Une soirée avec Mary [#0.1]

Mon collègue Aurèle et moi sommes dans le bus qui nous reconduit, lui dans le Centre-ville, moi à la gare TGV. La nuit est tombée, le bus est désert. 

Aurèle est batteur dans un groupe de rock liégeois et prend part à un collectif qui organise des concerts dans la Cité ardente. La conversation tourne donc autour de groupes musicaux. Il me parle d'un concert auquel il a assisté dernièrement, à Bruxelles, au Cirque royal.

– Ha oui ? C'était quoi ?
– Pinback.
(Tilt !)
– Ha, bordel de merde ! J'ai oublié d'y aller !
– Comment ça ?
– Je suis allé sur le site Web du Botanique pour réserver ma place mais leur système de réservation est tellement mal fichu que j'ai abandonné sur le moment et me suis dit que j'y retournerais plus tard.
– Ha, c'est con.
– Ha merde... Pinback, Low et Bill Callahan dans une même soirée, ça ne se reproduira plus jamais !

En fait, la discussion ne s'est pas du tout passée comme ça, mais je m'en balance : maintenant que je me suis mis à inventer des histoires abracadabrantes, je ne peux plus m'arrêter...

Pour me consoler de ma non-présence à ce concert mythique, je me replonge dans les deux derniers albums de Pinback, Summer in Abaddon et Autumn of the Seraphs (et sa pochette luxuriante), que je n'ai plus écoutés depuis longtemps et qui contiennent quelques perles.


J'arrive à la gare des Guillemins. Flippo est à l'intérieur de la gare, Yama est sur les quais :
– Je suis allée voir ton blog aujourd'hui.
Haaa ?
– J'ai eu la confirmation que t'es vraiment un grand taré.
– Ha...
– Non, mais vraiment, je n'ai même pas été jusqu'au bout d'une seule histoire. Y a combien d'embranchements en tout ?
– Quatre au minimum, parfois cinq et il y a même une histoire qui en possède un sixième. En tout, ça fait 24 fins différentes.
– T'es vraiment un taré. Ça a dû te prendre un temps de dingue...
(Oh non, quelques heures tout au plus...)

Le train arrive en gare et je monte dedans, avec Yama et Flippo.

* * *

En soirée, je suis invité à manger chez Mary. Lorsque j'arrive, elle commence la préparation d'un risotto aux champignons, qui se révèlera délicieux. Mary me dit : "On mange et puis on se casse prendre un verre parce que j'ai des trucs à te raconter". Je suis l'ami à qui les filles se confient, youpie (ça rime) !

Deux des colocataires de Mary sont là. Ils mangent avec nous mais sont impatients de se mettre devant la télévision. Tout ça pour quoi ? Pour regarder un reportage "incendiaire" (enfin, c'est ce qu'ils disent) sur le prince Laurent. Il paraîtrait que ce dernier tape sur ses compagnes, roule vite en bagnole (une vraie découverte !), est infréquentable et un peu bête aussi, mais qu'il ne faut pas trop le dire... Un des colocataires de Mary sort un truc du genre : "J'espère qu'il va y avoir de la fight ce soir". Mon dieu, mon dieu...

Avant de nous rendre dans un café du quartier qui se nomme Le Bistro des Restos, Mary veut absolument regarder durant un petit quart d'heure ledit reportage et m'oblige à m'asseoir dans le canapé. Il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte que l'émission est (et sera) définitivement une daube infâme, tant sur la forme que sur le fond. Dans les premiers plans, on voit un Christophe Deborsu au bord du ridicule en train d'écrire un texte à l'ordinateur dans l'obscurité de son bureau, penché sur son clavier tel un reporter de film noir (manque plus que la cigarette). Il utilise une police de caractères immonde (mais passons) et pose des questions (virtuelles) au prince à la deuxième personne du pluriel. Je suppose que la scène se veut à la fois comique et sérieuse. Elle n'est hélas ni l'une ni l'autre. Après quelques minutes de reportage, le colocataire de Mary est déçu car ce qu'il voit n'est pas "croustillant". Que demande le peuple ? Pour ma part, je ne suis pas déçu car je n'attendais rien de cette émission racoleuse, que je n'aurais de toute manière jamais connue si je n'étais allé en ce lieu "télédistribué".

Le Bistro des Restos est un petit café étroit et sympa. Dans le sous-sol, devant les toilettes, trois tables et quelques chaises où les gens peuvent fumer... Les cafés détournent comme ils peuvent la loi anti-tabac...

Mary voulait me parler car elle est dans une relation "compliquée". Je ne vais pas détailler la relation en question dans ce journal. Néanmoins, durant toute la soirée, je me dis ceci : que Mary a d'énormes points communs avec Léandra... Mary aussi veut envoyer des messages à tout bout de champ à la personne qu'elle aime, elle aussi veut que ladite personne lui réponde tout de suite, elle aussi est fâchée ou triste si elle ne reçoit pas de messages ou si on "la nie". Mary demande beaucoup des gens qu'elle aime et Mary est donc souvent très déçue. C'est d'une logique implacable.

J'en viens à me dire que l'humanité est séparée en deux clans inconciliables : ceux qui sont en attente constante de preuves d'amitié ou d'amour et ceux qui n'en ont au contraire rien à cirer de tout ça. Je dis à Mary qu'elle doit voir sa situation de manière rationnelle, à savoir considérer les conséquences des actes qu'elle pose, même si cela va à l'encontre de ce qu'elle veut à l'instant présent. Cette soirée est à marquer d'une pierre blanche : j'ai tenu un discours conséquentialiste ! Vais-je m'en remettre ? Il va bien falloir... 

Je rentre chez moi vers 23h (j'habite à dix minutes du café, ce qui m'arrange pas mal). Je tiens un tant soit peu à jour mon blog en écrivant la journée monotone de mardi. Je m'endors presque sur mon clavier. Je corrigerai le texte demain. Aujourd'hui, je ne tiens plus debout (ni couché, d'ailleurs).

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