconnue d'une dimension gigantesque est suspendue en ce moment au-dessus de la ville de Charleroi. Ses effets se font sentir à une vingtaine de kilomètres à la ronde. Des interférences... » Puis les lumières de la maison se mettent à faiblir et à mourir. Panne d'électricité. Un vrombissement assourdissant me vrille les tympans et, dans les nuages, les éclairs redoublent d'intensité... et je me réveille ! Pendant quelques secondes, je me demande comment j'ai pu m'endormir au beau milieu d'une situation pareille, puis je me souviens que cette apocalypse n'était que de l'ordre du cauchemar.

« Zelda ! » — Dès que je me lève, Gaëlle accourt vers moi et me tend sa Nintendo 3DS : « Zelda ! », réclame-t-elle, joyeuse, à la manière d'un bébé qui apprend à parler. Elle veut à nouveau me regarder jouer à The Legend of Zelda: Ocarina of Time. L'histoire commence le 3 novembre 2012, date à laquelle ma fille a compris qu'il était aussi amusant de regarder quelqu'un passer son temps sur un jeu vidéo que d'y jouer soi-même. Depuis lors, je suis condamné à jouer à sa place. J'aurais terminé Ocarina of Time depuis longtemps si Gaëlle n'avait pas effacé la première sauvegarde à l'occasion d'une mauvaise manipulation et si le professeur Layton ne m'avait pas détourné du chemin semé d'embûches tracé spécialement pour moi par le vénérable Arbre Mojo. Aujourd'hui, samedi 23 février 2013, « nous » attaquons enfin la noire forteresse retranchée de Ganondorf. Et demain, le combat final avec ce seigneur diabolique aura lieu ! (Mais, me rétorquera-t-on à raison, qu'est-ce qu'on en a à battre, n'est-ce pas ?)

Le chêne. — Parmi les principales critiques que l'on pourrait émettre à l'encontre du présent journal, la suivante : que, en raison notamment de leur quotidienneté, les articles et les paragraphes s'enchaînent sans que ne soient jamais précisées leur importance et leur hiérarchie au sein de l'ensemble. — Tout se vaudrait-il donc ? Absolument pas ! Considérons plutôt ces bouts de texte comme des fiches dont l'essentiel (si essentiel il y a) ne pourra seulement être décidé que dans une dizaine d'années tout au moins. — Ou encore comme une forêt qui vient d'être plantée par un impénétrable forestier circonspect : on ne peut dire aujourd'hui à quel endroit pousseront les arbrisseaux ni à quel autre poussera le chêne, ni même d'ailleurs si ce dernier poussera un jour.

Civilisation

Rencontre civilisée. — À la sortie du train en gare de Namur, l'homme derrière moi me pousse pour la troisième fois. Je me retourne : « Pouvez-vous arrêter de me pousser, s'il vous plaît, Monsieur ?
— C'est une question de civilisation, y a des gens qui descendent, bordel ! répond-il, hargneux.
— Qu'est-ce que la civilisation vient faire dans cette histoire ?
— T'es pas le seul à descendre, connard, fils de pute, trou du cul ! T'arrêtes de me faire chier, sinon je te fous mon poing dans la gueule, enculé ! »
Tout s'explique : il parlait de cette « civilisation »-là.
Jeu de mots. — « J'ai un nouveau jeu de mots, m'annonce fièrement Gaëlle sur le chemin de la gare, et cette fois-ci, c'est moi qui l'ai trouvé ! Le voici : "Pour vous débarrasser de la viande de cheval, allez à selle !"
— Ha oui, "selle" comme "selle de cheval"...
— Oui, mais "selle", ça veut aussi dire autre chose !
— Sans blague ?
— Oui, c'est ça le jeu de mots ! On peut le comprendre de deux manières différentes ! »
Réflexions enfantines. — La brasserie « Le Flandre », en face de la gare de Namur, est en passe de devenir, pour ma fille et moi, l'escale habituelle du vendredi après-midi avant de reprendre le train. Assise en face de moi, Gaëlle me raconte, pince-sans-rire : « À l'école, certains enfants ne veulent pas devenir mes amis. Ils me repoussent. Je pense que c'est parce que je suis trop intelligente et que j'ai des idées très différentes d'eux. » À la table d'à côté, une fille un peu plus âgée (celle que je mentionne déjà ici) s'indigne auprès de sa maman car le serveur a oublié sa commande de chips. « Je suis habituée : on m'oublie tout le temps, constate-t-elle. En fait, je n'existe pas, c'est pour ça ! » — Une demi-heure plus tard, elles ont lié connaissance et s'échangent des trucs et astuces pour Nintendo 3DS. En voilà deux qui se sont trouvées !
Mélancolie. L'écoute de Gravenhurst (voir ici, ici et ) se prête particulièrement bien à l'humeur mélancolique qui me submerge sans raison ce vendredi soir. Cette version acoustique de la chanson « The Prize » a été vue à ce jour 2530 fois sur Youtube et la version live hantée de « The Foundry » (ci-dessous) quarante-neuf fois seulement. — L'éclat de ce groupe est inversement proportionnel à son audience (et ça ne m'étonne même pas).

« And you won't know when evil comes.
Evil looks just like anyone.

And I blame, I blame, I blame anyone but me! »