Archives mensuelles : mars 2015

Paris [1/16] — Deux fragments de rêve précédant le départ

Fragment no 1. — Je pense qu'il ne me faudra qu'une dizaine de minutes pour rejoindre la gare de Bruxelles-Midi et monter à bord du Thalys à destination de Paris, mais tout à coup, la panique me gagne : je ne suis pas à Bruxelles mais à Falisolle, il est déjà six heures du matin passées et je ne suis même pas encore habillé ! Comment ai-je pu croire que je logeais à Bruxelles cette nuit-ci ? Mon père (d'où sort-il ?) me rassure : « il n'y a pas de problème. Nous allons nous rendre sur-le-champ à Charleroi où tu pourras directement prendre un train. » Nous marchons dans un bois, prenons des sentiers qui ne mènent nulle part, faisons des détours gigantesques, dont un — l'image est restée très précise dans mon esprit — passant par un rocher donnant sur une clairière baignée d'une lumière solaire très douce, avec l'ombre des arbres alentour se déchiquetant de façon complexe sur une herbe très verte parsemée de cailloux. Mon père s'arrête à de nombreuses reprises pour contempler le paysage et prendre des selfies avec son foutu iPad... Son comportement m'énerve très fort, car je sais qu'il sait que je suis pressé ; que je dois prendre un train en urgence à Charleroi pour ne pas rater mon Thalys. Pourquoi poireauter si longtemps dans un bois ? Je comprends que je n'arriverai jamais à temps ; que mon séjour à Paris avec Léandra est clairement compromis. Je commence alors à crier sur mon père. (À chaque fois que je rêve de mon père pour le moment, je lui crie dessus — tout un symbole !)

Fragment no 2. — L'appartement où j'habite ne se situe plus dans un simple immeuble avec un escalier unique. Le rez-de-chaussée est beaucoup plus vaste et comprend cinq portes, dont une à double battant située tout au fond d'un hall. Il n'y a pas d'escalier pour monter à mon appartement : je dois entrer dans un petit bureau et escalader un tas de caisses branlantes pour atteindre un trou au plafond me permettant d'accéder à l'étage supérieur. Au premier étage, je dois suivre tout un dédale de couloirs. La situation ne m'étonne pas outre mesure. Je connais d'ailleurs parfaitement le chemin sophistiqué menant à la porte de mon appartement. Néanmoins, je me dis : « Tout de même, ce n'est pas très pratique. Que ferai-je lorsque je serai vieux ? N'existe-t-il pas un chemin plus simple ? » Je me retrouve alors de nouveau au rez-de-chaussée et pousse la porte à double battant au fond du hall. De l'autre côté, il y a une énorme salle remplie de billards américains, avec des centaines d'adolescents qui s'entraînent. Je suis gêné de les déranger, bien qu'ils ne semblent pas me remarquer. Je longe le mur jusqu'à une seconde porte à double battant située dans un renfoncement sur ma droite. Elle débouche sur une autre grande salle pleine de monde, plus allongée que la première, avec un bar dans l'un des coins. Au comptoir, deux jeunes femmes discutent. L'une d'elle commence à me parler avec l'accent québécois (je ne me rappelle plus de ses paroles, mais le rêve rendait par contre très bien l'accent québécois). Je m'exclame : « Toi, tu viens du Québec ! » Elle me demande comment je le sais. Je lui réponds : « Tu as l'accent québécois. » Elle prend un air très choqué. Soudain, à ma gauche, il y a Nanash qui commence à discuter avec moi, sans se soucier le moins du monde de mon interlocutrice. Il me parle de médecine sans discontinuer, mais je ne l'écoute que d'une oreille, car j'essaye de comprendre pourquoi la Québécoise a pris un air si offusqué il y a un instant. Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas dire ? Ai-je commis un impair ? — Et je me réveille.

Si je me souviens si bien de ces deux rêves, c'est parce que je me suis réveillé de nombreuses fois. Cas classique : la nuit précédant un séjour, je dors souvent plus mal que d'habitude, sans doute parce que je suis angoissé par l'idée de ne pas me réveiller à temps. Et aussi, cette fois-ci, parce que le service ferroviaire a eu la très bonne idée de m'envoyer un message de rappel automatique à... 5 heures 47 du matin.

Paris [0/16] — Puzzle en construction

Prologue

[1/16] — « Deux fragments de rêve précédant le départ »
Où l'on apprend que Hamilton dort très mal avant un départ en voyage (même court) et fait des rêves angoissants mais précis, durant lesquels il contemple des clairières éclairées de façon complexe, crie sur son père et cherche un moyen simple de rejoindre son appartement, sans réellement y parvenir. 

[2/16] — « Vie à crédit »
Où l'on se rend compte une nouvelle fois que Hamilton est fondamentalement incapable de gérer ses finances, vit à crédit depuis des années et que cette déplorable situation peut parfois lui jouer de vilains tours, sans gravité pour l'instant.

Journée du 14 mars

[3/16] — « Thalys »
Où l'on découvre que Simone de Beauvoir écrivait mieux dans une langue étrangère que J. K. Rowling dans sa langue maternelle ; et que Daniel Tammet est définitivement un grand malade (dans le sens positif du terme).

[4/16] — « Musée d'Orsay »
Où il est question de cirque, de labourage, de ballon, de solitude, de Clara, de nuits étoilées, de pie dans la neige et de disciples anxieux.

[5/16] — « "Au Bistro" et aux alentours »
Où l'on tente de répondre à une série de questions, dont : comment rejoindre facilement un bon bistro typique depuis le musée d'Orsay ? Sur quels ponts de Paris peut-on trouver des cadenas d'amour ? D'éventuels extraterrestres pourraient-ils ressentir une émotion telle que l'étonnement ? Peut-on se débloquer le dos en faisant des étirements dans le jardin des Tuileries ? Peut-on prendre son temps en mangeant dans le centre de Paris ? Que ne faut-il pas boire quand on est assoiffé ? Comment fait-on pour sortir de table lorsque la place alentour est très réduite ? Peut-on déplacer le Louvre ? Et enfin, la plus importante de toutes : existe-t-il un moyen de marcher exactement sur la ligne droite d'environ sept kilomètres formée par l'axe historique parisien ?

[6/16] — « Nymphéas »
Où l'on ne mentionne qu'un seul tableau de nymphéas : Reflets d'arbres de Claude Monet. Où l'on parle aussi beaucoup de Michel-Ange et de Mark Rothko. Pourquoi donc ? Parce qu'on parle de ce qu'on veut et parce qu'on emmerde les récits linéaires.

[7/16] — « La promenade de l'après-midi »
Où nous avons la bougeotte : place de la Concorde, place d'Iéna, Palais de Tokyo, escaliers, parcelles de jardin, passerelle sur la Seine, musée sans musée, café sans café, tour Eiffel vue du dessous, Champ-de-Mars, arbres spartiates, place Joffre... Ce n'est pas un trajet extraordinaire, c'est un trajet de touristes, mais nous avons croisé des Tibétains avec des drapeaux tibétains, oui Monsieur, oui Madame : des Tibétains avec des drapeaux tibétains !

[8/16] — « L'affaire des strapontins »
Où, depuis un simple siège situé dans le foyer du théâtre de la Madeleine, l'on s'étonne de l'aplomb et du culot d'une dame qui, sous des dehors polis et bien élevés, arrive à s'accaparer une meilleure place. Où il est question également de l'eau ruisselante et où l'on parle (mais très peu somme toute) de la pièce Le Souper de Jean-Claude Brisville, avec Niels Arestrup et Patrick Chesnais.

Journée du 15 mars

[9/16] — « Musée Picasso »
Marguerite de Matisse prend plus de place que toutes les peintures de Picasso réunies. Où sont tout de même mentionnés un portrait d'Olga, ainsi que le tableau Claude dessinant, Françoise et Paloma, tous deux marquants.

[10/16] — « Page 35 » [prévu]

[11/16] — « Carnavalet » [prévu]

[12/16] — « Thé à la menthe » [prévu]

[13/16] — « Cité des sciences » [prévu]

[14/16] — « Bowie » [prévu]

Épilogue

[15/16] — « Paris sera toujours » (par Léandra)
Où Léandra donne son point de vue sur le séjour. On y découvre ses propres attentes, ainsi qu'une très belle description de cette tragédie typiquement parisienne qui fait que l'on ne peut jamais très longtemps échapper aux grands boulevards (et à la tour Eiffel) qui structurent la ville. On y observe également de près le Hamilton, animal bizarre et légèrement passif qui, perdu dans un environnement qui n'est pas le sien, tente de s'accrocher coûte que coûte à ce qu'il connaît.

[16/16] — « Le trop-plein et le jokari »
Où Hamilton donne son point de vue sur l'article précédent : pourquoi donc a-t-il une furieuse envie d'aller se poser dans une brasserie de la gare du Nord, alors qu'il pourrait voir du nouveau ? Réponse : le trop-plein et le jokari. Tout un programme.

Harry Potter (1)

Gaëlle passe la grille de la cour de récréation en compagnie de Morgane, sa meilleure copine de classe.
Je sors d'un sac plastique un petit paquet de livres de poche.
« Vous avez vu ? Je viens d'acheter les trois premiers tomes de Harry Potter !
— C'est pour Gaëlle ou c'est pour vous ? me demande Morgane.
— Un peu des deux... Tu voudras les lire, Gaëlle ?
— Non, je n'aime pas lire.
— Bon, eh bien alors, ce sera seulement pour moi. »
Un peu plus tard, sur la route du « Flandre », je pense à ma collègue Wynka qui récite régulièrement des livres à ses deux enfants, le soir. Eux aussi sont justement plongés dans la saga Harry Potter, si je ne me trompe. Wynka leur a déjà lu plusieurs tomes.
« J'y pense, Gaëlle : je peux aussi te les lire si tu veux, à la place d'une histoire le soir...
— Non, me répond-elle, catégorique. Quand on me lit un livre, je n'arrive pas à comprendre. »
Misère !
Cela dit, je la comprends parfaitement. Moi-même, je suis très mauvais à cet exercice : lorsque quelqu'un me récite un texte, j'ai beaucoup de mal à donner un sens aux mots entendus. J'ai, toutes proportions gardées, le même problème avec certaines pièces de théâtre (ça tombe bien, je vais en voir une dans huit jours avec Léandra, à Paris siouplaît !) : à un moment, je peux me déconcentrer et perdre le fil de l'intrigue. De manière générale, pour bien appréhender un texte, il faut que je le lise. Gaëlle, quant à elle, n'est douée ni à l'écoute, ni à la lecture. Il faudrait peut-être que je lui fasse un dessin ?

Fisherman's Blues

« And I know I will be loosened
From the bonds that hold me fast,
And the chains all around me
Will fall away at last.
And on that grand and fateful day,
I will take thee in my hand,
I will ride on a train,
I will be the fisherman.
 »

Mon mois de février 2015 s'est en grande partie évaporé : étant donné que je n'ai pas eu la force — physique surtout (maladie), mais aussi mentale (apathie) — de rédiger un seul article conséquent au cours de ce mois, beaucoup de détails de ma vie se sont perdus à jamais. Les discussions avec Léandra, le repas chez FBsr, ce que j'ai réalisé à mon travail à tel ou tel moment, ce que j'ai fait de telle ou telle soirée, les joies et les peines de ma fille, de même que ses réflexions parfois étranges : tout cela devient aujourd'hui de plus en plus brumeux dans mon esprit. Ma mémoire « emmental » — cette stupide mémoire qui est capable de se souvenir de conneries lues ou entendues il y a des années, mais qui ne retient quasiment rien à court terme, et strictement rien à très court terme — ne m'est pas d'une grande aide. Tout ce que je peux faire, c'est prendre quelques « thèmes » de ce mois de février et les développer du mieux que je peux, histoire de quand même conserver quelque chose de ma vie à ce moment-là.

Grippe. — Tout d'abord, il y a eu cet état physique déplorable, lié sans aucun doute à la grippe. « Ce n'est pas la grippe, c'est un "état grippal" », m'avait lancé Sylvette début février. (Léandra, qui était également malade avec seulement un décalage de quelques jours par rapport à moi, a apparemment dû se coltiner le même genre de commentaires à son boulot.) — Mais comment Sylvette aurait-elle pu ressentir ce que je ressentais ? Comment aurait-elle pu savoir que ce n'était pas la grippe ? Réponse : « Si tu avais la vraie grippe, tu aurais été plus mal en point. » Mais comment aurait-elle pu connaître mon degré de mal-être ? Aurait-il fallu que je me torde de douleur, que je me plaigne constamment, que je vomisse partout et que je m'endorme sur mon clavier ? Ou bien aurait-il fallu que je me mette en incapacité de travail prolongée ? Apparemment, si j'avais voulu convaincre la plupart de mes collègues, oui, j'aurais dû me faire porter pâle, car si on peut quitter son lit, c'est qu'on n'a pas vraiment la grippe, mais seulement un « état grippal », terme à la mode utilisé notamment par les homéopathes, ce qui ne me donne pas envie de creuser plus profondément. — Peu importe en fait : il faut que j'arrête de me justifier sur mes « états intérieurs », pour autant que ce terme signifie quelque chose.

La mystérieuse disparition du docteur F. — Donc, je n'étais vraiment pas en forme au cours de la première quinzaine du mois dernier. J'ai fini par me dire qu'il serait avantageux de consulter mon médecin traitant, le docteur F, à Forest. Mais le docteur F a disparu de la circulation. Il ne répond plus au téléphone et la porte de son cabinet n'est plus une porte de cabinet : c'est une porte de maison normale. Seul vestige de l'ancien état des choses : l'emplacement de la sonnette, qui n'est plus désormais qu'un trou béant avec des fils. Mon docteur est-il mort ? — Finalement, je ne me suis pas du tout fait soigner. Je déteste changer de médecin : j'en avais un que j'aimais bien, en qui j'avais confiance, et voilà qu'il disparaît sans prévenir ! Ce qui me déplaît le plus dans cette histoire de « changer de médecin », c'est la prospection : chercher un nouveau médecin m'épuise, parce que je ne peux m'empêcher de m'imaginer à quoi le nouveau va ressembler et quel caractère il va avoir ; à me demander si je ne vais pas passer pour un idiot devant lui (ce qui m'arrive souvent devant un médecin), si je vais l'apprécier, etc. J'ai donc abandonné la prospection en cours de route, assez vite pour tout dire. De toute façon, grippe ou pas grippe, il me semblait évident que j'avais attrapé un virus ; il ne me restait plus qu'à patienter.

Fisherman's Blues. — Mes trois seuls médicaments furent du Dafalgan (pour faire tomber la fièvre et les autres douleurs sourdes), une boîte de cachets pour la toux et surtout, surtout, comme à chaque fois que je suis malade, l'écoute en boucle de country, de folk et de bluegrass. Les musiques du Deep South ou bien celles de l'Irlande, écoutées dans mon lit le soir toutes lumières éteintes, constituent mon meilleur calmant et mon meilleur remède lorsque je suis malade... ou triste... ou d'humeur maussade. Cette musique me permet d'attendre tranquillement que « ça passe » en m'imaginant des gens heureux qui dansent avec beaucoup de simplicité dans l'herbe fraîche du mois d'août, sur des airs de banjos et de violons presque incontrôlables (ou quelque chose d'approchant). — Cette fois-ci, il y a eu ce morceau écouté des centaines de fois, pendant des jours et des jours : « Fisherman's Blues » du groupe britannique The Waterboys (album Fisherman's Blues, 1988). Une formidable chanson qui raconte l'histoire d'un homme rêvant de s'en aller loin de ses soucis et de ses souvenirs, tel le pêcheur qui quitte la terre ferme ou le machiniste d'un train à vapeur lancé à toute vitesse à travers la campagne endormie (deux métaphores courantes, presque « bateau » [ha-ha !], mais plus c'est simple, plus j'apprécie). J'adore vraiment cette chanson. J'aime le fait que le narrateur veuille laisser derrière lui le monde qui l'oppresse et se libérer des chaînes qui le retiennent, mais qu'en même temps, il laisse subrepticement une place pour une seconde personne : « With light in my head, with YOU in my arms... », « I will take THEE in my hand » (on remarquera l'utilisation de l'archaïque thou/thee). Cela me rappelle ces nuits d'été durant lesquelles, adolescent, je rêvais de regarder le ciel en silence, mais avec quelqu'un, une sorte d'élue imaginaire. (Cela n'est jamais arrivé : la seule personne élue avec qui j'ai été en interaction, c'est Maïté, et elle n'aimait pas les étoiles.) — J'ai également longtemps réfléchi à ce qui rendait cette chanson si extraordinaire, et je suis arrivé à la conclusion que, au-delà des paroles très touchantes, ce sont les « whooo! » et autres « whooohooo! » lancés par le chanteur Mike Scott qui font la différence... Ces « whooo! » n'arrivent pas à n'importe quel moment, oh que non : ils surviennent aux bons moments, et avec la bonne intensité. Il y a quelque chose de fou en eux, quelque chose d'incontrôlé, un air frais de pure liberté. Je les entends comme : « Je lance des "whooo!" si j'en ai envie et je me fiche de savoir que vous les trouvez inconvenants ou ridicules ». (J'aimerais pouvoir un jour être sur une scène, chanter cette chanson et lancer des « whooo! » quand il faut lancer des « whooo! ».)

Fisherman's Blues by The Waterboys on Grooveshark

Draco dormiens nunquam titillandus. — Durant ce mois de février, il y a aussi eu la série de films Harry Potter. Je l'avais déjà regardée en français avec ma fille (voir par exemple ici), mais je l'ai à nouveau visionnée certains soirs, tout seul cette fois-ci, en version originale, en arrêtant fréquemment le déroulement du film pour m'informer sur un personnage, un lieu, un objet... Je me suis plongé dans cet univers et, à mon grand étonnement, je me suis rendu compte qu'il n'est vraiment pas mal foutu (j'avais un a priori négatif à son sujet, lié à son succès, mais apparemment non fondé). L'histoire prend ses racines dans un lointain passé : par exemple, Hogwarts (Poudlard en français) a été bâti en plein cœur du Moyen Âge et il y a moyen de se documenter sur tout l'arrière-plan historique du lieu, sur les anciens élèves, etc. Je vais donc lire le premier livre... et peut-être voir si Gaëlle n'a pas envie de le lire elle aussi ? Elle ne lit pas assez. (Comme je l'ai déjà écrit : si, enfant, j'avais eu connaissance de cet univers, je l'aurais plus que certainement adoré. Mais au moment où j'étais enfant, c'est L'Histoire sans fin de Michael Ende qui avait attiré toute mon attention. Un beau livre aussi à n'en pas douter).