Xénopathie

Lavette souffrante, II. — Toujours malade et fatigué, malgré les nombreuses heures de repos. Impossible de me concentrer sur une tâche précise pendant plus d'une demi-heure. Mon journal sera donc réduit en ce moment, parce qu'il ne se passe évidemment pas grand-chose durant mes journées, mais aussi parce que, même s'il se passait quelque chose, je n'aurais pas le courage d'en faire une longue description.

Clarithromycine. — Avant d'avaler un médicament, j'adore lire tous les effets indésirables qu'il pourra avoir sur mon organisme. Avec cet antibiotique macrolide du nom de clarithromycine, à côté d'effets physiques désagréables comme la sudation excessive, les convulsions ou encore les saignements par... euh... tous les trous imaginables, la notice mentionne également les hallucinations, les troubles psychotiques, la modification de la conscience de soi, voire la dépersonnalisation. « Mais qu'est-ce donc que la dépersonnalisation ? », me suis-je alors demandé. Après vérification, il s'agit d'une perte du sens de la réalité, avec la sensation d'observer ses actions sans en avoir le moindre contrôle, sensation qui peut aller jusqu'à la xénopathie, c'est-à-dire l'impression que nos activités psychiques sont étrangères à nous-mêmes... — Diantre ! Et dire que je viens à l'instant d'avaler les deux premiers comprimés pelliculés à libération prolongée... Si j'écris n'importe quoi dans ce journal, ce n'est pas de ma faute, M'dame, c'est à cause de la clarithromycine !

Scooby-Doo Layton dans le faux futur. — La fin de Professeur Layton et le Destin Perdu, troisième numéro de la série sur Nintendo DS, ressemble à nouveau à un épisode de Scooby-Doo, où es-tu ? (Voir ici pour le début de l'explication.) Le Londres du futur que visitaient Layton et son fidèle assistant Luke n'était pas vraiment le Londres du futur : c'était en fait un deuxième Londres futuriste magnifiquement reconstitué, un décor « à la Truman Show », enfoui sous le vrai Londres et accessible à l'aide d'un ascenseur déguisé en machine à voyager dans le temps. Ben voyons, c'est évident, comment n'y ai-je pas songé plus tôt ? À l'origine de ce fabuleux décor qui a dû coûter littéralement les yeux de la tête, pour ne pas dire la peau des fesses : un certain Clive, qui n'a rien trouvé de plus simple pour préparer en secret un projet machiavélique de revanche sur la vie.

Vaudou

Lavette souffrante. — Je suis une lavette ce matin, une lavette souffrante. Je suis malade. Incapable de parcourir les trop nombreux kilomètres qui séparent mon domicile de mon bureau, je ne bouge pas de chez moi. Comme hier, mon esprit est confus, mon nez coule, j'ai des difficultés à parler et ma gorge me fait très mal dès que je tousse ou que j'avale ma salive. Mes pensées sont morbides, macabres et cyniques. Pourquoi donc ? Je viens de l'écrire un peu plus haut, parbleu : parce que je suis malade. Par contre — ô joie ! —, grâce à ce stupide et récent poisson d'avril qui a mis en émoi des dizaines de milliers de personnes parmi mon immense parterre de lecteurs quotidiens, je suis parfaitement à jour dans mon journal. J'ai vaincu le temps qui passe, pour un temps du moins.

Hamilton's Diary's Voodoo. — Le mercredi 6 mars 2013, je poste en prélude de l'article du jour une chanson de Songs: Ohia, l'ancien groupe de Jason Molina. Dix jours plus tard, le samedi 16 mars, Jason Molina meurt. Le vendredi 22 mars 2013, j'échange des bandes dessinées de la série Philémon avec Doëlle et j'en parle dans ce blog. Onze jours plus tard, le mardi 2 avril, le dessinateur Fred meurt à son tour. — Bon sang, si j'avais su que je disposais de pouvoirs aussi sombres, je me serais clairement abstenu de mentionner dans mon journal ces sympathiques humains dont j'admirais le talent ! Mais, j'y pense, ai-je déjà mentionné ici-même les noms de Margaret Thatcher, Henry Kissinger, Marine Le Pen, André Léonard, Bono, Phil Collins, Marc Levy, Alain Delon, Christian Clavier, Dora l'exploratrice, Peter Griffin et Dudley Puppy* ? Non, je ne pense pas, ou alors pas assez souvent ! Voilà qui fera office de rappel ! Ne reste plus qu'à invoquer le Baron Samedi et à patienter encore une dizaine de jours...

Tisane. — « 16/10 de tension, Monsieur Evenvel ! Et 117 pulsations par minute ! Votre tension et votre pouls sont beaucoup trop élevés. Cela ne va pas du tout, Monsieur Evenvel ! Vous devriez manger la moitié de ce qui est bon, et le double de légumes ! Et aussi boire de la tisane. C'est bon pour ce que vous avez, de la tisane, vous savez, Monsieur Evenvel, hmmm ? » — De la... tisane ? Si je suis les conseils de mon médecin généraliste, c'est moi que le Baron Samedi enterrera dans dix jours !

To the fiery deeps. — Lorsque je suis malade, le meilleur remède pour me réchauffer un tant soit peu les tripes n'est certainement pas une infusion aux huit plantes mais plutôt de la bonne vieille musique nord-américaine, celle qui plonge ses racines en Irlande et en Afrique de l'Ouest. Old-time music, bluegrass, folk, country... Peu importe le nom qu'on lui donne : je fais référence à cette musique qui semble toujours être jouée dans un relais de camionneurs enfumé ou dans une fête de village au milieu du désert ; cette musique qui parle de femmes et de whisky, de Satan et de perdition, de Bible et de rédemption, de meurtres et d'amours déchus, de voyage et de retour au pays. De trains aussi. De trains et de wagons... Un machin qui sent bon la grange et la boue — qui sent bon le Sud profond, avec juste ce qu'il faut d'écriture, de talent et d'auto-ironie. Pour tout dire, j'ai des exemples très concrets en tête, des exemples de musique que j'écoute pour me remettre d'aplomb quand mon corps me laisse tomber comme une vieille chaussette. Je n'ai jamais vraiment réussi à partager ce goût avec qui que ce soit, mais ce n'est pas une raison pour ne pas le partager dans mon journal. 

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* Je sais que les trois derniers sont des personnages imaginaires et qu'ils ne peuvent donc techniquement pas mourir, mais je tente tout de même ma chance.

... thanks for all the fish!

« Il est un fait important (et bien connu) que les choses ne sont pas toujours conformes aux apparences. Par exemple, sur la planète Terre, l'homme a toujours considéré qu'il était plus intelligent que les dauphins sous prétexte qu'il avait inventé toutes sortes de choses — la roue, New York, les guerres, etc. — tandis que les dauphins quant à eux n'avaient jamais rien su faire d'autre que déconner dans l'eau et plus généralement prendre du bon temps. Mais, réciproquement, les dauphins s'étaient toujours crus bien plus intelligents que les hommes — et précisément pour les mêmes raisons. »
(Douglas Adams, Le Guide du voyageur galactique, 1979.)

Poisson. — Je pensais que personne ne goberait mon article d'hier : posté en date du premier avril, avec une référence appuyée aux trois premiers mots du titre du quatrième volume de la série du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, So Long, and Thanks for All the Fish (Salut, et encore merci pour le poisson en français), le morceau me paraissait par trop indigeste pour avoir la moindre chance de passer. Et pourtant, il faut croire que cet article était assez crédible pour être pris au sérieux par ces quelques lecteurs et lectrices qui m'ont envoyé de courts messages d'adieu ou de remerciement ! — Peut-être est-ce en partie parce que Léandra et Andrew ont eu la bonne idée, hier soir, de me conseiller de rédiger rapidement trois petits articles d'affilée : deux pour préparer le clou, le dernier pour l'enfoncer. En plus de donner un squelette au poisson, l'idée avait un autre grand mérite : celui de me permettre de rattraper ce retard de publication qui, tel un dauphin, avait recommencé à pointer le bout de son museau.

Malade. — Ceci n'est pas un poisson : je suis à nouveau malade depuis la nuit de vendredi à samedi. Ce mardi matin, au réveil, la situation s'est empirée : mes pensées sont confuses, j'ai le nez qui coule, je suis au bord de l'aphonie et j'ai la gorge qui me fait mal lorsque je tousse ou lorsque j'avale. Je me rends tout de même au boulot mais mon état décline encore dans la journée. Si j'étais médecin, je jurerais que j'ai un début d'angine... Mais je ne suis pas médecin. — En tout cas, je suis presque tout le temps malade : c'est une abomination. Si je disposais d'un calendrier mural, il serait plus aisé d'apposer une croix aux jours durant lesquels je suis bien portant : ça userait moins d'encre... Mais je n'ai pas de calendrier mural.

Scooby-Doo Layton. — Le Professeur Layton partage avec Scooby-Doo et ses quatre compagnons du gang Mystère la même curieuse aptitude à vivre des histoires tordues, voire carrément tirées par les cheveux. Gamin, lorsque je regardais un épisode de Scooby-Doo, où es-tu ?, j'étais déjà marqué par le côté totalement saugrenu du traditionnel dénouement final, cette fameuse scène où l'on voit Fred Jones enlever le masque du méchant et l'astucieuse Véra Dinkley expliquer de manière très rationnelle l'illusion qui est à l'origine de l'apparition des spectres, momies et autres zombies qui peuplent ce dessin (mal) animé... C'est lors de ce dénouement que l'on s'aperçoit que le méchant fantôme plus vrai que nature qui a poursuivi cet idiot de Sammy pendant la majeure partie de l'épisode, sur fond de décor répété à l'infini, n'était en fait qu'un bête jeu d'ombres et de lumières, ou bien encore que le balai de la terrifiante sorcière ne volait pas vraiment, non, non, pas du tout : il était dirigé par un système très complexe de câbles transparents, oui, oui !... Tout cela parce que le propriétaire du terrain voulait continuer à avoir accès à cette vieille mine remplie d'or, mais oui, tout s'explique désormais ! — Avec le Professeur Layton, c'est un peu le même principe qui est à l'œuvre : à la fin de l'histoire, le grand archéologue-énigmologue a parfaitement dénoué tous les fils et compris que tout cela n'était qu'un très subtil jeu d'apparences : cette petite fille n'était pas vraiment une petite fille mais un homme déguisé en petite fille, tellement bien déguisé que tout le monde n'y voyait que du feu ; cette charmante ville dans laquelle ils se baladaient depuis des heures n'était pas vraiment une charmante ville mais le fruit d'hallucinations causées par des gaz s'échappant d'anciennes excavations ; ce monstre n'était pas vraiment un monstre mais deux créatures distinctes, l'une organique, l'autre mécanique, qui, en se battant, donnaient l'impression d'être une seule et unique entité ; etc. Ça ne tient pas du tout la route, mais merci quand même, professeur Layton !

... and...

« J’adore les dates limites. J’aime le son qu'elles font lorsqu'on les dépasse à toute allure. »
(Douglas Adams)

J'avais prévu un long message d'adieu, mais ce soir, Léandra et Andrew m'en ont dissuadé autour de plusieurs morceaux de pizza (!) : renoncer et s'en aller sans plus de cérémonie, voilà un comportement des plus nobles ! — « Tu n'as qu'à écrire le plus simplement du monde que tu arrêtes, et puis c'est tout ! », m'a conseillé Léandra. « Tes lecteurs comprendront, j'en suis sûre... »

Donc voilà : après presque deux ans d'écriture quotidienne, j'ai décidé d'arrêter ce journal. Peut-être reviendrai-je dans les prochains mois avec un nouveau projet. Peut-être pas. (Une partie de mon esprit me chuchote : « À quoi bon ? »)

Avant de « rendre l'antenne », je tenais à remercier tous ceux et celles qui m'ont suivi assidûment. Le nombre de lecteurs importe peu ; seule importe la qualité de ceux qui lisent !

— Merci, merci, merci ! —

... long...

« Exiger l'immortalité de l'individu, c'est vouloir perpétuer une erreur à l'infini. »
(Schopenhauer)

Je n'ai rien à dire ce soir... Oh ! Et si je parlais de The Big Bang Theory ?
Je n'ai rien à dire ce soir... Eh bien ! Je n'ai qu'à traiter de mon quotidien !
Je n'ai rien à dire ce soir... Oh ! Et pourquoi ne pas mentionner ce groupe de rock découvert récemment ?
Je n'ai rien à dire ce soir... Eh bien ! Je peux toujours parler de Wittgenstein, de Nietzsche ou de Kraus !

Ce retard qui s'accumule sans cesse, malgré cette volonté de ne pas permettre son accumulation !
Ces complications familiales qui s'ajoutent à tout le reste !
Cette envie de dormir plus que trois heures par nuit !
Cette envie de rencontrer des humain(e)s en d'autres lieux que dans ces putain de livres !
Cette envie de reconstruire une vie ! — ma vie.

« Je suis las, las, las... », comme dirait Gracchus Pleindastus.

So...

« L'immortalité de la rose consiste dans le fait qu'elle est la sœur jumelle des roses futures. »
(Ramón Gómez de la Serna)

Que dire sans que ce ne soit une répétition ?
Je me répète sans cesse, entre routine ancienne et routine nouvelle, entre soirée improductive et soirée improductive.

Est-il vraiment nécessaire que je décrive chaque jour de ma vie ?
Est-il vraiment nécessaire que je passe des heures entières à chercher mes mots et mes phrases ?
Est-il vraiment nécessaire que je traque dans ces textes surannés la faute d'orthographe et l'erreur de grammaire ?
Est-il vraiment nécessaire que je me tracasse sans cesse à propos du « sujet du jour », au point de chercher matière à réflexion dans chaque petite expérience quotidienne insignifiante ?

Retour de classes vertes

À trois heures tapantes, j'arrive en vue de la place Saint-Aubain à Namur, au moment où les enfants de première et deuxième primaires descendent du car. Ils sont de retour de leur semaine de classes vertes à Saint-Vaast, dans la région du Centre. Gaëlle court vers moi en pleurant : « Je dois vraiment aller faire pipi mais Madame n'a pas voulu, bou-hou-hou !
— Y avait pas de toilettes dans le car ?
Non-on-on-on, y avait pas de toilettes dans le ca-a-a-ar ! »

Sur le trajet du retour, Gaëlle a déjà oublié qu'elle avait un besoin pressant : « Durant le voyage, j'ai rencontré deux nouveaux amoureux. Donc, maintenant, en tout, j'en ai quatre-vingt-quatre ! »

Comme chaque vendredi (ou presque), nous nous reposons à notre table habituelle, à la brasserie « Le Flandre ». Gaëlle retrouve sa Nintendo 3DS devant un verre de grenadine et un paquet de chips. (Curieuse impression de déjà-vu.)

Le vieux monsieur au discours incohérent, qui voulait absolument boire un verre avec moi la semaine dernière, n'est pas là aujourd'hui (ouf !), mais j'ai tout de même droit à la visite d'un autre vieux monsieur qui semble captivé par la faculté de ma fille à jongler avec les fonctionnalités de sa console de jeux. — Rectification : tout compte fait, il s'agissait d'un prétexte bateau pour engager la conversation avec la vieille dame seule assise à ma droite (re-ouf !).

« J'ai une amie qui s'appelle "Océane". Si ça avait été un garçon, il se serait appelé "Océan"... C'est amusant, tu ne trouves pas ? »

Colombine, la petite fille avec qui Gaëlle a lié connaissance le 22 février dernier, débarque dans la brasserie avec sa maman. Elle se déplace en béquilles. « Que s'est-il passé ? Tu as fait une vilaine chute ?
— Non, pas du tout. Un gros garçon m'est tombé sur les jambes... »

Gaëlle va s'installer à la table de Colombine et lui montre ses jeux : Pokémon Rumble, Professeur Layton et la Boîte de Pandore et Super Mario 3D Land. Elle revient vers moi : « Papa, papa ! Tu peux résoudre cette énigme ? Il faut que le vent souffle mais on ne comprend pas comment faire ! », puis elle repart, avant de revenir : « Papa, papa ! C'est la fin du jeu Layton ! », puis elle repart, avant de revenir à nouveau : « Papa, papa ! C'est embêtant : elle joue à Mario et ne veut plus me rendre ma console ! »

Dans le train de retour, Gaëlle et moi prenons cette fois-ci le rôle du duo comique improvisé. Elle me pose des questions saugrenues et je lui réponds à chaque fois de manière ironique. Ça fait rire les étudiantes et ça fait passer le temps...

Mayonnaise

Souvenir d'université*. — (Il y a treize ou quatorze ans environ.) Nous nous asseyons à la table d'un restaurant, aujourd'hui disparu, du rond-point du Cimetière d'Ixelles. Un serveur vient prendre notre commande et nous demande gentiment ce que nous faisons comme études. « L'histoire ! », déclarons-nous de concert. « Ha, c'est cool, ça ! », répond le serveur. Mais à peine celui-ci est-il reparti en cuisine que mon ami Hamilton (deuxième du nom donc) ajoute, légèrement dédaigneux : « Ben oui quoi, on n'a pas envie de rester serveur toute notre vie, nous ! » Rires. La remarque, d'une condescendance crasse, m'a semble-t-il marqué.

Condescendance. — Ce jeudi soir, buvant tranquillement un Orval à la brasserie de la gare des Guillemins à Liège, j'apprends ce que c'est que d'être vraiment condescendant et désagréable envers un serveur. Une dame s'assied à ma droite. Elle demande la carte et râle presque aussitôt parce cette dernière n'arrive pas assez vite à son goût. Un serveur vient prendre la commande : « Ha, enfin ! » Le service prend trop de temps pour elle. Attendant son plat pendant dix minutes, elle observe le monde alentour et rumine : « Ils se foutent de ma gueule, c'est ça ? ». Elle happe une serveuse et aboie : « Votre collègue m'a oubliée ?
— Il est en pause, mais votre plat va bientôt arriver, Madame.
— Oui, eh bien il peut aller se rhabiller, votre collègue ! Ha ! »
Le serveur revient de sa pause et dépose le plat sur la table de la cliente aigrie, qui lance d'un air sardonique, sans le regarder : « Et vous m'apporterez aussi tout le reste !
— Tout le reste, Madame ? »
Elle prend un air peiné pour annoncer, toujours les yeux dans le vague : « Mayonnaise, ketchup, moutarde, sel, poivre, sauce anglaise, beurre, pain... Tout le reste quoi ! » Elle fait un geste de la main comme pour signifier : « Tu devrais déjà être parti chercher tout ce que je t'ai demandé, mon gaillard ! » Le serveur revient avec un plateau contenant tout sauf... Misère ! « Où est la mayonnaise ?
— Ha oui, la mayonnaise... Désolé, je vous apporte cela tout de suite.
— Ouais, ouais, c'est ça, c'est ça. Pfff, mais c'est quoi ce service de merde ? »
Ma tête se remplit de scénarios tous plus séduisants les uns que les autres, dont un dans lequel je lui fais bouffer sa putain de mayonnaise par les trous de nez ou encore un autre contenant une recette originale de shampooing à base de sauce anglaise. — Mais je me retiens de mettre en pratique l'un de ces fantasmes et me contente de noter l'anecdote dans un carnet, pour restitution ultérieure.

Zombies et contrôleur. — Ce contrôleur, dans le train de sept heures du soir, passe à côté de mon siège, me voit devant un épisode de The Big Bang Theory, continue son chemin, s'arrête, puis revient sur ses pas pour me demander : « Excusez-moi, est-ce que c'est avec vous que j'ai discuté de The Walking Dead la semaine dernière dans le train ? »
(Lit-il mon journal ?)
« Non, ce n'est pas avec moi, dis-je.
— Ha... Je dois confondre avec un autre homme qui avait la même taille, la même corpulence et le même visage que vous alors !
— Oui, ça me paraît indubitable. Par contre, il se fait que je vois très bien de quoi vous voulez parler ! C'est cette histoire de...
— ... morts-vivants, oui !
— Celle qui questionne l'éthique des...
— ... relations humaines, tout à fait ! Bonne soirée ! »
Et il s'en va.
(Je vais vraiment devenir paranoïaque, si ça continue.)

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* Comme je suis en ce moment dans une phase « réminiscence », j'en profite pour inaugurer un volet [Souvenir] à mon journal, selon le même principe que les catégories [Rêve] et [Déjà-vu].

Bazinga!

« Tu devrais regarder The Big Bang Theory », m'avait conseillé Zapata il y a de cela trois ou quatre ans. « Quand j'ai vu les premiers épisodes, j'ai tout de suite pensé à toi : "Ça, c'est une série qui plairait à Hamilton !" » Et Zapata de me raconter cette scène au cours de laquelle Sheldon Cooper explique à son ami et colocataire Leonard Hofstadter ses dernières réflexions sur le voyage temporel : s'il avait fabriqué une machine à voyager dans le temps, il serait revenu dans le passé pour se la donner, éliminant de la sorte la nécessité de l'inventer en premier lieu ! (Début du quatrième épisode de la première saison, « The Luminous Fish Effect », 2007.)

Oui, le contenu semblait très alléchant, mais j'ai toujours eu quelques difficultés à adhérer au format de la sitcom : une vingtaine de minutes destinées à s'intercaler entre de nombreuses pauses publicitaires ; des saynètes à l'humour immédiat acceptant mal les longs développements... Un argument que Yama détaillait tout récemment dans le train de retour vers Bruxelles : les sitcoms ne permettent que très rarement la mise en place d'une histoire suivie et transversale. Elle ajoutait néanmoins : « À part Seinfeld, évidemment. » — À part Seinfeld, oui, évidemment, mais... mais... je n'ai jamais vu un seul épisode de Seinfeld ! (Une confession qui avait fait sursauter Flippo environ un an plus tôt dans le même train de retour vers Bruxelles : « Comment ? Tu n'as jamais vu un seul épisode de Seinfeld ? ») Terriblement gêné, j'ai donc préféré taire mon ignorance devant Yama afin qu'elle découvre par elle-même en différé l'horrible vérité via mon blog : non, je n'ai jamais vu un seul épisode de Seinfeld... mais je ne demande qu'à apprendre, n'est-ce pas ?

Depuis des semaines, j'étais à la recherche d'une simple série (par « simple série », comprendre : une série constituée de courts épisodes faciles à digérer et non une histoire de très longue haleine « à la The Wire »). Depuis des semaines, pour me détendre la nuit, je regardais en boucle de vieux épisodes de South Park déjà vus des dizaines de fois. Mais un statut de Doëlle dans lequel elle affirmait vouloir devenir la meilleure amie de Sheldon Cooper m'a remis en mémoire The Big Bang Theory. — Doëlle sera-t-elle contente d'apprendre qu'elle a légèrement modifié le cours de ma vie en me rappelant indirectement l'existence de cette sitcom qui était depuis des années sur ma liste d'attente virtuelle des « choses à découvrir » ? Je suppose que oui.

The Big Bang Theory est sans doute la chose la plus diablement comique que j'aie vue depuis très, très longtemps. Je crois même que je n'ai pas été sujet à de pareils fous rires depuis l'époque où je visionnais l'intégrale du Monty Python's Flying Circus. C'est dire ! Il faut préciser que le personnage de Sheldon Cooper, interprété par Jim Parsons, est particulièrement bien conçu et que ce dernier porte presque toute la série à bras-le-corps : physicien surdoué spécialiste de la théorie des cordes, doté d'une mémoire exceptionnelle et d'une culture hors norme, sociopathe, vénérant le personnage de Spock dans Star Trek, conscient de son génie, un brin hypocondriaque, détestant l'inattendu (par exemple, il a un emplacement de prédilection dans chaque appartement qu'il fréquente et ne veut/peut s'asseoir nulle part ailleurs), cultivant l'analogie et l'ironie, il est parfait. Et en plus — ça fera plaisir à Léandra —, il est grand et effilé.

Et ces rires que l'on entend constamment en arrière-plan, est-ce grave docteur ? — Non, ça fait partie du jeu. D'ailleurs, les brillants Monty Python utilisaient ce même procédé dans leur cirque, sans que cela ne nuise en quoi que ce soit à la qualité du show... De même que Seinfeld, apparemment. Amen !

« Why hast thou forsaken me, O deity whose existence I doubt? » :
voilà ce qui arrive quand Sheldon Cooper, alias Sheldor, elfe de sang niveau 85,
se fait pirater son compte sur World of Warcraft.