Audaces fortuna juvat

Ce samedi soir, je suis invité chez Flippo pour un souper improvisé. Atteindre le quartier en bus prend des allures de parcours du combattant : Flippo habite à deux pas de Matonge à Ixelles, où se sont déroulées d'assez violentes émeutes tout récemment. Des voitures blindées de Police arpentent les rues... Les transports en commun, par contre, sont beaucoup plus rares... Je finis par faire une partie du trajet jusque chez lui à pied et quand j'arrive, je suis trempé de la tête aux pieds.

C'est une soirée peinarde. Je suis le seul invité. Bastien, le colocataire de Flippo, est présent mais malade... Flippo a préparé des pâtes à la bolognaise (encore de la bolognaise !). J'ai apporté un Montepulciano d'Abruzzo. Flippo, dont la famille est originaire du Nord de l'Italie, ne supporte pas le vin français et ne boit que du vin italien. Il est d'une mauvaise foi crasse, mais je lui donne raison sur un point au moins : à prix identique, le vin italien de table fait moins mal au ventre que le vin français.

C'est Flippo qui s'occupe de la musique et, comme d'habitude, nous sommes catapultés dans les années soixante, en plein psychédélisme. Dans sa playlist, trônent toujours au moins un album des Who et un autre de Brigitte Fontaine. C'est obligatoire. Au début de la soirée, passe l'album Would You Believe (1968) de Billy Nicholls, mélange entre Syd Barett et les Beach Boys. Comme à chaque fois que je suis chez lui, je découvre...


En seconde partie de soirée, nous jouons tous les trois à un nouveau jeu de société que Bastien a reçu à son boulot. Le jeu s'appelle Fortuna. Le but semble simple de prime abord : partir de son petit village et se diriger vers la capitale de l'Empire, afin d'améliorer son cursus honorum. Pour ce faire, chaque joueur doit avancer vers Rome et effectuer une série d'actions qui lui permettront de gagner des points d'honneur : collecte de blé, vendange, mariage, commerce, achat de vestales...

Comme pour chaque jeu de société allemand qui se respecte, les règles de Fortuna sont mal traduites et confuses à l'extrême, à la limite de l'incompréhension. Comme dans Agricola, de nombreux éléments sont implicites et sont découverts au fur et à mesure... Après une dizaine de tours de jeu, nous comprenons enfin le principe général, mais certains point restent néanmoins très flous.

Après avoir gagné la partie (bah oui), il est temps de retourner chez moi ("durée du jeu : une heure", mon cul, oui !). J'attrape le bus Noctis qui passe pas loin de chez Flippo et qui me dépose à vingt mètres de mon appartement. Dans le bus, un couple éméché improvise un karaoké : le gars connaît par cœur la chanson "Dans mon HLM" de Renaud et réussit même l'exploit de chanter encore plus faux que lui. Je suis admiratif.

Poechenellekeaaaaatchoooum !

Attention : ce petit article est d'un intérêt très limité.
(Comment ça, "comme d'habitude" ?)

Ce vendredi est, comme souvent, un vendredi de congé. Je n'ai pas ma fille ce week-end et ne dois donc pas aller la chercher à Namur... Je ne fais strictement rien de la journée, si ce n'est dormir, regarder Futurama et passer rapidement au supermarché pour reporter des vidanges et acheter de quoi manger le soir.

Emily me téléphone en début de soirée. Elle propose d'aller manger dans le Centre-ville avec Walter. Je mange à mon appartement et les rejoins un peu plus tard au restaurant Le 9 et voisins, pas loin de la Bourse. Emily mange un "stoemp" aux carottes, Walter des petites côtes. Pour ma part, ayant déjà mangé, je me contente d'un quart de vin rouge.

Pas de place au Bison. Emily propose de terminer la soirée au Poechenellekelder (à vos souhaits !), le vieux café à côté du Manneken-Pis. On pourrait passer sa vie dans cette brasserie et continuer à la découvrir, tant les murs, le plafond, les moindres recoins du "Poech" sont recouverts de "brol" en tout genre : instruments de musique, photos, casiers de bières retournés, marionnettes, gravures, etc.

Andrew et Ekaterina (une de ses anciennes stagiaires russe qui loge actuellement chez lui) nous rejoignent un peu plus tard. Ekaterina, Andrew et Zahra (en visite à Bruxelles pour le week-end) sont allés manger à La Braise, rue de Moscou, près du Parvis de Saint-Gilles. Zahra était "trop fatiguée" pour nous rejoindre.

Je bois du vieil Orval toute la soirée. Le serveur me le sert à chaque fois dans deux verres différents, comme le veut la tradition-gna-gna-gna : un verre normal pour le corps et un plus petit pour récupérer la lie. Ledit serveur fait beaucoup de manières autour de mon Orval mais me le sert quand même n'importe comment, avec énormément de mousse. Je repense à Lewis, quand il faisait le malin en me montrant, tout tremblotant, comment bien servir un Orval... Comme si j'étais un bleu qui n'avais jamais servi une bière de ma vie. C'est une bière spéciale quoi : ça se sert comme n'importe quelle autre bière spéciale et ça n'a somme toute rien de compliqué. Bref, je n'aime pas quand on fait des manières, quand on instaure des rituels autour de choses très simples.

Il est une heure du matin passée. Emily nous reconduit chez nous. Elle dépose Ekaterina devant le Palais de Justice, pas loin de l'ascenseur des Marolles. Ekaterina se rend à une autre soirée. 

De retour chez moi, je pense un instant me mettre à écrire un peu pour ce blog mais je me ravise : je suis beaucoup trop fatigué et je ne sais pas construire une seule phrase correcte (comment ça, "comme d'habitude" ?).

Capsules à vis

Gare de Bruxelles-Midi. Aujourd'hui, mon train est annoncé avec 35 minutes de retard. Après de nombreuses péripéties ferroviaires, j'arrive en gare de Liège-Guillemins à 9h27 au lieu de 8h22, soit avec 65 minutes (!) de retard sur l'horaire. Je n'en connaîtrai jamais la raison. J'ai raté ma correspondance habituelle de 8h26 et également celle de 9h26. Seul point positif : j'aurai échangé quelques mots avec une sympathique navetteuse régulière. Ma vie est passionnante.

J'arrive enfin au boulot et mon chef m'annonce que "ça ne peut plus durer et qu'il faut trouver une solution" quant à ces histoires de retards de trains (comme si j'en pouvais quelque chose !) : peut-être prendre un train plus tôt ? Et me lever encore plus tôt ? Et avoir encore moins de vie en dehors du boulot ? Bordel ! Et changer de boulot ? Je l'ai pensé très fort mais je ne l'ai pas exprimé.

Quelqu'un qui ne prend pas le train tous les jours ne peut pas se rendre compte à quel point ces trajets sont saoulants (et pourtant, je suis quelqu'un de très patient)... Le train que je prends n'est jamais à l'heure. Il doit arriver à 8h22 mais n'est jamais arrivé une seule fois à 8h22. Il y a toujours un problème : avarie à la motrice, problème "de composition", goulet d'étranglement à Bruxelles-Central, vol de câbles, présence d'extraterrestres sur les voies, problème d'électricité sur le réseau, absence de charbon, tornades, cyclones, train en détresse sur la ligne, trou de ver spatio-temporel, etc.

* * *

Ce soir, Léandra vient manger chez moi. J'ai préparé de simples rigatoni sauce bolognaise. J'ai prévu deux bouteilles de vin de table fermées par une capsule à vis : comme rouge, un Cabarnet sauvignon d'Afrique du Sud et comme blanc, un Chardonnay de Californie. Ils sont tous les deux répugnants : le rouge est bouchonné (alors qu'il n'est même pas fermé par un bouchon !) et le blanc semble avoir été coupé à l'eau. Heureusement, Léandra a apporté une troisième bouteille : un Bourgogne Passe-tout-grains. Ben merde alors : lui aussi semble avoir été coupé à l'eau ! La compression des coûts, tout ça : avant la mise en bouteille, on rajoute de la flotte !

Léandra m'a "un peu" parlé de Jonas durant la soirée. Elle et lui passent ce début de week-end à Gand. Ils dormiront dans une chambre d'hôte pour la nuit de vendredi à samedi. Trouver un logement n'a semble-t-il pas été de tout repos.

Le jour de mon anniversaire approche et il faut encore que j'envoie une invitation pour ma traditionnelle soirée à la Porte Noire. Je profite du fait que Léandra est présente pour lui demander son avis sur la liste des invités. Qui inviter ? Que faire ? J'ai deux choix : inviter tout le monde ou bien au contraire restreindre leur nombre. Je décide d'inviter tout le monde, mais j'arrive à 35 personnes ! C'est de pire en pire. Il faut encore que j'y réfléchisse...Et si je supprimais de la liste tous ces Français (à l'exception d'Emily évidemment... et de Chrsitelle, qui ne pourra hélas sans doute pas venir) que je ne vois de toute façon plus du tout ?

Léandra est très fatiguée. Elle s'installe dans mon petit divan et baille à de nombreuses reprises... Elle a eu une semaine éreintante. Elle n'a pas envie de rentrer chez elle et, après un dernier thé, s'en ira dormir dans la chambre de Gaëlle. Ni elle ni moi ne travaillons demain. 

Seymour le chien

Gare de Bruxelles-Midi. Aujourd'hui, je prends le train en compagnie de mon ami Fred Jr, qui doit se rendre à Liège pour une réunion de travail. Le train est annoncé avec une dizaine de minutes de retard. Comme d'habitude, quoi.

Durant le trajet, nous discutons évidemment de ce qui s'est passé hier à Liège, Place Saint-Lambert, de ce fou qui s'en est pris à la foule avec des grenades et un fusil mitrailleur, avant de se donner la mort. Pour être exact, notre discussion tourne plus autour des réactions à l'événement qu'autour de l'événement lui-même (dont il n'y a pas grand chose à dire) : ce fait tragique a en effet été l'occasion rêvée pour les extrémistes de droite qui peuplent le Web d'établir des relations qui n'existent que dans leur tête et de cracher leur haine pour, en vrac, l'Islam, les étrangers, la justice "trop molle" et "trop laxiste", les socialistes, le réchauffement climatique, le massacre des dauphins et la nouvelle coiffure de Lady Gaga. 


Fred fait un rapprochement avec le site de Laurent Louis, premier député du Parti populaire (parti très à droite sur l'échiquier politique, fondé par Mischaël Modrikamen), qui a été exclu de ce parti et qui a créé le sien, le Mouvement pour la liberté et la démocratie (MLD), une copie presque conforme au point de vue des idées. Fred me dit d'aller voir le site Web du gaillard, simplement pour y découvrir son discours populiste à deux centimes.

En effet, c'est assez "marrant". Plus c'est gros, mieux ça passe... Dans un petit cadre du site, en bas à droite, défilent des photos résumant la pensée politique du mouvement. On y trouve notamment un très beau "Stop à l'assistanat. Au travail !" montrant les pieds d'un chômeur (rien ne dit que c'est un chômeur mais c'est sous-entendu) couché devant sa télévision (tsss, salauds de chômeurs qui profitent et qui regardent la télévision pendant que les autres triment) et "La sécurité partout, pour tous" montrant une vieille dame dans un tunnel sombre, en train de se retourner avec inquiétude car... deux hommes sont en train de descendre l'escalier du tunnel dans lequel elle se trouve (on ne voit que leurs jambes mais ils sont là pour la tabasser, c'est évident. L'insécurité est partout, mon bon Monsieur !).

* * *

Il y a de moins en moins de monde au boulot. La fin de l'année approche et certains collègues sont en congé, quand d'autres sont en réunion. La journée se passe tranquillement. Je bois toujours principalement du... hem... thé à la place du café. Je commence à m'habituer au goût de ce "machin" : ce n'est pas si répugnant que ça, tout compte fait, le... hem... thé.

Durant ma matinée de travail, je termine la mise en page de notre carte de vœux 2012. Il nous a fallu, comme chaque année, un temps conséquent pour nous mettre d'accord sur l'illustration qui ornerait ladite carte. Au départ, nous avions pensé à une superbe affiche issue de nos collections, datant de 1946, sur laquelle il est écrit : "Contre les puissances de l'argent, votez communiste". Sur l'affiche, à gauche et sur fond rouge, on voyait des travailleurs démolir à coup de masse un monument à l'effigie des trusts et des banquiers. À droite, sur fond vert, les forces du "néo-fascisme" nourries par le grand capital, en train de crouler sous le poids des forces du progrès.

L'affiche constitue clairement un sujet d'actualité et montre par ailleurs que le discours critique sur l'oligarchie financière est plus ancien qu'il n'y paraît de prime abord. Rien ne change. Par contre, après mure réflexion, ça ne le faisait hélas pas trop pour une carte de vœux. Exit donc la belle affiche communiste, remplacée par un truc plus consensuel. Pour faire rigoler mes collègues, j'effectue quand même avec Photoshop une dernière manipulation sur l'image : je remplace "Votez communiste" par "Votez Hamilton"... On s'amuse comme on peut, au boulot. 
Et dire que, la semaine dernière, j'avais demandé à Doëlle (qui avait alors en sa possession le disque dur contenant nos affiches numérisées) de m'envoyer l'image en urgence... Elle l'aura fait pour rien... Pour rien ? Non, car aujourd'hui, grâce à cet envoi, elle sait utiliser un FTP pour uploader des fichiers s'il vous plaît !

À midi, seuls Aurèle et moi mangeons au travail. L'après-midi, je bosse tranquillement sur la correction (ou plutôt la réécriture complète, hum...) d'un article qu'il faut absolument rendre avant la fin de l'année. Nous ne sommes que trois dans les locaux. C'est calme, c'est sympa, c'est décontracté, c'est l'ambiance de pré-Noël... Une climat comme je les aime et propice au travail (je déteste le stress).

* * *

Le soir, je passe au supermarché en prévision de la soirée de ce jeudi, durant laquelle Léandra viendra manger chez moi. J'ai décidé de faire très simple : des rigatoni à la sauce bolognaise. Je rentre à mon appartement, je fais un peu de rangement, je prépare la sauce en musique et dans la bonne humeur,  je fais la vaisselle. Demain, je n'aurai plus qu'à mettre la table, cuire les pâtes et réchauffer la sauce.

Ayant fini le visionnage des Cités d'Or et n'étant pas encore prêt pour Ulysse 31, je passe ma fin de soirée à regarder des épisodes de Futurama. Certains passages me font rire aux éclats, d'autres par contre me laissent de marbre. Cette série est assez particulière, bourrée de références parfois assez subtiles (voir ICI par exemple). Bref, Matt Groening et David X. Cohen, les créateurs, se sont vraiment lâchés.

Le dernier épisode que je visionne, "Jurassic Bark" (le septième de la quatrième saison) est très bien foutu au niveau du scénario, constitué de multiples flashbacks explicatifs. Il est aussi assez étrange car la fin n'est pas comique du tout. Elle est tellement touchante que je me mets même à chialer... C'est l'histoire toute bête d'un jeune chien abandonné, du nom de Seymour (comme le proviseur dans Les Simpson), que Fry (le "héros" de la série) recueille et nourrit au XXe siècle alors qu'il est livreur dans une pizzeria. Fry est cryogénisé à l'aube de l'an 2000, alors que le chien n'a que trois ans. Un millénaire passe et Fry, sorti de sa capsule, finit par retrouver son chien, fossilisé. Le professeur Farnsworth propose de le ressusciter, avec tous ses souvenirs, grâce à une de ses inventions... Mais au tout dernier moment, Fry refuse de lui redonner la vie. La raison invoquée  ? Le chien est mort à quinze ans, soit bien après la disparition de Fry. Ce dernier pense alors que ça ne vaut pas la peine de le ressusciter car l'animal doit avoir fait sa vie par après et totalement oublié son ancien maître. Erreur, erreur ! La dernière scène, extrêmement poignante, est constituée d'un ultime flashback : Seymour le chien, pendant environ douze ans, attend Fry devant la pizzeria, sans jamais bouger, sur l'air de "I Will Wait For You" des Parapluies de Cherbourg (version Connie Francis). Cette séquence est un petit chef-d'œuvre, raison pour laquelle elle clôturera cette journée somme toute très ordinaire.


Le suicide des souris

Gare de Bruxelles-Midi. Aujourd'hui, c'est pire qu'hier : les accompagnateurs de train de la gare de Liège-Guillemins ont décidé de faire grève, pour protester contre les nouveaux horaires. Pourquoi pas ? Toujours est-il que mon train habituel est supprimé et le suivant également. Je prends donc mon mal en patience en allant déjeuner à l'Espace Café de la gare. Au menu, un pain au chocolat, un lait russe et une bouteille de Spa Reine (woaw !).

Presque en face de moi, assis à une autre table, un vieux monsieur semble totalement abattu : il tient sa tête entre ses deux mains et regarde le sol. Je pense qu'il pleure mais je n'en suis pas sûr. Une des serveuses tente de le consoler en lui touchant délicatement l'épaule et en lui parlant. Plus tard, deux gardes de sécurité de la gare entrent et essaient de savoir la raison de l'état de déprime du monsieur. Il les regarde et leur dit quelques mots en haussant les épaules, mais je ne les entends pas. Les gardes s'en vont et le bonhomme retombe dans sa morosité. Je dois partir pour prendre un des rares trains qui circulent et n'en saurai donc jamais plus.

Je passe ma matinée à un déménagement. Non pas un déménagement personnel, mais un déménagement d'archives, dans le cadre de mon travail. Le concept : nous devons déménager une bonne centaine de caisses d'archives bien lourdes stockées dans un local gracieusement prêté par la Ville de Liège vers l'un de nos entrepôts, dans les hauteurs du quartier Sainte-Marguerite. Heureusement, nous sommes aidés par des déménageurs professionnels et ne devons nous occuper "que" du rangement desdites caisses. 

Nous terminons le rangement vers 13 heures. Nous sommes à peine entrés dans la voiture que le téléphone de ma collègue Wynka sonne : "Tiens, c'est ma sœur... Qu'est-ce qu'elle me veut à cette heure-ci ? Allo ? (...) Mais oui, je vais bien, ma chérie, pourquoi ? (...) Des grenades ? (...) Ha non, je ne suis pas au courant. (...) Hein ? (...) Non, non, je suis à Liège, mais pas sur la Place Saint-Lambert. (...) Oui, d'accord. (...) Salut." C'est comme ça que nous avons appris qu'un fou furieux avait lancé des grenades sur des abribus du Centre-ville et mitraillé les passants, avant de se donner la mort, à un kilomètre à peine de l'endroit où nous nous trouvons. Sur le moment, nous ne nous rendons pas compte de l'ampleur des dégâts. Les informations nous arrivent au compte-gouttes via les téléphones portables, sous forme de rumeurs plus que de faits : "il y en a encore plusieurs en fuite" ; "ils ont voulu faire échapper quelqu'un du Palais de Justice". Au final, ce ne sera rien de tout ça : juste un gars isolé, un taré en liberté conditionnelle, amateur d'armes, qui a décidé de tirer sur la foule avant de se tirer une balle dans la tête...

* * *

Le soir, Emily me rejoint à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. La discussion tourne surtout autour de ses études de biologie. C'est extrêmement intéressant. Tellement intéressant que je prends quelques notes à la volée pour y consacrer la seconde moitié de cette journée de mardi. En résumé, durant son cursus, Emily a dû réaliser une série d'expériences poilantes (je suis ironique) sur des souris, des rats, des lapins... Aperçu. (Attention, parfois, c'est très glauque !)

- Opérations sur des rats : les étudiants doivent opérer un rat, afin de lui brancher un cathéter dans l'intestin et de lui injecter des produits, pour une obscure raison que je n'ai pas spécialement cherché à connaître. Les rats sont d'abord anesthésiés à l'éther dans une hotte de laboratoire (paraît qu'ils ont la langue qui pendouille quand ils sont endormis) et ensuite attachés à une petite table à l'aide de deux ceintures. Le rat constitue un "organisme modèle", dont la constitution est très proche de l'organisme humain, ce qui rend l'expérience encore plus bizarre. Après l'opération, les rats sont tous euthanasiés.

- Opération ratée sur un rat mal endormi : lors d'une opération, l'éther utilisé pour endormir les rats était périmé et les petits animaux se sont réveillés les uns après les autres pendant leur opération. Celui d'Emily est mort rapidement à son réveil : en bougeant, il s'est ouvert une veine qui avait été préalablement clampée (si j'ai bien compris) et du sang a giclé sur la blouse de laboratoire d'Emily, qui en a fait des cauchemars pendant des années... et qui a jeté la blouse.

- Le test du suicide de la souris : les apprentis-laborantins font aussi des expériences sur les souris. Les souris ne sont ni opérées (car trop petites), ni tuées. On leur injecte simplement différentes substances, à des fins de tests. Un des tests s'appelle le test du suicide : on place une souris dans un récipient rempli d'eau. La souris n'a pas la possibilité d'en sortir. Si elle veut vivre, elle doit constamment remuer ses petites pattes pour rester à la surface. Il y a un moment où la souris comprend qu'elle n'a aucun espoir de s'en sortir et se laisse couler (c'est un suicide dans le sens où elle a encore la force physique de rester hors de l'eau). Lorsqu'elle coule, l'étudiant repêche la souris (c'est un peu sadique, non ?). Le but de l'expérience : analyser les différences de réactions de la souris selon la substance qu'on lui injecte. Ainsi, si on lui injecte de la caféine, elle bat l'eau plus frénétiquement mais se suicide plus vite ; si on lui injecte un antidépresseur, elle reste beaucoup plus longtemps en surface et refuse de se suicider (!) ; etc. 

- La destinée des souris : à la fin de l'année académique, les étudiants avaient la possibilité de récupérer une des souris de laboratoire de l'année écoulée. À défaut, les souris étaient euthanasiées. D'après Emily, jamais un étudiant n'a récupéré un seul animal. La raison : les souris étaient devenues totalement folles après un an d'expérimentation et n'avaient plus aucune confiance dans l'être humain qui les prenait en main (tu m'étonnes !). Par ailleurs, ces souris foutaient les jetons : certaines mangeaient leurs progénitures dès la naissance (cannibalisme), ou bien ne les allaitaient simplement pas (abandonnisme ?). Les petites bêtes finissaient donc toutes euthanasiées et incinérées.
- Le cimetières des rongeurs : avant qu'une loi ne passe en France interdisant clairement ce genre de pratiques, certains étudiants enterraient leurs animaux, à qui ils donnaient un prénom. Emily a ainsi visité un cimetière créé par des étudiants plus anciens, dans lequel elle a retrouvé de petites tombes, avec des épitaphes (comme "Rest in Peace, Tom").

- Le lapin diabétique : Emily a également dû opérer un jour un lapin diabétique. Le fait qu'il soit diabétique avait son importance car il fallait tester l'impact de certains produits sur son organisme. 
- La culture de cellules cardiaques : dans un autre domaine, elle a cultivé des cellules cardiaques, prises à une souris qu'il fallait d'abord tuer en lui détachant la tête à l'aide d'un simple bic (je résume fortement les étapes du procédé car il me dégoûte) pour que le cœur continue de battre pendant un temps, avec peu de perte de sang. On récupérait ainsi les cellules cardiaques, dont les étudiants devaient s'occuper pendant un mois et demi. Caractéristique géniale : une cellule cardiaque, même isolée, possède la particularité de "battre" (dans le sens le plus littéral du terme). Et lorsque des cellules cardiaques sont regroupées, elles battent de concert. C'est magique et c'est rapidement expliqué (en anglais) ICI

Le mot de la fin : en tout cas, ce n'est pas durant mes études que j'aurais pu trouver pareils exemples. Un manuscrit médiéval ne m'a jamais éclaboussé de son encre durant une opération de paléographie. Ce n'est peut-être pas plus mal !

"Qui parle de justice ?"

Gare de Bruxelles-Midi. Le train pour Liège-Guillemins de 7h24 a du retard, comme toujours... Infrabel (le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire en Belgique) devrait, je trouve, équiper ses gares d'un nouveau système de panneaux indicateurs, qui ne mentionneraient les retards que s'il n'y en a pas : le rouge des retards serait dès lors beaucoup moins présent dans la gare... Peut-être attendent-ils la fin de la période des fêtes pour mettre ce système en application car le-vermeille-à-Noël-c'est-joli ? Dans la même logique, les annonces ne se feraient qu'en cas de non-retard : "Mesdames et messieurs, votre attention s'il vous plaît : à la suite de l'absence de problème à la motrice et de la présence du conducteur, le train pour Liège-Guillemins partira à l'heure, exceptionnellement en ce jour. Je répète : le train pour Liège-Guillemins partira à l'heure. Veuillez nous en remercier."

Sur le quai, la petite dame brune aux cheveux courts qui prend souvent le même train que moi n'est pas contente. Elle a l'habitude de s'énerver et de pester contre la SNCB. Arrivée à Liège-Guillemins avec une demi-heure de retard, elle fait la file derrière moi afin d'obtenir une attestation pour son travail, comme d'habitude. On ne se parle jamais, sauf quand il y a un problème.

– Ils ont changé les grilles horaires aujourd'hui, me dit-elle. C'est pour ça qu'ils sont perdus.
– D'un autre côté, quand ils ne changent pas leurs grilles horaires, ils sont tout de même perdus. Les lundis, c'est presque systématique : je sais que j'arriverai en retard.
– Parfois, je me demande comment mon employeur arrive à accepter ça et pourquoi il ne me demande pas de prendre un train plus tôt...
Mmmmh...

Arrivé devant le préposé au guichet, je demande une attestation pour moi et une pour elle par la même occasion : la solidarité entre navetteurs, tout ça...

* * *


Au boulot, je jette un œil sur Facebook. Ma collègue Wynka est absente du bureau mais Sylvette se prépare un thé.

– M'enfin, ce n'est pas possible !
– Qu'est-ce qui se passe ? me demande Sylvette.
– Ce pote, là, sur Facebook. Il a bientôt 33 ans et passe son temps à collectionner des figurines des Chevaliers du Zodiaque. Il a même créé des décors rien que pour elles : des coupoles, des colonnes doriques... Ensuite, il les photographie et les poste sur Facebook.
(Et toi Hamilton ? Tu as bientôt 32 ans et tu en es encore à regarder les Cités d'Or le soir, dans ton lit...)
(Et à jouer à des jeux de gamins sur ton PC.)

(Et que sais-je encore ?) 
– Il travaille, ce "garçon" ?
– Je pense, oui. Et il a une copine et il est même propriétaire d'une maison !
– C'est injuste !
("Qui parle de justice ?" dirait le Duc Leto Atréides, "Nous sommes là pour créer notre propre justice !"... Ou un truc approchant
je n'ai pas le bouquin sous les yeux.)
– Injuste ?
– Oui, c'est quand j'entends ce genre d'exemple que je me dis que la vie est profondément injuste : il collectionne des figurines ridicules et il est en couple, lui.
(Si c'était la seule injustice en ce Monde...)
– Il est peut-être tombé sur une femme qui adore les Chevaliers du Zodiaque elle aussi ?
(Ou qui fait semblant d'aimer, par amour ? Ou qui s'en fout ? Ou qui l'accepte tel qu'il est ?)
– Peut-être, oui, c'est vrai...
– Roooh bordel, c'est pas possible : il y a même une photo où un des chevaliers déclare sa flamme à je ne sais quel personnage féminin !
– Montre voir, montre voir...
– Là, là ! Et sa copine lui a répondu avec des petits cœurs !
– Rooooh... Je suppose que le chevalier, c'est lui, et que la dame, c'est elle.
– Sans doute, sans doute...
– Haha !

C'était la pause "On se fout de la gueule des gens sur Facebook et ce n'est pas bien !"

* * *


Je pars tard du boulot. Les trains sont de nouveau en retard. Je reviens chez moi vers 21h et je regarde les six derniers épisodes des Chevaliers du Zodiaque Mystérieuses Cités d'Or.

Ce dessin animé est avant tout un éloge de l'enfance. Les trois principaux enfants de l'histoire (Esteban, Zia, Tao) sont l'incarnation même de l'amitié sans faille et du désintérêt total face à l'argent. La seule chose qui compte réellement pour eux, c'est de retrouver leurs racines (Esteban et Zia cherchent leur père respectif ; Tao s'intéresse à l'héritage de ses ancêtres) et d'aider ceux qu'ils croisent du mieux qu'ils peuvent. La plupart des adultes sont par contre attirés par l'or (c'est le cas de presque tous les Espagnols de la série), par ou le pouvoir (comme les Olmèques) ou par les deux.

Cependant, le dessin animé est beaucoup plus subtil que ce tableau dichotomique rapidement dressé. Il montre par exemple que de nombreuses actions considérées comme négatives s'inscrivent dans un schéma plus complexe et constituent avant tout des réactions de survie (les Olmèques se comportent de cette manière parce qu'ils sont voués à l'extinction, etc.). Par ailleurs, certains personnages évoluent (c'est le cas de l'intelligent et complexe Mendoza, personnage anti-manichéen par excellence, dont la priorité changera au cours de la série : l'or, puis les enfants). 

Il faudra que je revienne un jour sur ce sujet.
Ou pas.

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   .O151W 2321 .11DEC11 .= 
    HAM.L.EV. FST/BXL= VIA WA DC .STD16
    MRS LEANDRA COURBET STG/BXL=

    AI ETE MALADE DURANT TOUT LE WE =STOP= SUIS RESTE CHEZ 
  PARENTS JUSQUE CE DIM =STOP= MAMAN A PREPARE DU POISSON
  CREME ET POIREAUX POUR MIDI =STOP= GAELLE A REGARDE DORA
  =STOP= OVERDOSE DE DORA =STOP= ENVIE DE MEURTRE =STOP=
    SUIS RETOURNE A BXL LE SOIR =STOP= AI VU EMILY WALTER
  ANDREW A MDP DE ST-GILLES =STOP= BU 2 THES BEURK =STOP=
  WALTER A VU FARGO FRS COHEN ET A PAS AIME NON PLUS =STOP=
  IL N AIME QUE BATMAN ET RETOUR VERS LE FUTUR CE ===
  =STOP= EMILY PARLE DU DR HOUSE =STOP= ANDREW MENTIONNE
  RESSEMBLANCE DR HOUSE/SHERLOCK HOLMES DR WILSON/DR WATSON  
  =STOP= AVAIS-TU DJ FAIT LE RAPPROCHEMENT =STOP= ON A 
  PARLE DE MARY ET DE SA SOIREE =STOP= WALTER A EU PEUR 
  =STOP= IL TROUVE MARY TOTALEMENT FOLLE =STOP=

    PLUS RIEN A RACONTER =STOP= TRES FATIGUE MAIS MOINS
  MALADE =STOP= REGARDE 2 EPISODES DES CITES D OR =STOP= 
  ECHANGE QUELQUES TELEGRAMMES AVEC CLAIRE PUIS DODO =STOP=
    ET TOI CA VA =STOP= 

                  HAMILTON 

Un plexus trop loin

– Mon commandant ! Chef !
– Oui, sergent ?
– Bonne nouvelle, chef ! L'attaque est presque jugulée ! Les éléments les plus retors sont en déroute !
– Parfait, parfait... Ils nous auront donné des difficultés, ceux-là.
– Sergent ! Sergent !
Le sergent détourne son regard du commandant-leucocyte et se tourne vers le soldat qui se présente à lui, essoufflé :
– Neutrophile matricule 7.867.294.192 ? Que se passe-t-il ?
– Une catastrophe, mon sergent ! Il semblerait que notre hôte vient de remanger du bœuf cru !
Damned ! Du filet américain ! Vous êtes certain de ce que vous avancez ?
– Certain, sergent ! L'information nous vient directement du système central.
– Il est taré... Complètement taré. Et pourquoi pas de la bière, tant qu'il y est ?
– C'est que, Monsieur... 
– Quoi encore ?
– La présence de levures trappistes et d'alcool a également été détectée dans l'estomac, mon sergent. Certaines bactéries en ont d'ailleurs profité pour aller se réfugier dans les Îlots de Langerhans. De nombreux îlots se seraient rebellés et seraient... hem... déjà passés à l'ennemi.

Le sergent soupire et, pour se calmer, se masse les azurophiles avec quelques uns de ses minces microfilaments. Il finit par donner quelques ordres :
– Demandez des renforts à la moelle osseuse, déployez-les au niveau du jéjunum et attendez avant d'agir. Cette journée va de nouveau être longue. Très longue...
– À vos ordres, sergent !

* * *

Cet après-midi, je vais chercher avec ma maman le cadeau de Saint-Nicolas que je dois encore offrir à Gaëlle. Je devais y aller hier mais je n'en ai pas eu le courage. Je décide de lui acheter une lunette astronomique (qu'ils appellent faussement "télescope") et un kit scientifique consacré aux aimants. La lunette astronomique est entièrement en plastique (y compris l'objectif et les oculaires) et je me demande si elle marche réellement. Après un test effectué sur la Lune, ça fonctionne, sans être extraordinaire. Gaëlle adore en tout cas.

Je passe ma journée dans le divan, toujours malade. En fin de soirée, je regarde deux épisodes de Columbo sur TV Breizh, durant lesquels je réapprends la maxime applicable à presque tous les épisodes de cette série : "Ne jamais faire chanter un assassin, car cela se finira toujours par un second meurtre". C'est d'un prévisible, pfff... C'est peut-être simplement parce que j'ai vu chaque épisode au moins cinq fois ?

"Ça te viendrait à l'esprit, toi, d'appeler ton chien Marc ?"

Brasserie Le Flandre, devant la gare de Namur. J'attends l'heure d'ouverture des grilles de l'école de ma fille, comme chaque vendredi après-midi ou presque.

Je suis malade, j'ai mal au ventre et je viens de commander un lait russe. Celui-ci devant moi, je me pose la grande question du jour : "Pourquoi, par Toutatis, ai-je commandé un lait russe ?" Pour ne pas commander un café ou une bière peut-être ? Toujours est-il que ce n'est vraiment pas du tout le bon moment pour boire ce genre de truc... En fait, la bière m'aurait sans doute mieux réussi...

Discussion entre le serveur et le barman :
– Hier, je sers une vieille dame et, soudain, elle appelle quelqu'un... "Marc, Marc !", qu'elle crie.
– Son mari ?
– Non, pas son mari ! Moi aussi, je croyais, au début. Mais non : Marc, c'était son chien !
– Non ?
– Si ! Un petit chien ridicule !
– Y en a, je vous jure !
– C'est vrai, quoi... Ça te viendrait à l'esprit, toi, d'appeler ton chien Marc ?
– Oh non, oh non... De toute façon, je n'ai pas de chien.
– Et pourquoi pas Jean-Pierre ou Jean-Paul, tant qu'on y est ?
À ce moment, j'en viens à penser que, d'un autre côté, ce n'est pas plus bête d'appeler son toutou "Marc" que "Kiki" ou "Poupette"... Un peu plus tard, je m'imagine toute une histoire en me disant que "Marc" était sans doute le prénom de son mari ou de son fils décédé...

Peu de temps après, une vieille mémé sort des toilettes et commence à engueuler le même serveur :
– Vos toilettes sont très sales ! C'est inadmissible !
– Ce n'est pas de mon ressort, Madame. Moi, je sers les clients.
– Faut bien que je le dise à quelqu'un. Si ce n'est pas à vous, à qui dois-je le dire ?
– Y a la manière de le dire, Madame. La manière.

La dame sort du café en maugréant. Le serveur lance alors à la cantonade : "C'est vrai, quoi, marre de me faire enguirlander pour des choses que je ne gère pas ! Elle se croit au Quick, la mèdème, avec une femme de ménage qui passe tous les quarts d'heure ou quoi ?" Une des clientes tente alors un commentaire : "Peut-être que c'est elle qui les a salies, les toilettes, mais qu'elle ne veut pas vous l'avouer !"

* * *

Ce vendredi, Gaëlle reçoit la Saint-Nicolas de mes parents et de ma grand-mère : des ustensiles Barbie (argh !), un mini-zoo Playmobil®, des bonbons et surtout un appareil photo numérique. Pas le petit appareil ridicule pour enfant, mais un Sony Cyber-Shot™ de couleur rose, 12 millions de pixels, caméra HD, technologie panoramique, etc. Purée, j'en serais presque jaloux !

Pendant que Gaëlle déballe ses cadeaux, ma mère demande à ma grand-mère pourquoi est-ce qu'elle fait du café... Je réponds : "Hem... Ce n'est pas le percolateur qu'on entend, c'est mon ventre". Voilà qui donne une idée de l'état de mon pauvre petit corps meurtri ce vendredi soir. 
Totalement malade, je passe ma soirée à (re)regarder Les Mystérieuses Cités d'or. Je vais dormir relativement tôt. Je suis brièvement réveillé par un message de Walter, envoyé à 2h33, pour me rendre compte de la situation de la soirée chez Mary. Je n'arrivais pas à croire Andrew quand il disait que Walter envoyait des messages à n'importe quelle heure de la nuit. Hé bien j'en ai enfin la confirmation ici même.

Le marbre des possibles

J'ai sans doute avalé trop de barbaque – délicieuse au demeurant – hier soir ou alors j'ai pris un peu froid sous le vent glacé. Ou peut-être les deux ? Toujours est-il que je suis malade. Vraiment. Ce matin, ça allait encore. Ce midi, j'ai eu la mauvaise idée de commander une pizza au jambon (avec un supplément d'ail et d'huile piquante – rien qu'à y repenser, j'en ai la nausée !) et cet après-midi de boire beaucoup de café. Quel idiot je fais ! Je suis donc actuellement dans mon lit, il est 21h17 et j'ai envie de dormir. D'un autre côté, je suis presque à jour sur mon blog... Encore un petit effort et je ne devrai pas passer les nuits de ce week-end à rattraper mon retard.

Quand j'y réfléchis, ce journal est vraiment une très grosse contrainte. Je passe une partie de ma journée à observer tout plein de situations différentes, à réfléchir comment je vais les "mettre en scène", puis une autre partie (plus conséquente) à l'écrire dans ce blog. Et c'est un peu comme en physique quantique : l'observation modifie l'objet observé. Depuis que je tiens ce blog, je modifie ma réalité pour la faire entrer dans ce ridicule canevas Web. Mais il ne faut pas que je réfléchisse trop. Si je réfléchis, je m'arrête d'écrire. Toujours de l'avant, Camarade, toujours plus haut, toujours plus loin ! (La fièvre, sans doute...)

* * *

Ce matin, dans le train m'amenant à Liège, des écouteurs vissés dans les oreilles (je redécouvre pour l'instant tous les albums de Pinback, et ce depuis une discussion avec mon collègue Aurèle), je repense assez curieusement à cette histoire de David de Michel-Ange et de son bloc de marbre. Qui m'avait parlé de cela ? Andrew ? Oui, c'est sans doute Andrew... Ou Lewis, qui vénère Michel-Ange le sculpteur ? Non, je pense que c'est Andrew... Je suis fatigué. Qu'est-ce que je racontais ? Ha oui ! Une question existentielle sur ce bloc de marbre, avec lequel le jeune artiste a réalisé ce chef-d'œuvre intemporel qu'est le David. La question est la suivante : "Michel-Ange a-t-il sculpté le David ou bien n'a-t-il fait qu'extraire quelque chose qui existait déjà dans le marbre ?". Posée de cette manière, la question n'a presque aucun sens et tout le monde répondra assez logiquement : "Mais bien sûr que c'est lui qui l'a sculpté. D'ailleurs, un mauvais sculpteur, avec le même bloc, aurait sans doute donné naissance à un horrible volume informe !"

C'est vrai mais la question de départ (absurde) est nécessaire pour amener à quelque chose de plus fondamental (il faut "jeter l'échelle après y être monté", comme dirait Wittgenstein, première période), à savoir le fait qu'un bloc de marbre contient dès le départ une infinité (ou une quasi-infinité ?) d'états possibles et que l'artiste, somme toute, ne fait que révéler un de ces états. Si l'artiste est un génie, la forme extraite de la masse n'en sera que plus grandiose. L'exemple de Michel-Ange est parfait car celui-ci a laissé une galerie de sculptures non terminées (même si c'était non voulu au départ), telle une partie de la série des Esclaves, dont certains corps resteront bloqués à jamais dans le marbre, à moins qu'un fou ne les attaque au burin ou avec un marteau de géologue...

Mais pourquoi est-ce que je développe tout cela ici ? Simplement parce que je n'ai rien d'autre à dire aujourd'hui j'y ai pensé dans le train ce matin. Et pourquoi y ai-je pensé dans le train ce matin, en écoutant Pinback ? Car je me suis dit que cette histoire de David caché au sein du marbre était valable pour absolument tout : pour la musique, pour la littérature, la peinture, les idées, la science, la technologie, les relations humaines (!), pour tout : l'univers contient déjà l'ensemble de tous les possibles, mais seuls certains seront dévoilés. Dans cette optique précise, le génie n'est en fait que la faculté, à un moment donné, d'exhumer ce qui est caché aux yeux des autres. 
Je me dis que je réfléchis toujours plus à ce genre de concept un rien alambiqué quand je suis saoul ou quand je suis malade. Si je veux vraiment me dépasser, il faut que je boive et que je sois malade au même moment.

* * *

Normalement, ce soir, Emily va voir Intouchables au cinéma avec Lytle et peut-être Charles-Henri. Dès ce mercredi, je n'étais pas très motivé pour aller voir ce film avec eux. Aujourd'hui, étant malade, je le suis encore moins. Léandra m'a gentiment donné hier soir une invitation pour une place de cinéma qu'elle a reçue à son boulot, estampillée "Brightfish" (l'agence publicitaire). Rien ne presse et je l'utiliserai donc une autre fois...

Je suis en train d'écrire ma journée alors qu'elle se déroule, en temps réel ou presque (c'est une expérience intéressante). Je suis dans mon lit, toujours malade, évidemment. Je suis en train de discuter sur Facebook avec Claire (à son tour de se présenter un tout petit peu !). 

Un numéro de téléphone inconnu m'appelle. D'habitude, je ne décroche pas, mais vu l'heure, je sens qu'il faut que je réponde. C'est Léandra : quelqu'un vient de lui piquer son smartphone à la station de prémétro Anneessens. Non pas en loucedé, non : on lui a arraché des mains, bordel ! (Je profite par ailleurs de ce post pour dire à ceux qui s'inquiéteraient que Léandra est rentrée chez elle et qu'elle va bien !)