Les dimanches à la con

J'emprunte le titre de cette journée à une chanson de Renaud (c'est quoi, cette vidéo pourrie ?), qui ne parle pas vraiment de la même chose (dans sa chanson, il est surtout question des dimanches à la con de quand il était gamin). N'empêche, je n'aime pas les dimanches, surtout pas ceux qui consistent à emballer ses bagages, sous un temps pluvieux (un temps de dimanche, quoi), pour retourner dans son "bled". Pour moi, un dimanche est toujours un jour à la con, un synonyme d'école ou de travail le lendemain.
Bref, en ce putain de dimanche matin, on ne fait pas grand chose d'autre que de rester sur un divan, lire, se préparer et ranger le gîte avant de partir. Je ne mange pas vraiment au déjeuner (j'ai toujours mal à la tête et je n'ai pas faim). Après avoir rendu les clés et "fait le constat" avec la voisine du propriétaire, qui nous lance constamment un "S'il vous plaît ?" agaçant parce qu'elle ne comprend pas bien ce qu'on lui raconte avec notre accent français (pour Emily) ou de Bruxelles (pour les autres), nous reprenons le chemin du retour. Dans la voiture, Emily semble de nouveau beaucoup plus en forme.
On va manger au Quick à Malmedy (quel contraste avec le restaurant d'hier), ensuite on reprend la route de Bruxelles. Léandra et Andrew s'endorment sur les sièges arrière. Sur le trajet, on écoute Classic 21 (qui ne peut s'empêcher de passer du Queen et du Phil Collins, beurk !). On arrive assez vite à destination.
De retour chez moi, je ne prends même pas le temps de ranger mes affaires. La déprime totale. Rien d'intéressant à raconter, du coup. C'est bien, dans un sens : ça me fait moins de phrases à écrire...

Ô Mal-Aimé !

J'ai de plus en plus de mal à me lever le matin, avec ces soirées qui se terminent tard et ces absorptions massives de bières comme si c'était de l'eau pétillante.  Mais où est donc passée ma promesse faite à moi-même de boire moins ? Je me dis qu'il faut soit que j'arrête complètement, soit que je continue complètement ; en d'autres termes qu'un juste milieu n'est hélas pas compatible avec ma personnalité. Ce matin, j'ai un peu la tête qui tourne, et cela va hélas s'aggraver durant la journée, avec un point culminant au restaurant le soir (voir plus loin). Autre constat : durant les vacances avec la "dream team", il est presque impossible d'être tout le monde heureux en même temps. Alors que Léandra a l'air (curieusement) assez en forme aujourd'hui (elle chantonne fréquemment et a envie de se promener plutôt que de rester devant son PC : c'est déjà un fameux signe), Emily semble totalement désemparée, comme lors de ce fameux dimanche à Paris, en février de cette année.
En début d'après-midi, Léandra, Emily et moi allons faire un tour au Tunnel du Monty, que j'ai déjà traversé hier durant ma petite promenade à vélo. Le tunnel est toujours aussi glauque. Léandra sursaute et agrippe, à la manière d'un petit enfant, la main d'Emily lorsqu'un cycliste arrive par derrière. Sinon, Léandra est en forme durant le trajet (malgré mon mal de tête, ça me met de bonne humeur). En plein milieu du tunnel, elle photographie un pénis vert fluo. Rectification : elle photographie un graffiti représentant un pénis vert fluo dessiné sur le mur du tunnel (le tunnel est glauque mais pas au point de grouiller de zombies mutants exhibitionnistes). Vu qu'il pleut, on fait demi-tour un peu plus loin et on rentre au gîte.
Plus tard dans l'après-midi, on se rend tous à la brasserie de Bellevaux, un établissement perdu au milieu de la campagne malmédienne qui vient d'ouvrir en 2006. La brasserie est tenue par un Néerlandais et remplie de vieux Flamands (qui ne sont heureusement pas en short : voilà au moins un avantage du mauvais temps). Andrew et moi décidons de goûter les trois bières de la brasserie sous forme de petits verres à dégustation. Je n'aime pas trop le goût de la brune, encore moins celui de la blonde, mais j'apprécie celui de la blanche (qui ressemble un peu à un lambic blanc).
À la sortie de la brasserie, j'ai la tête engourdie. J'ai du mal à coordonner mes mouvements (rien à voir avec l'alcool), y compris mes foulées. Je prends sur moi pour que ça ne se voit pas et ne pas embêter les autres avec ça. Nous allons nous promener dans les champs aux alentours de la brasserie. Andrew et Léandra sont en super-forme, dirait-on. Andrew s'amuse à nous photographier en nous mettant en scène au tournant d'une petite route de campagne. Léandra fait tout pour faire sourire Emily (je trouve ça vraiment mignon de sa part). Elles font un bouquet de fleurs des champs. Andrew tombe en admiration devant des vaches. Il les photographie, leur donne un prénom, leur fait des grands signes à plusieurs reprises. Nous sommes tous dans un état d'esprit bucolique, un peu comme si nous étions les acteurs d'une peinture pastorale de la Renaissance vantant les mérites du retour à la nature (je n'ai pas un tableau précis en tête). Seule "ombre" au tableau : le viaduc de l'autoroute que l'on voit au loin (personnellement, je trouve qu'il a de la gueule, ainsi perché dans les collines boisées, mais, comme dirait Andrew, "c'est pas Millau, quand même"). [Digression temporelle : lors de l'écriture de ce compte rendu du 23 juillet dans ce journal, un jour plus tard, en un dimanche maussade, je trouve exactement à quoi cette scène de bergers me fait penser, sur le plan musical cette fois : la superbe "Find The River" de R.EM. Et voilà maintenant que je mets cette chanson en boucle et que je chiale comme une Madeleine en réécoutant attentivement les paroles, sur le temps qui passe mais aussi sur autre chose : le souvenir nostalgique des jeux d'enfant, des rivières, de l'insouciance oubliée, de ces longs moments de bonheur estival débordant de vie où rienn'avait vraiment d'importance : "Me, my thoughts are flower strewn, ocean storm, bayberry moon. I have got to leave to find my way. Watch the road and memorize this life that pass before my eyes. Nothing is going my way." Qu'est-ce que c'est beau. Tiens, quand j'y pense, c'est dingue que j'utilise ici l'expression "pleurer comme une Madeleine", parce que toute cette digression fait également un peu penser à la Madeleine de Proust, évidemment. J'ai le cerveau sinueux aujourd'hui.]
De retour à Stavelot, nous nous rendons dans un restaurant de cuisine du terroir, à deux pas du gîte, pour notre dernière soirée avant ce dimanche, déprimant d'avance, de retour vers la capitale. Le restaurant s'appelle "Ô Mal-Aimé" (en référence à Apollinaire, qui a séjourné à Stavelot, mais peut-être aussi un peu en référence à certains d'entre nous ?). L'ambiance de ce resto possède des points communs avec celle de "La Fleur en papier doré" à Bruxelles, surtout à cause des poèmes et des calligrammes qui recouvrent les murs, les serviettes, les sets de table… Le fond musical est composé de chanteurs francophones "à texte" (Renaud, Brassens, Brel...). Léandra est toute contente d'entendre (et de parler de) la "Supplique pour être enterré à la plage de Sète" de Brassens (c'est vrai qu'elle est incroyablement bien écrite, cette chanson, et qu'elle possède la particularité de ne contenir aucun refrain). Les murs des toilettes sont recouverts de dessins érotiques, voire pornographiques (c'est original). Nous avons par ailleurs la (mal)chance d'être proches d'un groupe de vieux habitués qui n'arrêtent pas de débiter des stéréotypes, sur Renaud ("il chante faux" : bon OK, c'est un peu vrai) ou sur le rôle de la Police. Quant à la nourriture, c'est délicieux (menu unique à 25 euros proposant un choix parmi 3 entrées, 3 plats et 3 desserts). Je mange un pâté, une araignée de bœuf ainsi que de la nougatine en dessert. Et je bois de l'Orval, comme d'habitude.

De retour au gîte, je propose de jouer au Time's Up, un jeu de société sympa où il faut faire deviner à son coéquipier des personnages célèbres de différentes façons (d'abord en les décrivant, puis avec un mot, puis enfin avec un mime). Je propose ce jeu parce que je crève de mal à la tête et que ça va me remettre d'aplomb (du moins c'est ce que je me dis), mais aussi sans aucun doute car j'essaye de retarder le plus loin possible mon sommeil (signification pour moi de la fin des vacances). Au tirage au sort, Andrew et moi faisons équipe. Andrew est une machine de guerre mémorielle qui trouve très rapidement les personnages. On finit donc par gagner la partie, malgré le fait que je ne suis pas en forme (je n'arrive pas à revenir sur le nom de Django Reinhardt ni sur celui du Comte de Monte-Christo).
Le jeu terminé, Léandra va dormir. On termine la nuit en regardant "The Big Fish" de Tim Burton. Andrew monte rapidement se coucher. Emily et moi regardons le film jusqu'au bout (je m'endors néanmoins à plusieurs reprises). Comme à chaque fois (c'est la quatrième fois que je visionne ce film), je fonds en larmes à la fin (cette fois-ci, contrairement à hier, je crois que ça ne s'est pas vu), lorsqu'à l'enterrement du "père-conteur", on se rend compte que toute une série de personnages que l'on croyait le fruit d'une simple imagination fertile "existent" réellement. Décidément, je pleurniche quand même beaucoup pour le moment.

Retour de vengeance au pays des nains pervers

Walter est parti de bon matin afin de prendre son train à Bruxelles pour l'Angleterre. L'équipe restante décide d'aller visiter les différents espaces d'exposition de l'abbaye de Stavelot. Ils ont même paraît-il un musée consacré à la Formule 1 (beurk). De mon côté, je suis bien décidé à faire du vélo plutôt que des visites d'expo. Je retourne donc à l'endroit repéré hier pour enfin louer ce putain de vélo. La location n'est pas donnée : 18 euros pour 3 heures. Par ailleurs, le vendeur n'est pas très sympa. Peu importe, me voilà avec mon VTT, prêt à parcourir la région.

Je décide de suivre quelques uns des parcours RAVeL des environs de Stavelot. Je retourne jusqu'à Trois-Ponts, puis Coo (par la route), pour la troisième fois consécutive durant ce court séjour... Je dois être inconsciemment attiré par la présence de l'horrible nain Plop. Vu que je suis aussi passionné par les barrages, je décide de rouler un petit moment le long du bassin inférieur (en forme de "U") de la centrale hydroélectrique de Coo : peu de monde, un joli lac et une vue sur les bâtiments et les pylônes électriques d'Electrabel perdus dans la forêt. Cette centrale est particulière dans le sens où elle fonctionne par pompage-turbinage : l'eau est remontée grâce à des pompes dans les bassins supérieurs durant la nuit, et renvoyée la journée durant les pics de consommation électrique. C'est une forme de batterie géante, en quelque sorte (de très belles photos, assez impressionnantes, se trouvent ICI, sur un forum consacré... à la passion des chantiers). De retour à la cascade de Coo, je mange un croque-monsieur et bois un Orval à la terrasse d'une brasserie située en amont de la cascade, avant de repartir. Je reprend la route dans l'autre sens. De retour à Stavelot, je décide de continuer le RAVeL jusqu'à Malmedy (ou presque). Paysage de champs et de bois assez bucolique. Je passe également par le Tunnel du Monty, un assez long passage sous la colline qui fait un peu peur. De l'eau coule du plafond, ça ressemble un peu à un égout. J'ai parfois l'impression qu'en me retournant, je vais découvrir qu'un clown sadique est en train de me poursuivre. Vers 15h20, de retour à Stavelot, je rends mon vélo et vais boire deux verres d'Orval dans une des brasseries de la ville.

De retour au gîte, je retrouve mes amis qui mangent quelques tartines. Je suis fatigué. Je prends un bain à bulles. C'est Emily et Léandra qui font la cuisine aujourd'hui. Mary doit passer mais se fait attendre. On mange une quiche lorraine puis une tarte provençale (toutes les deux très bonnes). Mary finit par arriver beaucoup plus tard que prévu. Elle est plus jeune que nous et utilise toujours les mêmes expressions (elle met "blindé" à la fin de chacune de ses phrases, du genre "C'est blindé trash" pour dire "C'est très malsain" ou encore "Haaaa, trash !" pour "Ha, flûte, j'étais sur le point d'avoir neuf points mais Léandra fut plus rapide"). Nous passons la soirée à jouer à "Questions pour un champion". Andrew n'a pas envie de jouer : c'est apparemment un jeu qui le stresse, malgré sa culture générale assez étendue, à tel point qu'il préfèrera lire les questions durant plusieurs parties.

Vers 2 heures du matin (?), Mary retourne chez sa maman en voiture. Va-t-on aller se coucher ? Emily, oui, mais Léandra, Andrew et moi, non : nous avons une discussion qui tourne presque à la "psychanalyse pour les nuls" (Léandra nous sortira d'ailleurs vers la fin de la discussion qu'Andrew et moi devrions aller voir un psy, que ça nous ferait sans doute du bien ; je me dis qu'elle a raison, pour moi en tout cas). La discussion tourne autour de plein de sujets qui nous semblent importants (je suis parfois au bord des larmes et je me rendrai compte le lendemain que ça s'est même vu). Marrant : lors de cette discussion, Léandra et moi n'avons pas la même vision des choses, notamment à propos d'un certain "devoir d'ingérence" que l'on devrait avoir ou pas dans la vie sentimentale de ses amis.

Retour au pays des nains pervers

Walter vient d'arriver mais parle déjà de repartir. Hier soir, il a lu, dit-il, un message d'un de ses potes qui vit actuellement en Angleterre et qui lui propose de passer lui faire un petit coucou.

Le matin, tous les autres vont faire un tour à Malmedy, mais je n'y vais pas : je me promène dans Stavelot à la recherche d'une location de vélos. Quand je finis par la trouver, je me retrouve devant une porte close, Fête nationale oblige. Pas grave, j'y retournerai demain. L'équipée malmédienne me ramène un plateau de jeu "Warcraft" acheté dans une brocante. Léandra ne va pas bien : il faut qu'elle parle absolument à Jonas. C'est vital pour elle. Elle finira par avoir le gaillard au téléphone, tout ça pour l'entendre dire qu'il ne reviendra pas sur sa décision. Léandra est effondrée et au bord des larmes. Que faire ?

Je passe mon début d'après-midi à préparer un stoemp (ou plutôt une sorte de potée ardennaise ; par chez moi, crévindjou, on dirait plutôt une "joute" mais bref), avec l'aide d'Emily.

En fin d'après-midi, nous nous rendons de nouveau à Coo pour, cette fois, profiter en triple vitesse des attractions du parc Plopsa (le parc des lutins flamands pervers). Nous commençons par un parcours en petit train d'un parc à gibier : les animaux observables sont un peu nuls (quelques beaux cerfs, quelques dingos, un marcassin psychotique...) mais le paysage vallonné et la vue sur le bassin inférieur du barrage de Coo valent à eux seuls le voyage. De nouveau, ça me rappelle plein de souvenirs d'enfance : petit, j'ai visité cette centrale hydroélectrique parmi tant d'autres (Eupen, La Gileppe...) avec mes parents. Papa et maman m'ont emmené quand j'étais petit visiter la plupart des barrages, la plupart des grottes et la plupart des châteaux de Wallonie et du Luxembourg (ah, Vianden, ah Esch-sur-Sûre !). Par la suite, on teste les deux petites "montagnes russes" sympathiques, le "Splash" et enfin le "Mega Mindy Flyer", qui donne une belle vue sur les environs. Je hais l'univers de Plopsa, je hais ces nains pervers, je hais cette fantasmagorie flamoutche, je hais la petite musique ridicule qu'on entend partout dans le parc, je hais toutes ces choses, de toutes mes forces. Ces couillons de Flamands ont dénaturé le parc d'attraction de mon enfance. Mais, tout cela excepté, je m'amuse bien quand même.

De retour à Stavelot, nous allons boire un(des) verre(s) dans les brasseries de l'avenue Ferdinand Nicolay. Walter et moi buvons beaucoup. Je suppose que chacun de nous deux profite de "l'alcoolisme de l'autre" pour boire sans complexe. Walter se considère comme fondamentalement matérialiste en tout, y compris en amour. Léandra lance la grande question du jour : "comment font les gens pour être aussi peu affectés par leur vie sentimentale ?". Walter monopolise la discussion en donnant son avis sur la question. Il est comique Walter, car on sait ce qu'il va dire avant d'ouvrir la bouche : il nous ressort son discours de statisticien. Emily dit que pour elle, c'est presque une question de survie. Une protection, un bouclier, quoi. Je la comprends très bien. Comme dirait Léandra, elle est très touchante dans ces moments-là... Pour ma part, je ne dis pas grand chose parce que je n'ai pas grand chose à dire. Je me dis que si j'étais plus affecté que je ne le suis par ma vie sentimentale (ou plutôt par mon absence de vie sentimentale), je me serais sans doute déjà pendu. Quand j'étais adolescent, je n'étais pas vraiment affecté par mes amours ratées. Maintenant, c'est un peu moins le cas.

Le soir, nous jouons à un jeu du nom de Privacy : une variante du jeu de la vérité dont le but est de choisir une question d'ordre privé (du genre : "j'ai déjà pratiqué le kamasutra") ; chaque joueur répond anonymement et estime le nombre de joueurs qui ont répondu positivement. Certaines réponses sont surprenantes, comme "Le bonheur des gens m'énerve parfois" (5 réponses positives sur 5) ou "Je me suis déjà réjouis du malheur de quelqu'un" (4 réponses positives). À la question : "J'ai eu moins de quatre partenaires sexuels", je suis dans l'obligation de répondre par la positive. Un aspect génial de la soirée : la connaissance que Léandra a de moi, et réciproquement. Il est a priori très rare qu'elle se trompe sur ce que je vais répondre. Idem pour moi (je suis fier : j'ai réussi totalement intuitivement à deviner le nombre de partenaires qu'elle a eus dans sa vie, haha !).

Tout le monde est fatigué et tout le monde va se coucher par intervalle. À la fin de la soirée, il ne reste plus qu'Andrew et moi. On discute jusqu'à 3 heures du matin passées. La discussion est intéressante, comme souvent quand on parle seulement tous les deux tard le soir.

Cascades

Réveil le matin vers 10h30. Au "déjeuner", je reprends le casse-tête de la "roue du diable" (voir hier) en main. En cinq minutes, je trouve la solution. La clé du problème est cette unique pièce différente des cinq autres : elle s'insère à merveille (et en dernier lieu) dans la structure, à condition de faire coulisser temporairement d'autres pièces du "puzzle". Emily et moi démontons et remontons le casse-tête une dizaine de fois dans la journée, histoire d'être certains d'avoir assimilé la manipulation. Me revient à l'esprit cette pensée ancienne : une chose qui paraît insoluble un jour trouve sa solution le lendemain ; le sommeil permet l'apprentissage ; le cerveau, durant la nuit, emmagasine les informations collectées durant la journée et y retravaille en rêve. C'est comme ça pour tout, j'en suis certain (mais je n'ai aucune référence scientifique pour le prouver) : pour un nouveau sport (les "mouvements" sont clairement réappris durant le sommeil) ; pour un problème mathématique, une leçon à retenir ; voire même pour des situations de la "vie réelle".

Léandra n'est pas en forme aujourd'hui. En premier lieu, ça l'emmerde de se conformer au rythme des autres. Je la comprends totalement. C'est la raison pour laquelle je me dis que pour le reste du séjour, je suivrai mon propre rythme, histoire de ne pas être frustré (j'ai envie de louer un vélo, quitte à en faire tout seul comme un grand). On passe le temps de midi à faire à nouveau des courses pour ce soir et pour demain (jour férié car Fête nationale en Belgique).

Plus tard, direction Malmedy (en voiture) pour acheter un matelas à destination de la "chambre" de Walter, qui arrive ce soir. Toute l'équipée se dirige ensuite vers la cascade de Coo, la plus haute de Belgique avec ses 15 mètres (ouais, bon, c'est pas le Salto Angel, c'est la Belgique, hein). Le site me rappelle plein de souvenirs. J'y suis allé de très nombreuses fois avec mes parents, à l'époque de Télécoo, devenu aujourd'hui l'ignoble Plopsa Coo, un parc d'attraction flamand rempli de nains barbus pervers. Je me souviens distinctement d'une journée passée avec papa/maman à cet endroit : je devais avoir dix ans et je mangeais une gaufre à la taverne au pied de la cascade. Subitement, un très violent orage s'est abattu sur le site. Il faisait presque nuit en plein jour. Coupure de courant, éclairs, tonnerres très rapprochés. Très beau souvenir. Déjà à l'époque, j'adorais ça. Bon, sinon, ça n'a pas tellement changé : il y a toujours le parc animalier, les télésièges et la "luge" mais, arrivés trop tard, nous n'avons pas eu le temps de faire une seule de ces activités. On boit un verre (hors de prix) et on parle de revenir plus tard. Nous faisons un simple tour dans le parc (l'entrée est libre), nous amusons comme des enfants avec des jets d'eau, ainsi qu'à un jeu de palets.
Au retour, sauna puis très bons gnocchi à la bolognaise préparés par Emily. On met en place la chambre de Walter, qui arrive assez tard. Léandra ne va vraiment pas bien. Elle parle même dans son journal de son envie de s'en aller pour aller sonner chez Jonas. Je ne comprends pas, je trouve ça irrationnel. Bref. Vers 22 heures, arrivée de Walter, qui mange ses gnocchi, parle de son boulot (sa secrétaire a été virée), de lui, de sa vie (son pote anglais lui a envoyé un message mais il ne l'a pas vu avant aujourd'hui), etc. On lui fait visiter la maison, ainsi que sa (petite) chambre au dernier étage. En fin de soirée, Andrew veut apparemment qu'on regarde un des films qu'il a amenés. J'ai l'impression qu'il choisit à notre place (il n'est pas vraiment question de choisir dans le tas de DVD, juste dans son tas de DVD). On regarde donc "Mon voisin Totoro" de Miyazaki. Emily s'en va dormir, puis Andrew. Walter et moi regardons les vingt dernières minutes du film à deux : peu importe, vu qu'Andrew a déjà vu ce long métrage "des dizaines de fois".

Eddy Merckx, sauna et casse-têtes

Première nuit dans le gîte à Stavelot. J'ai bien dormi (j'ai hérité, sans rien demander, de la plus belle chambre). Je dors seul (bah oui), avec une salle de bain multifonctions et un WC à côté. Le matin, on prend un déjeuner. Je n'ai pas l'habitude de déjeuner. Je ne sais jamais quoi faire quand on me propose de déjeuner : la plupart du temps, je me prépare une tartine, sans entrain, et je bois des cafés (ça me rappelle les fois où je recevais Christelle chez moi et où je devais faire semblant de trouver normal de couvrir ma table de plein de nourriture et de boissons tôt le matin). Le reste de la matinée est passé à tapoter sur des claviers ou à lire un livre.

L'après-midi, nous faisons un tour dans Stavelot : on commence par longer le cimetière, puis on se dirige vers l'étang, puis vers un petit chemin de campagne menant dans un champ de vaches bordé par la jolie Amblève. Andrew essaie de me tuer avec un bâton. Ensuite, nous revenons sur nos pas, traversons un pont et pratiquons l'ascension de la route de Somagne en direction de la stèle Eddy Merckx, une sorte de faux bas-relief ridiculement laid. Sur le chemin, on croise une maison à flanc de colline, qui ressemble à un légo mal construit, ainsi qu'un "Bed & Breakfast" de luxe mais néanmoins kitsch. C'était quand même un beau parcours.

En début de soirée, nous avons pu essayer le sauna. Nous sommes un peu ridicules : Andrew et moi ressemblons à des sénateurs romains drapés dans une serviette de bain. Je suis le maître de la "cérémonie" (ça se résume à mettre de l'eau de temps en temps sur les pierres chaudes : la sensation de chaleur augmente alors à cause du plus fort taux d'humidité). Léandra est en bikini. Le sauna, c'est cool et ça me fait vraiment me rendre compte que je suis en vacances. La situation me rappelle également ma cure aux thermes de Spa, quand Maïté était enceinte, il y a environ six ans...

Emily arrive en début de soirée. Un bon repas nous attend. En résumé, Andrew s'est occupé de la soupe tomates-carottes (délicieuse) et du dessert (du flan), et je me suis occupé du plat principal (rôti de bœuf, haricots, purée). La viande est un peu trop crue. Elle n'est néanmoins pas mauvaise, à l'exception d'une ligne moins tendre. J'ai vraiment du mal avec le flan : trop le goût d'œuf et un fond liquide qui me dégoûte, sans raison particulière (les autres aiment bien, c'est moi qui suis difficile avec certains aliments).

La fin de la soirée est "casse-tête", d'abord au sens figuré puis au sens propre. Léandra est littéralement malade de n'avoir aucune nouvelle de Jonas, alors qu'elle lui a envoyé un long courriel il y a peu de temps. Elle entrevoit plusieurs solutions, trois en fait : 1) soit elle l'oublie complètement et déprime un bon coup avant de passer à autre chose (c'est très hardcore, comme façon de penser) ; 2) soit elle s'amuse un peu, dans une sorte de "situation d'entre-deux" ; 3) soit elle s'accroche et continue dans la lancée et essaie de récupérer ce putain de lascar indécis. Dans tous les cas, là, elle n'est vraiment pas bien. Léandra trouve qu'elle et Jonas vont bien ensemble, mais ce dernier n'a pas l'air de partager ce sentiment ("trop différents"). On a tous notre avis sur la question. Andrew ne dit pas grand chose. Je crois que je suis celui qui parle le plus, je crois aussi que la solution n°3 n'est certainement pas la bonne. Pour le reste, je ne suis sûr de rien. En tout cas, ça m'énerve de voir mon amie si mal en point à cause d'un gars qu'elle trouve excellent mais qui n'en vaut peut-être pas la peine. Je me remémore par ailleurs en écrivant ces lignes ces soirées interminables où je me rongeais les ongles à cause d'Annabelle et après lesquelles Léandra me disait, à juste titre, un truc du genre : "il faut que ça finisse, ce genre de prise de tête, elle te ronge complètement". Je me rends compte que je lui renvoie presque le conseil, même si les situations sont extrêmement différentes.

La fin de la soirée (ou plutôt la nuit) se passe sur un autre type de casse-tête. Léandra et Andrew sont partis dormir. Emily et moi essayons de résoudre un casse-tête en bois apparemment connu (après vérification sur le Web) sous le nom de la "roue du diable". On comprend le principe, on y arrive presque, mais on cale quand même. On jure d'y arriver avant d'aller dormir mais on finit par abandonner. Je garde néanmoins un bon souvenir de cette fin de soirée. C'était sympa, c'était calme (malgré le stress du casse-tête) et ça m'a détendu.

Début de vacances dans un environnement high-tech

Ça y est, c'est le véritable départ en vacances. Bon, OK, ce n'est pas Montréal/Québec/Tadoussac comme il y a deux ans avec Flippo, mais c'est quand même mieux que l'année dernière (c'est-à-dire rien du tout). En plus, je pars dans un gîte avec des amis : un gîte à Stavelot, dans les Ardennes belges, en Province de Liège.

Au matin, Léandra et Andrew me retrouvent à la Gare du Midi. Je sirote un "café des Grandes Origines" à l'Espace Café dans un gobelet en carton (leur lave-vaisselle est en panne). Je boirai café sur café jusqu'à l'arrivée au gîte, et même après.

La plus grande partie du trajet se fait en train, en compagnie de scouts (argh) : le trajet de Bruxelles à Liège, je le connais (ça me rappelle le boulot, pfff...) ; le trajet de Liège à Trois-Ponts, je ne l'ai jamais fait : le vieux train monte, monte (ce n'est quand même pas la Cordillère des Andes) et traverse des paysages de carrières et de rivières sinueuses. Léandra et moi mangeons des frites en attendant le bus.

Arrivés au gîte dans lequel nous allons habiter pendant une semaine, nous sommes impressionnés : on se croirait dans Mon Oncle de Tati. Il y a plein d'objets bizarres dont l'utilité n'est pas directement évidente : machine au rayonnement "bleu ionisant" qui s'avérera, après "vérification Web", être un tue-mouche high-tech ; LED (pour light-emitting diode), c'est-à-dire une sorte de lampe qui fait plein de lumières colorées (mais ça sert à quoi ?) ; douche multilatérale que Léandra  n'arrivera pas à faire fonctionner lors de sa première utilisation ; baignoire-jacuzzi ; sauna... Bon, OK, les deux derniers, on comprends parfaitement leur utilité.

Le reste de la journée : premières courses pour le lendemain (à Stavelot, ils ont encore un supermarché SPAR), mise en place des habitudes, premières tentatives de faire fonctionner les babioles contingentes (comme le bain-jacuzzi). Léandra parle aussi dans son journal "d'apprendre à vivre ensemble". C'est vrai que ce n'est pas facile, car nous sommes sans doute tous les trois avec notre vision très carrée de ce que nous voulons, et nous ne voulons pas forcément la même chose. Sinon, les choses sont claires dès le début : ces vacances seront placées sous le signe de l'ordinateur portable. Le premier soir, j'en viens à espérer qu'Emily, qui doit nous rejoindre le lendemain, sera moins "accro" car, mes amis étant hyper-connectés, je me sens également obligé de l'être. C'est même aujourd'hui que je crée la nouvelle mouture de ce journal et de celui de Léandra...

Nous mangeons chinois (importé dans le gîte depuis "Le Palais de Chine" situé pas loin) et terminons la soirée devant la version française de The Three Burials of Melquiades Estrada sur RTL. Andrew aime ce film car il montre très bien différentes situations propres à ces populations proches de la frontière mexicaine (l'ennui, la politique migratoire, ce genre de chose...). Je ne sais pas ce que Léandra en pense. Perso, je n'ai pas tellement aimé. Je trouve ça un peu plat et involontairement comique (genre quand le principal protagoniste du film tente de conserver un mort avec de l'antigel). Si je ne m'étais pas tapé un fou-rire à un moment, je pense que je me serais vraiment emmerdé. 

Ha tiens, Mary Augustus m'a envoyé un sms : étant chez sa mère et par conséquent proche de là où nous sommes, elle propose de passer nous faire un petit coucou le week-end prochain. On verra !

Course contre la montre

Un dimanche fatigant à courir dans tous les sens...

Je me lève assez tôt car ce midi, je vais manger avec le vieux Lewis à "La Piazza" (ou "chez Vincenzo" comme il l'appelle), son restaurant italien préféré, à Jette, pas loin de l'Atomium. Quand Lewis arrive, il fait la bise à Vincenzo et salue son épouse d'un grand geste affectueux. Mais Lewis n'est pas en forme du tout : sous le coup d'une crise d'angoisse, il a bu hier soir à lui tout seul sept verres d'Orval et au moins une bouteille de vin rouge, enfermé dans son appartement. Lewis déprime car son fils va partir un mois en Indonésie. S'il n'a pas de contact journalier avec lui, Lewis fait de la dépression nerveuse. Lewis souffre sans doute aussi d'abandonnisme. J'ai du mal à comprendre son comportement. Moi qui ne ressens à presque aucun moment le besoin de parler à qui que ce soit (y compris à mes parents), sa façon de fonctionner me semble totalement dénuée de toute logique. Il m'explique : "si je n'ai pas de contacts avec mon fils durant la journée, j'ai l'impression qu'il ne m'aime pas. Il me faut donc constamment une preuve que je compte beaucoup pour lui". J'imagine l'horreur si j'étais à la place du fils en question (heureusement, je ne suis pas à sa place, même si Lewis fait sans doute un petit transfert de paternité sur moi).

L'après-midi, je repars en triple vitesse chez mes parents pour récupérer des vêtements. J'arrive en train à la gare de Tamines, dis bonjour à ma maman, récupère ma valise dans le coffre de sa voiture et repars 10 minutes plus tard dans l'autre sens. Je passe ma vie dans les trains, mais ça ne me dérange pas, en fait.

Le soir, je rejoins Emily, Andrew et Walter à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. Léandra vient de partir rejoindre Jonas, je l'ai ratée de peu. Pas question de la faire tard. Je suis fatigué et, en outre, le lendemain, nous partons en vacances.

100% d'humidité

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Hamilton II, mon ami d'université. Je ne pourrai pas me rendre au verre qu'il organise au Tavernier, car à cette heure-là, je serai à Lille avec Emily.
Le temps est exécrable, à Bruxelles comme à Lille. Impossible réellement de visiter la ville. Du coup, on passe beaucoup de temps au Furet du Nord, une des plus grandes librairies du Nord de la France. Je passe en revue le rayon BD, puis le rayon SF et j'achète quelques bouquins dont Le monde inverti de Christopher Priest, Blind Lake de Robert Charles Wilson et La Horde du Contrevent d'Alain Damasio. On passe aussi par chez Surcouf (Emily doit acheter un rack pour son vieux disque dur de portable) et on admire pendant quelques instants le fantastique mur d'eau publicitaire à l'entrée (c'est incroyable ce qu'ils inventent de nos jours pour attirer l'attention). Avant de repartir, nous allons manger un bout à la microbrasserie "Les 3 Brasseurs". C'est moi qui propose ce restaurant car il me rappelle mon voyage à Montréal et la dégustation de hambourgeois (nom québécois pour les hamburgers). Je vide assez rapidement deux "brasseurs" (c'est-à-dire deux demi-litres) de bière maison. En route vers le parking souterrain, Emily et moi nous prenons dans la figure une pluie comme c'est pas permis et sommes trempés de la tête au pied.


Après être repassés par nos appartements respectifs (notamment pour changer de vêtements), nous nous rendons à l'anniversaire de Charles-Henri. Léandra, Andrew et Walter sont déjà là. Il y a plein de monde. Il fait moche dehors mais ils ont installé des tentes et font quand même un barbecue. Je revois Vespertine pour la première fois depuis son retour d'Afrique. Fany n'est pas là, évidemment. Je me sens totalement à côté de la plaque, mais ça ne se voit pas trop cette fois-ci. Je parle un peu à tout le monde, je ris, je discute, je fais semblant d'être en forme. Dans la "dream team", seule Emily semble réellement s'amuser. Walter s'emmerde, forcément (on a souvent la même réaction, lui et moi, par rapport à ce genre de soirées). Léandra et Andrew s'en vont relativement tôt. Avant que ces deux-là ne partent, on offre ses cadeaux à Charles-Henri : le jeu de société "Dixit" ainsi qu'un jeu de plein air d'origine viking du nom de "Kubb". 

Annabelle est là également, forcément. Elle essaie de me parler à quelques reprises (elle fait un peu son boulot d'hôte), mais je fais tout pour lui dire le moins de mots possibles. Je l'adore, mais ce n'est pas une amie. Je ne suis plus à l'aise avec elle et je n'ai pas envie d'engager une conversation. Plus tard, je discute assez longtemps avec Pinpin, l'historien du verre. C'est un historien passionné par son sujet et il connaît de nombreux archivistes et historiens : on a des connaissances communes (le monde de l'histoire est petit et assez corporatiste). Discussion intéressante qui tourne autour du monde des ouvriers et des artisans. À un moment, je parle des mineurs, sorte de "nobles" au sein de la main-d'œuvre charbonnière car ce sont eux qui sont au plus près de la veine de charbon et qui prennent le plus de risques. Il me dit que le terme "noblesse ouvrière" est également utilisé dans l'univers de la verrerie. Flopov, une jeune badiste présente à la soirée, tente de "participer" à la discussion : elle est naïve et ce qu'elle dit tombe la plupart du temps totalement à plat.


Walter et moi en avons un peu marre de cette soirée et décidons de partir. Emily, qui semblait pourtant bien s'amuser (elle dansait avec les autres), rentre avec nous. Flopov s'invite également. Direction le Cimetière d'Ixelles. Vu que le Corto est fermé, on termine la soirée calmement chez Emily, avec une Flopov un peu bébête et un Walter qui s'emmerde. À la fin de la soirée, Emily se rend compte que son plafond de cuisine fuit totalement : de l'eau a percé la couleur et s'écoule sur le sol. Ce que j'aime beaucoup chez Emily, dans ces moments-là, c'est sa capacité à prendre ce genre d'événements de manière pragmatique, sans se prendre la tête : "de toute façon, on ne sait rien faire pour le moment. Je vais nettoyer un peu et préviendrai les propriétaires demain".

Retour en taxi avec Flopov. Je fais faire un détour au taxi pour qu'il ramène Flopov devant sa porte (elle a seulement 18 ans : hors de question de la laisser dans la rue à 3 heures du matin).

Pastis-pétanque sans pastis

Dernière journée de boulot en compagnie de Bernard Selayve, un des anciens membres des Mouvements Marxistes Militants (MMM en abrégé), un groupe d'extrême-gauche belge qui fit de nombreux attentats à la bombe dans les années 80 contre les symboles du système capitaliste et de l'impérialisme américain (banques, entreprises d'armement...). L'institution dans laquelle je travaille a hérité des archives de ce groupe et je passe ainsi la matinée à les trier en compagnie de Bernard, un gars bien sympa. Il a un peu des côtés de mon pote anar Zapata : le même humour et le même idéalisme. Ça me fait un bien fou de me retrouver en compagnie d'un militant de la gauche radicale. Ce type partage beaucoup de valeurs en commun avec celles de ma famille, notamment avec le radicalisme marxiste et syndical de mon père.

En soirée, je me rends au "pique-nique pétanque" proposé par Andrew pas loin de chez lui. Il me faut un temps de dingue pour retrouver le petit parc dans lequel nous allons jouer. Quand j'arrive, Andrew est déjà en compagnie d'Emily et de ses deux stagiaires : Zahra, que j'avais déjà vue, ainsi que Lavida, la fameuse stagiaire franco-israélienne dont Andrew parle tout temps. Cette dernière ressemble très très fort à ma collègue de bureau Wynka. Elle déprime en Belgique à cause du temps : heureusement pour elle, elle s'en va bientôt. Dommage, elle avait l'air sympa.

On mange bien, trop bien même : il y a plein de charcuteries et de fromages sur la table et j'ai apporté une grande salade. Certains boivent du vin. Moi je suis à l'Orval, comme d'habitude. Quand Walter arrive, il boit des Chimay Bleues, comme d'habitude aussi. On joue à la pétanque. Que de souvenirs... On n'a pas trop perdu la main, en fait, même si on ne sait plus trop chasser les boules. Au crépuscule, un SDF s'installe pour la nuit en dessous du petit préau situé juste en face du terrain de pétanque. La situation m'embête au plus haut point, non pas, bien sûr, parce qu'il est là, mais plutôt parce qu'on vient de bien boire, de bien manger et que lui n'a rien. Du coup, je lui demande s'il veut à boire ou à manger, ou bien une cigarette, seule chose qu'il accepte. Andrew est gêné par la situation : il dit que parfois, ces gens ont des situations tellement éloignées de la nôtre qu'on ne sait jamais s'il faut vraiment leur proposer quoi que ce soit. Il parle aussi d'un livre qui traite de ce sujet délicat : une histoire d'anthropologue au milieu des SDF, ou un truc dans le genre. Sur le coup, ça m'énerve un peu : j'en ai rien à battre de ce livre à cet instant précis. Je trouve juste totalement condescendant de jouer à la pétanque comme s'il n'existait pas, et totalement malsain de ne rien lui proposer à manger.

Fin de la soirée et début de la nuit chez Andrew. La discussion tourne autour des femmes que Léandra n'aime pas (comme Mary Augustus et Annabelle...), pour une raison que je continue à trouver en partie irrationnelle. C'est assez fou de détester à ce point certaines personnes. Léandra trouve que Mary est très froide. Mary pense exactement la même chose de Léandra. Léandra n'aime pas les femmes qui ne s'intéressent pas à elle. C'est pourtant l'inverse qui s'est passé au début avec Mary : c'est Léandra qui ne s'est pas intéressée à Mary, qui la prenait un peu pour une "envahisseuse" dans la discussion qu'elle avait avec Walter, à l'Atelier.  Qui a raison, qui a tort ? C'est curieux car je ne les trouve ni l'une ni l'autre froides. Des "querelles de filles", quoi (pourtant, ici, il n'y pas réellement d'enjeu). Mmmmh, ce paragraphe tourne un peu à la "Santa Barbara". Par après, énième discussion entre Léandra et Walter sur leur ancienne relation, blablabla. Walter parle avec beaucoup de verve, Léandra lui sort des réponses froides, coupées au couteau. 

Au retour en taxi, je me rends compte que j'ai trop bu. Je discute avec le taxi, mais je ne me souviens pas ce que je lui ai dit (pauvres taxis, ils doivent en voir de toutes les couleurs la nuit).