Virus en tous genres

Quand, sur le poste de travail de sa collègue Christiane, un écran noir apparut à la place de Windows, Hamilton aurait dû se douter que quelque chose de louche était en train de se tramer à son insu dans les méandres de la machine infernale. 

Quand Wynka lui signala à plusieurs reprises qu'elle devait constamment couper l'antivirus pour continuer à bosser normalement sur son ordinateur, Hamilton aurait dû tiquer. 

Quand Sylvette déboula dans son bureau en lui lançant : "Help ! J'ai des fenêtres qui s'affichent partout sur mon écran !", Hamilton aurait dû comprendre que quelque chose n'était pas normal. Quelque chose de très louche donc... — On l'aura compris.

Mais non ! Môssieur Hamilton avait d'autres chats à fouetter et préféra donc enfouir tous ces problèmes bien profondément dans sa petite caboche, sans à aucun moment tenter de les résoudre...

Et aujourd'hui, il découvre avec effroi que plusieurs ordinateurs du parc informatique de son boulot sont infectés par d'horribles chevaux de Troie, cookies traceurs, adwares, spywares et autres malwares. Sur certains terminaux, quelque mille méchancetés différentes : souvent de bêtes traceurs plus ou moins inoffensifs, plus rarement des modifications anormales du registre, parfois de vraies bizarreries purulentes... 

Hamilton passe donc sa journée de mardi à résoudre ce problème et ça l'énerve prodigieusement car il n'a pas que ça à foutre, bordel


* * *

« J'ai d'autres livres de hard science à te conseiller, dis-je à Yama dans le train de retour vers Bruxelles. C'est le copain de Léandra qui m'en a parlé la semaine dernière.
— Ha, ça tombe vraiment bien ! J'ai presque fini celui que je suis en train de lire...
— Le livre de Bear, là, Darwin, euh... ?
— Oui, j'ai lu 500 pages sur 700. 
(Je sors mon téléphone et recherche la note contenant les deux auteurs préconisés par Jonas.)
— Voilà ce que j'ai noté... Euh... Stephenson...
— Stephenson ? D'accord.
— Oui, je sais, c'est vague...
— Pas grave, je chercherai sur Internet.
— ... Et Nancy Kress.
— "Kress" ? Comment ça s'écrit ?
— Je ne sais pas... K-R-E-S-S, je pense. Et j'ai un titre pour celui-là : Les Faucheurs...
— Ah ! Parfait. »

Revenu chez moi, je cherche sur le Web plus d'informations concernant ces deux auteurs. Parcourir leur curriculum et les résumés de leurs romans me donne envie d'en savoir plus et de les lire. 

Neal Stephenson (né en 1959) : écrivain américain de science-fiction, pas vraiment un auteur de hard science, contrairement à ce que j'avais compris de prime abord. Ses domaines de prédilection sont l'histoire des sciences, la philosophie et les technologies de l'information, notamment. Il est catégorisé dans la mouvance cyberpunk, voire "postcyberpunk" de l'art de complexifier les sous-genres ! Il s'est fait connaître en 1992 grâce à un roman baroque intitulé Le samouraï virtuel (le titre original, Snow Crash, semble plus inspiré que son homologue francophone), dans lequel "la religion est comparée à un virus neurolinguistique" (!).

Nancy Kress (née en 1948) : romancière américaine connue entre autres pour sa nouvelle L'une rêve et l'autre pas (Beggars in Spain, 1991, prix Hugo et Nebula ! — Je l'ai lue mais je ne m'en souvenais plus !) et aussi pour sa Trilogie de la Probabilité (Réalité partagée [Probability Moon, 2000] ; Artefacts [Probability Sun, 2001] ; Les Faucheurs [Probability Space, 2002]), l'histoire d'une humanité qui s'est propagée à travers la Voie lactée à l'aide de tunnels spatiaux construits par une race extraterrestre aujourd'hui éteinte mais qui aurait dans un lointain passé "ensemencé" la Galaxie, de telle manière que les nombreuses espèces intelligentes connues possèdent un corps et un ADN grossièrement similaires à ceux des humains. Les différents résumés que j'ai sous les yeux me font directement penser — peut-être à tort — au Cycle de la Grande Porte de Frédéric Pohl et me donnent envie de commander les trois romans, et ce malgré une critique assez (voire très) négative du Cafard cosmique, selon laquelle le deuxième volet (Artefacts donc) serait "un roman fade, inodore et incolore". À suivre...

Kierkegaard et les chevaux

Pausé café...

« Tiens, j'ai pensé à toi récemment, me dit Charlotte. 
— Ha bon ?
— Oui, par rapport aux chevaux dans Melancholia...
— Ah oui ! Les chevaux psychopompes...
— Ça n'a peut-être aucun rapport mais j'ai lu dans Philosophie Magazine un article sur Kierkegaard, qui traitait de chevaux.
Ha ?
— Un petit article sur l'angoisse chez Kierkegaard et sur deux chevaux conduits par un cocher. Un cheval blanc obéissant et un cheval noir que le cocher doit maîtriser. Le cocher tient plus ou moins fermement les rênes... C'est une métaphore de la liberté humaine ou de quelque chose d'approchant... Faudrait relire l'article.
— Ha, ça a l'air intéressant !
— Je t'enverrai une copie par e-mail. 
— Merci.
— Mais ça n'a peut-être rien à voir avec Melancholia.
— Je me demande de quelles couleurs sont les chevaux dans le film, tiens... Je ne m'en souviens plus... Je vérifierai. »
(Après vérification, ils sont tous les deux noirs.)
Charlotte m'a envoyé dans l'après-midi un scan de l'article, signé Victorine de Oliveira qui, en une page, traite brièvement du concept de l'angoisse chez Søren Kierkegaard (1844) et rappelle qu'il arrivait au philosophe danois de "promener sa mélancolie dans les fiacres de Copenhague et de se laisser guider par les mains expertes d'un cocher". Ha !

L'auteur de l'article évoque Phèdre de Platon, dans lequel il est question du mythe de l'Attelage ailé, constitué de trois éléments, trois parties de "l'âme humaine" : le cocher (le noûs, la plus haute et la plus noble des trois parties, symbolisant le cerveau, l'esprit, l'intelligence), qui doit constamment contrôler le cheval blanc (le thumos/thymos, le sang, le souffle, le cœur, la colère, attiré par le ciel) et le cheval noir (l'epithumia, la partie la plus basse, symbolisant le ventre, l'appétit, les envies terrestres). L'attelage des dieux n'a pas ce problème : il n'est tiré que par des chevaux blancs, au mouvement ascendant. Mais celui des hommes est en lutte constante, tiraillé entre le cheval blanc, obéissant, se dirigeant vers le ciel (le monde des idées) et le cheval noir, indomptable, au mouvement descendant, terrestre (le monde matériel)*.

Kierkegaard utilise la métaphore des deux chevaux pour exprimer l'angoisse de l'humain face à la conscience de son existence et à la vision vertigineuse de sa propre liberté. En réaction à cette angoisse, l'existant, à l'instar du cocher, peut agir de différentes manières : il peut tenter, grâce à sa volonté, de donner aux chevaux une direction particulière mais il peut aussi les laisser courir comme bon leur semble et abandonner toute volonté, tout désir de maîtrise. Un passage marquant :

« Comme le coursier ailé, l'éternité a une vitesse infinie ; la temporalité est une rosse [cheval sans vigueur], et l'existant est le cocher, bien entendu quand on ne prend pas le terme d'exister au sens banal ; car, dans ce cas, l'existant n'est pas un cocher, mais un paysan ivre qui se couche et s'endort dans la voiture en laissant les chevaux se tirer d'affaire. Lui aussi conduit, cela va de soit ; lui aussi est cocher ; et beaucoup peut-être existent ainsi. »

Pourquoi ai-je l'impression que ce passage sur le paysan ivre est particulièrement à propos ? Et pourquoi ai-je commencé à (re)lire de la philosophie dans un sens antichronologique ? Pourquoi ai-je commencé à lire Wittgenstein avant Kierkegaard ? Et pourquoi me procurerais-je Le concept de l'angoisse avant d'avoir lu Phèdre de Platon ? Si ça continue, je vais finir par m'intéresser à la grotte Chauvet. 

Et Melancholia dans tout ça ? Deux chevaux noirs, terrestres, fougueux, difficiles à dompter, refusant de passer un pont... Un cheval noir que Justine la mélancolique n'arrive pas à diriger, même en usant de la pire violence... Un cheval noir qui refuse d'avancer... Est-ce une métaphore du manque de volonté de Justine, de son incapacité à faire autre chose que de se coucher et de s'endormir en lâchant complètement la bride ? Von Trier le Danois, lecteur attentif de Kierkegaard le Danois ? Cela semble tellement évident que ça me fait de la peine de ne pas m'en être rendu compte plus tôt.
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* C'est le cheval noir qui semble le plus sympathique. Normal que l'attelage soit difficilement contrôlable.

Histoires de "Q"

Non, ce titre n'est pas une tentative désespérée pour rameuter du monde sur ce blog délaissé par tous. Par tous ? Non ! Car une poignée d'irréductibles lecteurs résiste encore et toujours à la tentation de se casser en courant. Et la vie n'est pas facile pour ces derniers, tentant coûte que coûte de digérer les nombreuses salades sur Wittgenstein, l'Univers, la sérendipité et les bunkers... (Mille fois merci à eux.)
En fin d'après-midi, Maïté vient rechercher Gaëlle à Bruxelles. Elle débarque à la Gare centrale avec dans une poussette son deuxième enfant, qui ressemble toujours à un petit bouddha. Durant une dizaine de minutes, j'attends avec elle sur le quai son train de retour vers Namur. C'est un vrai supplice pour moi. Comment est-il possible d'avoir été aussi proche d'une femme pendant plus de sept ans et d'en être aussi éloigné aujourd'hui ? À chaque fois que je la vois, il me faut une heure ou deux pour m'en remettre, non parce que je suis encore amoureux, mais simplement parce qu'elle me rappelle à la fois de très bons souvenirs (parmi les meilleurs de ma vie) et de très mauvais (parmi les pires).

Je bois un verre seul à la gare pour m'en remettre, puis rejoins Léandra et Jonas au Potemkine pour un concert de jazz. Quand j'arrive, la salle est pleine. Marrant : Marie Arena (l'ancienne ministre PS de l'enseignement en Communauté française, entre autres) est debout près de l'entrée et passe plus ou moins inaperçue. Je dis bonjour à Léandra et à son compagnon installés juste en face du groupe de jazz. Impossible de trouver une chaise. Je ne suis toujours pas dans mon assiette et l'ambiance m'oppresse. Je m'en vais donc assez rapidement. Quand Léandra me recontacte pour me signaler qu'une table s'est libérée et que je peux venir m'asseoir auprès d'eux, je suis déjà à la Maison du Peuple devant une Chimay blanche, et je m'y sens beaucoup plus à l'aise. Finalement, je resterai là toute la soirée et serai rapidement rejoint par Emily de retour de son pub (elle a assisté au match de rugby France-Irlande), puis par Léandra et Jonas, et enfin par Walter.

* * *

« J'ai appris quelque chose de comique récemment : certaines de mes collègues ne posent pas leurs fesses sur la cuvette des toilettes au boulot.
— Moi non plus, avoue Emily. Pourtant les toilettes à mon travail sont lavées trois fois par jour. Enfin bon... Ça fait des muscles !
— Ha ? C'est marrant, ça... C'est sans doute plus fréquent que je ne le pense.
— C'est lié à mon éducation.
(Léandra revient des toilettes, justement.)
— Léandra, j'ai une question : est-ce que tu poses tes fesses sur la cuvette des WC quand tu n'es pas chez toi ?
— Hmmmm... En fait, ça dépend... J'observe l'apparence générale du truc et je décide au cas par cas.
— Ha oui... C'est une question de visuel, quoi.
— Pas seulement. Parfois, ça a l'air propre mais quelque chose d'indescriptible ne m'inspire pas confiance, alors je ne m'assieds pas... »
* * *
Au cours de la nuit du 17 au 18 janvier, dans le prolongement d'une discussion sur la musique, j'avais envoyé un e-mail à Emily, Léandra et Jonas dans lequel je listais cinq groupes ou musiciens qui m'inspiraient. Je leur avais proposé de faire la même chose. Seule Léandra a répondu à l'appel jusqu'à présent, mais peu importe... Dans le message, j'écrivais que des groupes comme Battles ou Suuns représentaient, dans une certaine mesure, "le son rock du futur". Par là je voulais dire, sans l'expliciter, qu'ils constituaient peut-être une forme d'avant-garde sonore, catégorisant un des aspects du "son rock" des années à venir, à base d'electro, voire de house ou de techno, très loin de groupes parfois très bons au demeurant, là n'est pas la question qui vivent dans le passé, autrement dit qui ne font que copier la musique des sixties, des seventies ou des eighties.
« Le rock n'a pas sa place dans le futur, me dit Jonas. C'est une forme particulière de musique qui s'insère dans une époque bien définie. 
— Je ne suis pas d'accord ! Le rock, au contraire, est une musique qui évolue tout le temps. C'est même ce qui fait sa force et sa longévité !
— Le rock, c'est une musique qui déchire. Un gars qui prend sa guitare et qui en sort un son monstrueux, ça c'est du rock.
— Si on prend cette définition à la lettre, certains morceaux de Pink Floyd ou de King Crimson, une part du rock progressif et plus tard du post-rock ne rentrent pas dans la catégorie "rock". Pourtant, c'est du rock.
— Vraiment, pour moi, le rock, c'est un truc bien précis. Par exemple, seul le premier album de Radiohead [Pablo Honey] est un album de rock. Après, ce n'est plus vraiment du rock.
M'enfin ! C'est un peu bête de réduire à ce point la définition, non ? Selon toi, pour que ce soit du rock, il faut qu'il y ait un rythme basique à quatre temps, un chanteur et une guitare ?  »

Est-il nécessaire d'être aussi restrictif ? Ne vaut-il pas mieux considérer que toute musique vivante échappe à toute forme de définition cadrée et donc dire que : "Est rock tout ce qui est considéré par quelqu'un qui aime le rock comme étant du rock" ? Peu importe qu'on appelle cette musique du "rock", du "rock progressif" ou encore du "rock alternatif"... Le genre échappe à toute mise en boîte. La musique est comme un langage : elle ne nécessite pas de définition. Dit de cette manière, Jonas est plus ou moins d'accord... Toute discussion sur des définitions est presque par essence stérile : on peut être d'accord sur le fond et en opposition sur la définition, ce qui est absurde.

« C'est un peu comme le jeu. Peut-on définir ce qu'est un jeu ?
(Wittgenstein revient au galop.)
— C'est quelque chose d'inutile, lance Léandra.
— Marrant : ma collègue Charlotte disait quant à elle que c'était quelque chose de "divertissant" parce que le jeu détourne des choses sérieuses. Mais peut-on dire qu'un jeu est toujours inutile ou toujours divertissant ?
— C'est vrai qu'il y a les serious games et ce n'est pas inutile...
— Bref, ça ne sert pas à grand chose de le définir : nous savons tous reconnaître un jeu de ce qui n'est pas un jeu. — Pas besoin d'avoir en tête une définition du mot "joueur" pour se rendre compte que quelqu'un joue. »
(Je redeviens énervant, là, non ?)  

« C'est un peu comme l'amour. Peut-on définir ce qu'est l'amour ? »
En définitive, j'aurais mieux fait de ne pas la poser, cette question. J'aurais dû anticiper les réponses... 

* * *
« En ce moment au bureau, raconte Léandra, j'ai un problème de clavier assez ennuyant. La lettre "Q" ne fonctionne plus très bien. Parfois, j'appuie sur la touche mais le "Q" ne s'affiche pas.
— Ha !
— Je m'imagine mal appeler le help desk pour leur dire que j'ai un problème de "Q".
— Mouarf ! "Comment Madame ? Votre cul ne s'affiche plus ?"
Oui ! Quand j'appuie sur mon "Q", il ne se passe rien.
— "Ne vous inquiétez pas, nous allons vous le remplacer, votre cul !"
Hahaha !
— Quelle idée, aussi, d'être en panne de "Q"... »

Éthique du bunker

Parler de sociétés en déclin, de civilisations qui s'écroulent, d'apocalypse fantasmée et de paranoïaque améliorant son refuge anti-tempête (Take Shelter) a curieusement fait ressurgir en moi le souvenir d'un cours de morale laïque qui m'avait marqué lorsque j'étais adolescent. C'était, je pense, en quatrième année du secondaire, à l'Athénée royal de Tamines... Un cours de deux heures entièrement consacré à "l'exercice du bunker".
Impossible d'en retrouver la description sur le Web : sans doute n'ai-je pas tapé les bons mots-clés ; sans doute aurais-je dû effectuer la recherche en anglais, aussi. Ou peut-être était-ce un exercice inventé de toutes pièces par mon professeur ? Peu importe car, fort heureusement, je me rappelle assez bien de l'énoncé : 
« Des bombes atomiques vont bientôt pleuvoir sur toute la planète et tu es responsable d'un des nombreux bunkers qui abriteront les générations futures de l'humanité. Le problème est le suivant : le groupe dont tu as la charge est constitué de douze personnes (toi y compris) et le bunker n'est prévu que pour six locataires. Tu dois absolument choisir ceux qui entreront dans le bunker (qui seront sauvés) et ceux qui resteront dehors (qui mourront dans d'atroces souffrances). Ton choix ne sera en aucun cas remis en question. »
Nous avions alors une petite demi-heure pour choisir, de manière individuelle, nos candidats au sauvetage au sein d'une liste dressée arbitrairement par le professeur. Ensuite, le reste du cours était consacré à la présentation des choix de chacun, à la discussion et à l'argumentation. La liste proposée était fantastiquement sadique : elle contenait tout ce qu'on peut concevoir comme pièges éthiques, propres à révéler les jugements de valeur et autres "culs-de-sac idéologiques" (racisme, sexisme...). Je ne me rappelle plus de la liste exacte, mais elle ressemblait grosso modo à cela :
« Une femme au foyer enceinte
- Une jeune policière
- Un docteur en médecine de 40 ans
- Une scientifique de haute volée de 30 ans
- Un philosophe grisonnant
- Un jeune électricien étranger
- Un ouvrier non-qualifié de 45 ans
- Une jeune chômeuse sans diplôme
- Un vieux prêtre
- Une adolescente de 15 ans
- La maman de l'adolescente, institutrice »
Vint alors le moment des réponses. Beaucoup prenaient la femme enceinte car elle portait la vie ; la policière parce qu'elle était jeune et assurerait l'ordre et la sécurité dans le bunker (elle est bien bonne, celle-là !) ; le docteur car il soignerait les malades ; l'institutrice car elle éduquerait les nouvelles générations ; la scientifique pour sauvegarder un pan de la connaissance du Monde... Tombaient souvent à la trappe le philosophe (car "il ne sert à rien de concret"), l'ouvrier, l'électricien étranger, le vieux prêtre, la jeune chômeuse... D'autres questions apparaissaient, comme : "Peut-on choisir l'institutrice sans en même temps choisir sa fille, et réciproquement ?" ou "Si l'on choisit la femme enceinte, cela fera une bouche en plus à nourrir dans quelques mois... Or les réserves sont limitées."

Je me souviens m'être dit que presque personne dans l'histoire ne sauvait celui qui aurait pu être mon père (l'ouvrier) et que c'était totalement injuste. Injuste non pas qu'il ne soit pas sauvé dans l'absolu, mais qu'il ait moins de poids dans la balance simplement à cause de son statut social ou professionnel. Mes camarades choisissaient souvent les gens en fonction de leur utilité présumée dans la société et/ou de leur relative jeunesse. Autre constat : tous, sans exception, s'incluaient dans les rescapés : le bunker serait habité par cinq personne plus le responsable du bunker (eux-mêmes donc). C'est en les écoutant que je me suis rendu compte de l'insolubilité du problème : une vie humaine est une vie humaine, point. Et l'on ne peut, du moins à mon sens, trier les divers protagonistes selon une base utilitariste. Dès lors, lorsque ce fut mon tour de prendre la parole, je dis (sans doute pas de cette manière je ne me rappelle plus du tout comment je parlais à l'époque) :

« Je tire au sort.
— Tu tires au sort ? me demande une camarade (Céline, si mes souvenirs sont bons).
— Oui. Je choisis au hasard à la courte paille par exemple ceux qui restent à l'extérieur et ceux qui rentrent dans le bunker... Et je m'inclus dans la loterie.
— En faisant cela, tu te débines : ça t'évite de faire un choix.
— Peut-être mais je refuse de choisir en fonction de l'utilité des gens, de leur sexe, de leur âge ou de tout autre critère...
— Oui, mais si par hasard, il ne reste plus que des hommes ou que des femmes, c'est embêtant pour la survie de l'espèce.
— Bien vu, mais tant pis. Et puis, il y a d'autres bunkers... »

À la récréation, après le cours, j'en rediscutai avec mon ami Laurent :

« Je me demande si, dans l'histoire, je ne resterais pas en dehors d'office, afin de permettre à une autre personne de survivre...
— Non, tu ne le ferais pas. C'est joli de dire ça mais dans la pratique, si tu en avais la possibilité, tu sauverais ton cul et puis c'est tout. C'est l'instinct de survie qui veut ça.
— Si tu le dis... On ne le saura sans doute jamais. »

À l'époque, j'avais une certaine idée du sacrifice ultime et désintéressé, théoriquement du moins : choisir de perdre sa vie pour en sauver une autre ; mettre rationnellement dans la balance son existence et celle d'autrui ; tenter de mettre de côté l'émotion liée à la perspective de sa propre mort ; refuser l'atavisme. J'avais en tête l'image de Duncan Idaho dans le roman Dune, dévoué corps et âme à la famille des Atréides, qui se lançait héroïquement dans un combat perdu d'avance pour permettre la fuite de Paul et de sa mère à travers les dédales d'un sietch. 

Et je m'imaginais donc à l'extérieur du bunker, regardant sans rien dire les champignons nucléaires se former sur fond de ciel rougeoyant, avant d'être très rapidement désintégré par l'onde de choc thermique... Je ne sais si je serais capable d'une pareille chose, évidemment. Sans doute, comme Laurent me l'affirmait alors, que je m'enfuirais comme un lâche pour sauver ma peau... Sans doute que je prendrais place dans le bunker et que je terminerais ma triste vie de rescapé nucléaire avec le remords d'avoir laissé mourir une personne à ma place...

Hé, Hamilton, du calme, ce n'est qu'un exercice mental, hein !

Panique à la TEC

Durant la nuit de jeudi à vendredi, je regarde le film Take Shelter de Jeff Nichols, l'histoire d'un homme obsédé par la venue d'une énorme tempête qui n'apparaît a priori que dans ses pires cauchemars et hallucinations. Il est poursuivi par des visions d'apocalypse et décide d'agrandir son refuge anti-tempête afin de protéger sa famille de la destruction qui se prépare... À tel point qu'il en perd la raison, son travail, ses amis... 

Est-ce un film banal ou un chef-d'œuvre ? Il me faudra le regarder une seconde fois pour rendre un avis définitif. En tout cas, en visionnant ce film, tard le soir, je suis en parfaite continuité avec la discussion d'hier sur le monde qui s'écroule.

* * *

Une heure de l'après-midi. J'ai achevé ma matinée de boulot et je suis dans un bus assez bondé qui se dirige vers la gare des Guillemins et le Centre-ville de Liège. Trois jeunes — ils doivent avoir entre 16 et 18 ans — abordent une jeune femme assise au milieu du véhicule. (Comme d'habitude, les conversations sont approximatives : il y a du monde et certains éléments m'ont été rapportés indirectement par les passagers du bus.)

« S'cusez-moi, mademoiselle, mais on vous a déjà dit que vous étiez très jolie ?
— Oui, on me le dit souvent, répond-elle, l'air exaspéré.
— Pourquoi tu me parles comme ça, toi ?
— Désolée mais ce genre de drague, je trouve ça très lourd.
— Tu sais, je te nique quand je veux, salope. »

Une autre jeune dame, assise un peu plus à l'arrière, s'en prend au gars :  
« Putain, mais arrête ça, ducon, tu fais de la peine à voir, franchement !
— Qu'est-ce que tu me veux, toi ?
Tu t'es entendu parler ? T'as aucun respect. Tu te crois malin parce que tu peux frimer devant tes potes, c'est tout. Respect, respect !
(Le jeune rigole, s'approche de la femme d'un air menaçant et tend vers elle une main tremblante.)
— Mais allez, vas-y, gamin, tu crois que tu me fais peur ? Des cons comme toi, j'en vois à longueur de journée, là où je travaille... Pfff...
— Mais de quoi tu te mêles ? »

C'est plus ou moins à ce moment qu'un autre passager du bus entre dans la danse. Il fonce sur l'impoli, l'empoigne et lui donne plusieurs coups de poing dans la figure en lui criant : "Connard ! Tu fais moins le malin quand t'as affaire à un homme, hein ?" ; l'autre se protège la tête de ses mains puis tente à son tour de donner des coups de poings. La rixe se transforme en pugilat pendant une vingtaine de longues secondes. Une dame, presque au bord des larmes, crie : "Vous voyez où elle nous mène, toute cette violence !" Plusieurs passagers hurlent au chauffeur : "Arrêtez le bus, arrêtez le bus !" Le bus s'arrête, les portes s'ouvrent et les trois jeunes s'en vont. Celui qui s'est pris quelques coups de poing dans la figure lance à son agresseur : "On se reverra, mec, on se reverra !" Puis le bus redémarre et tout le monde, forcément, parle de l'événement. 

* * *


Je prends le train vers Namur, j'attends l'heure de la sortie des cours à la brasserie "Le Flandre", je récupère ma fille à l'école, nous attendons le train pendant une demi-heure dans le hall de la gare, Gaëlle joue au petit train, nous reprenons le train vers Bruxelles rempli jusqu'à ras bord, nous allons faire les courses, je nettoie mon appartement, je fais à manger. Quand Léandra sonne chez moi, vers 19h45, j'ai réussi à rendre l'appartement convenable et à préparer une partie de la nourriture, mais la vaisselle n'est pas finie et la table n'est pas encore entièrement dressée. 

Je voulais leur faire des carbonnades flamandes, à mes invités de ce soir (Léandra et Jonas), mais c'est impossible puisqu'il y a dans la préparation de ce plat un élément incompressible : le temps de cuisson. Faut que ça cuise des heures entières, Madame, pour que ce soit bon... Et aucun de nous n'a envie de manger à dix heures du soir, vous comprenez ? C'est humain, ha ben oui. Y a comme un avant-goût de printemps aujourd'hui, vous ne trouvez pas ? 

J'opte alors pour un rôti de bœuf sauce au poivre et une salade de pâtes. Pour la sauce au poivre, j'essaie un nouveau "truc" qui s'avère vraiment pas mal, qui consiste à faire infuser à feu doux des grains de poivre noir entiers dans de la crème fraîche, puis de filtrer cette dernière à l'aide d'une simple écumoire pour enlever les grains de la sauce. Ensuite, il faut mélanger le résultat obtenu avec des échalotes finement hachées préalablement cuites dans le jus de la viande avec quelques cuillerées de Porto et un soupçon d'Armagnac. Tout ce bordel pour deux décilitres de sauce au poivre : tout compte fait, j'aurais dû préparer des carbonnades...

* * *

Et voilà : à part deux noms d'auteurs de science-fiction, je n'ai rien noté de la soirée et, en conséquence, évidemment, je ne me souviens que de l'ambiance générale (c'était une chouette soirée) mais pas du contenu. C'est un peu décevant, non ?

Au moins, je ne m'ennuierais plus

Léandra me propose de venir manger des frites chez elle ce soir... Ou des pizzas surgelées... Ou d'aller boire un verre. Étant donné que j'ai envie de voir du monde (ou plutôt d'être entouré de monde, ce qui n'est pas la même chose), je lui propose la troisième solution. Léandra me retrouve donc au Potemkine vers 20 heures. Nous prenons une consommation là-bas, puis terminons la soirée au Verschueren autour, elle d'un minestrone ; moi d'une tartine grillée au brie et à la roquette. Comme d'habitude, j'ai pris note de quelques discussions et j'ai oublié tout le reste... 
Comme toujours, les conversations présentes dans ce blog sont entièrement reconstituées à partir de quelques mots-clés disparates inscrits à la va-vite sur mon téléphone portable (parfois, en les relisant, je ne sais même plus ce que je voulais dire). Je me demande donc jusqu'à quel point ces discussions retranscrites reflètent une quelconque réalité. Réponse : elles ne reflètent rien du tout, si ce n'est mon état d'esprit à l'instant où je les retranscris. Retranscrire une discussion à partir de ce qu'on a gardé en mémoire ne vaut rien, historiquement parlant, à moins d'avoir une mémoire qui fonctionne comme un magnétophone. Lorsque je décris ces conversations, j'élude — consciemment ou inconsciemment — des moments plus "faibles", des tergiversations ; je supprime les "euh" et les hésitations ; je rajoute des mots qui n'ont jamais été prononcés ; j'intercale des idées que j'avais en tête mais que je n'ai jamais exprimées oralement lors de la discussion ; j'en rajoute d'autres que je n'ai même pas eues, des idées qui me sont venues après coup, sur la route du retour ou bêtement en écrivant ce texte ; je prête à mon interlocuteur des phrases qu'il ou elle n'a jamais prononcées... Sur le plan de la technique de retranscription, on repassera.
* * *  
« Je me dis que j'ai beaucoup de chance, que mes différents boulots se sont succédé rapidement. Je suis contente d'avoir un travail aujourd'hui.
— C'est vrai que pour le moment, nous n'avons jamais vraiment été inquiétés, nous avons tous trouvé un travail assez vite après l'unif...
— Je parlais plus à titre personnel. Je crois que j'en aurai toujours un, que je n'aurai jamais plus de difficultés à en trouver un désormais.
— C'est un peu...
— Oui, c'est un peu égoïste de penser comme ça, alors que plein de monde trime en ce moment.
— Ha oui... En effet... mais ce n'est pas ça que j'allais dire. Je ne serais pas aussi certain que toi.
— Oui bon... J'en aurai toujours un, sauf s'il m'arrive quelque chose d'imprévu.
— Oui, ou... sauf si toute notre société s'écroule et qu'il n'y a plus rien, plus aucune organisation sociale telle que nous l'avons connue, plus rien qui permettrait d'avoir un travail.
— C'est un peu catastrophiste.
— Pour revenir à un exemple personnel, prenons mon boulot : culture, patrimoine, archives... La grande partie de mon salaire provient de subventions publiques. Si vraiment ça va mal (et ça va mal), je ne donne pas cher de ces subventions... Et de plus en plus de gens se retrouvent effectivement dans cette situation. »
Hier au Bistro des Restos, Mary me disait : "J'ai une vie toute tracée, une carrière qui se dessine devant moi. Je suis confiante." — Qu'est-ce qui permet une telle confiance, une telle certitude en son bonheur futur ? —  La jeunesse ?
* * *
« Je me suis souvent demandé comment les humains vivaient les périodes de déclin, s'ils s'en rendaient seulement compte ? Avec le recul, on peut porter un jugement assez correct sur le déclin : "Telle ou telle civilisation à telle ou telle période subissait un déclin économique, culturel, voire général, etc." ; "Rome était en déclin à cette époque" ; "La situation internationale en 1938 était tendue"... Mais sur le moment même, peut-on se rendre compte de ce que les historiens écriront sur notre époque, à tête reposée ? Suis-je simplement pessimiste ou suis-je réaliste ?
— Tu es un pessimiste...
Bah ! Je ne sais pas. J'ai l'impression que l'Europe va s'écrouler, que nous vivons une sorte d'époque-pivot vers je ne sais quoi d'autre. Mais ce n'est peut-être qu'une impression, un mirage ?  Parfois, je me dis que j'interprète le Monde comme ton ancien pote, là, le Namurois...
— Oui, sauf que lui, il n'a pas de travail et a plus de raisons d'être pessimiste.
— Vu comme ça...  
(Peut-être que l'Occident vivra encore des siècles derrière les remparts d'une société néolibérale post-moderne technocratique sans aucune autre saveur que celle de l'argent et de la satisfaction matérielle ? — Pour autant que ceux-ci aient une saveur, justement.)
— J'ai discuté de "tout ça" avec mon père il y a peu, ajouté-je. Il a dit un truc intéressant : qu'on en était un peu au même point qu'avant la Révolution française ; que ce que beaucoup de gens expriment aujourd'hui, parfois maladroitement, c'est l'énervement, l'agacement, voire la haine face aux privilèges. Ils ne savent qui cibler exactement, mais ils se rendent parfaitement compte du fossé entre ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts et ceux qui ont le cul dans le beurre ; ou entre ceux qui ont accès à certains biens ou à certains travaux et les autres... Une étincelle, et boum ! »
Je me complais dans le romantisme. Je m'imagine souvent face aux éléments déchaînés, incontrôlables de la nature et de l'histoire. J'imagine les affres de la guerre, la chute de la civilisation ou bien la révolution. Ensuite, je me vois à l'intérieur de ce flot, sans vraiment y être. Je suis en train de me noyer dans cette rivière d'éléments chaotiques mais je ne peux rien faire d'autre que d'observer ma propre noyade, sereinement. Si nous vivions une guerre ou une catastrophe, comment me comporterais-je ? Impossible de le savoir mais parfois, une pensée me traverse l'esprit : "Au moins, je ne m'ennuierais plus."

Critère de démarcation amoureuse

Ce matin, mon train arrive avec un quart d'heure de retard à Liège. Je me rends donc, comme d'habitude — plus par acquit de conscience que pour autre chose — à un guichet afin d'obtenir mon attestation de retard. Du coin de l'œil, je vois le couillon antipathique de droite (LCADD™) arriver par ma droite (forcément). Je sais ce qu'il va demander (une attestation de retard), je sais ce qu'il va dire ("Et vous mettrez 20 minutes et non 15 sur le papier car demander l'attestation demande du temps") et je sais que je vais dire, à un moment ou à un autre : "Oh, pitié !"

Moi : Bonjour ! Ce serait pour avoir une attestation de retard pour le train qui vient de Bruxelles-Midi.
La dame du guichet : Pas de problème. Combien avait-il de minutes de retard ?
Moi : 15-20 minutes, je dirais.
La dame : Je vais vous mettre vingt minutes.
LCADD™ (qui n'a pas entendu) : Et vous mettrez 20 minutes et non 15 sur le papier car demander l'attestation demande du temps !
(L'événement est-il contenu dans l'attente ?)
La dame : Bonjour d'abord, Monsieur.
Moi : Oh, pitié !
(Mon patron, blablabla... Retard effectif.)
LCADD™ : Il faut bien comprendre que mon patron regarde le retard effectif.
Moi : Mais pitié, quoi !
La dame : Voilà votre attestation, Monsieur.
Moi : Merci ! Bonne journée. Et bonne chance aussi !

* * *
 
Constat : à chaque fois que je suis en retard à cause de mon train, je rencontre la jolie — selon mes critères — stagiaire en bibliothéconomie originaire des cantons de l'Est. Est-ce de la sérendipité ? Aujourd'hui, elle se rend à deux examens : celui d'archivistique et celui d'histoire (marrant).

L'examen d'archivistique est de la pure rigolade : un syllabus d'une quinzaine de pages à étudier, avec en prime la connaissance, bien avant l'examen, des questions qui vont être posées. Elle sait donc à peu près à quoi elle va devoir répondre : "Quels sont les trois principes fondamentaux de l'archivistique ?" (le respect du fonds, de sa provenance et de son organisation interne, fastoche !) ; "Quels sont les trois âges des archives ?" (archives courantes, intermédiaires et définitives), et : "Qu'est-ce que la règle des 100 ans ?" (l'obligation, sauf dérogation, d'attendre cent ans avant la consultation d'archives d'état-civil). Cependant, ils devront développer leurs réponses (faut pas déconner non plus).

* * *
Mary me rejoint vers 20h30 au Bistro des Restos. Nous buvons un verre puis quittons l'endroit (beaucoup trop bruyant pour mes oreilles sensibles) et nous rendons dans un bar plus calme et plus "pépère" : le Supra Bailly... (Quand je vais dans un café, c'est pour discuter, pas pour avoir de la musique qui me gueule dans les oreilles. — Deviens-je un vieux con ? Tout semble indiquer que oui.)

Durant toute la soirée, la discussion tourne autour des relations de couple, de l'amour... C'est souvent le cas avec Mary (une romantique trash). 

« Pour le moment, je ne suis intéressée par personne. Je n'ai pas une seule personne en tête. Je ne suis pas amoureuse.
— Oui, tu m'avais déjà dit ça...
— Beaucoup de femmes sont comme moi, tu sais... »

« Et Léandra, ça va ?
— Bah... Oui.
— Elle est toujours avec son mec ? 
— Ouaip, elle est toujours avec Jonas. 
— Et ça va ?
— Pour le moment, ça a l'air d'aller, oui... Plus ou moins... 
— Plus ou moins ?
— Y a des trucs qui l'emmerdent, comme cette histoire de cadeau. Il ne lui a toujours pas offert de cadeau pour son anniversaire...
— Putain, c'est trash : je suis comme elle. J'ai déjà reproché ça à mon ex, moi aussi ! »

« Et Emily ?
— Oui ?
— Tu la vois toujours ?
— Oui, évidemment... Je la vois souvent, Emily... Je l'ai vue mardi, par exemple.
— Et ça va ?
— Ben oui, ça va. Pourquoi ? » 

« C'est très curieux, je te jure ! C'est la première fois que je le vois sortir avec une autre femme...
— Hmmmm...
— Hamil, putain, tu ne te rends pas compte ! Ils se touchaient et tout, et ils se roulaient des pelles grave, quoi...
Ça arrive...
C'était bizarre...
Mais quoi à la fin ? T'es jalouse ?
Non, non... C'est juste que c'est très space de le voir avec quelqu'un d'autre, en me disant que je pourrais être elle... Que j'ai été elle. Tu comprends ? » 
(Oui, je comprends très bien.) 

« J'ai trouvé une méthode pour savoir si je suis intéressé par une femme ou pas. En gros, ça consiste à l'imaginer avec quelqu'un d'autre et de voir ce que cet état suscite en mon for intérieur. Si ça me rend triste, c'est que je ne conçois pas entièrement le rapport comme une simple relation d'amitié. 
(Et si je suis déprimé, c'est que je ne le conçois pas du tout comme une relation d'amitié.)
— Moi, ça ne fonctionnerait pas. Par exemple, je peux être très triste si un ami sort avec une fille, parce que je sais que je le verrai moins à cause de cela.
— C'est que ce n'est pas vraiment un ami, alors... C'est qu'il y a plus, déjà.
— Non, je te jure. » 
(En tout cas, chez moi, cette méthode marche du tonnerre : elle me permet d'établir un critère de démarcation net entre amie et... euh... amie.)

« Chez beaucoup de femmes, les grands maigres, ça passe mal !
— Ha ? J'ai pourtant de flagrants contre-exemples !
Non, je te jure, Hamil, je suis normale à ce point de vue et franchement, les maigrichons, ça passe mal.
— Si tu le dis. » 

« Je me dis que le monde est profondément injuste, quand même ! Par exemple, moi, je n'ai pas de défaut : j'ai un beau corps, je n'ai jamais eu d'acné, je suis intelligente... Énormément de gens n'ont pas cette chance.
M'enfin !
— C'est inné : certains sont plus dotés par la nature que d'autres... On n'est pas tous égaux à la naissance. »
(C'est une des raisons d'être de l'État-providence, qui rétablit une certaine forme de justice sociale : nous ne sommes pas égaux à la naissance donc c'est à la société à l'État de rétablir l'équilibre.)
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Pneumatologie & sérendipité

À la pause café, au boulot, je parle du dernier épisode de "Mauvais genres", l'émission de France Culture que je me suis enfin mis à écouter, sur les conseils répétés de Yama, Andrew et Jonas. Le sujet de samedi dernier : les fantômes et autres spectres, qui reviennent hanter le monde des vivants parce qu'ils y ont, très souvent, une tâche à achever. Mon chef Lodewijk, qui a rédigé un mémoire en histoire sur la notion de purgatoire aux Temps modernes, confirme : quand il est question d'âmes perdues, revient de manière récurrente l'idée que si un esprit se retrouve coincé dans les limbes, entre deux mondes, c'est qu'il doit terminer quelque chose "ici-bas"... 

L'invité de la première heure, Daniel Sangsue (un nom qui colle assez bien au thème du jour), est professeur de littérature française moderne à l'Université de Neuchâtel en Suisse. Il est l'auteur d'un pavé de 636 pages intitulé Fantômes, esprits et autres morts-vivants (éditions Corti, 2011) et est présenté comme un spécialiste de la "littérature pneumatologique". La pneumatologie (du radical "pneumato-" pour : air, souffle) est la "science" des esprits, celle qui s'intéresse aux fantômes et autres apparitions spectrales, discipline très féconde au sein du monde littéraire français au XIXe siècle. — Car si ce siècle est, en Europe, celui des machines et de la technique, du matérialisme et du scientisme, c'est aussi dans une certaine mesure celui de l'âge d'or du spiritisme et de la nécromancie.


Ma collègue Charlotte a, comme d'habitude, des anecdotes étranges à raconter. Elle devrait les coucher sur papier, ces anecdotes — après "Les histoires extraordinaires de Pierre Bellemarre", voici "Les étranges récits de Charlotte" ! —, d'autant qu'elle a un talent certain pour l'écriture, malgré ce qu'elle affirme à tout bout de champ. Parmi plusieurs anecdotes, j'ai retenu celle de son compagnon qui, enfant, dormait dans une chambre créant chez lui une sorte de malaise... Et pour cause : il avait l'impression que quelqu'un/quelque chose effleurait son corps de temps à autre durant la nuit... Bien des années plus tard, il a fait dormir un ami dans cette même chambre. Le lendemain, ledit ami lui a dit : "Je ne sais pas ce qu'elle a, ta chambre, mais en tout cas elle a quelque chose de très bizarre !" 

Autre terme que je découvre en écoutant l'émission : la "sérendipité", qui désigne le fait de trouver tout autre chose que ce que l'on cherchait, grâce à un certain "hasard objectif" (curieux terme). Toute recherche poussée sur un sujet donné contient son lot de hasards heureux, non quantifiables ; son lot de sérendipité.

J'ai en tête un souvenir lié à la rédaction de mon mémoire de licence, consacré à l'histoire économique et forestière d'une seigneurie du nom d'Orchimont au bas Moyen âge (oui, je sais, c'est passionnant). Je vérifiais, à la Bibliothèque royale, une référence en note de bas de page dans un livre de l'historien René Noël intitulé Quatre siècles de vie rurale entre la Semois et la Chiers (1050-1470). Sur la même page, une autre note qui ne m'intéressait pas de prime abord attira mon regard : l'auteur y faisait brièvement allusion à un compte des dépenses et recettes du duché de Luxembourg au tout début du XVe siècle, contenant une dizaine de folios consacrés à Orchimont... — Je me souviens m'être dit sur le moment : "Mais ça change tout !" — Le dépouillement en urgence de ce document comptable aux Archives de France à Paris a transformé de manière fondamentale la vision que je me faisais de mon sujet. C'est aussi, je m'en rends compte désormais, un exemple parfait de sérendipité appliquée à la recherche en sciences humaines. 

Un autre exemple de sérendipité : une guêpe en gros plan prise 
en photo par Flippo en 2008 alors qu'il voulait simplement 
photographier le morne stade olympique de Montréal.
* * *

Le sympathique patron du snack vietnamien à côté de mon travail est la caricature vivante de l'asiatique qui tient un snack asiatique. Il ressemble à Mister Twang du City Wok dans South Park. Quand il rigole, il lance constamment de petits "Hihi-hihi !" et quand il parle, c'est en prononçant les "R" comme des "L". 

C'est également un homme qui retient tout. Exemple : il y a environ un mois, dix étudiants entrent dans son snack plus ou moins au même moment. Chacun leur tour, ils commandent dix plats différents, comme : "Un sandwich vietnamien mais sans salade et avec une sauce aigre-douce à la place de la sauce piquante, s'il vous plaît" ou : "Un bœuf aux légumes mais serait-il possible de remplacer les nouilles par du riz cantonnais ?" Un quart d'heure plus tard, le gars sert tout le monde, dans l'ordre de la commande et sans aucune erreur ! Aujourd'hui, c'est le calme avant la tempête (le rush, c'est à 12h30, à la sortie des cours). Il a donc le temps de parler un peu avec moi :

« Ha ! Vous êtes toujours en tee-shirt... Vous n'avez pas froid ?
— Non car dehors, il fait bon pour le moment.
— Oui mais il y a quatre semaines, vous étiez aussi en tee-shirt et il faisait beaucoup plus froid !
— Je travaille à deux pas...   
Et vous faites quoi dans la vie, comme ça ?
— Je suis historien, euh, pour résumer...
— Ha ! Donc, vous devez être le collègue de la dame à la queue de cheval qui me commande souvent des scampis à la sauce piquante !
— Oui, je vois très bien de qui vous voulez parler...
— C'est bien elle qui habite près du parc automobile ?
— Euh... Je n'en ai aucune idée. »

Quand il discute avec un étudiant, ça donne à peu de choses près ceci :

« Alors, comment s'est passé l'examen de taxonomie ?
— Très bien, merci...
— C'était bien hier à 10 heures que vous le passiez, hein, hihi ?

— Euh... Oui, oui... C'est bien ça. »

* * *

À 20 heures, je fais office de quatrième joueur sur un terrain de badminton, à Ixelles. Sont présents Flippo, Pietro et Don Camillo. Je joue comme un pied et j'ai mal partout...


À 21h30, nous rejoignons Emily et Walter au Café de l'Université. Ils sont en train de jouer à un jeu sur le smartphone de Walter quand nous arrivons (une sorte de jeu de go simplifié ?). Walter tire une tronche jusque par terre et ne parle quasiment pas de la soirée. La raison : sa candidature pour un travail qu'il convoitait n'a pas été acceptée.

Je ne raconterai certainement pas ici mes divagations de fin de soirée sur l'attrait irrésistible de la prestance bourgeoise et sur le charme des nez altiers, ni mes calembours ridicules (du genre : "Il divague... et dix vagues, ça ne fera jamais un tsunami"). Pour donner simplement le ton de la soirée, je ne reprendrai qu'une seule des nombreuses sympathiques discussions...

« (...) D'un autre côté, pourquoi en serait-il autrement ? Ce n'est pas parce qu'on est en vacances au Canada qu'on a plus de chance de baiser qu'en Belgique...
Hé ouaip...
— Les mecs qui séduisent plein de femmes en Belgique, hé bien ils peuvent en séduire plein ailleurs...
— Et l'inverse est donc vrai aussi.
— Pourquoi aurait-on plus de chance de faire l'amour au Canada qu'en Belgique ? À cause de "l'attrait du touriste étranger" ? 
— Oui, ou alors simplement parce qu'il n'y a pas vraiment d'attaches, et que la fille sait pertinemment bien que tu repartiras bientôt.
— Ha oui, vu comme ça... »

Donc, pour le prochain voyage au Canada, faudra que j'achète à nouveau des préservatifs, comme la dernière fois, au cas où il pourrait peut-être éventuellement se passer quelque chose... (Et comme la  dernière fois, au retour, j'en ferai des ballons, histoire de ne pas les jeter !)

La journée de la vulgarité

Au boulot. Ce lundi est une journée de réunions : réunion d'équipe, réunion sur l'avancement du dépouillement en vue d'une publication que nous éditerons en fin d'année. Entre les deux : réunion sur la toute nouvelle organisation de la bibliothèque qui se trouve derrière mon bureau et celui de ma collègue Wynka.
* * *
Maison du Peuple de Saint-Gilles. Plein de monde. Je m'installe à l'une des seules tables encore inoccupée du café, en face du bar. Je profite de la solitude pour terminer l'écriture de ma journée d'hier.
Léandra me téléphone :
« Hamilton, ça va ?
— Ouais, ça va...
— Tu fais quoi de beau ?
— Je suis à la Maison du Peuple... J'écris.
— Et c'est calme ?
— Hé bien là, en fait, non, pas vraiment... Il y a beaucoup de bruit et plein de gens qui parlent anglais autour de moi...
— Zut... Il faut que je travaille et je n'ai pas Internet chez moi...
— Pour le moment, c'est assez bruyant, mais ça va sans doute devenir plus calme dans une heure... Je ne bouge pas de toute façon...
Bon, j'arrive dans une demi-heure... »

Lorsque Léandra arrive, les eurocrates sont partis mais l'ambiance est toujours assez bruyante. Léandra a du mal à se concentrer quand il y a trop de bruit. Moi, c'est l'inverse : quand il y a du bruit, j'arrive à me focaliser sur quelque chose, voire même à me détendre... Souvenir d'enfance (mais pourquoi est-ce que je pense à cela maintenant ? peut-être parce que je n'ai rien de particulier à raconter ?) : un incendie se déclare dans la grange située derrière la maison de mes parents. Les pompiers arrivent, toutes sirènes hurlantes. La fenêtre de ma chambre donne sur l'allée de graviers qui mène à la ferme en feu, à quelques centaines de mètres de l'habitation... Je n'ai jamais aussi bien dormi de ma vie (façon de parler). Je me sentais en sécurité ; je m'imaginais comme dans un vaisseau spatial, protégé des éléments du dehors... Le tumulte extérieur et moi dans ma "chambre-cocon" : tout cela était terriblement apaisant.

* * *
« Ce jeudi, c'est la journée du compliment !
— Ha ?
Oui.
Ce serait bien de faire l'inverse... Le jour de... euh...
— ... de l'insulte ?
Oui, de l'insulte !
— Ou bien, comme les graphistes du Forem, un jour par semaine, la "journée de la vulgarité"... »

J'imagine la journée de jeudi à mon travail... Une collègue vient dans mon bureau et me dit : "Aujourd'hui, c'est la journée du compliment !" et au lieu de la complimenter, je lancerais : "Putain de bordel de merde de bordel de cul, fait chier, putain !" (Ça me rappelle quelqu'un mais qui ?)

* * *

« Il est presque minuit... Je vais prendre mon tram.
— OK ! Moi, je vais rester jusqu'au moment où ils me mettront dehors...
— Tu n'as pas fini ce que tu devais faire ?

— Non. Et si ça ne tenait qu'à moi, je continuerais jusqu'à cinq heures du matin...
— Et tu as besoin d'Internet ?
— Ben je fais des captures d'écran à longueur de temps alors...
— OK... Bon, hé bien salut !  »
Une bizarrerie : laisser Léandra seule sur son PC à la Maison du Peuple à 23h49. J'ai l'impression de partir tôt.

Contact furtif avec la horde

Train Charleroi-Bruxelles de 16h40. Je m'installe, bien à l'avance, dans un wagon presque désert. Dix minutes plus tard, débarquent six adolescents qui parlent fort. Je relève les yeux de mon livre pour vérifier qu'il s'agit de jeunes "ordinaires". Mon esprit ne fait qu'un tour : il ne s'agit pas de jeunes ordinaires ! "Des scouts !" Et il en arrive d'autres, des sizaines (le terme est impropre mais je m'en balance) à ne plus savoir qu'en faire ! Et ils remplissent presque tout le wagon ! Un des moniteurs crie : 

« Y a un groupe "whist" ?
— Ouais, ici ! (Plusieurs garçons lèvent la main.)
— Mettez-vous là, alors.
— Groupe "Chant" ?
(Dieu tout puissant, non !)
— Ouais, nous on va chanter ! Hisse et haut, Santianoooo !
(Nooooon !)
— Prenez les deux banquettes, là ! »

Je remballe vite fait mon livre, mon PC et tout le reste. Un scout me regarde ranger mes affaires sans dire un mot ; je le regarde à mon tour. Il me fait des yeux de merlan frit ; sans doute en fais-je autant. C'est mon seul et unique contact avec la horde avant de m'enfuir du wagon infernal.

* * *

« Ha ! T'es passée chez le coiffeur ?
— Oui. (...) Je suis allée chez un nouveau coiffeur dans la rue de l'Unif... Avant, j'allais chez Olivier Dachkin, mais un des coiffeurs là-bas n'était pas net.
— Pas net ?
— Oui, la dernière fois, il avait un coquard à l'œil. Et je voyais bien qu'il cherchait la bagarre avec certains clients. C'est con, mais je n'aime pas que quelqu'un en qui je n'ai pas confiance chipote dans mes cheveux, me les lave, tout ça...
— Oh, c'est loin d'être con... Les cheveux, c'est quand même quelque chose de très personnel. (Première phrase bateau de la soirée.)
— Voilà ! Sinon, à part ça, c'est toujours honteusement cher de se faire couper les cheveux quand on est une femme. J'ai payé 46 euros alors que, bon, j'ai quand même des cheveux courts.
— Hé oui ! Si j'avais voulu faire la même coupe, ça ne m'aurait même pas coûté 20 euros ! 
— L'avantage d'être un homme...
— Ouais, nous avons moins de frais pour certains trucs... C'est un peu comme le gynécologue : nous n'avons pas besoin d'y aller... » (Deuxième phrase bateau.)
* * *

« Ils font vraiment tout pour se toucher le moins possible durant le rapport...

— Un simple emboîtement de corps humains, mais ce n'est pas toujours le cas... 
Moi, ça ne m'intéresse vraiment pas, dit Emily. Je ne trouve pas du tout ces films excitants...
— J'ai l'impression que les femmes sont beaucoup moins attirées par le porno que les hommes. (Troisième phrase bateau.)
— Les femmes sont beaucoup moins visuelles que les hommes.
— Je me demande si c'est vrai...
— Ça a été prouvé scientifiquement par plusieurs études, répond Walter.
— C'est peut-être avant tout à cause du public visé initialement par la plupart de ces films ? Peut-être que s'ils étaient tournés autrement, moins centrés sur la sexualité masculine, ils pourraient intéresser le public féminin ?
— Franchement, je ne suis pas convaincue... Et un autre problème, c'est que beaucoup de jeunes croient...
Ha ! je sais ce que tu vas dire : que beaucoup de jeunes croient qu'ils doivent faire l'amour comme dans un film porno "classique" ? En prenant des positions débiles et des airs de macho ?
— Oui, et aussi qu'ils croient que tout se joue sur la performance... Que l'homme est celui qui doit "assurer" à tout prix...
— Encore une fois, je me demande si c'est vrai, si la pornographie joue à ce point un rôle sur la façon de concevoir le rapport sexuel... 
— Beaucoup d'hommes aujourd'hui sont obnubilés par la taille de leur sexe, mais c'est ridicule, dit Walter.  »
N'est-ce pas une question d'éducation sexuelle, tout simplement ? Et aussi, de manière plus générale, d'éducation aux médias, quels qu'ils soient ? J'ai regardé des films de cul bien avant d'être majeur (comme la très grande majorité de mes amis d'école secondaire) mais jamais il ne m'est venu à l'esprit ni à l'esprit desdits amis, pour autant que je sache que ces films traduisaient la réalité de la relation sexuelle ; jamais je ne me suis dit qu'ils étaient autre chose que ce qu'ils étaient, à savoir la représentation crue d'actes sexuels joués par des acteurs, à des fins d'excitation... Et force est de constater que ça marchait/marche plutôt bien. J'ai sans doute pensé, lors des premiers visionnages, mi-émerveillé, mi-estomaqué : "OK, c'est comme ça qu'une pénétration se passe réellement", mais jamais : "Il faut que je me comporte comme ces acteurs durant un acte sexuel". Qui pense cela, franchement ?

Ne peut-on rapprocher ces questions de celles concernant l'influence des jeux vidéo sur les gamins ? Dans ma jeunesse, j'ai "tué" des milliers d'humains en jouant à des FPS (abréviation de "First-person shooter" et non de "Femmes prévoyantes socialistes"), j'ai "mitraillé" — simple exemple —  des civils sans défense dans Command & Conquer quand je prenais le contrôle des troupes de la Confrérie du Nod, etc. Est-ce pour cela que je suis incapable d'avoir une éthique, que je suis un psychopathe, que je ne puis différencier le monde virtuel du monde réel ?

(Note pour plus tard : écrire un article sur la pornographie. Mais, mais, mais je dois encore écrire celui sur les liens entre philosophie et science-fiction... J'empile des textes dans ma liste estampillée "À faire" sans être certain de pouvoir les développer un jour.)