"Nue dans un tonneau garni de clous pointus"

Ce samedi après-midi, ma fille Gaëlle, ma mère, ma grand-mère et moi (quatre générations en ligne directe) allons nous promener à l'abbaye de Maredsous, monastère dont les tours se dressent joliment sur un surplomb boisé de la pittoresque vallée de la Molignée, dans l'Entre-Sambre-et-Meuse.
Arrivés sur place, nous passons avant tout par la boutique de l'abbaye. Ma mère et ma grand-mère offrent une série de babioles hideuses à ma fille : une bague, une figurine de fée made in China — un symbole païen dans un des centres de la chrétienté occidentale, mais où va-t-on ? —, un camion en plastique... De mon côté, je ne peux m'empêcher d'acheter une chope en terre cuite, colorée en bleu, qui ira rejoindre ma petite collection de verres à bière. 

Mes études d'histoire médiévale ressurgissent et j'ai également envie d'acheter une partie de la librairie, non pas les livres sur sœur Emmanuelle mais une bible œcuménique, un petit livre bleu contenant la règle de saint Benoît et des versions commentées des quatre évangiles... Je me retiens néanmoins car 1) je n'aurai pas le temps de les lire et 2) je ne sais pas ce que valent ces éditions sur le plan scientifique... 

Nous allons nous installer à une table pour boire un verre, à l'intérieur de la cantine proche de la boutique. La salle est majoritairement remplie de vieux. Par-ci, par-là, quelques nonnes et, en face de notre table, un groupe de jeunes anglaises (ça rafraîchit). Nous irons ensuite boire un deuxième verre dehors, pour profiter des premiers rayons de soleil de l'année...

« En quelle année a-t-elle été fondée, cette abbaye ? demande ma grand-mère.
— Vers la seconde moitié du XIXe siècle, je dirais, en gros.
— Ha ? Je croyais qu'elle datait d'avant la Révolution française...
— Maredsous ? Ha, non, c'est à coup sûr beaucoup plus récent ! La plupart des bâtiments sont de style néo-gothique, en vogue au XIXe siècle. C'est une abbaye bénédictine, mais assez nouvelle donc. Peut-être y avait-il une implantation religieuse avant ces constructions, mais ça m'étonnerait... En fait, tout ici est faussement vieux, sauf peut-être certains moines et certains visiteurs. »  
L'abbaye de Maredsous fut fondée par l'abbaye allemande de Beuron le 15 octobre 1872, avec le considérable appui foncier et financier de la famille Desclée : l'industriel Henri-Philippe Desclée (1802-1873) et ses deux fils, Jules (1928-1911) et Henri (1830-1917), entre autres fondateurs à Tournai d'une maison d'édition spécialisée dans la littérature chrétienne. En une phrase : ils étaient très riches et très catholiques. (Pour plus d'informations, voir ICI.) La construction de l'abbaye fut achevée en 1892 sous l'égide de l'architecte Jean-Baptiste Béthune, un des maîtres belges de l'art néo-gothique. L'implantation d'une abbaye dans ce coin de la Belgique s'inscrit dans le renouveau du monachisme belge à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, renouveau qui englobe aussi, par exemple, la reconstruction de l'abbaye d'Orval sous la responsabilité de Marie-Albert van der Cruyssen, même si les activités religieuses régulières sur le site d'Orval plongent leurs racines dans le Moyen âge, contrairement à Maredsous.
Et la fameuse bière de Maredsous, qu'ils servent dans des chopes en terre cuite agréables au toucher, elle aussi est néo-gothique ? Non, mais — anecdote amusante —, contrairement au fromage, la bière n'a jamais été produite à Maredsous, ni même en Wallonie. Sa production a été confiée dès les origines (1963) à la brasserie Moortgat (province d'Anvers), qui brasse également la Duvel. De fait, il suffit de comparer la forme caractéristique de la bouteille de Duvel avec celle de la Maredsous pour avoir un sérieux indice quant à leur lieu de production commun. 

* * *

Hier, mes histoires racontées à Gaëlle au pied de son lit étaient purement et simplement catastrophiques : aucune idée, aucun scénario, aucune construction, à tel point que ça ressemblait presque à un dessin animé de Butch Hartman. Aujourd'hui, pour remédier à la situation, je survole au préalable deux contes de Grimm : La Gardeuse d'oies (voir ICI ou ) et Frérot et Sœurette, deux belles histoires dont l'happy end est bien "trash", comme dirait l'autre. Je ne peux m'empêcher de résumer ici La Gardeuse d'oies (ou Gardienne d'oies selon les versions) :
Une jeune et jolie princesse en âge de se marier est envoyée par sa mère la reine dans un royaume lointain pour épouser un jeune prince. Avant son départ, la princesse reçoit de sa vieille maman des objets précieux en guise de dot ainsi qu'un cheval intelligent du nom de Falada, qui a — c'est magique ! — la faculté de parler. La vieille reine adjoint également à sa fille une camériste (une servante) pour les besoins du voyage et lui donne enfin un mouchoir imprégné de trois gouttes de son propre sang, censées lui apporter force et protection tout au long du trajet.

Durant le voyage, la princesse perd son mouchoir alors qu'elle boit à un ruisseau. La camériste le remarque et, sachant alors que sa maîtresse n'est plus protégée par le sang de sa mère, en profite pour l'attaquer et la forcer à échanger ses vêtements avec les siens. Elle l'oblige également à promettre de ne jamais raconter cette triste péripétie à quiconque. — Ouuuuh, la méchante !

Lorsqu'elles arrivent au château du roi étranger, la camériste déguisée en princesse devient la fiancée officielle du jeune prince, pendant que la vraie princesse, en haillons, est reléguée à la garde des oies du château — quelle honte ! La camériste déguisée en princesse est vraiment très, très pas zentille, alors elle ordonne à l'équarrisseur  — tadaaam ! — de couper la tête de Falada le cheval, car elle sait que la brave bête a tout vu et pourrait donc révéler la vérité. Le vraie princesse arrive néanmoins à faire en sorte que la tête de son cheval adoré soit accrochée à l'une des portes de la ville, afin qu'elle puisse toujours l'observer et lui parler lorsque, chaque jour, elle promène ses oies hors les murs. 

Ainsi, chaque matin et chaque soir, en compagnie d'un autre gardien d'oies du nom de Conrad, elle salue la tête de son cheval par une phrase du genre (ça dépend des versions) : "Ô, mon Falada, comme tu es cloué là !", à laquelle Falada répond par ces mots : "Ô princesse, ma princesse, comme tu vas là, si ta mère savait cela, son cœur se briserait en éclats !". Il y a également un épisode très amusant durant lequel Conrad, à plusieurs reprises, essaie d'attraper l'un des cheveux d'or de la princesse, en vain... (Est-ce une métaphore sexuelle ? — Oh bah oui, sans doute, hein !)

Toujours est-il que Conrad finit par parler au roi et que ce dernier convoque la princesse gardienne d'oies pour lui demander la raison de son comportement bizarre  — car parler à la tête d'un cheval ne se fait apparemment pas dans ce royaume, surtout si l'animal répond par une réplique encore plus étrange, en faisant rimer certains mots... La princesse a promis de ne rien dire, alors elle ne dit rien  — ça, c'est de la promesse ! — mais le roi trouve un subterfuge : il propose à la princesse d'exprimer ce qu'elle a sur le cœur auprès d'un poêle (!). Le roi, qui est sorti de la pièce, entend néanmoins la confession de la jeune femme en plaçant subtilement une oreille contre le tuyau de la cheminée : il apprend alors que la princesse s'est vue dans l'obligation de changer ses vêtements avec ceux de la camériste, qui est une vile usurpatrice, etc.

Et c'est là que ça devient gore : le roi convoque un banquet auquel tout le monde est prié d'assister (la vraie princesse, la camériste qui a usurpé son rôle, le prince...). Le roi demande alors à la camériste, qui ne se doute de rien : "Que peut valoir une servante qui aurait trompé tout son monde ?" Réponse de la camériste (un rien stupide, pour le coup) : "Elle ne vaut pas mieux que d’être placée nue dans un tonneau garni de clous pointus attelé à deux chevaux blancs qui la traîneront de rue en rue jusqu’à ce que mort s’ensuive". Ni une, ni deux, la sanction est appliquée à la camériste... Et tout est bien qui finit bien, youpie !

La semaine prochaine, je vous raconterai l'histoire de Frérot et Sœurette, dans laquelle il est notamment question d'un petit garçon transformé en chevreuil, d'un roi qui propose à une petite fille de devenir son épouse (mais quel âge a-t-elle, bon sang ?), d'assassinat politique (par crémation) et, une nouvelle fois, de justice royale sans pitié : on brûle la sorcière et on conduit sa fille dans la forêt où les bêtes sauvages la déchirent en mille morceaux... Haaaa, les contes de jadis, y a pas à dire : ça avait de la gueule, crévindiou !

Nickelodeon, piège à...

Pour que vous compreniez un tant soit peu mon désespoir et ma peine, il faudrait tout d'abord que vous preniez le temps de visionner quelques unes des abominations que les programmateurs passent à longueur de journée sur la chaîne Nickelodeon, que ma fille adore... 

Commençons par la plus horrible de toutes : le clip d'une certaine Victoria Justice intitulé "Freak the Freak Out", qui apparaît à chaque fois qu'il y a un espace disponible entre deux séries. Victoria se plaint qu'on ne l'écoute pas ("I scream your name but you never listen!") : bigre, je comprends pourquoi ! Tout dans ce clip, musicalement comme esthétiquement, pue tellement la grosse daube formatée, que ça ne vaut même pas la peine d'en faire la critique...



Ensuite, il y a les dessins animés de Butch Hartman, créateur d'animations "à la chaîne" — un fordiste de la série animée, en quelque sorte —, telles que Danny Fantôme (Danny Phantom), Mes parrains sont magiques (The Fairly OddParents) ou encore T.U.F.F. Puppy... Comment peut-on diffuser de tels bêtises mal ficelées, mal scénarisées, mal dessinées, mal animées et si peu originales ? Et aussi : comment ces séries peuvent-elles avoir tant de succès ? Tout cela me dépasse... 

La plupart des personnages se ressemblent, tant dans leurs expressions corporelles que dans leurs manières de s'exprimer et de penser... En trois mots : ils sont interchangeables. Et il ne se passe pas trente secondes sans que l'un d'eux s'excite comme un fou furieux, en faisant au passage de nombreuses mimiques exaspérantes et d'horribles contorsions disproportionnées. La plupart des protagonistes ressemblent donc soit à des psychopathes, soit à des débiles mentaux, voire aux deux à la fois...


Cerise sur le gâteau : cet après-midi, Gaëlle regarde Tintin de Spielberg à la télévision. La première fois que je l'ai vu ("je m'suis jetée sur lui dans la rue" ?), c'était au cinéma et j'en ai gardé un très mauvais souvenir. Aujourd'hui, c'est encore pire : non seulement je trouve l'intrigue toujours aussi mauvaise — à la lisière du comique tellement elle est nulle — mais en plus, je me rends compte d'autres détails navrants, comme certains mouvements de personnages qui sont totalement ratés car artificiels — ha, cette sensation récurrente d'être dans un jeu Playstation® ! — ou des phrases qui tombent à plat, comme la fameuse réplique de Haddock : "Il y a quelque chose que vous devez savoir à propos des échecs, Tintin : il ne faut jamais se laisser abattre." Amis des phrases bateau, bonsoir ! 
* * *
Gaëlle ne passe pas toute sa journée sur Nickelodeon, oh que non ! Elle joue également avec ses jouets. Ainsi, pendant une petite demi-heure, elle imagine que la Schtroumpfette est une experte mécanicienne qui répare les outils des autres Schtroumpfs. Gaëlle place une figurine de la Schtroumpfette dans une sorte d'atelier de réparation miniature qui fait partie de ses jouets. Ensuite, elle aligne les figurines des autres Schtroumpfs en file indienne devant ledit atelier. Gaëlle dit alors à plusieurs reprises : "Elle est très douée, la Schtroumpfette, elle fait ça très bien, donc elle a beaucoup de clients !" (Ne pas pouffer de rire, ne pas pouffer de rire, ne pas pouffer de rire...)

Gaëlle veut aussi nous faire jouer, ma maman et moi, à un jeu de société de son invention, aux règles plus que floues. Elle a créé des cartes pour l'occasion, ainsi qu'une feuille de règles générales. Sur certaines cartes sont disposés des chiffres, qui correspondent au nombre de pas que l'on peut faire par tour ; sur d'autres, un transport en commun (un train par exemple...). Le but du jeu est de... Euh... Je ne sais pas vraiment... Se promener ? Faire quatre fois le tour d'un circuit ? Échapper au méchant ? Les règles changent au gré de son imagination...

"Simple comme bonjour", l'ancêtre du jeu auquel
Gaëlle veut absolument nous faire jouer.

Aucun feu ardent ?

Dernière journée de travail avant le week-end. Réunion le matin, création d'un formulaire Web l'après-midi. Entre les deux, un coup de fil de Lewis. Il a une très petite voix et parle d'un ton monocorde, comme si plus rien n'avait d'importance en ce monde... Extrait.

« Lewis, bonjour !

— Bonjour, mon grand. Es-tu repassé au badminton ces dernières semaines ?
— Non.
— Moi non plus, je n'y suis plus allé. Ça ne va pas très fort, tu sais.
— Ah ?
— Mon parkinson qui reprend malgré les médicaments et une relation qui n'a duré que 9 jours. Mais cela n'a pas d'importance. Comment vas-tu ?
— Ça va, ça va...
— Comptes-tu revenir au club un de ces jours ?
— Je ne sais pas. 
— Aucun feu ardent dans tes veines en ce moment ?
Pardon ? Désolé, je ne comprends pas la question...
— Tu n'as plus envie de revenir jouer ?
— Non, je n'arrive pas à me motiver. 
— Tu fais ce que tu veux, tu sais. Tu fais ce que tu veux.
— Je sais.
— Y a-t-il une femme dans ta vie en ce moment ?
(Toujours cette question récurrente !)
— Non, il n'y a personne.
(Toujours cette réponse récurrente !)
— Et cherches-tu quelqu'un pour refonder quelque chose ? 
— Non, je suis résigné à ce sujet...
(Je pense un instant continuer ma phrase par : "Je lis Wittgenstein, désormais, tu sais...", mais je m'abstiens. À la place, je lui dis :)
— En fait, pour tout dire, je n'ai jamais vraiment cherché...
— As-tu pensé à l'ordinateur ? Je n'y connais rien, mais toi, tu aimes les ordinateurs...
(Pendant un quart de seconde, j'imagine qu'il me demande si j'ai déjà essayé d'avoir une relation sentimentale voire sexuelle avec mon PC... Puis TILT.) 
— Ha ! Tu parles des sites de rencontre ? Non, je sais que ça ne fonctionnerait pas. Je ne tombe pas amoureux d'un cerveau... Ou en tout cas pas d'un cerveau sans ce qui va autour.
(Définitivement bizarre, cette conversation...)
— Tu sais, Hamilton, les femmes sont constamment intéressées par le physique mais nous, les hommes, nous nous en désintéressons assez tôt pour nous rendre compte de la beauté féminine en tant que telle...
— Ha. »
(Mais où va-t-il chercher tout ça ?)
* * *
 
Le soir, chez mes parents, avec Gaëlle, ma maman est en train de servir le repas quand mon cousin Fab (celui qui en ce moment construit presque tout seul sa nouvelle maison en annexe de la bâtisse familiale) débarque dans la salle à manger. Il a l'air très contrarié (c'est un air général chez lui) et s'adresse à mon père :
« Tu ne veux pas venir voir ? Tu t'y connais en champignons ?
— On va manger... Je viendrai voir après...
— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je.
— Il y a peut-être de la mérule dans la construction, voilà ce qu'il y a ! Tu ne t'y connais pas en mérule, toi, par hasard ?
Ha bah ! Je m'y connais un peu en archivistique, donc un peu en champignons. J'ai déjà lu des trucs théoriques sur les différents types de moisissures qui attaquent le papier, comme la mérule, mais bon... De là à la reconnaître sur le terrain, dans une maison en construction... Euh...
— Allez, viens jeter un œil alors. » 

Fab se fraie un chemin au milieu du chantier en éclairant son passage à l'aide d'une lampe de poche. Il me montre une planche remplie de poils blancs cotonneux :

« Ha oui, c'est bien de la moisissure, dis-je.
Ouais, mais c'est de la mérule ou pas ?
— Bof. Ça ne ressemble pas à de la mérule... On dirait de la moisissure classique...
— On va aller voir en haut ! Viens.
(Nous revenons à l'extérieur de la construction, devant une échelle qui monte au premier étage.)
— T'as le vertige ? me demande mon cousin.
— Non, non, ça va...
(Une fois en haut, Fab désigne les poutres en bois, en passant son doigt par endroit sur la nébuleuse blanche qui constelle la partie inférieure de la charpente.)
— Ha ouais, putain, y en a beaucoup, constaté-je. Et ça ressemble à la moisissure d'en bas...
Regarde ça ! Dès que je passe mon doigt, ça vole dans tous les sens. Pffff. J'ai pas de chance. 
— Ce n'est sans doute pas la mérule. Juste une moisissure classique, mais je vais me renseigner ce soir... »

Je n'en sais pas plus que ça... Je sais qu'à son premier stade, la mérule est un champignon qui possède une consistance ouatée et qu'il est difficile de la différencier des autres moisissures moins dangereuses. Ensuite, on la reconnaît très facilement car elle se présente sous la forme de longs filaments plus foncés qui constituent une vraie saloperie pour le bois et la maçonnerie. Elle se développe plus facilement dans les vieilles constructions humides. Et la maison familiale est, de fait, une assez vielle construction, humide par endroit.

"Gibgoudsky ?"

Comic
À la pause-café, Sylvette parle des tout nouveaux intercalaires thématiques installés à l'intérieur des étagères de la bibliothèque :
« J'ai utilisé du Comic, parce que j'adore cette police de caractères.
Grrrr... Le Comic Sans MS... On aurait dû séquestrer le gars [Vincent Connare, qui porte assez bien son nom] à l'origine d'une telle chose.
— Pourquoi ?
— Parce que cette police est mal foutue. Elle ne respecte pas les standards en matière de typographie. Au départ, elle a été créée uniquement pour faire plaisir aux enfants... Mais aujourd'hui, plein de gens l'utilisent à des fins professionnelles. C'est de la perversion à l'état pur. »
(Vu un jour : un travail d'étudiant en bibliothéconomie entièrement rédigé avec du Comic Sans. Utiliser cette police de caractères dans un texte typographié, c'est un peu comme remplacer les points sur les "i" manuscrits par des cercles, ou bien encore signer en dessinant une fleur à la fin de son prénom.)
Au rythme du rail
À midi, Sylvette parle d'un restaurant à Rocourt :
« Ça s'appelle "Au rythme du rail" et c'est situé dans une ancienne gare. Une fois à l'intérieur, c'est un peu chic et ça n'a plus grand chose à voir avec le monde ferroviaire.
— Dommage qu'ils n'aient pas poussé l'idée jusqu'au bout, en servant les clients à l'intérieur d'un vrai train...
— Un restaurant dans un train, ça pourrait être amusant, lâche Lodewijk. Ils annonceraient les plats à l'interphone.
— "Mesdames et messieurs, le plat pour la table numéro 17 aura un retard de 42 minutes. Veuillez nous en excuser." Haha ! 
— "En raison d'un problème technique, le steak frite salade ne roulera pas ce jour !" 
Hahaha !
— "Suite à l'absence du cuisinier, la commande de la table numéro 4 est annulée."
— De temps en temps, un contrôleur passerait et ferait payer les gens, mais parfois, il ne passerait pas et le repas serait alors gratuit. »
(Sans déconner, ce serait un concept vraiment intéressant à développer.) 
Couette

À midi toujours, un constat : l'humanité se divise en deux camps inconciliables : ceux qui fixent solidement la couette à leur lit (et qui dorment comme piégés dans un forme de sarcophage de tissu) et les autres qui, à l'inverse, ne supportent pas d'être enfermés dans une couette. J'apprends également que Sylvette a déposé des coussins partout autour de son lit, et qu'elle possède un coffre entièrement rempli de sacs. Je lui demande donc tout logiquement :
« Et je suppose que tu as aussi plein de nounours dans ta chambre ?
— Oui, en effet, j'en ai des dizaines au-dessus de mes armoires. »
(De la part d'une femme qui adore le Comic Sans MS, rien ne m'étonne.)
Le pont d'Overtoun

«  J'ai vu un drôle de reportage, hier, sur TF1, raconte Lodewijk. Ça parlait d'un pont en Écosse du haut duquel les chiens "se suicident", en quelque sorte.
— Ha oui ! Je connais cette histoire...
— Plus de cinquante chiens y ont déjà trouvé la mort, apparemment. Certains, quand ils arrivent sur le pont, deviennent fous et sautent par-dessus le parapet, pour aller s'écraser sur les rochers quinze mètres plus bas...
Haha, c'est surréaliste !
— Y en a même un qui, un jour, a survécu lors de sa chute. Alors il est remonté sur le pont et a aussitôt ressauté !
— Et il est mort ?
— La deuxième fois, oui.  
— C'est très con...
— Dans le reportage, ils ne donnaient pas vraiment d'explications sur la raison de ces "suicides"...
— Il me semble avoir lu quelque chose à ce sujet, il y a longtemps, dans je ne sais plus quelle revue. Il était question de perception visuelle. Le pont est construit de telle manière que l'animal est bluffé et ne voit pas que c'est un pont ; que, derrière le parapet, le sol n'est pas de la même hauteur que sur le pont... »
(Impossible de retrouver cette explication sur le Web. D'autres explications sont avancées. Certains éthologues évoquent la possibilité d'une odeur qui attirerait les chiens. De nombreux fanatiques de l'explication paranormale affirment de leur côté que le pont serait en fait une porte vers un autre monde. Si c'en est une, elle ne fonctionne pas chez les toutous, en tout cas — à moins de considérer la mort comme un "saut vers un autre monde".)

Gibgoudsky
Chez Flippo, lors d'une soirée "pâtes aux champignons" destinée (entre autres) à organiser notre voyage au Québec, Pietro (l'invité surprise, architecte de son état) me regarde avec des yeux légèrement étonnés :
« Loudvik Gibgoudsky ?
Non... Ludwig Wittgenstein. J'ai un texte de lui sur moi si tu veux...
(Je sors l'ouvrage de mon manteau et le lui tends.)
— Tu te promènes avec ça tout le temps ? »
— J'en ai toujours un sur moi pour mes trajets en transports en commun, mais celui-là, je ne l'ai pas encore ouvert. Ça date de l'époque où il enseignait à Cambridge, dans les années 30. Il a réuni quelques uns de ses étudiants et leur a dicté des notes de cours ["de sorte qu'ils aient quelque chose à rapporter chez eux, sinon dans leur tête, du moins dans leur main" !]
(Pietro ouvre le livre...) 
Rolala... Pfiou... Il s'emmerdait pas, l'autre,  !
— En lisant une page prise au hasard, tu risques de ne pas comprendre grand chose. Déjà qu'en lisant dans l'ordre, c'est loin d'être évident...
(Il commence à lire à voix haute...)
A donne des ordres à B : il s'agit de signes écrits faits de points et de traits, et B obéit en faisant une figure grâce à un pas de danse particulier. Ainsi l'ordre " ." doit être exécuté en faisant tour à tour un pas et un saut ; l'ordre ". . —" en faisant tour à tour deux sauts et trois pas, etc. L'entraînement à ce jeu est "général" au sens expliqué en 41) ; et j'aimerais dire, "Les ordres donnés ne sont pas enfermés dans un domaine limité. Ils incluent des combinaisons de n'importe quel nombre de traits et de points." — Mais qu'est-ce que cela veut dire, que les ordres ne sont pas enfermés dans un domaine limité ? N'est-ce pas absurde ? (...).
(Il arrête la lecture et lance :)
Ha ouais : qu'est-ce que cela veut dire ? N'est-ce pas absurde ?
Hahaha ! T'es tombé sur un paragraphe assez comique. C'est quelle page ? Je le citerais bien dans mon blog...
— Page 166. 
— Bon, sinon, là, ça prête à rire mais, parfois, ça m'énerve prodigieusement de ne pas tout comprendre. Ça m'obsède, même. J'en parle partout, tout le temps : à mon boulot, à mes amis, sur Facebook, dans mon blog... Je dois emmerder tout le monde avec ça...
— Allez, Hamil, reviens au badminton avec nous le mardi ! Le sport, ça te détendra !
Ouais, tu as sans doute raison.  »
    
Blog

« "Hamilton's Diary"... Et tu écris quoi ? Un article par semaine ?
Non, le but de l'exercice est d'en écrire un par jour, en fait.
Un par jour ?
Oui, un par jour. Il y a plus de 300 articles pour le moment. Ça va bientôt faire un an que je tiens ce blog !
C'est un malade  », constate Flippo, s'adressant à Pietro.
(Ben ça fait plaisir, tiens !)

"Her surprise surprised me"

En guise de préambule, une "réponse" de l'ami Ludwig — ça faisait longtemps, tiens — 1) à l'idéalisme de Berkeley, 2) à l'ultra-scepticisme à l'encontre du monde matériel et 3) mais de manière plus lointaine évidemment au "simulacre de réalité" et au gnosticisme présent de manière constante dans les romans de Philip K. Dick (voir l'article d'hier) :
«  420. Mais ne puis-je pas imaginer que les hommes qui m'entourent sont des automates, qu'ils n'ont pas de conscience, même si leur manière d'agir reste la même qu'à l'ordinaire ? Si maintenant — seul dans ma chambre — je me représente une telle situation, je vois les gens vaquer à leurs occupations, le regard fixe (un peu comme en état de transe) — l'idée est peut-être légèrement inquiétante. Mais essaie donc de t'en tenir à cette idée dans tes relations quotidiennes avec les autres, dans la rue par exemple ! Dis-toi : "Tous ces enfants ne sont que des automates ; toute leur vitalité n'est qu'automatisme." Alors ces mots ne te diront plus rien, ou il naîtra en toi un sentiment d'étrangeté, ou quelque chose de voisin. (...) » (Recherches philosophiques, Gallimard, 2004)

Cette pensée rejoint la charge de Bertrand Russell contre le solipsisme, dans son livre Human Knowledge: Its Scope and Limits (1948) — tu te répètes, Hamilton ! Pour Russell, le solipsisme est psychologiquement impossible à soutenir. Russell utilise entre autres l'argument suivant : quelqu'un qui ne croit pas en une réalité extérieure à lui-même se trouve confronté à un paradoxe quand il communique avec quelqu'un d'autre (car pourquoi communiquer avec quelqu'un si on considère sa propre conscience comme seule réalité tangible ?). Pour expliciter ce paradoxe, il utilise un exemple comique (Russell est plus marrant —  et philosophiquement plus accessible aussi —  que Wittgenstein) :

«  As against solipsism it is to be said, in the first place, that it is psychologically impossible to believe, and is rejected in fact even by those who mean to accept it. I once received a letter from an eminent logician, Mrs. Christine Ladd-Franklin, saying that she was a solipsist, and was surprised that there were no others. Coming from a logician and a solipsist, her surprise surprised me.  »

J'ai dans l'idée d'écrire, un jour prochain, un article entièrement dédié à la philosophie dans l'univers de la science-fiction... Un sujet très fécond car en S.-F. littéraire, tous les grands courants de la philosophie sont représentés dans — au bas mot ! — un livre phare. Les idéalistes ont leurs idoles ; les matérialistes ont leurs dieux : dans la science-fiction, il y en a pour tous les goûts !

* * *

La matinée, je travaille à Bruxelles. Aux alentours de 10 heures, mes collègues Wynka et Sylvette doivent débarquer en camionnette en bas de mon appartement pour charger un lot de sept caisses d'archives anarchistes cédées par Zapata (ou plus exactement par l'association dont il est un des membres actifs) et stockées depuis des mois dans la chambre de ma fille. Pendant une demi-heure, je m'esquinte à descendre quatre étages d'escaliers avec à chaque fois une lourde caisse en mains — ne pas sous-estimer le poids de l'anarchisme. Je dépose le tout dans le hall d'entrée de l'immeuble afin que la camionnette, à son arrivée, n'ait pas à stationner trop longtemps en bloquant la rue. Une caisse se déchire en bas de l'escalier, répandant sur le sol tout son contenu, à savoir une centaine de revues anarchistes italiennes — la pensée anarchiste repose sur la destruction, parfois.

Mes collègues arrivent vers 10 heures, comme prévu. Nous chargeons rapidement le petit fonds d'archives dans la camionnette. Ensuite, nous rejoignons les locaux du PTB bruxellois pour charger un autre fonds : celui que je suis allé trier le vendredi 10 février en compagnie de Christiane et de Sylvette. Pour finir, nous repartons vers le boulot, dans la banlieue de Liège, non sans quelques problèmes pour quitter Bruxelles. À cause d'un GPS mal foutu ("Serrez à gauche. Serrez à droite. Tournez à gauche puis directement à droite. [...] Faites demi-tour dès que possible...") et de travaux dans le Centre-ville, nous tournons pendant une demi-heure à la recherche de l'autoroute.

* * *

Au Potemkine, grande salle du bas. C'est la fameuse soirée "jeux" du mardi. Vue de loin : la dame qui n'arrête pas d'arpenter le café pour expliquer les règles des divers jeux aux participants. Je suis seul ; je ne joue pas ; elle ne m'emmerde pas. J'écris ma journée d'hier sur le petit PC prêté par Léandra. Ils ont de la Chimay triple au fût mais seulement en 25 centilitres. (Et dire qu'Emily critiquait ce café pas plus tard que la semaine dernière !) Ils ont également augmenté considérablement leurs prix. Autre détail qui a son importance : le Potemkine est le seul café que je fréquente qui a le bon goût de passer du Can. Ainsi, en cours de soirée : "Moonshake" (ooooooh !).

Moonshake by Can on Grooveshark

Un des serveurs (celui qui, le 25 janvier, avait remarqué que j'étais passé de la Mc Chouffe à la Biolégère Dupont) fait le tour des tables avec un plateau pour ramasser les verres. Il me reconnaît et me lance un :

« Bonsoir !
— Salut ! Ça va ?
(Il fait tomber un verre vide, qui se fracasse au sol et éclate en mille morceaux.)
— C'est l'émotion ! », me dit-il.
(Ha bon ?)

* * *

« Hey !
(Je retiens la page de mon livre à l'aide du fil de mes écouteurs.)
Yep ?
Hey, salut ! Tu connais Diamant, la station ?
— La station près de Montgomery ?
— Ouais, dans le mille, mec ! Diamant, ce coin-là, quoi...
— Ouaip, je connais... Enfin, je vois très bien où c'est.
— Le 3 qui passe ici, il s'arrête bien par là ?
— Oui, mais faut changer de tram à Churchill pour continuer la route...
— C'est quoi ça, c'te plan de merde ? La STIB ! Putain, pfff...
— Le tram n'est plus direct, en fait. Faut prendre un 7 à Churchill, je crois, pour continuer...
Haaan ! C'est pas possible.
— Ouais. Moi aussi je trouve que c'est nul comme plan.
— Le métro, là, en bas, il a un problème, mon gars.
— S'passe quoi ?
— J'veux pas le savoir. C'est leur problème. Je veux rentrer, c'est tout. T'as vu le futal que je porte, mec ? C'est pas un truc pour sortir, ça... On m'a déposé en voiture ici puis je devais reprendre le métro direct, t'vois ?
Ouaip, je compatis...
— Et en plus il n'arrive que dans 12 minutes, le 3 ? C'est bien ce qu'il dit le panneau, là ?
— On dirait bien.
— Bordel.
— Et le 4, qui arrive, maintenant, il...
— ... Il passe par Vanderkindere et...
— Merci, mec. Je vais voir ça avec le chauffeur !  »

La réalité qui fuit

Ce lundi, mon train effectue un arrêt exceptionnel à Leuven et, pour cette raison (entre autres), arrive en retard à Liège. Comme d'habitude, je fais la file à l'accueil de la gare des Guillemins pour recevoir une attestation de retard. La petite navetteuse ronchonne, que je commence à connaître à force de faire la file avec elle pour recevoir ce bête papier, se trouve devant moi. Elle se retourne, me fait un clin d'œil et demande une deuxième attestation à mon intention. Puis elle me dit, avec un grand sourire sardonique :
« Tiens, vous savez pourquoi le train est en retard aujourd'hui ?
— Oui, parce qu'on a fait un arrêt à Leuven...
— En effet, mais pourquoi a-t-on fait un arrêt à Leuven ? Vous ne le devinerez jamais !
— Ha non, je ne sais pas.
— C'est à cause de trois gugusses qui ne sont pas foutus de savoir que leur train ne s'arrête pas à Leuven.
— Mais pourtant le contrôleur l'a clairement dit à Bruxelles-Nord, comme d'habitude !
— Hé oui, mais voilà : ces messieurs devaient aller à l'aéroport et n'écoutaient pas les annonces. Le train a donc fait un arrêt exceptionnel simplement pour qu'ils puissent prendre une correspondance vers Zaventem et ne ratent pas leur avion !
Woaw, ça c'est du service ! »
(La SNCB, une longueur d'avance... et des arrêts en plus.)
* * *


Ce soir, je suis invité à un souper chez Léandra. J'arrive à 19 heures pile, avec quatre Orval dans mon sac (ben voyons !). Jonas et Andrew sont également invités et arriveront un peu plus tard. Léandra nous prépare un repas japonais ou à tout le moins asiatique à base d'émincés de bœuf, de courgette, de gingembre, d'ail, d'oignons nouveaux, de tomates cerises, de champignons, de saké et de nouilles. Je l'aide d'abord à couper la courgette en de fines lamelles. L'exercice est périlleux : malgré le fait que j'adore cuisiner, je n'ai jamais été fichu d'éplucher un légume ou un fruit correctement (c'est-à-dire sans en perdre la moitié de la chair au cours de l'épluchage). Plus tard, j'aide également Léandra en tranchant ses tomates en deux parts égales. Je me sens d'une utilité monstre.

Jonas débarque alors que je coupe les tomates. Il me parle d'une émission radiophonique, sur France Culture, intitulée "Mauvais genres". Andrew l'a déjà évoquée à plusieurs reprises ("Il faut vraiment que tu écoutes cette émission ! Tu adorerais !" m'a-t-il déjà dit). Les sujets abordés sont en effet des plus intéressants ("deux heures de polars, mangas, comics, et autre littérature érotique et fantastique").

La dernière émission en date est consacrée à Philip K. Dick, un de mes auteurs de science-fiction favoris, maître de l'idéalisme terme à prendre ici dans son sens purement philosophique appliqué à ce genre littéraire. Tout (ou presque) dans l'œuvre de Dick est lié à la perception de la réalité et à son détournement — "Et si notre monde n'était qu'un simulacre ?", "Et si la réalité n'était qu'un décor ?" : ce genre de questions... La plupart de ses romans mettent en scène un héros ordinaire qui voit le monde de prime abord normalement mais qui, après un événement déclencheur, commence à se poser de sérieuses questions par rapport à ce qu'il perçoit, jusqu'à ce que sa réalité s'écroule et qu'il se rende compte de ce qui se trouve derrière la barrière de l'illusion Dick applique là une version moderne de la caverne de Platon ; c'est le George Berkeley de l'anticipation — son œuvre, c'est un Matrix ou un Truman Show avant l'heure (en beaucoup plus complexe)...

Jonas adore la science-fiction. Moi aussi. Pour une fois que je peux échanger des vues et des idées sur ce sujet, je ne m'en prive pas. Plusieurs romans de Philip K. Dick sont ainsi évoqués dans le courant de la soirée : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? [1968] (à l'origine du film Blade Runner) ; Le Maître du Haut Château [1962] (une uchronie dans laquelle l'Axe a gagné la Seconde Guerre mondiale et se partage le Monde ; les Japonais contrôlent la côte Ouest des États-Unis mais un écrivain, retranché dans sa résidence, raconte une tout autre histoire : celle de la victoire des Alliés) ; Ubik [1969] (dont est tirée la célèbre maxime : "Je suis vivant et vous êtes morts", qui est également le titre d'une biographie de Dick par Emmanuel Carrère)... Par ailleurs, je conseille à Jonas Le temps désarticulé [1959], car ce roman traite de manière oblique d'un sujet qu'il semble apprécier (c'est le moins qu'on puisse dire), à savoir la cryptanalyse.

Un autre point abordé est la similitude entre une partie du Bateau ivre d'Arthur Rimbaud et la réplique finale du réplicant Roy Batty dans Blade Runner, réplique qu'il lance à Deckard juste avant de mourir. Apparemment, je ne suis (évidemment) pas le seul à avoir fait cette comparaison. Cette influence du Bateau ivre sur une œuvre de science-fiction n'a rien d'étonnant, ni même d'original : Cordwainer Smith avait déjà utilisé ce poème dans une de ses nouvelles du cycle des Seigneurs de l'Instrumentalité, nouvelle dans laquelle un certain Artyr Rambo haha ! traverse ce curieux médium qu'est l'Espace3 dans le simple but de retrouver son amoureuse. À son retour, il ne peut déclamer que des parties du célèbre poème... (Un superbe hommage, qui devrait être lu par tous ceux qui considèrent — à tort la science-fiction comme une sous-littérature).

Le Bateau ivre de Rimbaud (extrait)

« J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
— Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! »

Blade Runner de Ridley Scott, dernière tirade de Roy Batty

« J'ai vu tant de choses que vous, humains, Ne pourriez pas croire. 
De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion ! 
J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, 
Briller dans l'ombre de la Porte de Tannhäuser !
Tous ces moments se perdront dans l'oubli,
Comme les larmes dans la pluie. (...) »

* * *

Andrew revient sur notre passé de cow-boys. Il explique à Jonas qu'à chaque fois que nous conduisions un troupeau dans l'Ouest sauvage — et nous en avons conduits, des troupeaux ! —, un animal ressortait toujours du lot, une bête avec qui nous nouions des liens particuliers. (Hé ! Le pervers qui rigole, là, au fond : t'es repéré, hein !) Ainsi en est-il d'une vache dont le souvenir vibrant résonne encore dans ma mémoire de manière vivace, même après les vicissitudes bigarrées de l'espace et du temps : un brave bovidé qui portait le doux nom de Bertha et que nous appelions affectueusement "la grosse Bertha" (elle était d'origine allemande).

Léandra (ou Andrew — je ne sais plus) utilise à un moment dans une phrase l'expression "avoir un tropisme". C'est Igor qui, apparemment, use et abuse de ce terme, au point d'avoir initié un effet de mode dans son entourage. "Tropisme" est ici utilisé dans le sens de : "attirance irrésistible pour [quelqu'un ou quelque chose]". Exemple : "J'ai un tropisme pour les Suédoises" ou : "J'ai un tropisme pour le café". C'est sympa à placer dans une discussion de salon mais, la plupart du temps, je trouve que ça fait pédant, sans plus... D'autant que ce mot (qui désigne à l'origine un processus de croissance à la fois physique et chimique touchant les végétaux) possède une définition assez précise : au sens figuré, un tropisme est une force inconsciente et irrésistible qui pousse quelqu'un à agir d'une certaine façon (André Gide). Peut-on dès lors dire que l'on "a un tropisme pour" ? Peu importe !

Après cette chouette soirée et ce repas délicieux, Andrew et moi laissons Léandra et Jonas vaquer à leurs occupations. Andrew est exténué et a commandé un taxi pour rentrer chez lui. Je comptais prendre un tram, pour me dire à la dernière minute que c'est somme toute un peu con... Je profite donc de la présence du taxi pour revenir chez moi en triple vitesse...

Villes et chevaliers

Je me réveille plusieurs fois cette nuit. J'ai gardé en mémoire deux bribes de rêve... Ou plutôt : ces bribes de rêve sont réapparues au cours de la journée. Des éléments — dont j'ai oublié la teneur par contre, c'est ça qui est drôle ! — me les ont remises en mémoire. 

Première bribe : je suis de nouveau à Disneyland® Paris, avec la même "équipe" que la dernière fois. Nous sommes aux Walt Disney Studios® et Walter veut absolument retourner dans la Tour de la Terreur (l'ascenseur infernal qui tombe en chute libre, voire "plus que chute libre"). Je demande : "On n'irait pas plutôt essayer la montagne russe qu'on n'a pas eu le temps de tester la dernière fois ?" — Walter : "Tu es certain que tu ne préférerais pas l'ascenseur ?" (Je suppose que ce rêve est en rapport avec l'ascenseur dans Le Roi et l'Oiseau, que j'ai revu hier avant de m'endormir.)
Seconde bribe : je marche dans une ruelle de Bruxelles. J'arrive à un petit carrefour. Sur un autre trottoir, de l'autre côté du croisement, j'aperçois Christelle en compagnie d'un très grand type tout mince. Je crois qu'ils se promènent main dans la main mais je fais semblant de ne pas le remarquer. J'essaie de les éviter, mais Christelle arrive en face de moi et me dit, avec son "air habituel" : "Et quoi, tu me nies, maintenant ?". (Le compagnon d'une amie vient secouer mon esprit jusque dans les profondeurs de mon sommeil — au secours !)

* * *

Walter organise un après-midi "Colons de Catane avec extensions" (un jeu de société allemand bien connu) à son appartement. Marrant : il habite au 21 — à la boîte 21 , comme dans le roman. Pour l'occasion, il a invité son frère Ronald, sa belle-sœur Valière et Emily. Ronald ressemble un peu à FBsr mais en blond. Il a également des airs d'Arnold, mon colocataire polytechnicien du temps de l'université. Il a le même rire que Walter et aussi, pour condenser, la même forme d'intelligence empreinte d'ironie. Valière est une brune aux yeux bleus, sympathique, souriante, à l'esprit vif. Nul besoin de décrire Emily — personnage récurrent de ce blog. Je me contenterai donc de résumer son état : toux sèche, respiration difficile à la lisière de l'asthme et nez bouché. Elle a, dit-elle, "fait un gros effort pour venir coûte que coûte à cet après-midi jeu." 

Sur le divan de Walter, se trouvent toutes les extensions (ou presque) du jeu de Klaus Teuber : "Les Marins de Catane", "Villes et chevaliers", ainsi que les extensions pour cinq-six joueurs. Sur la table, est déjà installé le plateau "Villes et chevaliers". Les marins, ce sera pour une prochaine fois... 

J'ai apporté des bières (deux Orval et trois Westmalle triples) et je suis le seul à en boire. Emily a amené un "tourteau fromager", une spécialité de sa région (le Poitou-Charentes) : un drôle de cheese cake très léger dont la croûte est totalement brûlée. C'est la deuxième fois que j'en mange. Walter, de son côté, a prévu du thé, du café et un gâteau aux noix de pécan, très bon mais beaucoup plus lourd à digérer que le tourteau... 

* * *

Les différences avec le jeu original sont nombreuses, nécessitant la lecture complète des nouvelles règles, à voix haute, par Walter. Nous prenons donc une petite heure pour les assimiler avant de jouer. Les principales nouveautés sont les suivantes : l'utilisation d'un troisième dé ; la nécessité d'atteindre 13 points de victoire (au lieu de 10) pour gagner ; l'arrivée fréquente, par bateau, de barbares qui tentent de détruire les villes ; la perception de trois nouvelles ressources secondaires (papier, tissu et monnaie) qui donnent la possibilité de se développer dans trois secteurs différents (la culture, le commerce et l'armée) remplaçant les cartes "développement" ; la création de métropoles (ayant notamment pour effet d'augmenter les points de victoire) et de remparts (augmentant le nombre de cartes protégées lorsqu'un "7" tombe au dé) ; la présence, chez chaque joueur, de chevaliers (qui peuvent attaquer d'autres chevaliers, déplacer le voleur présent sur une tuile adjacente, se défendre contre les brigands ou encore couper une route ennemie). En outre, comme nous jouons à cinq, nous avons droit à un plateau de jeu élargi, avec plus d'hexagones.

Face à ces nouveaux mécanismes, une nouvelle stratégie est de mise. Les anciens "trucs" ne fonctionnent plus aussi bien. Nous devons donc tous tâter le terrain et certains joueurs sont plus doués que d'autres face à la nouveauté. Ainsi, la première partie est gagnée haut la main par Walter, qui construit rapidement ses villes et amasse de nombreux points de victoire en défendant Catane à lui tout seul avec ses chevaliers ; la seconde partie est remportée par Emily, plus ou moins pour les mêmes raisons. 

Ces deux parties terminées, il est déjà presque 22 heures. Le frangin et sa femme s'en vont. Emily aussi. Walter me propose un "dernier" — hem ! — verre dans le quartier du Cimetière d'Ixelles. Pourquoi pas ? Emily nous y dépose en voiture et nous terminons la soirée à deux au Corto. Lorsque je reprends mon dernier bus (celui de 23h32), j'ai en tête cette époque où, systématiquement, chaque lundi et chaque jeudi, je reprenais ce bus après "un verre" en compagnie des "autres".

Cet ascenceur terrifiant...

Ce qui est chouette avec les journées durant lesquelles il ne se passe pas grand chose, c'est qu'elles se décrivent très rapidement.

Ce week-end est "libre" : c'est le troisième week-end du mois, celui pendant lequel ma fille reste auprès de sa maman. Alors que je devrais en profiter pour pratiquer une série d'activités rafraîchissantes (aller à la mer, faire de la course à pied, pêcher, dessiner, chasser le buffle pourpre...), je m'ennuie à mourir et j'en viens à espérer que ces deux journées se termineront le plus vite possible afin que je puisse retourner au travail et au moins faire quelque chose de constructif. — Rectification : croire que je fais quelque chose de constructif.

Donc voilà : vers midi, je m'installe à la Maison du Peuple avec mon PC et j'y reste jusqu'à 21 heures. Durant ces neuf heures, j'ai cinq contacts avec l'humanité : avec Léandra qui me passe un coup de fil pour me proposer d'aller au carnaval de La Louvière le 18 mars (ce qui ne sera pas possible), avec mon papa au téléphone, avec une jeune femme qui me demande de surveiller ses affaires à chaque fois qu'elle va fumer une clope dehors, avec une demoiselle au bar qui me bouscule pour commander avant moi et avec un homme qui me demande s'il peut prendre la chaise en face de moi. 

De retour à l'appartement, que faire ? Certainement pas dormir (il n'est que 21h30). Regarder un dessin animé ? Je me souviens alors d'une discussion dans le train avec Yama et Flippo (discussion que je n'ai pas inscrite dans ce journal — je ne sais donc plus quand elle a eu lieu précisément). Yama disait avoir revu deux films d'animation culte : Le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault (1980) et Les Voyages de Gulliver de Dave Fleischer (1939). Ce soir, je décide de revoir Le Roi et l'Oiseau. Je n'ai vu ce dessin animé qu'une seule fois, je pense, lorsque j'étais un tout petit garçon. Certaines images m'avaient terriblement marqué, dont notamment la scène de l'ascenseur que le roi emprunte et qui donne une simple idée de l'immensité de son château — ça peut paraître désuet mais ça vous marque un enfant, ce genre de chose (note pour plus tard : montrer ce dessin animé à Gaëlle)...


Ce film d'animation français est tellement étrange, poétique (Jacques Prévert au scénario), surréaliste, bourré de références en deux mots : hors norme qu'il est très difficile de le comparer aux autres productions... Et c'est tant mieux : il permet de se rendre compte qu'autre chose est possible en matière d'animation. Oui, mais autre chose que quoi ? (J'ai l'horrible Shrek en tête.) Faudra que je revienne là-dessus un de ces jours mais pas aujourd'hui — pas le courage d'écrire, pfff...

Dr. Oetker Forever

Aujourd'hui, je n'ai rien à raconter... Je suis en congé... J'aurais peut-être mieux fait d'aller travailler.
Le soir, je pourrais me rendre au cinéma UGC Toison d'Or en compagnie d'Emily, Andrew et Walter [rectificatif : en fait, Andrew n'y était pas] mais ils y vont pour Millénium, film que je n'ai vraiment pas du tout envie de voir. Je pourrais les rejoindre dans un café après le film mais il est déjà 23h30 quand Emily me recontacte et, à ce moment, je n'ai plus du tout envie de sortir, d'autant plus qu'une pizza Dr. Oetker est en train de cuire dans mon four... 
(Mais on me dit dans l'oreillette que tout le monde se fout de ces détails sur ma vie. Hem.)
Au détour d'une recherche Google pour savoir s'il faut un point après le "Dr" de "Dr. Oetker" (et il s'avère qu'il en faut un ! — C'est terriblement palpitant ce que tu nous racontes là, Hamilton), j'apprends que cette multinationale allemande ne vend pas que des pizzas surgelées : elle produit également des puddings, de la levure chimique, des yoghourts, de la bière, du vin et... n'est pas présente que dans le secteur agroalimentaire, loin de là ! On la retrouve dans le monde de la banque, du transport maritime et de l'hôtellerie, entre autres. 
J'imagine le pack de voyage "Dr. Oetker"... Prenez le paquebot Hamburg Süd (Dr. Oetker), où vous sera servie, en guise d'accueil, une délicieuse Golden Amber Dr. Oetker accompagnée d'une pizza Dr. Oetker... Arrivé à destination, vous séjournerez dans un de nos hôtels 5 étoiles Dr. Oetker : pizzas et puddings Dr. Oetker à volonté durant tout le séjour ! 10% de ristourne pour les clients de la banque Dr. Oetker.

Hamilton, va dormir ! Ça vaudra mieux !

"Je ne t'embrasse pas, je suis malade !"

Tout le monde est un peu malade, ces derniers temps, à mon travail. Mon chef Lodewijk a une voix rauque (signe évident d'un mal de gorge), notre présidente souffre du dos et... j'ai le nez bouché (encore !). La semaine dernière, c'était Christiane qui reniflait... Bref, ce n'est pas la grande forme... Le matin, Lodewijk, lorsque je veux lui faire la bise, me fait signe d'arrêter : 

« Je suis toujours malade...
— D'un autre côté, moi aussi... Mais je ne crois pas qu'on puisse contaminer quelqu'un simplement en lui faisant une bise sur la joue.
— Bien sûr que si !
— Mais non ! On a beaucoup plus de chances d'attraper un quelconque microbe en restant toute la journée dans une pièce avec quelqu'un de malade qu'en lui faisant la bise le matin. 
— Mais quand tu fais la bise à quelqu'un de malade, tu touches tous les microbes qui sont à proximité, sur sa joue... 
Pfff... Et ?
— Ben tu risques de les attraper...
— C'est certainement un mythe, une légende urbaine... Je ne remets pas en cause le fait qu'on puisse attraper plein de trucs en embrassant quelqu'un sur la bouche, hein, mais sur la joue... Bof ! »

Impossible de trouver le moindre renseignement sur le Web pour confirmer ou infirmer mes dires... Sur le baiser sur la bouche, plein d'informations évidemment (des pages et des pages sur la mononucléose infectieuse, dite la "maladie du baiser" — j'en sais quelque chose : j'ai failli rater une année d'université à cause de cette connerie), mais rien sur le baiser sur la joue. D'un autre côté, que dire à ce sujet ? "Attention, vous pouvez attraper un rhume en appliquant légèrement votre joue pendant environ une demi-seconde contre celle de quelqu'un d'autre" ? L'avis d'un médecin ne serait pas superflu, ici. 
* * *


Ce jeudi au boulot, quelques sujets de discussion valent le détour. J'en ai retenu deux.

L'obsession de la note de bas de page (à la pause café)

Le monde de la recherche historique en Belgique est traversé de part en part depuis plus d'un siècle par des obsédés de la note de bas de page (dont je fais partie) : une note de bas de page à chaque extrait de source cité, une note de bas de page à chaque idée tirée d'un livre ou d'un périodique, une note de bas de page pour expliciter telle ou telle période, tel ou tel concept... Dans les sciences historiques, il n'est pas rare de tomber sur une page contenant 4 ou 5 lignes de texte, le reste étant rempli de notes de bas de page. (Souvenir de licence en histoire médiévale : être tombé sur une page complète de notes, continuation des notes de la page précédente !)

Charlotte : "À chaque fois que je vois un appel de note dans un article, c'est plus fort que moi : il faut que j'arrête ma lecture et que je jette un œil à la note en question." Si les notes sont nombreuses, la lecture devient donc un véritable calvaire car hachée à plein d'endroits (un peu comme lors d'un incise mais en pire). De mon côté, je me demande pourquoi on n'applique pas en Belgique un système beaucoup plus souple (en usage dans le monde anglo-saxon) qui consiste, plutôt que d'appeler une note, de mettre entre parenthèses le nom de l'auteur (ou la référence de la source), la date et éventuellement la page, le tout renvoyant à la bibliographie ou aux annexes en fin de texte. J'arrive même à parler de Wittgenstein — Naaaaan ? en citant assez fidèlement un extrait de son avant-propos au Tractatus, dans lequel il met en avant le fait qu'il lui est indifférent que ce qu'il a pensé, un autre l'ait déjà pensé avant lui, et que par conséquent il ne cite pas ses sources (on est prié de les connaître). Commentaire de Lodewijk : "C'est un peu facile de dire ça !" J'ai l'impression que Lodewijk n'aime pas Wittgenstein, du moins le Wittgenstein que je lui présente.

J'ai bien ma petite idée sur le pourquoi de l'utilisation à outrance des notes de bas de page en histoire, mais je ne la développe pas durant la pause café. La pratique des notes de bas de page est sans doute en partie liée à la prétention fondée ou non des historiens à appliquer à leur science (par définition humaine) un modèle de vérification empirique proche des sciences exactes. C'est le positivisme adapté au discours historique : le monde est constitué de faits, que l'on peut énoncer de manière objective, grâce à l'étude méthodique des sources. La pratique de l'histoire a évolué et l'on voit désormais cette conception sous un regard plus critique, mais beaucoup d'historiens — en tout cas ceux des universités belges, au moins — ont gardé de l'épopée positiviste cette procédure extrêmement prudente et rigoureuse qui les oblige à apporter à chaque ligne les preuves de ce qu'ils avancent — les fameuses notes de bas de page donc. C'est une pratique heureuse, à mon avis, sauf quand elle sombre dans la pleine et entière démesure.

Hildegarde de Bingen et l'orgasme féminin (repas de midi)

« Avez-vous vu, demande Charlotte, que le pape Benoît XVI va peut-être canoniser Hildegarde de Bingen ?
— Ha ? Et alors ?
— C'est amusant que Benoît XVI s'intéresse à Hildegarde car elle a notamment théorisé l'orgasme féminin...
— Ha bon ?
— Oui... On se demande d'ailleurs comment une abbesse bénédictine pouvait décrire ce genre de choses... 
— À cette époque, propose Sylvette, peut-être qu'ils étaient moins stricts sur les rapports sexuels ?
— Au XIIe siècle, dans le clergé régulier ? Oh que non... Elle devait suivre la règle de saint Benoît et la chasteté en faisait clairement partie — théoriquement du moins... »

Charlotte est devant le PC de Sylvette et commence à lire à haute voix un des textes de l'abbesse, qu'elle a retrouvé sur un site Web (peut-être celui-là ?)...
« Quand elle fait l’amour avec un homme, la chaleur dans le cerveau de la femme, qui procure la sensation de plaisir, se transmet aux sens et déclenche chez l’homme l’expulsion de la semence. Quand la semence s’est logée à l’endroit prévu, c’est la chaleur intense du cerveau qui la retient. Les organes de la femme alors se contractent. Les organes sexuels, qui sont ouverts pendant les menstruations, sont maintenant fermés, tel un poing serré. » (Hildegardis Curæ et Causæ, 1173)

* * *

Pour changer, j'ai proposé à Emily d'aller boire un verre à l'Atelier vers 20 heures, dans le quartier de l'université. Le café est assez calme. Où sont passés les gens ? Je remarque par ailleurs la présence d'un fumoir au fond du café, derrière le bar : la résistance s'organise. Walter nous rejoindra après son badminton, vers 21 heures... Vu qu'Emily n'a pas encore mangé, nous terminerons la soirée au Café de l'Université : penne da Vinci pour Emily, penne à l'arrabiata pour Walter et soupe à l'oignon pour moi.

Comme je n'ai rien noté dans mon "calepin virtuel" (mon vieux téléphone portable), je ne me souviens plus vraiment des divers sujets de discussion — et ce n'est pas plus mal car, à nouveau, mon texte est sans doute déjà beaucoup trop long pour un article de blog. 

Je sais qu'à un moment, j'ai décroché de la conversation et commencé à observer le comportement des autres clients du café... Emily et Walter parlaient alors de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Un constat : j'adore la politique quand il s'agit de proposer des systèmes d'organisation d'une société ; je la déteste sous sa forme plus particulière consistant à discuter de candidats ou de jeux de pouvoir... À chaque fois qu'il est question de discuter d'un homme politique actuel, je ne peux énoncer que de mornes évidences. Force est de constater que ça ne m'intéresse pas et que, si l'on devait me résumer à l'extrême, on pourrait dire que je préfère de loin Aristote à Machiavel.