Réveil difficile

Ce matin, je me lève du mauvais pied. Ou plutôt : je ne me lève pas du mauvais pied car je n’entends aucun de mes deux réveils (programmés pour sonner à 6h16 et 6h32). Je suis réveillé par un coup de fil de ma collègue Charlotte à... 9h30 ! Je ne comprends pas : je ne me souviens même pas avoir éteint les réveils à un moment donné de la nuit ou de la matinée. Pourtant je les ai éteints, vu qu’ils sont tous les deux en position "off". Je m’excuse platement au téléphone et décide (pas trop le choix) de prendre une matinée de congé. Je suis vraiment fatigué ces temps-ci (les vacances à Stavelot ne m'ont pas du tout reposé). La grande bouteille de vin offerte par Térence hier et bue jusqu'à plus soif avec Léandra n’a sans doute pas arrangé les choses. J’ai reçu un message clair de la part de mon corps : "Aujourd’hui, fieu, pas question de dormir seulement 4 heures : je me repose, coûte que coûte". Quand je me réveille, je suis gêné mais néanmoins vraiment reposé, en effet. J’ai la tête un peu lourde et j'ai dormi d’un sommeil sans rêve. 

Dans le train avançant à travers la pluie et la plate campagne, je tombe sur des wagons remplis de scouts, flamands de surcroit (pourquoi sont-ils dans ce train un mercredi à 10 heures du matin ?). Dans le wagon où j’écris en ce moment, ils sont au moins six sizaines (pourquoi leurs groupes sont-ils organisés sur base de l’ignoble chiffre 6 ?), voire une meute entière (pourquoi n’utilisent-t-ils pas le terme "troupeau", plus approprié ?). Pourquoi font-ils les malins ? Pourquoi ouvrent-ils les poubelles bruyamment ? Pourquoi écoutent-t-ils de la musique de merde ? Pourquoi se mettent-ils n’importe comment sur leur siège ? Pourquoi le scoutisme existe-t-il ? Pourquoi suis-je de si mauvaise foi ? 

Toutes ces questions me font penser à mon boulot : actuellement, on – enfin, surtout mon chef Lodewijk – réalise un travail sur l’histoire des maisons de jeunes, en collaboration avec la Communauté française de Belgique, ou plutôt la "Fédération Wallonie-Bruxelles", comme il faut désormais l’appeler (c’est "chouette", on va devoir changer les logos et les appellations sur nos dépliants, sur notre site Web, sur notre correspondance, etc.). De nombreuses interviews d’anciens responsables de maisons de jeunes ont été réalisées. À la question : "Quelle est la différence entre une maison de jeunes et un mouvement de jeunesse comme le scoutisme ?", les interviewés répondent tous pas une phrase du genre : "Oh, vous savez, les scouts sont beaucoup plus encadrés par une obligation d’être présents et par des règles strictes, alors que dans les maisons de jeunes, quand j’y travaillais du moins, c’était un peu le bordel intégral". C’est sans doute vrai, mais ayant déjà été dans une maison de jeunes dans les années 90 quand j’étais adolescent (un de mes amis y donnait des concerts avec son groupe de métal), je trouvais l’ambiance vachement plus sympathique (et na !). 

Durant le repas de midi, Charlotte parle d'une de ses tantes qui avait une phobie maladive des pigeons. Cette peur panique a même un nom : la colombophobie. Pour remédier à cela, d'après Charlotte, son thérapeute lui a donné un pigeon empaillé (!), que la pauvre tante a dû placer dans un endroit fréquenté de sa maison. C'était une thérapie de choc, censée la mettre en face de sa peur pour la vaincre, et ça a marché ! C'est incroyable de se dire que ce médecin avait dans une de ses armoires un pigeon empaillé, et je serais curieux de savoir comment il s'y serait pris si la tante en question avait eu peur des éléphants... Plus tard dans la discussion, Charlotte (toujours elle) parle d'un jour de dépouillement à la Bibliothèque nationale de France (BnF) où le numéro de clé de son casier/vestiaire était le 666. Pour rigoler, elle dit au gars de l'accueil : "Espérons qu'il ne va pas arriver une malheur". Quand elle s'en va, la BnF est fermée car il y aurait un feu apparemment dû à des fils électriques, en dessous de la route. L'Enfer était-il en train de se réveiller ? Je n'en sais rien mais j'ai une autre question : dans quel monde vit-elle, ma collègue ?

* * *

En soirée, je retourne à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. C’est presque devenu mon quartier général, ce café. Ne manque plus qu’une petite table au nom d’Hamilton, avec une prise électrique personnelle, ou – mieux encore – une table ronde estampillée "Dream team", disposant de cinq chaises d’ébène avec nos cinq prénoms finement gravés sur les dossiers. Je m’imagine déjà, arrivant avec mon PC, un Orval à la main, et déclarant, hautain, à un groupe de Français : "Désolé, Messieurs-dames, mais cette table nous est réservée. Je vais vous demander de partir sur-le-champ".

Emily est déjà présente dans le fond du café avec son PC portable. Elle n’arrive pas à capter le Wi-Fi et remballe son ordinateur. Léandra débarque à notre table une minute plus tard. Elle discutait près de l’entrée du café avec Perrette. Je ne les avais pas vues. De toute façon, j’étais censé les laisser tranquilles mais Léandra nous invite à la table (elles ont eu l'occasion de "discuter à deux"). On profite donc du soleil de fin de journée pour aller boire un verre en terrasse.

Perrette, c’est la compagne d'Igor. Vu que je ne fréquente pas/plus (biffer la mention inutile) ce dernier, je ne la connais pas bien, à l'inverse de Léandra. Perrette travaille actuellement sur un doctorat en anthropo-musicologie. (À moins que ce ne soit en musico-anthropologie ? Peu importe : c’est un peu schtroumpf vert et vert schtroumpf, non ? Peut-être pas en fait.) Sa thèse porte sur l’étude d’un chant traditionnel laotien. Comme tout anthropologue qui se respecte, elle se rend périodiquement au Laos pendant de nombreux mois. Perrette est pour le moins originale : un mélange de timidité et d’assurance ; d’intelligence et de bonne humeur. Elle est aussi assez fatiguée ce soir (qui ne l’est pas ?).

Dans la conversation, on évoque Pol Caca : comment il vécut, comment il est mort. Léandra explique le contexte et le lieu de son décès. On parle aussi de la nouvelle chienne de Matys, du nom de Valentine (elle est née un 14 février), beaucoup plus petite que le précédent mais au visage tout aussi écrasé. On discute de musique (Léandra  adore le violon ; Perrette aimerait se mettre à la clarinette – ça rime !). Pendant la discussion, un nombre ahurissant de musiciens viennent jouer sur le Parvis : deux accordéonistes, un clarinettiste (justement) et un guitariste ainsi que, plus tard, la violoniste avant-gardiste à la voix stridente. Pourquoi les accordéonistes se sentent-ils obligés de massacrer les mélodies de Nino Rota ? Cela reste, encore aujourd’hui, un des plus grands mystères de l’existence.

Perrette s’en va. Léandra s’en va, non sans avoir mentionné la présence sur Wikipédia d’un article sur Melon et Melèche et sur les blagues de Toto (Léandra a un boulot passionnant pour le moment). Je reste avec Emily à boire de l’Orval plus que de raison. On discute de préparer le voyage à Disneyland® Paris. Ce sera le cadeau de Gaëlle pour ses six ans en octobre. On suppose qu’elle adorera l’ambiance d’Halloween®, avec Mickey®, Donald®, le château® de la Belle® au bois® dormant®. C’est Emily qui amène le sujet mais elle n’aurait peut-être pas dû car la période septembre-octobre ravive chez elle des souvenirs noirs et douloureux. "C'est la vie", dira-t-elle, citant sans le savoir et avec à-propos le Billy Pèlerin d’Abattoir 5 de Vonnegut. Je suis triste de la voir comme ça et je ne sais pas quoi lui dire. Je lui lance sans conviction un "C'est juste un mois comme un autre" qui tombe comme un cheveu dans la soupe.

Vers la fin de la soirée, Emily me fait remarquer que Vinge est à une table voisine. Apparemment, il ne nous a pas vus. Il discute avec un gars que je ne connais pas. On attend un peu avant d’aller lui parler, mais on finit par s’asseoir à leur table pendant une grosse demi-heure. Le gars en question, du nom de Juan-Flippo, est un de ses meilleurs amis d’enfance (ils ont grandi tous les deux du côté de Gosselies). Juan-Flippo travaille pour les socialistes à Charleroi (Vinge ne dit rien à ce sujet, alors que d’habitude, il n’arrête pas de critiquer les socialistes) et a déjà été au Québec, en 2002 (on parle un peu de nos expériences communes dans cette belle région). Au début de la discussion, il me lance en désignant Vinge : "Pas facile d’être l’ami de ce zouave, hein ?". Il a bien raison. Vinge est beaucoup plus calme aujourd'hui, cela dit. Quand je lui parle de la dernière soirée que j’ai passée avec lui, durant laquelle il était totalement fou, il me reparle des appels d’offres et de ses tests au Selor (au secours !). Vinge paie un verre. Emily et moi nous en allons peu de temps après (elle me reconduira en voiture chez moi), laissant les deux amis discuter entre eux (mais jusqu’à quelle heure sont-ils restés ?).

Le travail, c'est la santé (ou pas)

Premier jour de vrai beau temps depuis... longtemps. À midi, mes collègues (équipe réduite, vacances obligent) et moi décidons d'aller manger à la terrasse d'un restaurant pas loin du boulot. Je commande deux toasts cannibales doubles, soit l'équivalent d'un quadruple toast cannibale. Je termine l'escalope milanaise de Charlotte et les boulets à la liégeoise de notre bénévole. Je suis une véritable poubelle de table humaine. Durant le repas, Charlotte raconte toujours des histoires abracadabrantes qu'elle a lues ou qui lui sont arrivées personnellement, ou tout au moins à son entourage. Hier, c'était l'histoire d'une pomme de terre qui avait fermenté dans son tiroir de cuisine et dont le germe avait atteint la longueur parfaitement surréaliste (du moins pour une patate dans un tiroir) de deux mètres de long.  Aujourd'hui, c'est celle d'un de ses potes qui possède un tatouage en forme de fleur sur le bras et qui a été piqué par une guêpe juste à cet endroit-là. Question de Charlotte : la guêpe a-t-elle confondu le tatouage avec une vraie fleur ? Non, dira-t-elle, car pourquoi dès lors l'aurait-elle piqué ? (En effet, les guêpes ne piquent pas les fleurs.) Charlotte réfléchit beaucoup, mais réfléchit différemment.

Si je n'ai jamais vraiment parlé de mon boulot dans ce journal, c'est que je m'en fous un peu. Dès que je sors du travail, je n'y pense plus. Je n'ai en effet aucun problème à créer une cloison entre ma vie professionnelle et mon... euh... semblant de vie privée. On ne peut pas en dire autant de tout le monde (que ce soit dans le groupe de mes collègues ou de mes amis).

Lorsque j'ai été engagé comme historien/archiviste/attaché scientifique/porteur de caisses/Web designer/infographiste/homme à tout faire/préposé au café à mon boulot, il y a de cela plus de cinq ans (fichtre !), l'équipe, moi y compris, n'était composée que de cinq personnes. Le fondateur de l'institution, détenteur du savoir suprême (du moins en ce qui concernait les collections historiques), venait de mourir d'un cancer. Je ne l'ai jamais rencontré une seule fois. De toute façon, c'est peut-être mieux comme ça car sa personnalité de communiste sectaire semblait difficilement conciliable avec la mienne, plutôt (voire carrément) anarchiste.

Quand j'ai débarqué à ce boulot, mon ami Fred Jr y travaillait. On a toujours bien bossé ensemble : lui plutôt généraliste pas prise de tête ni donneur d'ordre, moi plutôt technicien dans l'âme (ça n'a pas changé). Cependant, Fred Jr n'est pas resté longtemps (le job se situait très loin de chez lui). Dans l'équipe, à l'époque, il y avait déjà aussi Rolande, la secrétaire (ou plutôt la "responsable administrative"), une femme très élégante (c'est le premier mot qui me vient à l'esprit), la plus ancienne de l'équipe aussi ; Christiane, la bibliothécaire : si tous les bibliothécaires de Belgique étaient aussi perfectionnistes et systématiques qu'elle, la Bibliothèque royale serait le paradis des chercheurs (ce n'est hélas pas le cas) ; enfin, Lodewijk, à l'époque mon collègue mais actuellement mon chef. Un chic type, très honnête et droit (comme Clyde ?), et aussi un abatteur de travail (il me fait peur, souvent).

Quand Fred Jr est parti pour d'autres contrées moins intéressantes (un service de documentation sur le marché de l'emploi), nous n'étions plus que quatre. C'est alors que Charlotte a été engagée. Historienne de l'art, moitié Française, moitié Canadienne, elle adore la littérature du XIXe siècle, les crânes phrénologiques et les histoires bizarres. Son compagnon, informaticien, fan de science-fiction, de fantasy et de la Seconde Guerre mondiale, est du genre à lui faire des énigmes tordues pour les cadeaux d'anniversaire. Ils se sont trouvés, ces deux-là...

Plus tard, Wynka a rejoint l'équipe. Wynka est un cas particulier : historienne, elle a terminé un doctorat sur l'Agence spatiale européenne alors qu'elle n'a pas spécialement l'air d'adorer la technologie (c'est même plutôt l'inverse). Elle est homéopathe, fait du Taï chi, participe à un groupe d'achat commun (de fruits et légumes)... Elle se pose une centaine de questions à la minute (elle a, dit-elle, "un surmoi très développé" [sic]). C'est aussi mon actuelle collègue de bureau. Elle me reproche souvent d'être trop rationaliste, voire scientiste. Je lui reproche exactement l'inverse, mais on s'entend très bien quand même. Elle possède l'énorme qualité à mes yeux de toujours dire ce qu'elle pense, sans jamais réfléchir aux conséquences (une bouffée d'air frais...).

Les deux derniers arrivés à mon boulot sont Sylvette et Aurèle. Sylvette est une bibliothécaire. Elle adore Queen (hein ?). Aurèle est un historien. Il déteste Queen (ha !). Il travaille comme un malade pour des échéances de malade, tout ça pour un contrat à durée déterminée (m'enfin !).

Avec tout ça, je n'ai toujours pas parlé de ma soirée d'aujourd'hui. Je l'ai passée à la Maison du peuple de Saint-Gilles, seul puis avec Léandra. Matys est juste venue dire bonjour subrepticement avec son nouveau  petit chien. (Digression : on commence à connaître un des patrons. Ou plutôt : un des patrons commence à nous reconnaître. On se dit d'abord qu'on va l'appeler "Hadrien", avec-un-H-siouplaît, sur nos journaux respectifs mais Léandra me laisse un message vocal plus tard dans la soirée pour me dire que "Térence", ce ne serait pas mal non plus. "Comme Térence d'Arabie", me dit-elle. Je pense qu'elle confond avec Lawrence, mais qu'importe : appelons le Térence quand même.) Térence, donc, me propose une bouteille d'un litre de vin au prix du demi-litre. Quand je le remercie, il me lance : "C'est moi qui te remercie". On est des clients fidèles, c'est pour ça...

La soirée avec Léandra se passe bien. Déjà, je suis en forme. Je rigole beaucoup et je la fais rire de temps en temps (enfin, je crois). Ensuite, on parle de plein de choses (comme d'habitude quand on est seulement tous les deux à la Maison du Peuple). De Jonas bien sûr, mais aussi de Lyric ou de Charles-Henri, pour ne citer que ceux-là. Elle m'apprend qu'elle discute de ma situation quand je ne suis pas là, avec Matys ou d'autres amies : "pourquoi Hamilton est-il toujours célibataire ? Parce qu'il ne supporte pas se prendre des râteaux" (c'est bien vu, c'est la stricte vérité). En fond sonore, nous avons droit à la violoniste à la voix kamikaze, qui traîne de temps en temps au Parvis.

De retour chez moi, je remarque sur mon GSM déchargé en charge que Lewis a essayé de m'appeler ("Hamilton, c'est Lewis ; quand tu sais, appelle-moi"), ainsi qu'Emily. Cette dernière m'a laissé un message pour savoir si j'allais boire un verre ce soir. C'est un peu tard, c'est dommage.

Tony Soprano/mon ami Vinge, même combat

En ce moment, j'écris beaucoup durant mon temps libre. Corollaire de cette activité : j'ai moins de temps à consacrer aux séries télévisées. Je viens tout de même de terminer la première saison des Sopranos, série estampillée HBO narrant les "aventures" d'un chef de la mafia un chouïa dépressif. Conclusion : c'est totalement et définitivement excellent. D'abord, c'est plein d'humour. Un des chefs du clan Soprano risque sa peau parce qu'il va voir une psy, l'autre parce qu'il acquiert la réputation d'être très bon pour le cunnilingus (d'après la série, les deux situations constituent un signe de faiblesse inacceptable pour un mafioso). Au moins trois autres singularités valent le détour dans cette série : le recours aux rêves et à la psychanalyse ; les ironies subtiles (par exemple, à plusieurs reprises, les acteurs se retrouvent derrière des panneaux publicitaires qui comportent une dose d'humour par rapport à la situation) ; et la musique. La musique ! Chaque épisode (ou presque) se termine par une chanson. Pour la première saison, on a notamment droit à la triste "Look on Down from the Bridge" de Mazzy Star ; la fantastique "White Rabbit" de Jefferson Airplane (l'hymne d'une génération, avec la fameuse référence à Alice et aux champignons) ; ou encore "Frank Sinatra" de Cake... Dernière chose : Tony Soprano, quand il est sous Prozac ou sous l'influence de la drogue, ressemble à mon ami Vinge quand il est saoul (c'est-à-dire tout le temps ?) : c'est presque totalement incroyable.

Léandra a définitivement fait une croix sur Jonas ("enfin !", me dis-je quand je l'apprends : j'étais depuis deux-trois semaines revenu à l'idée que cet énergumène ne la méritait absolument pas). (Le mérite n'a rien à voir avec ça.) Je ne vais pas en parler ici : c'est elle que ça regarde. On devait peut-être se voir ce soir. Tout compte fait, ce ne sera pas le cas (c'est entièrement de ma faute). Je passe tout de même un petit bout de temps au téléphone avec elle. Je me doute que ça ne doit pas être facile et qu'elle a envie de parler. D'un autre côté, je la crois (et je la comprends) quand elle dit qu'elle est presque soulagée.

Le soir, badminton ! Je joue mal (en fait, je m'en fous complètement). Lewis passe en coup de vent (je ne sais même pas pourquoi il a pris la peine de venir jusqu'au club). Il me dit que j'ai une bonne mine (ce qui est vrai). Je lui dis que c'est parce que c'est lundi (curieuse réponse). Sont aussi présents dans la salle Mary, Walter, Toine et Flopov. Les autres, peu importe : ils font partie du décor. Après le sport, je vais boire un verre au Corto avec les deux premiers. 

Il faut que ces deux-là parlent de boulot. Ils ne peuvent pas s'en empêcher. Walter disserte sur son chef avec qui il est en froid en ce moment (ah ?) et qui ne lui a pas proposé de l'accompagner au restaurant ce midi, contrairement à ses autres collègues. Mary dit qu'en tant que nouvelle chef, elle a accordé une demi-heure en plus à ses subordonnés durant le temps de midi, à condition que ces derniers récupèrent le temps perdu pendant la matinée ou la soirée. Je pense subitement à mon travail, aux bénévoles, à l'éventuelle bouteille de Bourgogne que l'on boit le midi, et je me dis que j'ai quand même de la chance de travailler dans une asbl, avec des gens de gauche.

Il faut aussi qu'ils parlent de salaires, de bagnoles de fonction et d'appartements. J'essaie de participer à la conversation mais sans entrain. Walter discute ensuite de sa grande idée sur les couples et les relations : avant 25 ans, les femmes cherchent un idéal ; après 25 ans, elles cherchent à se caser pour avoir un enfant avec un homme "avantageux" (qui a du pognon, des ressources, une maison, une voiture tout confort, etc.). Il dit que c'est partout comme ça. Je ne suis pas d'accord : je lui dis que ce qu'il pense des relations entre les gens découle de sa propre vision des choses, de ce qu'il a observé dans sa famille ou à Solvay (le jour où l'on me dira que l'École Solvay constitue la norme en termes de rapports humains, je me tire une balle en pleine tête) et non d'une étude scientifique qui tendrait à dire que tel ou tel pourcentage de gens se comportent de telle ou telle manière.

Durant la soirée, Zapata passe devant nous et nous salue furtivement. Il est avec son père et Amy. Qu'est-ce qu'ils font dans le quartier et pourquoi passent-t-ils devant le Corto ? Mystère...

Mary est toujours obnubilée par les vêtements et parle à nouveau d'aller en acheter avec moi, pour me "rhabiller". C'est une obsession. Je porte des Converse, un 501 noir et un tee-shirt de type "marinière". Je ne vois pas ce qui cloche. Étrangement, elle appelle la serveuse du bar et lui demande si les vêtements ont de l'importance pour elle quand elle voit un homme. La serveuse répond par la négative. Quelle drôle de question, de toute façon.

Je retourne en bus avec Mary. On mange en vitesse un hamburger pas trop mauvais (ça me fait du mal de l'écrire) chez Quick puis on prend le métro. À la Porte de Hal, je guide un type (un Français, semble-t-il) qui veut se rendre au Parvis de Saint-Gilles (tous les chemins mènent au Parvis). Il me lance : "C'est quoi le bouquin dans votre poche ?". Les Seigneurs de l'Instrumentalité, de Cordwainer Smith. Je me trimballe une fois sur quatre avec ce bouquin dans ma poche. Il ne connaît pas mais commence à me parler de Philip K. Dick : Loterie solaire, Ubik, Le Maître du Haut-Château, qu'il n'a pas spécialement aimé. Avant qu'il ne s'en aille vers le Parvis, j'arrive à lui sortir plein d'anecdotes sur Dick (dont je connais assez bien le parcours). Un peu surréaliste, comme fin de soirée. Le gars n'était pas le genre de Léandra, elle n'a rien raté. Et puis, paraît qu'elle veut se mettre en mode "off". (C'est quoi cette nouvelle mode ?)

Le rayon H

Avant de m'endormir, je décide (contrairement à mes plans de départ) de mettre mon réveil à 8 heures 8 minutes du matin pour profiter de la journée et aussi savoir ce que je fais de cette dernière. En me levant, après moult hésitations, je décide d'aller manger chez mes parents. Gaëlle doit arriver dans l'après-midi. Callys, comme tous les matins, poste de très bonne heure son fameux "GoooOOOOOOOOooooooood MooooOOOOooooooorning, tête de livre !!!". Tout ce que j'arrive à me dire pour ma part, c'est que dans "morning", il y a "morne". Oui, mais il y a aussi "orni" (comme dirait Callys) et pire que morne : "mort" (comme dirait Léandra) !

Dans son journal (quel journal ?), Léandra trouve que je faisais la sourde oreille hier quand elle me parlait de Jonas. J'aimerais dire que je me souviens très bien du moment et que c'était une stratégie hautement réfléchie pour l'énerver, la secouer, mais il n'en est rien : hier, j'étais tellement d'humeur solitaire, pour ne pas dire solipsiste, que rien ne comptait plus à mes yeux que de trouver un stupide titre pour mon stupide blog de science-fiction (c'était une façon pour moi d'échapper à une certaine réalité, en fait). Léandra m'a d'ailleurs bien aidé et j'ai fini par trancher aujourd'hui pour "Le rayon H". "H" comme Hamilton. "Rayon" comme rayon de bibliothèque. "Rayon H", ça fait aussi un peu "Blake et Mortimer" (ça me fait une belle jambe, tiens : je les déteste) ou "physique nucléaire" comme dans "rayon gamma". "Rayon X" (encore une idée de Léandra), je le réserve pour un éventuel futur blog sur la pornographie.

Chez mes parents, c'est le branle-bas de combat (aucun rapport avec la pornographie) : mon père refait entièrement la salle de bain. Ne reste plus dans la pièce que des tuyaux, une baignoire ainsi que des vieilles briques et des vieilles planches de bois posées il y a plus d'un siècle. Les briques humides et difformes de la salle de bain rappellent l'histoire de la maison ; le passé suintent des murs... La maison familiale, c'est une vieille ferme du XIXe siècle achetée par mon arrière-grand-père et transformée en logements.  Depuis mon enfance, mes parents habitent l'étage du dessus, ma bobonne l'étage du dessous et ma tantine la maison mitoyenne d'à côté. Mon cousin, la quarantaine, habitant à 500 mètres de là, a décidé il y a peu de revendre sa maison et de construire une annexe à la maison familiale, pour y vivre à nouveau. C'est symptomatique de ma famille : tous ceux qui ont vécu là-bas ont de bons souvenirs de la maison, de la propriété, des jardins fleuris, du saule pleureur, des bouleaux, de l'érable... Ce sont les souvenirs de la vie familiale en compagnie de trois générations qui reviennent à chaque fois en mémoire... Haaa, ces parties de belotes avec ma mère, mon oncle italien (la clope au bec) et feu mon Nono, sur la cour, durant les chaudes soirées d'été, avec l'espresso ou la sambuca ! Moi-même, aujourd'hui sur les lieux de mon enfance et de mon adolescence, je refais le plein d'énergie et je parle à nouveau normalement, sans prise de tête, sans me poser trop de question. Cette maison, c'est une thérapie à elle toute seule.

Maïté amène Gaëlle à 16 heures pile. Elle est venue seule avec ma fille (enfin, "notre" fille) et prend une eau pétillante mélangée à de la grenadine. Gaëlle est en forme, elle court directement vers ses jouets de jardin abandonnés il y a quinze jours dans son bac à sable. Elle nous prépare également un spectacle avec des éventails (qu'elle ne peut s'empêcher de prononcer "épouvantails").  Malgré des erreurs de mots, son vocabulaire s'enrichit (elle pourra bientôt prononcer "triacontakaihenagone" sans flancher). Lorsque je repars pour Bruxelles, Gaëlle, captivée par Bob l'éponge, me lance à peine un "au revoir". C'est bien ma fille : j'étais comme elle à l'époque. La chose ne me dérange pas le moins du monde ; elle me fait même rire intérieurement.

De retour à Bruxelles, errant dans la Gare du Midi, quelqu'un me touche le dos, je sursaute et me retourne : c'est mon ami Fred Jr ! M'enfin, qu'est-ce qu'il fout là ? En fait, il revient seul de la mer et a raté sa correspondance. Conséquence : on a le temps de prendre un café/thé et de discuter un peu. On parle notamment d'une des dernières BD de Lewis Trondheim, Ralph Azham, parue chez Dupuis. Je ne l'aime pas trop, cette BD : ça ressemble à une redite de Donjon, en moins bien.

Je termine la soirée au Parvis de Saint-Gilles en compagnie d'Emily, Andrew et Walter qui sont déjà en terrasse quand j'arrive. Léandra est absente. Emily et Andrew racontent qu'ils ont passé la soirée d'hier avec le Dr Nanash et la Dr Phasia.  Apparemment, les deux médecins étaient en désaccord sur une question cruciale : "Peut-on attraper le SIDA via la salive ?". Nanash, théorique, disait que c'est possible. Phasia, plus sur le "terrain", disait que ça n'arrive jamais. J'imagine très bien Nanash défendre bec et ongles son point de vue. 

Les serveurs de la Maison du Peuple, qui s'emmerdent au bar, font des blagues assez trash. Du genre : "Quel est le point commun entre des choux de Bruxelles et un fist-fucking ? Réponse : les enfants n'aiment pas". Oui, oui, ça vole très haut ce soir (et ce n'est pas la pire). À la table, plusieurs discussions sont lancées. Walter veut amorcer un débat sur les injustices durant le cursus académique (en résumé : avec simplement de l'argent, des parents peuvent envoyer leur fiston dans une école élitiste, ce qui aura forcément une répercussion sur leur emploi futur).

L'arbre grenat de la dépression

Aujourd'hui, c'est la journée du Contrevent : à l'instar de la Horde du même nom dans le second roman d'Alain Damasio (en cours de lecture), j'ai l'impression d'être totalement à contre-courant, de devoir lutter constamment contre un vent contraire. Je dois faire des efforts surhumains pour me lever, pour marcher, pour parler : tout est lourd, tout est difficile à mettre en place. J'ai des idées noires qui me traversent le crâne et je n'arrive pas à mettre le doigt sur le malaise. J'ai le cœur qui bat beaucoup trop vite et j'ai aussi beaucoup trop de tension (je sens clairement l'oppression constante dans ma poitrine). J'ai mal au dos. J'ai mal au crâne. Bref, j'ai compris le message de mon corps : ce samedi 30 juillet sera une journée de merde qui va durer un certain temps, à moins d'un événement secouant.

Ce midi, je me traîne jusqu'à Jette pour manger avec le vieux Lewis dans son restaurant italien préféré ("chez Vincenzo", comme il dit). Sur le chemin je croise deux chats noirs totalement identiques, qui adoptent exactement la même pause et qui me suivent du regard. Lorsque je passe devant eux, un des chats se précipite sur moi avec un miaulement strident (je ne sais si c'est pour me menacer, pour quémander un câlin ou encore demander de la bouffe – à moins qu'il m'ait reconnu et qu'il désirait avoir l'honneur d'être lancé par un champion du monde de lancer de chat ?). La scène me fait également penser à Matrix.
Lewis me paie le repas. Il me dit qu'il est très heureux de parler avec moi car la discussion est toujours équilibrée : "Nous avons tous les deux nos problèmes et nous nous écoutons mutuellement", dit-il (je suis d'accord avec lui, du moins pour cette fois-ci). L'observation de Lewis me rappelle les discussions avec Léandra, durant lesquelles chacun observe un peu le "temps de parole" de l'autre, enfin la plupart du temps.
Lewis en a marre, marre, marre de la solitude. Il parle beaucoup de son fils César qui est en Indonésie pour le moment avec sa copine. Chaque coup de fil de César (59 secondes par jour) lui donne une bouffée d'air frais. Il me parle du moment où il a eu une grosse dépression, il y a dix ans de cela. Je lui pose la question : "Comment voit-on que l'on fait une dépression ?". Sa réponse, donnée après au moins quinze secondes de silence et de réflexion, est intéressante : "Vois-tu le bel arbre rouge, là-bas, Hamilton ? Plusieurs personnes regardant ce même arbre auront chacune une interprétation différente, comme : 'C'est un bel arbre dont la couleur grenat resplendit' ou : 'Sous ce beau soleil, sa couleur n'est pas grenat mais plutôt vermillon'. Personne ne dira par contre que l'arbre est bleu et laid, parce que ça va à l'encontre des sens les plus rudimentaires, sauf quelqu'un qui est en dépression nerveuse et qui n'arrive plus à se connecter à la réalité, à la beauté de l'existence". L'arbre est une métaphore de la vie, pour Lewis : quelqu'un qui est en dépression a une vision totalement déformée (et négative) des humains et des relations humaines. "L'arbre de la vie", ça fait presque mystique, curieux.

Lorsqu'il s'intéresse à mes problèmes, Lewis joue un rôle qui se situe entre le coach et le psychologue. Il essaie d'établir des stratégies à ma place. Il parle un peu comme Léandra. Il n'a sans doute pas lu The Game (le roman sur la drague dont Léandra parle sans arrêt) mais il énonce les mêmes préceptes. Il me dit : "Si tu aimes une femme, tu dois penser à elle comme à un objectif et élaborer une stratégie valide pour arriver à ce que tu veux : la conclusion" (je lui dis que je n'élabore jamais de stratégies dans les contacts humains : c'est donc mal parti). Il pense aussi curieusement que je devrais passer plus de temps seul dans les musées pour rencontrer des gens qui aiment les mêmes choses que moi (pourquoi pas ?), m'inscrire dans des tournois bruxellois de badminton pour rencontrer de nouvelles personnes (c'est une bonne idée), partir en vacances seul (encore une bonne idée) et que je devrais aussi m'inscrire à un site de rencontres sur Internet (hors de question). 

Je passe l'après-midi seul à la Maison du Peuple à boire principalement du thé (gné ?), d'abord pour écrire le compte-rendu de ce rendez-vous avec Lewis, ensuite pour développer d'autres projets Web personnels. Derrière moi, à la table du coin, une fille rigole toutes les quatre minutes de manière ridiculement stridente pour des conneries (c'est très énervant). Par ailleurs, je me fais encore une fois ce constat : il n'y a pas grand monde de sympa dans ce café (c'est une bulle d'égoïsmes, à laquelle je participe, ceci étant dit).

Emily tente de me téléphoner en début de soirée mais quand je me rends compte de l'appel en absence, il est déjà un peu tard : Léandra, de retour à Bruxelles après un début de week-end en famille, m'a invité à manger chez elle, un peu à l'improviste, des pâtes à la sauce bolognaise préparée par sa maman. Je décide de ne pas ennuyer Emily à 10 heures du soir (elle nous avait par ailleurs dit qu'elle se reposait ce week-end)... Je suppose qu'elle a dû aller boire un verre avec Walter et Andrew près de chez elle.

La sauce, très bonne au demeurant, manque néanmoins cruellement de sel. Léandra me montre le mur de sa chambre rempli de moisissures : ce n'est pas très beau à voir ; on se croirait un peu dans un dépôt d'archives en manque de déshumidificateurs. Durant toute la soirée, j'ennuie mon hôte avec mes histoires de science-fiction. Je cherche désespérément un bon titre pour un énième blog traitant de ce genre littéraire. Léandra finira par trouver quelques bonnes idées (elle est forte pour les associations de mots, mon amie), meilleures que les miennes en tout cas (des idées un peu "nunuches" de gamin rêvant de ciels étoilés).

La libération de Zapata

Aujourd'hui 29 juillet 2011, mon ami anarchiste Zapata a terminé son travail. Non pas pour un week-end, non pas pour une semaine, non pas pour un mois, mais pour un an ! Amy et lui partent bientôt faire "le tour du monde", en commençant par l'Amérique du Nord. 

Pour fêter sa "libération", Zapata propose sur Facebook de nous payer un verre du côté de la place Flagey "vers 15h-16h". Je me rends donc à ladite place aux environs de 15h30. J'avais oublié que c'était Zapata et que l'horaire indiqué sur Facebook était juste... une vague indication. J'essaie de l'appeler, je mange des frites, j'essaie de l'appeler... Pas de réponse. Je n'ai pas pensé à appeler Amy, comme cette dernière me le fera d'ailleurs remarquer plus tard dans la soirée. Du coup, sans nouvelle, je m'en vais faire un tour dans le Centre-ville (hors de question de patienter dans l'horrible Belga).

Après un coup de fil de Zapata, retour vers 18 heures au Murmure. Sont juste présents Amy, Zapata et un de ses collègues geek : le gars a notamment joué à WoW première version, le "WoW Vanilla", comme on dit dans le jargon. J'évoque avec lui Braid, Minecraft ainsi que la plate-forme de jeu Steam. Il ne semble pas connaître Dwarf Fortress. Yama nous rejoint pendant deux verres (dans Le monde inverti de Christopher Priest, les protagonistes comptent en kilomètres, moi je compte en verres). De temps en temps, la moitié de la tablée se casse pour aller fumer à l'extérieur (obligation liée à cette nouvelle loi débile sur l'interdiction de la cigarette dans les café). Je discute pas mal avec Amy. Je bois beaucoup d'Orval. Plus tard, Andrew et Walter nous rejoignent. 

On termine la soirée dans un restaurant de couscous à Flagey. Flippo nous rejoint. Le couscous royal n'est pas terrible : pas assez de couscous et pas assez de viande. En plus, la serveuse refuse de nous servir une carafe d'eau (je la cite, en résumant : "vous devez prendre la bouteille, j'en peux rien, c'est pas moi qui décide, c'est la loi du marché").

Zapata propose de boire un "dernier verre" chez lui et de manger des fourmis de Colombie. Je suis d'abord tenté par la proposition, puis, m'imaginant le trajet de retour à pied (long) ou en taxi (cher), je finis par décliner. De toute façon, à quoi cela sert-il de retarder à outrance l'inévitable retour chez soi ? (J'assume ma trentaine, c'est nouveau, tiens...) 

Lorsque je m'en vais, Zapata me fait deux doigts d'honneur et me lance : "Libération !" (dans le sens : "Fini le boulot !"). Je lui réponds affectueusement, le sourire aux lèvres, par un "connard" bien mérité. Il est libre, Zapata.

Rêve d'équerres et de compas

Lorsque le réveil sonne, tôt ce matin, je me souviens d’une bribe du rêve que je viens apparemment de faire. Je profite du trajet en train pour essayer de le retranscrire le plus fidèlement possible avant d’en oublier la teneur, d’autant plus qu’il est assez comique :
Je me trouve dans une petite pièce remplie de monde. Il s’agit d’un mélange entre une réception (des groupes discutent, un verre à la main) et un déménagement (en tout cas, j’ai l’impression que le véritable but de la réception, c’est de vider la petite pièce). Je ne me souviens pas des gens qui sont présents, si ce n’est le père de Maïté (mon ex-beau-père donc). Il me parle et se plaint qu’en vieillissant, le temps passe beaucoup plus lentement. Il me dit : "Il me faut 1096 années pour traverser une seule année. Je m’ennuie". Je ne réponds rien. Les gens commencent à quitter la pièce pour retourner chez eux, me laissant seul. Lorsque mon ex-beau-père (toujours lui) passe devant moi, il ne me regarde pas, mais attrape mon avant-bras fermement (un peu à la manière de Lewis) et place ses doigts sur ma peau dans une curieuse configuration. Toujours sans me regarder, il dit : "Je me suis toujours demandé, Hamilton, si tu en étais ou pas". Je comprends immédiatement qu’il me parle de la franc-maçonnerie. Il ne s’attarde pas et sort de la pièce. Je le poursuis dans la rue. Il est déjà loin et je crie très fort à son intention : "Pas du tout ! Absolument pas !". Il se retourne, me regarde d’un air entendu (le genre d’air de celui qui a tout compris d’un message très complexe) et fait un petit signe d’approbation de la tête avant de partir pour de bon.
C’est la seule scène dont je me souviens, hélas ! Certaines parties contextuelles sont "faciles" à expliquer : la référence au temps qui passe beaucoup plus lentement est au moins liée à ma lecture récente du Monde inverti de Christopher Priest (dans lequel le temps et l’espace se comportent de façon très curieuse, hyperbolique) ; la référence à la franc-maçonnerie est un souvenir de la discussion d’hier avec Léandra et Fred Jr, où l’on a abordé ce sujet (et plaisanté sur les francs-maçons).
La matinée, je travaille au dépôt d’archives en compagnie de ma collègue Charlotte. Certaines archives sont très abîmées : leur conservation pendant parfois plus de quarante ans dans des conditions humides et poussiéreuses a donné à certaines pages un aspect légèrement moisi ; des attaches-trombones et des agrafes  (une des terreurs de l’archiviste) ont rouillé et déchiré certains feuillets. Je nettoie le tout, dossier par dossier ; je reconditionne chaque dossier dans une nouvelle chemise ; je place chaque chemise dans des boîtes AGR au ph neutre, mais j’ai l’impression que tout cela est vain. Je lutte contre le temps, contre ce vent temporel qui emporte tout (y compris les vieux papiers, y compris nous, y compris les atomes). L’archiviste, qui croit pouvoir préserver le patrimoine dont il a la charge de la destruction, ne fait rien d’autre que de retarder l’inéluctable. (Suis d'humeur optimiste, aujourd'hui.)

Le soir, je retrouve d'abord Andrew, puis Emily puis enfin Walter au Café de l'Unif pour manger. J'ai également proposé à Vinge de nous rejoindre (il m'avait téléphoné dans ce but en début de semaine). Il nous rejoint donc une petite heure plus tard. Est-il saoul ? Est-il énervé ? Un peu des deux, je suppose... Avec Vinge qui tient des propos totalement décousus et limite paranoïaques sur son honnêteté foncière, son perfectionnisme (sic) et le fait qu'il refusera toujours de contresigner un faux à son boulot (personne ne comprend vraiment ce qu'il raconte), la discussion vire carrément au surréalisme. Pendant ce temps, Emily est toujours plus ou moins déprimée par son plafond de cuisine qui a de gros problèmes d'humidité et Andrew a l'air fatigué, malgré qu'il soit allé se coucher "tôt" hier (3 heures du matin).

Vinge m'inquiète, vraiment. Je ne l'ai jamais vu à ce point sur le fil du rasoir (et pourtant, je l'ai déjà vu sur une pente glissante). Il n'écoute pas du tout ce qu'on lui dit. Il est en mode automatique. Il s'est trouvé un ennemi : les "socialistes", parce qu'un attaché-de-je-ne-sais-quel-ministre est un malhonnête-oui-Monsieur-c'est-la-vérité. Regards interloqués : personne ne voit de quoi il parle.

Durant le dessert (Emily n'a pas de chance avec ses tiramisus : aujourd'hui, c'est de la moisissure sur le dessus), Vinge me dit qu'il veut me parler personnellement plus tard dans la soirée. Je ne comprends pas pourquoi mais j'accepte, après avoir souhaité bonne nuit à tout le monde. Vinge m'avait promis de me payer un verre aujourd'hui (c'est pour cela qu'il attendait jeudi pour me voir, pour pouvoir me payer un verre "sur le premier salaire de son nouveau boulot"). Raté : comme d'hab, il n'a pas d'argent sur lui, pour une obscure raison. Je vais donc lui payer un verre au Corto et lui demande ce qu'il veut me dire personnellement (je m'attends à tout). Il me tient des propos totalement décousus et limite paranoïaques sur son honnêteté foncière, son perfectionnisme et le fait qu'il refusera toujours de contresigner un faux à son boulot. En fait, il voulait me voir seul pour me dire exactement ce qu'il a dit à tout le monde deux heures plus tôt. Son disque est rayé.

Du coup, je lui demande si tout va bien (a priori, pas du tout) et s'il se rend compte de l'aspect extérieur qu'il renvoie aux gens. Je lui dit qu'il avait l'air d'un fou en arrivant tout à l'heure et que, si on ne le connaissait pas un peu, on pourrait prendre peur. Mon propos glisse dans son cerveau comme le piéton sur une banane un soir de pluie et il repart dans sa litanie contre les socialistes. Je décide d'en rester là et de reprendre mon bus. Je suis fatigué, non seulement de ma semaine, mais aussi de ce vieux disque populiste rayé. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider, vraiment : il a tellement accumulé de rancœur en lui durant toutes ces années...

Navetteurs au long cours

Dans le train aujourd'hui, je me fais la réflexion que je suis un navetteur depuis environ sept ans. Un navetteur (à ne pas confondre avec "un after", qui se prononce presque de la même façon) est une personne qui fait des trajets réguliers de chez lui à son travail. Après avoir utilisé pendant plus d'un an le train pourri qui fait la liaison Bruxelles-La Louvière pour un travail tout aussi pourri, ça fait plus de cinq ans que je parcours le trajet Bruxelles-Liège, pour un travail un peu plus intéressant. 
Dans le train Bruxelles-Liège le matin, il n'y a jamais grand monde, encore moins durant les vacances (assez rares sont ceux qui habitent la capitale et qui travaillent à l'extérieur de celle-ci), mais par contre ce sont toujours les mêmes têtes que l'on croise. Il y a d'abord ceux que je connais personnellement et avec qui je m'assieds le soir quand ils sont présents (le matin, c'est sacré : tout le monde dort dans le wagon)  : Flippo, qui travaille au greffe de la jeunesse du tribunal de Liège, un très bon pote avec qui je suis parti au Québec il y a presque trois ans déjà. Flippo était une année au-dessus de moi en histoire à l'université. Il est fan de cinéma et de musique psychédélique. Il adore Chris Marker, Fassbinder, Tarkovski, Wes Anderson et Will Ferell et dit que ce n'est pas incompatible (je le crois volontiers). Il voue un culte à Neil Young. Flippo est quelqu'un de bien, qui "laisse couler", assez casanier et qui n'aime pas qu'on l'embête (quelqu'un de très facile à vivre et de reposant, somme toute, comme je m'en suis rendu compte au Canada). Il y a aussi Yama, la copine de la copine de Zapata. Yama connait plein de choses même si elle me jure constamment que ce n'est pas vrai  : le moindre film alternatif, le moindre groupe underground. Future Days de Can fait partie des trois albums qui tournent en boucle à son bureau, m'a-t-elle dit un jour. Elle connaît par ailleurs assez bien le monde des graffeurs et du hip-hop.

Ensuite, il y a les quelques uns que j'ai connus dans le train  : Amely, "l'apicultrice", que j'ai rencontrée il y a peu parce qu'elle prenait parfois le même bus que moi pour aller travailler dans la banlieue ouest de Liège. Amely a donné sa démission pour pouvoir faire le tour du monde pendant un an, un peu comme mon ami Zapata (ils vont partir plus ou moins au même moment, tiens). Elle part notamment au Pérou pendant quelques mois, pour élever des abeilles, entre autres. Il y a aussi Dizzee, le copain de Yama, un grand gars très-calme-mais-faut-pas-me-chercher-des-noises, cheveux rasés, fan de hip-hop, un peu parano sur les bords, qui a plein de projets en tête (notamment celui de créer un ligne de vêtements). Il avait l'habitude de toujours s'installer le plus loin possible à l'arrière du train. Comme Amely, Dizzee ne reviendra plus dans ce train car il a trouvé un job à Bruxelles, dans les télécommunications. Sa copine, qui travaillait également à Liège, n'est plus jamais dans les wagons non plus. Sans doute a-t-elle aussi fini par trouver un travail près de chez elle.

Ensuite, il reste tous les autres, que je reconnais mais dont je ne connais même pas le prénom comme la mystérieuse jeune femme froide, brune, lunettes, chaussures Nike, ordinateur Mac. Elle lit parfois Les Inrocks. Il y a un mois, c'était L'utilitarisme de John Stuart Mill. Elle a l'air très éduquée, intelligente et ne supporte pas les emmerdeurs dans le train (genre ceux qui écoutent leur musique à fond ou qui jouent avec des jeux bruyants et débiles sur leur gsm). Elle n'est pas la seule. Il y a aussi celle qui prend le tram en même temps que moi à la station Albert. Ou encore celle qui se balade toujours avec son sac Quechua rouge. Il y a également les deux hommes, peut-être des frères, avec leur petites valisettes, qui font toujours le trajet ensemble ; le cinquantenaire barbu qui a l'air sympa qui prend le train à Leuven... Etc. Je serais curieux de savoir dans quoi travaillent tous ces gens.

Arrivé au boulot, je regarde les actualités. David Servan-Schreiber est mort ce dimanche. Ironie du sort : c'est un cancer qui a eu raison de l'auteur d'Anticancer. Je regarde aussi les nouvelles par rapport à l'extrémiste qui a assassiné une septantaine de personnes à l'arme automatique dans un congrès de jeunes sociaux-démocrates norvégiens. Je vais jeter un œil sur la vidéo et le manifeste que ce taré a posté avant le massacre. Il se considère comme un templier luttant pour le "retour à une Europe chrétienne". Il veut débarrasser sa nation des marxistes, du multiculturalisme et des musulmans et propose une stratégie à long terme (jusqu'en 2083) pour arriver à cet objectif. La vidéo est accompagnée d'une petite musique dans le pur style folk néo-païen. C'est assez dément. Plus dément encore : les néonazis qui lui donnent raison dans les commentaires (c'est à gerber). 

L'après-midi, Lewis me téléphone pour me proposer d'aller manger au restaurant italien samedi midi. Pourquoi pas ? Il a l'air en forme. Il me parle de Léandra. Il a vu Mary ce lundi qui lui a dit que je buvais un verre avec elle au Parvis. Il est tout content car il m'assure qu'il a retenu le prénom de Léandra, que c'est une femme intelligente avec un sens de la discussion, blablabla (je suis certain que mon amie sera contente de le savoir, ha !). 

Après le travail se profile un long périple en train vers Ecaussinnes (le village de mon ami Fred Jr) avec correspondances et tout ce qui les accompagne. Je rate ma correspondance à Huy, où je poireaute une heure au café en face de la gare. Je bois un Orval et mange de petits toasts servis par une serveuse ma foi bien sympathique. Dans le train vers La Louvière, je voyage en compagnie d'une demoiselle qui lit un roman de Fred Vargas au rythme d'une page toutes les 10 minutes. Sur la banquette opposée, se trouvent deux vieilles personnes qui ont une discussion captivante sur les "oi" qui se prononcent "o" : le village d'Oignies, des oignons. À noter : dans ma région natale, on dit aussi "poreau" pour poireau.

Après une deuxième correspondance à La Louvière, j'arrive enfin à Ecaussinnes où m'attendent Fred Jr et Léandra. Fred se remet tout doucement d'une entorse. Je suis content de le revoir. Nous allons manger à la brasserie du Vieux Moulin. La discussion tourne d'abord autour du boulot (Léandra et Fred ont travaillé tous les deux dans le même service public). Léandra remarque que je m'endors un peu. Fred est en forme : il fait des plaisanteries très subtiles, ainsi que des jeux de mots de très haute volée, à la manière d'un véritable gars de la région du Centre. À la gare de Soignies, attendant notre train pour Bruxelles, Léandra parle (une nouvelle fois) de son livre The Game sur la drague et Fred essaie de le mettre en pratique directement (il est très fort).

L'OVNI de Petit-Rechain

Aujourd'hui, mon travail est d'un monotone, mais alors d'un monotone... Ma collègue Charlotte continue de parler de ses rêves bizarres à la pause café. Personnellement, je ne me souviens toujours d'aucun rêve en me réveillant. C'est un peu triste.
L'après-midi, mon ami Fred Jr m'apprend que l'OVNI photographié à Petit-Rechain en Belgique en 1989 était un canular : d'après la chaîne télévisée belge RTL, qui a recueilli le témoignage de l'auteur de la photo, c'était seulement de la frigolite ! Marrant : cette photo controversée était une des plus belles et des plus mystérieuses "preuves" que les ufologues avançaient comme témoin visuel de la vague belge. Elle avait été analysée à de nombreuses reprises par des scientifiques et des militaires : que de temps perdu pour de la frigolite ! Pour ma part, je me souviens très bien de cette "vague belge" d'OVNI. J'avais 10 ans à l'époque et l'on en parlait de temps en temps à la télévision. Je commençais alors à m'intéresser aux étoiles, à l'astronomie et, habitant la région de Charleroi à l'époque, je rêvais d'observer un phénomène étrange dans le ciel. Hé bien, je n'ai rien observé du tout. En tout cas, c'est assez comique de voir, encore aujourd'hui, les commentaires tourmentés sur les forums par rapport à cette histoire de vague de 1989-1990, notamment ce débat entre les "sceptiques" et les "convaincus". Les convaincus font feu de tout bois : certains parlent déjà de conspiration gouvernementale pour nous cacher la vérité vraie sur cette photo (encore un coup de Bart de Wever ?).

Dans le train de retour vers Bruxelles, je termine Le monde inverti de Christopher Priest, entamé hier. Assez incroyable, ce livre, avec son fameux retournement de point de vue des cinquante dernières pages (encore une fois, bizarre que je sois passé à côté de ce roman durant mon adolescence "science-fictionnivore"). Les habitants de la cité "Terre" passent presque pour des fanatiques un peu abrutis par leur dogme insensé. La fin laisse certaines questions en suspens. Je n'aime pas ça. Il faudra que je me documente. Sinon, je pense sérieusement débuter un blog consacré uniquement à la science-fiction. Ne reste plus qu'à trouver un nom accrocheur du genre "Cafard cosmique" ou "Traqueur stellaire" (merde, les deux sont déjà pris). J'ai déjà une idée du canevas. Je compte vraiment me limiter au niveau du nombre de caractères par texte. Par ailleurs, je n'aime pas les articles sur le Web qui ne font qu'esquisser le sujet, sans donner toutes les clés. Si je fais un blog de science-fiction, il y aura des "spoilers" (pas question de me cantonner à écrire des quatrièmes de couverture) et une analyse complète du roman. Je compte reprendre la structure (assez classique) suivante : courte description du roman et de son auteur ; synopsis/aperçu général ; commentaires/critiques ; avis personnel. Utiliser un code couleur ou des symboles pour ces différentes parties serait peut-être une bonne idée. Je dois encore y réfléchir.

Je comptais passer une soirée en solitaire ce soir (ça me manque un peu), mais Léandra propose que l'on se voit (elle est déprimée pour le moment). Un peu réticent au départ (j'ai vraiment besoin de repos), j'accepte et ce n'est pas plus mal. La soirée se déroule à la Maison du Peuple, comme d'habitude. Emily, dont le plafond de cuisine fuit ("fouit" en belge), est également présente. La discussion tourne surtout autour de Jonas et sa relation avec Léandra. Grosso modo, Emily et moi nous posons des questions sur son honnêteté (je résume beaucoup, là). Fin de la soirée avec juste Léandra. Elle me dit que je m'entendrais bien avec Jonas et je n'en doute pas. Sinon, c'est incroyable : j'ai toujours autant de mal à synthétiser ce qui s'est dit dans pareille discussion. Ce n'est peut-être pas plus mal car je crois qu'il est temps pour moi d'aller dormir.

"Le monde inverti"

La semaine dernière, j'avais perdu une dizaine de journées de ce journal, à cause d'une instabilité de Blogger. Je suis heureux aujourd'hui d'en retrouver une bonne partie, sauvegardée sur un autre PC (notamment la partie concernant les cocottes, qui m'avait pris un certain temps).

Ce matin dans le train, je dévore les septante premières pages du Monde inverti de Christopher Priest. Un roman de SF datant de 1974 et totalement fabuleux (je me demande comment j'ai pu passer à côté de ce livre durant mon adolescence) : l'histoire d'une cité du nom de "Terre" qui se déplace constamment sur des rails dans un monde étranger, vers un lieu mouvant nommé l'Optimum, position géographique qui permet aux habitants de ne pas subir les désagréments d'une déformation de l'espace et du temps. Le tout sur fond d'histoire de guildes aux règles strictes et aux noms enchanteurs (comme cette "Guilde des topographes du Futur"), d'apprentissage et de rites de passage... Il paraît que la fin est déroutante. C'est un petit bouquin : j'aurai la réponse demain, sans doute.

Tout ça me donne furieusement envie de créer un blog uniquement consacré à la science-fiction... À force d'imaginer de nouveaux projets (blog de musique, blog de SF, blog généraliste...), je vais passer ma vie à écrire des articles que personne ne lira. Me voilà bien avancé !

Plus tard dans la journée, j'apprends que Léandra a réussi son examen d'embauche pour le boulot qu'elle convoitait. On fête la bonne nouvelle au Parvis de Saint-Gilles, avec la "dream team" au complet. Plus tard, on se rend au Monticelli pour manger de délicieux plats italiens : mozzarella di buffalo, carpaccio, tagliatelle aux champignons et lasagnes d'aubergines. Le restaurant est complet, le service n'arrive pas à suivre... Léandra, qui avait l'air assez heureuse en début de soirée, replonge dans un état d'esprit morose : elle "en a marre d'attendre" (phrase à double sens), elle a envie de rentrer chez elle, ce qu'elle fait d'ailleurs. Emily n'a pas trop l'air non plus d'avoir la forme. Quant à Walter, durant toute la soirée, il est en pleine quête existentielle par rapport à son "copain londonien". J'étais de bonne humeur au début de la soirée, et beaucoup moins à la fin, du coup... 

Durant la même soirée, on parle de Lapinot et notamment de l'album "Pichenettes", dans lequel Lapinot reçoit une pierre maléfique de la dynastie des Pÿkchnetz. Dans la même logique, Léandra demande si l'un d'entre nous ne voudrait pas accepter un médaillon (en forme de demi-cœur) que lui a passé Poulain Perspicace. Elle dit que sa situation amoureuse n'a fait qu'empirer depuis ce moment. Je lui dit que je veux bien l'en décharger (pour moi, et pour elle aussi je suppose, ça reste de la superstition à deux balles). Me voilà donc avec un demi-cœur ridicule dans ma poche.